La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21/05387

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 30 juin 2022, 21/05387


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 30/06/2022





N° de MINUTE : 22/640

N° RG 21/05387 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5EI

Jugement (N° 21/00074) rendu le 04 octobre 2021 par le juge de l'exécution de Lille





APPELANTE



Sa Eurotritisation es qualité de représentant du Fonds Commun de Titrisation Credinvest, Compartiment Credinvest 1 (venant aux droits de la société Cofinoga) société anonyme au capital de 684 000 euros i

nscrite au rcs de Bobigny sous le numéro b352458368, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Gu...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 30/06/2022

N° de MINUTE : 22/640

N° RG 21/05387 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5EI

Jugement (N° 21/00074) rendu le 04 octobre 2021 par le juge de l'exécution de Lille

APPELANTE

Sa Eurotritisation es qualité de représentant du Fonds Commun de Titrisation Credinvest, Compartiment Credinvest 1 (venant aux droits de la société Cofinoga) société anonyme au capital de 684 000 euros inscrite au rcs de Bobigny sous le numéro b352458368, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille et Me Cédric Klein, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS

Monsieur [P] [I]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7] - de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 9]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/011761 du 17/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Madame [M] [I]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 10] - de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/011763 du 17/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Représentés par Me Sandrine Cazier, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 02 juin 2022 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 24 mai 2022

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance du 10 mai 2005, le juge d'instance de Roubaix a enjoint à M. [P] [I] et à Mme [M] [I] de payer à la société Cofinoga la somme principale de 5 548,93 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance, au titre d'un 'crédit impayé'.

Cette ordonnance a été signifiée aux époux [I] le 19 mai 2005 puis revêtue de la formule exécutoire le 20 juin 2005.

Par acte en date du 28 juin 2010, la société Laser Cofinoga, anciennement dénommée Cofinoga, a cédé au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par sa société de gestion, la société Eurotitrisation un portefeuille de créances.

Par acte en date du 30 janvier 2018, le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation a fait signifier à Mme [M] [I] l'ordonnance du 10 mai 2005 revêtue de la formule exécutoire le 20 juin 2005, ainsi, en vertu de l'ordonnance ainsi signifiée, qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 7 616,49 euros.

Par acte en date du 15 mars 2018, le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, a fait signifier à M. [P] [I] l'ordonnance du 10 mai 2005 revêtue de la formule exécutoire le 20 juin 2005, ainsi, en vertu de l'ordonnance ainsi signifiée, qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur la somme de 7 759,40 euros.

Par acte en date du 26 janvier 2021, le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, agissant en vertu de l'ordonnance précitée, a fait signifier à Mme [M] [I] un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur la somme de 8 948,93 euros.

Par acte en date du 19 février 2021, les époux [I] ont fait assigner le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille aux fins de contester les commandements de payer aux fins de saisie-vente en date des 30 janvier 2018, 15 mars 2018 et 26 janvier 2021.

Par jugement du 4 octobre 2021, le juge de l'exécution a :

- constaté le défaut de qualité à agir du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga ;

- prononcé la nullité des commandements de payer aux fins de saisie-vente délivré à M. [P] [I] et à Mme [M] [I] les 30 janvier et 15 mars 2018, ainsi que la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à Mme [M] [I] le 26 janvier 2021 par le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga ;

- condamné le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga à payer aux époux [I] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société Eurotitrisation, venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga, aux dépens.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 19 octobre 2021, la société Eurotitrisation, ès qualités de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, a relevé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 décembre 2021, elle demande à la cour, sur le fondement des articles L. 111-3 et suivants, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, d'infirmer le jugement déféré dans les termes de son acte d'appel et en conséquence de :

- déclarer la contestation des époux [I] infondée ;

- déclarer que le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, qu'elle représente vient aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga ;

- valider les commandements aux fins de saisie-vente délivrés les 30 janvier et 15 mars 2018, ainsi que le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 26 janvier 2021 ;

- débouter Mme [M] [I] et M. [P] [I] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner in solidum Mme [M] [I] et M. [P] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [M] et M. [P] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés par son avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 9 décembre 2021, les époux [I] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 111-4 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, L. 313-3 du code monétaire et financier, 1345-3 du code civil de:

- confirmer la décision déférée en tous points ;

A défaut,

- dire et juger que les intérêts subissent la prescription biennale et non la prescription quinquennale ;

- dire et juger que les intérêts seront réduits au taux légal non majoré au regard de leur bonne foi et de leur situation financière ;

A titre subsidiaire,

- reporter le paiement de leur dette à deux années et à défaut leur permettre de s'en libérer à hauteur de 80 euros par mois.

