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30/06/2022 | FRANCE | N°21/05771

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 30 juin 2022, 21/05771


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/06/2022



N° de MINUTE : 22/254

N° RG 21/05771 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6QF



Ordonnance (N° 20/01036) rendue le 02 novembre 2021 par le juge de la mise en état de [Localité 9]



APPELANTE



SA CNA Insurance Company (Europe) venant aux droits de la société Cna Insurance Compagnie Limited

[Adresse 4]

[Localité 8]



Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au bar

reau de Douai et Me Claire-Marie Quettier, avocat au barreau de Paris substituée par Me Funda Saybak, avocat au barreau de Paris



INTIMÉS



Monsieur [X] [C]

né le 16 ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/06/2022

N° de MINUTE : 22/254

N° RG 21/05771 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6QF

Ordonnance (N° 20/01036) rendue le 02 novembre 2021 par le juge de la mise en état de [Localité 9]

APPELANTE

SA CNA Insurance Company (Europe) venant aux droits de la société Cna Insurance Compagnie Limited

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai et Me Claire-Marie Quettier, avocat au barreau de Paris substituée par Me Funda Saybak, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS

Monsieur [X] [C]

né le 16 février 1964 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [Z] [B] épouse [C] en son nom propre et agissant ès qualité d'ayant-droit de [V] [B], née le 11 décembre 1924 à [Localité 10] (62) et décédée le 26 février 2013 à [Localité 12] (59)

née le 25 juillet 1962 à [Localité 11]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Jacques-Eric Martinot, avocat au barreau de Lille et Me Dimitri Pincent, avocat au barreau de Paris substitué par Me Julia Lambertini, avocat au barreau de Paris

SARL BL Conseil Patrimoine prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 13 décembre 2021 par acte remis à étude.

SA MMA IARD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 7]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 13 décembre 2020 par acte remis à personne morale

DÉBATS à l'audience publique du 27 avril 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 avril 2022

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

La société Aristophil a commercialisé par l'intermédiaire d'un réseau de courtiers en assurance et de conseillers en gestion de patrimoine, constitué par les sociétés Art courtage et Script'invest, un placement financier consistant en l'acquisition de parts de collections de lettres et manuscrits anciens de valeur historique ou artistique.

Les sociétés Art courtage et Script'invest ont souscrit plusieurs partenariats afin de commercialiser le produit sur le territoire national, au rang desquels figurait la société BL conseil patrimoine. Celle-ci a proposé à [V] [B], ainsi qu'à la fille de cette dernière, Mme [Z] [B] épouse [C], et à M. [X] [C] de souscrire à ce placement.

M. [X] [C] a conclu un contrat de vente le 6 avril 2010 portant sur dix parts indivises de la collection « De la section d'or et à l'abstraction lyrique » pour un montant de 15 000 euros.

Son épouse, Mme [Z] [C], a pour sa part conclu deux contrats de vente le 6 avril 2011 et le 30 septembre 2013 portant respectivement sur dix parts indivises de la collection « De la section d'or et à l'abstraction lyrique » pour un montant de 15 000 euros, et sur cinq parts indivises de la collection « Duologie des grandes académies et 'uvres manuscrites » pour un montant de 75 000 euros.

Enfin, [V] [B] a conclu un contrat de vente le 29 juillet 2011 portant sur huit parts indivises de la collection « Espace et grandeur du génie littéraire II » pour un montant de 40 000 euros. A son décès, ce contrat a été transféré à sa fille, Mme [Z] [C].

Au printemps 2014, la société Aristophil a fait l'objet d'une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il s'est ensuivi l'ouverture d'une information pénale le 5 mars 2015, laquelle a conduit à la mise en examen de M. [F] [O], président de la société Aristophil, des chefs d'escroqueries en bande organisée et d'autres délits à caractère financier.

La société Aristophil a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 16 février 2015, puis en liquidation judiciaire le 5 août suivant.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 23 décembre 2019, M. et Mme [C] ont mis en demeure la société BL conseil patrimoine de leur présenter une offre indemnitaire, lui reprochant notamment d'avoir manqué à ses obligations d'information, de conseil, de vigilance et de loyauté lors de la présentation des investissements Aristophil.

