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30/06/2022 | FRANCE | N°21/01497

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 30 juin 2022, 21/01497


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/06/2022



N° de MINUTE : 22/258

N° RG 21/01497 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQHW



Jugement (N° 19/01359) rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai





APPELANTES



SCI BAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]



SAS Clays Shooting Sains les Marquions

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentées par Me Bernard Franchi, avoca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/06/2022

N° de MINUTE : 22/258

N° RG 21/01497 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQHW

Jugement (N° 19/01359) rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai

APPELANTES

SCI BAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]

SAS Clays Shooting Sains les Marquions agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentées par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai substitué par Me Camus, avocat au barreau de Douai

INTIMÉ

Monsieur [P] [M]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Véronique Ducloy, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 07 avril 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 avril 2022

Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

La SAS Clays Shooting Sains Les Marquion (SAS Clays Shooting), spécialisée dans les activités récréatives et de loisirs, et la SCI Bal, société ayant pour activité la location de bien immobilier, ont conclu un bail commercial aux termes duquel un terrain et des infrastructures étaient mis à disposition de la SAS Clays Shooting afin qu'elle puisse y exploiter son fonds de commerce de Ball-trap, armurerie et restauration.

Ces deux sociétés font partie de la Holding LBD. M. [E] [U] est le président de la SAS Clays Shooting et le gérant de la SCI Bal.

Courant 2018, M. [U] a fait appel à M. [P] [M], lequel exerce la profession d'architecte, pour la construction d'un ensemble immobilier faisant l'objet du bail commercial conclu entre la SAS Clays Shooting et la SCI Bal.

M. [M] a établi des plans de projet architectural, en vue de l'obtention d'un permis de construire. L'arrêté de permis de construire ayant été délivré, M [M] a été réglé de ses honoraires.

Se plaignant du retard dans l'exécution des travaux qu'elles reprochaient à M. [M], la SCI Bal et la SAS Clays Shooting ont assigné M. [M] devant le tribunal judiciaire de Cambrai par acte du 18 juin 2019 pour obtenir la réparation des préjudices qu'elles avaient subis, la SCI Bal sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun et la SAS Clays Shooting sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Cambrai a :

- débouté la SCI Bal et la SAS Clays Shooting de toutes leurs demandes respectives ;

- condamné la SCI Bal à payer à M. [P] [M] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la SCI Bal et la SAS Clays Shooting aux dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Véronique Ducloy.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 11 mars 2021, la SCI Bal et la SAS Clays Shooting ont interjeté appel du jugement querellé en toutes ses dispositions dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas critiquées.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 février 2022, la SCI Bal et la SAS Clays Shooting, appelantes, sollicitent l'infirmation du jugement querellé. Elles demandent à la cour au visa des articles 11 du code de déontologie des architectes, 1231-1, 1240 et 1241 du code civil de :

- dire et juger que M. [M], ès-qualités, a engagé sa responsabilité délictuelle et contractuelle envers elles ;

En conséquence,

- le condamner à payer à la SCI Bal la somme de 44 000 euros HT au titre de la perte de loyers sur la période du 1er juillet 2019 au 1er novembre 2019 ;

- ordonner la prise en charge par M. [M] des factures de dépassement des TNS et le condamner ainsi au paiement des sommes suivantes :

- 3 526,80 euros pour la société Dc Isolation ;

- 5 763,07 euros pour M. [I] [Y] ;

- 10 000 euros au titre du préjudice moral ;

- le condamner au paiement de la somme de 490 468,20 euros au titre de la réparation du préjudice de la SAS Clays résultant de la perte d'exploitation sur la période du 1er juillet 2019 au 1er novembre 2019 ;

- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;

- le condamner à leur payer la somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens avec, au profit de la SCP Processuel qui le demande, droit de recouvrer directement sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

A l'appui de leurs demandes, elles font valoir que :

- l'existence d'un contrat d'architecture entre les parties est caractérisé par :

* le fait M. [M] a établit les plans du projet,

* les factures que les différents mandataires lui ont adressées,

- M. [M] a commis deux fautes qui engagent sa responsabilité contractuelle envers la société Bal :