MOTIFS

Sur la qualité à agir du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 :

Le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 fait valoir que la seule obligation incombant au créancier consiste à démontrer que la créance dont il poursuit le recouvrement est identique à celle que les débiteurs ont souscrite auprès du créancier initial et qu'en l'espèce, il produit un extrait de l'annexe de l'acte de cession qui mentionne les nom, prénom et date de naissance de l'un des débiteurs cédés, M. [P] [I] né le [Date naissance 1] 1962 ainsi que le numéro de l'obligation initiale figurant sur le titre exécutoire : 89637534705. Il souligne que tous les débiteurs concernés par la créance le sont par le transfert de celle-ci, quand bien même l'annexe ne mentionne qu'un seul des débiteurs cédés, que le numéro de créance figurant sur le titre exécutoire lui-même, il n'y avait pas de pièces supplémentaires à produire et qu'au surplus la production du titre exécutoire en original atteste de la qualité de cessionnaire puisque seul ce dernier est titulaire de la grosse. Sur l'opposabilité de la cession, il soutient que les articles 1324 nouveau et 1690 ancien du code civil sont inapplicables en matière de cession de créances au profit d'un fonds commun de titrisation qui relève de l'article L. 214-169 (anciennement L. 214-43 du code monétaire et financier) de sorte que la cession de créance n'avait pas à être signifiée aux débiteurs cédés.

Les époux [I] reprennent la motivation du premier juge et ajoutent que la cession aurait dû leur être signifiée dans les formes de l'article 1690 du code civil.

Selon l'article L. 221-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

La cession de créances du 28 juin 2010 est intervenue dans le cadre d'une opération de titrisation.

Selon l'article L. 214-43 du code monétaire et financier dans sa version applicable en l'espèce, l'acquisition ou la cession des créances s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ou par tout autre mode de cession de droit français ou étranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires, et son opposabilité aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité.

Aux termes de l'article D. 214-102, 4° du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, le bordereau prévu au huitième alinéa de l'article L. 214-43 comporte notamment la désignation et l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'effectuer cette désignation ou cette individualisation, par exemple par l'indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d'actes dont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance.

En l'espèce, il est versé aux débats le bordereau de cession de créances remis par la société Laser Cofinoga au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 le 28 juin 2010 ainsi qu'un extrait de l'annexe contenant la liste des créances cédées sur lequel figure la ligne suivante :

'Premier lot de créances - Cofinoga - 89637534705 - [I] - [P] - [Date naissance 1]/1962'.

Le premier juge, pour décider que le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 n'avait pas qualité à agir et prononcer la nullité des commandements aux fins de saisie-vente des 30 janvier et 15 mars 2018 et du 26 janvier 2021, a considéré que:

'Dans l'ensemble des documents produits par la société de gestion Eurotitrisation, aucun numéro ne permet de rattacher cette créance à l'ordonnance portant injonction de payer en date du 10 mai 2005, condamnant [P] [I] et [M] [I] à payer à la société Cofinoga la somme de 5 548,93 euros en principal avec intérêts de retard au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer. La société de gestion ne communique en outre aucun élément sur le contrat qui aurait pu permettre l'identification de la créance cédée. Tant la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire en date du 30 janvier 2018 et du 15 mars 2018, que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021, délivré à [M] [I], ne reprennent une quelconque référence permettant de rattacher le titre exécutoire produit à la cession de créance.

Les éléments communiqués par le défendeur ne permettent donc pas de justifier de la cession de la créance en cause au Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga.

Il convient donc de constater que le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, représenté par la société de gestion Eurotitrisation , venant aux droits de la société Laser Cofinoga exerçant sous l'enseigne Cofinoga, ne justifie pas d'un titre exécutoire lui permettant de délivrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente à [P] [I] et [M] [I] à ce titre.'

Or, la référence '89637534705' mentionnée sur l'extrait de l'annexe à l'acte de cession de créances est celle qui figure sur la requête en injonction de payer qui précède immédiatement et sur la même page l'ordonnance d'injonction de payer.

Ainsi, la créance correspondant à l'ordonnance d'injonction de payer du 10 mai 2005 qui rend tant Mme [M] [I] que M. [P] [I] débiteurs de la société Laser Cofinoga est donc bien identifiée sur l'extrait de l'acte de cession qui mentionne en outre les nom prénom et date de naissance de l'époux, et ce sans qu'il puisse être reproché au fonds appelant de ne pas produire d'autres documents et en particulier le contrat de crédit ayant donné lieu à la condamnation.

La preuve de la cession de la créance de la société Laser Cofinoga à l'égard des époux [I] au fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 est donc rapportée.