Par actes du 11 et 13 février 2020, M. [X] [C] et Mme [Z] [C], agissant en nom personnel et en qualité d'ayant droit de [V] [B], ont fait assigner les sociétés BL conseil patrimoine, MMA Iard et CNA insurance company Europe (CNA) devant le tribunal judiciaire de Béthune pour obtenir réparation des préjudices subis à la suite des manquements professionnels de la société BL conseil patrimoine.

La société CNA insurance company Europe s'est opposée par voie d'incident à cette demande en invoquant la prescription de l'action.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béthune a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société CNA insurance company Europe ;

- déclaré recevable l'action de M. [X] [C] et de Mme [Z] [C], agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de [V]

[B] ;

- condamné la société CNA insurance company Europe à payer à Mme [Z] [C] et à M. [X] [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société CNA insurance company Europe aux dépens de l'incident ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état pour conclusions au fond du conseil de la société CNA insurance company Europe.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 15 novembre 2021, la société CNA insurance company Europe a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l'ordonnance d'incident rendue le 2 novembre 2021.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées le 21 février 2022, la société CNA insurance company Europe demande à la cour, au visa des articles 122, 789 du code de procédure civile, 1315 et 2224 du code civil, de :

- la déclarer bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'action initiée par M. et Mme [C] ;

- débouter M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre ;

en tout état de cause,

- condamner M. et Mme [C] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société CNA insurance company Europe fait valoir

que :

- M. et Mme [C] sollicitent réparation de leur préjudice né de la perte de chance de ne pas avoir contracté l'investissement litigieux et d'avoir pu investir dans un autre produit d'épargne s'ils avaient été mieux informés et conseillés par la société BL conseil patrimoine ;

- le point de départ du délai quinquennal de prescription prévu à l'article 2224 du code civil court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

- en cas d'action fondée sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil, le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste au jour de la conclusion du contrat qui est à l'origine de l'action en responsabilité ;

- c'est par exception au principe susvisé que le point de départ du délai de prescription peut être repoussé lorsque la victime rapporte la preuve qu'elle ne pouvait avoir connaissance du dommage au jour de sa réalisation ;

- les prétendus manquements invoqués par M. et Mme [C], visibles par nature dès lors qu'ils consistaient en un défaut de remise d'information ou de supports d'information, étaient décelables au jour même de la conclusion du contrat ;

- les contrats régularisés par les consorts [C] prévoyaient le dépôt, la garde et la conservation par la société Aristophil des 'uvres d'art acquises pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction jusqu'à cinq années, puis une promesse unilatérale de vendre selon laquelle les investisseurs promettaient unilatéralement de vendre la collection investie à la société Aristophil à un prix majoré par année de garde de 8 à 8,5% selon l'investissement, la société Aristophil se réservant le droit de lever ou non l'option consentie ;

- rien ne vient démontrer que M. et Mme [C] n'étaient pas en mesure de comprendre la portée de leurs engagements, et l'absence de garantie à terme de rachat de leurs parts indivises par la société Aristophil ;

- afin de déterminer le point de départ de la prescription, les investisseurs ne pouvaient légitimement ignorer à la date de conclusion du contrat les faits fondant leur action, à savoir l'absence de garantie de rachat de leur investissement par la société Aristophil, et le risque y afférent ;

- la question de la perte de valeur des biens acquis constitue une circonstance indifférente dans le cadre du débat sur la prescription, dès lors que cette perte de valeur n'a aucun impact sur la perte de chance de ne pas souscrire l'investissement, visible pour sa part dès la régularisation du contrat  ;

- à supposer que les biens acquis par M. et Mme [C] étaient surévalués à la date des investissements, la société BL conseil patrimoine ne pouvait être tenue pour responsable d'une telle surévaluation confinant à la tromperie, alors que les 'uvres avaient été expertisées par des experts indépendants, qu'une assurance spéciale couvrait la valeur de leur prix d'acquisition, et qu'aucune information négative n'entachait alors la réputation de la société Aristophil ;

- à titre subsidiaire, elle considère que M. et Mme [C] ont nécessairement eu connaissance des faits leur permettant d'engager contre elle l'action en responsabilité dès le mois d'octobre 2014, date à laquelle la presse écrite nationale a rendu publique l'ouverture d'une enquête préliminaire contre la société Aristophil pour pratiques commerciales trompeuses et escroqueries en bande organisée ;

- M. et Mme [C] soutiennent à tort que le délai de prescription de leur action a été interrompu le 9 décembre 2015 à la date du dépôt de leur plainte avec constitution de partie civile dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de la société Aristophil ;

- en effet, il ressort de l'article 2241 du code civil que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre à une action à l'autre dès lors que ces actions autonomes visent des parties et un objet distincts ;

- l'action engagée par M. et Mme [C] est donc irrecevable comme prescrite en application de l'article 2224 du code civil.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 15 mars 2022, M. [X] [C] et Mme [Z] [C], agissant en personne et en qualité d'ayant droit de [V] [B], intimés, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société CNA insurance company Europe à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- la condamner aux entiers dépens ;

- en tout état de cause, débouter la société CNA insurance company Europe de l'ensemble de ses demandes.