* d'une part, il n'a pas établi de convention d'architecture conformément à l'article 11 du code de déontologie des architectes, qui impose la rédaction d'un écrit fixant la nature et l'étendue des mission de l'architecte ou de ses interventions, et les modalités de sa rémunération ;

* d'autre part, il a explicitement stoppé toute diligence de manière abusive et sans avoir procédé à la livraison du chantier, cette faute a entrainé un préjudice pour la société Bal, qui n'a pas pu louer le bien objet du bail régularisé avec la société Clays Shooting, et qui a dû régler les factures des sociétés qui sont intervenues pour pallier les carences de M. [M] ;

- la société Bal a subi plusieurs préjudices :

* l'abandon de chantier par M. [M] a entrainé un préjudice locatif résultant de l'absence d'exploitation possible, qu'elle évalue à la somme de 44 000 euros HT au titre de la perte de chance de louer à la société Clays Shooting le bien objet du bail du 1er juillet 2019 au 1er novembre 2019 ;

* le paiement direct des factures restant à percevoir par les prestataires Dc Isolation pour un montant de 3 526,80 euros mais aussi la facture de M. [Y] à hauteur de 5 763,07 euros ;

* un préjudice moral de 10 000 euros ;

- M. [M] a engagé sa responsabilité délictuelle envers la société Clays :

* elle a subi un préjudice par ricochet, puisque du fait des manquements de M. [M] envers la société B.A.L, elle n'a pu avoir à disposition le terrain et les murs du fonds de commerce lui permettant de procéder à l'exploitation du fonds tel que prévu par le bail ; elle a été dans l'obligation d'annuler les événements d'ouverture qui n'ont pu être reportés ultérieurement en raison de l'état d'avancement de la saison sportive ;

* eu égard aux manquements de Monsieur [M], le bâtiment n'a pu être édifié et la société Clays Shooting n'a donc pas pu exploiter son fonds de commerce ;

* elle est fondée à obtenir le paiement d'une somme de 490 468,20 euros au titre de la réparation de sa perte de chiffre d'affaire sur la période allant du 1er juillet au 1er novembre 2019.

Dans ses conclusions notifiées le 7 janvier 2022, M. [M], intimé, sollicite la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions. Il demande à la cour au visa des articles 1103 et 1240 du code civil de :

- dire et juger la SCI Bal irrecevable en tout cas mal fondée en ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

- l'en débouter ;

- le mettre purement et simplement hors de cause ;

- reconventionnellement,

- condamner la SCI Bal au paiement à son profit d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, avec distraction au profit de Me Ducloy, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- de la même manière,

- dire et juger la SAS Clays Shooting irrecevable en tout cas mal fondée en ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;

- l'en débouter ;

- le mettre purement et simplement hors de cause ;

- reconventionnellement,

- condamner la SAS Clays Shooting au paiement à son profit de d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, avec distraction au profit de Maître Ducloy, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, il fait valoir que :

- sur la responsabilité contractuelle : la société Bal ne justifie pas de l'étendue de la mission qu'elle lui aurait confiée ; le seul fait qu'il n'y ait pas eu de contrat écrit est insuffisant pour considérer qu'il y a eu une faute déontologique de nature à engager sa responsabilité ;

- la société Bal n'apporte pas la preuve de la relation de causalité directe entre la mission qui lui aurait été confiée et les dépassements de facturation par les entreprises dont il est demandé le paiement ;

- la SCI Bal ne justifie pas avoir réglé aux entreprises Dc Isolation et [I] [Y] les factures dont il est demandé le remboursement ;

- elle ne justifie pas du contrat de location, ni des 4 mois de retard prétendument

subis ;

- elle ne justifie pas que le retard dans l'exécution des travaux lui est imputable.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les « dire et juger » et les « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués.

Sur l'existence d'un contrat et les fautes alléguées

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La cour rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Ainsi, pour apprécier si M. [M] a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI Bal et sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SAS Clays Shooting, il convient de déterminer s'il est à l'origine d'une inexécution d'une obligation ou d'un retard dans l'exécution d'une obligation le liant à la SCI Bal.

Dès lors, il convient en premier lieu de vérifier l'existence d'une obligation contractuelle entre M. [M] et la SCI Bal.