S'agissant de l'opposabilité de cette cession aux époux [I], en cas de cession de créance au profit d'un fonds commun de créances, en application de l'article L. 214-43 du code monétaire et financier précité , aucune notification de la cession au débiteur n'est requise, l'opposabilité de la cession aux tiers s'effectuant par la seule remise du bordereau.

En l'espèce, ainsi que mentionné plus haut, le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Crédinvest 1 verse aux débats le bordereau de cession de créances qui lui a été remis par la société Laser Cofinoga le 28 juin 2010, ce qui suffit à rendre la cession de créances opposable aux époux [I].

En définitive, il convient d'infirmer le jugement déféré, de retenir la qualité à agir du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation à l'égard des époux [I] et de rejeter la demande de ces derniers tendant à l'annulation des commandements de payer aux fins de saisie-vente des 30 janvier 2018, 15 mars 2018 et 26 janvier 2021.

Sur le montant de la créance, cause de la saisie :

Le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à Mme [I] le 30 janvier 2018 mentionne outre les frais et émoluments, un principal de 5 548,93 euros, des intérêts au taux légal du 19 mai 2005 au 20 août 2005 puis au taux légal majoré du 21 août 2005 au 4 janvier 2018 pour une somme de 1 774,57 euros, déduction faite d'intérêts prescrits à hauteur de 2 703,57 euros.

Le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à M. [I] le 15 mars 2018 mentionne outre les frais et émoluments, un principal de 5 548,93 euros, des intérêts au taux légal du 19 mai 2005 au 20 août 2005 puis au taux légal majoré du 21 août 2005 au 7 mars 2018 pour une somme de 1 830,08 euros, déduction faite d'intérêts prescrits à hauteur de 2 703,57 euros.

Le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à Mme [I] le 26 janvier 2021 mentionne outre les frais et émoluments, un principal de 5 548,93 euros, des intérêts au taux légal du 19 mai 2005 au 20 août 2005 puis au taux légal majoré du 21 août 2005 au 25 janvier 2021 pour une somme de 2 770,76 euros, déduction faite d'intérêts prescrits à hauteur de 2 703,57 euros.

Le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Crédinvest 1 fait valoir que les intérêts contenus dans un titre exécutoire se prescrivent par cinq ans et non par deux ans. Il précise que, même s'il fallait appliquer la prescription biennale, les intérêts seraient alors limités sur deux années à la somme de 1 108,30 euros, sans qu'il y ait lieu de supprimer la majoration de cinq points qui sanctionne l'inexécution par les débiteurs de leur obligation, peu important la prétendue bonne foi de ces derniers qui n'ont d'ailleurs procédé à aucun versement depuis l'émission du titre exécutoire.

Les époux [I] font valoir que les commandements mentionnent un point de départ des intérêts au 19 mai 2005 alors que l'ordonnance d'injonction de payer faisait courir les intérêts à compter de la signification de cette décision qui est intervenue les 30 janvier 2018 pour Mme [I] et 15 mars 2018 pour M. [I]. Ils soulignent que les intérêts non échus à la date du jugement ne se prescrivent pas selon les règles de prescription applicables au titre mais selon celles applicables à la nature de la créance et qu'en l'espèce, la créance étant née des suites d'un crédit à la consommation, la prescription des intérêts est de deux ans en application de l'article L. 137-2 devenu L.218-2 du code de la consommation. Ils en concluent qu'il y a lieu de fixer le décompte des intérêts 'à compter du 30 janvier 2018 pour Mme [I] et à compter du 15 mars 2018 pour M. [I]'.

Si antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, la prescription des intérêts était en vertu de l'article 2277 du code civil de cinq ans, en application de l'article L. 137-2 créé par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, devenu L.218-2 du code de la consommation, les créances périodiques nées d'une créance en principal fixée par un titre exécutoire, en raison de la fourniture d'un bien ou d'un service par un professionnel à un consommateur, sont soumises au délai de prescription biennale.

En l'espèce, si l'ordonnance d'injonction de payer du 10 mai 2005 a effectivement fixé le point de départ des intérêts à la date de sa signification, la décision a été signifiée aux époux [I] le 19 mai 2005 de sorte que c'est à juste titre que les décomptes contenus dans les commandements litigieux mentionnent cette date comme point de départ des intérêts.

Ceci étant précisé, et alors qu'il est constant par ailleurs que le crédit consenti par la société Cofinoga relevait des dispositions du code de la consommation, la prescription quinquennale des intérêts en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 est devenu biennale à compter du 19 juin 2008 de sorte que les intérêts échus depuis plus de deux ans, sans qu'un acte interruptif soit intervenu, sont prescrits.