A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [C] font valoir que :

- compte tenu de la complexité du montage contractuel et du discours commercial trompeur de la société BL conseil patrimoine, le point de départ de la prescription ne peut être fixé à la date des souscriptions litigieuses, dès lors qu'ils ne pouvaient comprendre que la société Aristophil ne prenait pas l'engagement de leur racheter à terme les biens vendus, qu'ils ne pouvaient réellement prendre conscience de leur dommage qu'à l'issue de la durée d'investissement de cinq années que leur intermédiaire leur avait présentée comme intangible, et enfin qu'il leur était apparu qu'ils étaient devenus propriétaires d''uvres invendables, car largement surévaluées, et incapables de progresser en valeur sur le marché de 8% par an ;

- seule la découverte de la déconfiture de la société Aristophil survenue le 16 février 2015 apparaît de nature à leur faire prendre conscience des défaillances de l'investissement et des informations et conseils délivrés par la société BL conseil patrimoine, et constituant le révélateur d'une situation de possible pyramide de Ponzi ;

- en application avec l'article 2224 du code civil, la prescription de l'action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, et non à compter du manquement du professionnel à ses obligations ;

- à la date de leurs souscriptions respectives, ils n'étaient pas en mesure d'appréhender le défaut d'information et de conseil portant sur le mécanisme juridique complexe du placement litigieux et l'absence à terme de garantie de rachat des parts par la société Aristophil ;

- à la date des souscriptions litigieuses, le conseiller en gestion de patrimoine ne démontre pas leur avoir délivré une expertise ni une information prudente et éclairée sur les offres d'investissement censées correspondre à leur profil et leurs attentes ;

- l'acquisition d''uvres surévaluées, et pour certaines d'entre elles incessibles, constitue l'une des composantes de leur dommage qui n'était pas décelable lors des souscriptions litigieuses, la société BL conseil patrimoine ayant défendu les valeurs alléguées des collections sans aucune vérification de leur méthode d'évaluation ;

- ils avaient compris que le seul risque était inhérent à la dévaluation éventuelle des 'uvres soumises aux aléas du marché, puisque la société BL conseil et patrimoine leur avait remis une liste des garanties Aristophil, au rang desquelles la valeur d'acquisition des lettres et manuscrits était couverte par une assurance spéciale Lloyd's ;

- la société BL conseil et patrimoine s'est abstenue de vérifier préalablement, outre la composition exacte des collections, la corrélation entre la valeur alléguée des 'uvres et la valeur réelle des biens vendus ;

- elle s'est également abstenue de leur fournir une information claire et circonstanciée sur le mécanisme complexe de l'opération et de relayer l'ensemble des signaux d'alerte contemporains aux souscriptions litigieuses ;

- ils contestent avoir eu connaissance effective à l'automne 2014 des messages facebook et articles de presse qui relayaient l'information portant sur l'ouverture d'une enquête préliminaire pour pratiques commerciales trompeuses et escroqueries en bande organisée à l'encontre des dirigeants de la société Aristophil ;

- ils contestent avoir reçu la lettre-type du 4 décembre 2014 sans indication nominative des destinataires, intitulée « lettre à tous nos clients et conseillers », par laquelle la société Aristophil faisait état de la procédure pénale diligentée à son encontre, et cherchait à rassurer ses clients sur la pérennité de leur investissement.

Les sociétés BL conseil patrimoine et MMA Iard n'ont pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En cas d'action en responsabilité à l'encontre d'un professionnel au titre de son devoir de conseil et d'information, le point de départ de la prescription quinquennale court, en application de l'article 2224 susvisé, à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. En effet, même si le fait consistant en un défaut d'information lors de la conclusion de contrats de vente de parts indivises de collections de lettres et manuscrits est matériellement connu de la victime à la date à laquelle est invoquée une abstention fautive du conseiller en gestion de patrimoine, il n'est toutefois pas à cette date consacré en son principe comme dommageable dans des conditions permettant aux titulaires des droits lésés par ce fait d'exercer leur action indemnitaire.