Sur ce,

La cour constate que les parties s'accordent à dire que la SCI Bal a confié à M. [M] une mission de maîtrise d''uvre portant sur la construction d'un ensemble immobilier et dans le cadre de laquelle M. [M] était chargé de réaliser les plans du projet architectural et d'obtenir le permis de construire. Il n'est pas contesté que M. [M] a réalisé des plans, que le permis de construire a été obtenu et que les honoraires afférents à cette mission ont été réglés.

Dès lors il est établi que des obligations existaient entre M. [M] et la SCI Bal s'agissant de la phase de conception de la maîtrise d''uvre.

Néanmoins, M. [M] soutient que s'il a lancé la consultation des entreprises, la SCI Bal a choisi elle-même les entreprises devant réaliser les travaux et que seules les entreprises qu'il lui avait présentées pour les lots charpente, plomberie et maçonnerie ont été retenues par la SCI Bal. Il affirme qu'une fois les travaux démarrés, la SCI Bal a refusé de lui régler de plus amples honoraires, que ce soit pour le suivi de chantier ou l'assistance aux opérations de réception au motif qu'elle était la seule décisionnaire. Ainsi, M. [M] explique ne pas avoir eu d'autres missions que la réalisation des plans du projet architectural et l'obtention du permis de construire et que s'il s'est rendu quelques fois sur le chantier, c'était lorsque le maître d'ouvrage le sollicitait à titre purement commercial et sans contrepartie financière.

Les demandes de la SCI Bal et de la SAS Clays Shooting étant fondées sur une inexécution et des retards dans l'exécution d'un contrat de maîtrise d''uvre par lequel M. [M] serait chargé notamment de la direction de l'exécution des contrats de travaux, de l'assistance aux opérations de réception et du dossier des ouvrages exécutés ou encore du pilotage et de la coordination de chantier, la charge de la preuve de l'existence de telles obligations reposent sur elle.

Or, s'agissant de la preuve de l'existence de missions de maîtrise d''uvre afférente à la phase d'exécution, la SCI Bal ne produit que deux factures de la société Dc Isolation datées du 25 octobre 2018 dans lequel le nom de M. [M] apparaît et une facture de la société [I] [Y] datée du 9 novembre 2018 dans laquelle il est indiqué que l'architecte est M. [M].

La cour observe que les plans réalisés par M. [M] étaient datés du 20 avril 2018, que ces factures sont ainsi intervenues six mois plus tard, sans que la date de l'arrêté de permis de construire ne soit connue de la cour. La cour constate ainsi que ces factures ont été émises après la phase de conception pour laquelle les missions ne sont pas contestées et ce dans un laps de temps relativement court.

Surtout, la cour considère que ces deux factures sont insuffisantes à démontrer que M. [M] était en charge de la maîtrise d''uvre en phase d'exécution.

Si l'existence de telles obligations ne supposent pas obligatoirement, et ce malgré les règles déontologiques des architectes rappelées par la SCI Bal, la formation d'un contrat écrit, il appartient à la SCI Bal de prouver l'existence de ce contrat. Or, aucun échange écrit n'est communiqué ni aucune autre facture. La cour considère ainsi que les seules factures produites ne peuvent suffire à démontrer l'existence d'un contrat de maîtrise d''uvre après la phase de conception.

La cour rappelle au surplus que le manquement aux obligations déontologiques allégués par la SCI Bal ne saurait engager la responsabilité contractuelle de l'architecte sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil si l'existence même des obligations contractuelles n'est pas rapportée.

Par conséquent, faute d'avoir démontré que M. [M] était tenu d'exécuter des missions dans le cadre de la phase d'exécution des travaux, la SCI Bal sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Dès lors que la preuve d'une faute commise par M. [M] n'est pas rapportée, la SAS Clays Shooting sera également déboutée de ses demandes, celles-ci étant fondées sur l'inexécution contractuelle non prouvée.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit :

-d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

-et d'autre part, à condamner la SCI Bal et la SAS Clays Shooting aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Véronique Ducloy conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le tribunal judiciaire de Cambrai le 28 janvier 2021,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Bal et la SAS Clays Shooting Sains les Marquion aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Véronique Ducloy conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Les condamne en outre à payer à M. [P] [M] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01497
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.01497 ?
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