En l'espèce, le commandement aux fins de saisie-vente du 30 janvier 2018 délivré à Mme [I], qui, sans être un acte d'exécution forcée, a engagé la mesure d'exécution forcée, a interrompu la prescription biennale des intérêts, à nouveau interrompue dans le délai de deux ans par le commandement du 15 mars 2018 délivré à Monsieur [I] de sorte qu'étaient dus les intérêts échus à compter du 30 janvier 2016, les intérêts échus antérieurement se heurtant à la prescription.

Le commandement aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 délivré à Mme [I] a interrompu la prescription biennale des intérêts, de sorte qu'étaient dus les intérêts échus à compter du 26 janvier 2019, ceux échus antérieurement à cette date se heurtant à la prescription

L'article L. 313-3 du code monétaire et financier dispose que :

'En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. (...).

Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.'

En l'espèce, la situation des époux [I] qui perçoivent tous deux le revenu de solidarité active justifie de les exonérer de la majoration de l'intérêt légal pour les intérêts non prescrits.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments :

- le commandement de payer du 30 janvier 2018 doit être validé pour une somme de

5 941,90 euros soit 5 548,93 euros au titre du principal, 99,98 euros au titre des intérêts échus non prescrits du 30 janvier 2016 au 4 janvier 2018 et le solde soit 292,99 euros au titre des frais et émoluments proportionnels mentionnés à l'acte ;

- le commandement de payer du 15 mars 2018 doit être validé pour une somme de

6 037,69 euros soit 5 548,93 euros au titre du principal, 108,37 euros au titre des intérêts échus non prescrits du 30 janvier 2016 au 7 mars 2018 et le solde soit 380,39 euros au titre des frais et émoluments proportionnels mentionnés à l'acte ;

- le commandement de payer du 26 janvier 2021 doit être validé pour une somme de

6 273,48 euros soit 5 548,93 euros au titre du principal, 95,31 euros au titre des intérêts échus non prescrits du 26 janvier 2019 au 25 janvier 2021 et le solde soit 629,24 euros au titre des frais et émoluments proportionnels mentionnés à l'acte.

Sur la demande de délais de paiement des époux [I] :

En application des articles 510 du code de procédure civile et R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a compétence pour accorder, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, un délai de grâce.

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Eu égard aux revenus de chaque époux qui, vivant séparément, l'épouse à [Localité 5] (59) et l'époux à [Localité 9] (13), perçoivent chacun le revenu de solidarité active et en l'absence de démonstration d'une possible évolution de leur situation dans les deux ans à venir, il n'y a pas lieu d'accueillir leur demande tendant à voir reporter le paiement de leur dette. De même, un rééchelonnement de la dette sur deux années, avec des versements mensuels de 80 euros, tels que proposés par les époux [I] n'apparaît pas réaliste, rien ne permettant de supposer que ces derniers seraient, à l'issue du délai octroyé, en mesure de régler le solde de la dette pour un montant supérieur à 4 000 euros.

Il convient dès lors de débouter les époux [I] de leur demande de report ou de délais de paiement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens de la présente décision conduit à infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens à l'article 700 du code de procédure civile et à condamner in solidum les époux [I] aux dépens tant de première instance que d'appel.

Il convient de débouter les époux [I] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance.

La situation économique des époux [I] conduit à laisser à la charge du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 les frais non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'exposer devant la cour.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare le fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 représenté par la société Eurotitrisation recevable à agir à l'encontre de M. [P] [I] et Mme [M] [I] en vertu de l'acte de cession de créances du 28 juin 2010 ;

Déboute M. [P] [I] et Mme [M] [I] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des commandements de payer aux fins de saisie-vente des 30 janvier 2018, 15 mars 2018 et 26 janvier 2021 ;

Exonère M. [P] [I] et Mme [M] [I] de la majoration du taux de l'intérêt légal ;

Cantonne le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à Mme [M] [I] le 30 janvier 2018 à la somme de 5 941,90 euros ;

Cantonne le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à M. [P] [I] le 15 mars 2018 à la somme de 6 037,69 euros ;

Cantonne le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à Mme [M] [I] le 26 janvier 2021 à la somme de 6 273,48 euros ;

Déboute M. [P] [I] et Mme [M] [I] de leur demande de report ou de délais de paiement ;

Déboute M. [P] [I] et Mme [M] [I] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;

Déboute la société Eurotitrisation ès qualités de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1 de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;

Condamne in solidum M. [P] [I] et Mme [M] [I] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux d'appel par Maître Guillaume Ghestem, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

I. CapiezS. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 3
Numéro d'arrêt : 21/05387
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.05387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award