Au moment de la souscription en 2011 et 2013 des contrats de vente, adossés à des contrats de garde, de conservation et de dépôt des collections de lettres et manuscrits, consentis à titre gratuit à la société Aristophil, aucun élément ne pouvait faire craindre aux consorts [C] une surévaluation des parts indivises qu'ils acquéraient, alors que la société BL conseil patrimoine leur présentait l'investissement comme faiblement à risque, et leur remettait afin de les rassurer sur la sécurité de l'opération la liste des « garanties Aristophil », au rang desquelles figuraient notamment :

- une garantie responsabilité civile professionnelle n°SN2078,

- une garantie civile professionnelle de l'ensemble des mandataires habilités à conseiller les produits,

- une garantie d'expertise et d'authentification de l'ensemble des valeurs en convention réalisée par des experts indépendants agréés par les cours et tribunaux,

- une garantie de la valeur du prix d'acquisition des lettres et manuscrits couverte par une assurance spéciale Lloyd's.

Des pièces extraites de la procédure pénale et de l'argumentaire de vente remis aux conseillers, il ressort que les produits Aristophil ont été commercialisés avec l'assurance verbale donnée aux clients d'un rachat systématique de leurs parts par la société Aristophil avec la plus-value promise, l'attractivité du produit résidant notamment dans la perspective de ce rachat assorti d'une conséquente plus-value. La seule circonstance que le contrat ne prévoyait à terme qu'une option de rachat par la société Aristophil ne suffit pas à caractériser la connaissance du risque par les souscripteurs. En effet, à défaut de rachat par la société Aristophil, les investisseurs pouvaient revendre leurs droits à des tiers au prorata des valeurs annoncées ; au jour de la signature de leurs contrats, les consorts [C] ne pouvaient pas soupçonner que les collections proposées étaient manifestement surévaluées, comme l'ont par la suite révélé l'enquête préliminaire, la procédure collective de la société Aristophil, puis l'instruction judiciaire.

A la date de souscription des contrats litigieux, les consorts [C] ne pouvaient avoir connaissance de l'existence même et de l'étendue de leur préjudice qui couvre

notamment :

- le fait d'avoir acquis la propriété de parts indivises de collections composées d''uvres manifestement surévaluées, sinon incessibles pour certaines d'entre elles, sans que la société BL conseil patrimoine n'eût procédé à la moindre vérification des caractéristiques essentielles des produits qu'elle commercialisait, notamment s'agissant de leur prix de vente, de leur méthode d'évaluation, de la composition exacte des collections, et du risque d'y retrouver des archives publiques incessibles ;

- le fait d'avoir investi dans un placement inadapté à leurs attentes, à défaut d'avoir été suffisamment avisés de l'absence à terme de garantie de rachat de leurs part indivises par la société Aristophil.

Ce n'est qu'à partir du 27 février 2015, date à laquelle le mandataire judiciaire les a invités par courrier à procéder à une déclaration de leur créance au passif de la société Aristophil placée en redressement judiciaire, que M. et Mme [C] ont eu connaissance de leur préjudice et de son ampleur, et se sont trouvés pleinement en mesure d'exercer leur action en réparation à l'égard du conseiller en gestion de patrimoine.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, il convient de retenir cette date comme point de départ de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle diligentée par les consorts [C] pour manquement du conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d'information et de conseil.

L'action des investisseurs à l'encontre de l'assureur n'était donc pas prescrite le 11 et 13 février 2020 à la date de délivrance des assignations au fond.

L'ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société CNA insurance company Europe, tirée de la prescription de l'action engagée par M. [C] et Mme [C], en personne et ès qualités.

La société CNA qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité conduit à condamner en cause d'appel la société CNA à payer à M. [C] et à Mme [C], agissant en personne et ès qualités, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 2 novembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béthune ;

Y ajoutant,

Condamne la société CNA insurance company Europe aux entiers dépens d'appel ;

Condamne la société CNA insurance company Europe à payer à M. [X] [C] et à Mme [Z] [B] épouse [C], agissant en personne et en qualité d'ayant droit de [V] [B], la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

H. PoyteauG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05771
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.05771 ?
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