La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21/00979

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 30 juin 2022, 21/00979


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 30/06/2022



****





N° de MINUTE : 22/252

N° RG 21/00979 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOK3



Jugement (N° 20/00467) rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai





APPELANTS



Monsieur [X] [B]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 5]



Compagnie d'Assurance Assurance Credit Mutuel Nord I

ard pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentées par Me Jean-Claude Herbin, avocat au barreau de Cambrai



INTIMÉES



Madame [N] ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/252

N° RG 21/00979 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOK3

Jugement (N° 20/00467) rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai

APPELANTS

Monsieur [X] [B]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 5]

Compagnie d'Assurance Assurance Credit Mutuel Nord Iard pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Me Jean-Claude Herbin, avocat au barreau de Cambrai

INTIMÉES

Madame [N] [Z] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/005498 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Représentée par Me Olivier Cayet, avocat au barreau de Cambrai

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Hainaut

[Adresse 9]

[Localité 6]

À laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 10.05.2021 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 07 avril 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 avril 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [N] [V] a été victime d'un accident de la voie publique le 8 juin 2015 alors qu'elle circulait en scooter.

Elle a été percutée et projetée au sol par le véhicule conduit par M. [X] [B] à la suite d'un refus de priorité de ce dernier.

Par actes en date des 13, 29 et 30 août 2018, Mme [V] a fait assigner M. [B] et son assureur, la SA Assurances du Crédit Mutuel Nord Iard (le Crédit Mutuel), ainsi que la CPAM du Hainaut, devant le président du tribunal de grande instance de Cambrai aux fins d'expertise médicale et d'indemnisation provisionnelle de son préjudice corporel.

Par ordonnance du 25 septembre 2018, le juge des référés a ordonné une expertise et a condamné M. [B] et son assureur à verser une provision de 2 000 euros à Mme [V].

L'expert [O] a déposé son rapport le 23 octobre 2019.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Cambrai a :

- déclaré M. [B] et son assureur solidairement responsables du préjudice subi par Mme [V] suite à l'accident de circulation du 8 juin 2015, intervenu à [Localité 10], dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. [B] ;

- les a condamnés solidairement à payer à Mme [V] la somme de 86 137,01 euros en réparation de son préjudice subi, soit :

- 16 312,01 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

- 8 370 euros au titre des frais divers (assistance temporaire par une tierce personne) ;

- 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- 10 955 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 2 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- dit que la somme de 13 000 euros est à déduire de cette somme de 86 137,01 euros et que le montant final de la condamnation est de 73 137 01 euros ;

- déclaré le jugement commun à la CPAM du Hainaut ;

- les a condamnés solidairement à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- les a condamnés solidairement aux dépens ;

- dit que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 11 février 2021, M. [B] et le Crédit Mutuel ont interjeté appel du jugement querellé en ce qu'il les a condamnés solidairement à verser à Mme [V] la somme de 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et celle de 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 6 mai 2021, M. [B] et le Crédit Mutuel, appelants, demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à verser à Mme [V] une somme de 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et celle de 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- dire qu'il y aura lieu à déduire du poste des préjudices déficit fonctionnel et de celui de l'incidence professionnelle les rentes allouées à Mme [V] par les organismes sociaux ;

- condamner Mme [V], outre aux entiers dépens, à leur verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir que :

- aux termes de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, la rente des organismes sociaux s'impute prioritairement sur les postes suivants : le déficit fonctionnel permanent, l'incidence professionnelle,

et la perte de gain professionnel futur,

- en conséquence, la pension d'invalidité et l'allocation supplémentaire d'invalidité perçues par Mme [V] doivent être déduites du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle.

Dans ses conclusions notifiées le 5 juillet 2021, Mme [V], intimée, demande à la cour de :

=$gt; confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement M. [B] et le Crédit Mutuel à lui payer les sommes suivantes :

- 16 312,01 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

- 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- 10 955 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;

=$gt; le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- les condamner in solidum à réparer ses préjudices et à lui payer :

* 10 955 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire

* 10 000 euros en réparation des souffrances endurées

* 9 300 euros au titre de l'aide d'une tierce personne

* 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

* 11 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent

* 4 000 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent

* 16 312,01 euros en réparation des pertes de gains professionnels

* 25 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle

* les condamner solidairement à lui payer la somme 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, elle a fait valoir que :

- la pension d'invalidité a pour objet la réparation d'un préjudice différent de celui alloué au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ; il appartient à l'assureur de démontrer qu'elle répare le même poste de préjudice que l'indemnité relative au déficit fonctionnel permanent ;

- elle conteste les sommes qui lui ont été allouées au titre des frais divers (tierce personne), des souffrances endurées, et du préjudice esthétique permanent.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'imputation de la rente d'invalidité sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle :

M. [B] et son assureur demandent que la rente d'invalidité versée par la CPAM à Mme [V] d'un montant mensuel de 723,25 euros soit déduite des sommes allouées au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent. Cette dernière s'y oppose considérant que la pension d'invalidité perçue a pour objet la réparation d'un préjudice différent de celui alloué au titre de l'incidence professionnelle et du déficit permanent.

Il résulte des articles 39 à 42 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale que les prestations versées par les tiers-payeurs à la victime doivent être déduites de l'indemnité à laquelle le tiers responsable est tenu envers elle pour réparer les atteintes à son intégrité physique, les règles d'imputation du recours des tiers-payeurs étant d'ordre public et devant être appliquées même en l'absence de prétention du tiers-payeur relative à l'assiette du recours.

Contrairement aux allégations de Mme [V], la pension d'invalidité versée à la victime d'un accident par le tiers-payeur s'impute prioritairement sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ; si la rente est supérieure aux pertes de gains professionnelles et à l'incidence professionnelle, elle doit alors s'imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, la cour constate que :

- d'une part, Mme [V] n'a présenté aucune demande au titre d'une perte de gains professionnels futurs ;

- d'autre part, les montants fixés par le premier juge au titre de l'incidence professionnelle (25 000 euros), et du déficit fonctionnel permanent soit (11 000 euros) ne sont pas contestés par les parties ;

- enfin, Mme [V] indique percevoir mensuellement 347,19 euros de pension d'invalidité et 376,06 euros d'allocation supplémentaire d'invalidité, soit 723,25 euros par mois, soit 723,25/30,416 66 (mois normalisé) = 23,78 euros par jour.

Il ressort du jugement querellé que la date de consolidation a été fixée par l'expert judiciaire au 1er février 2019.

Au cours de la période du 1 février 2019 au 30 juin 2022 , Mme [V] a perçu des arrérages échus de rente à hauteur de : 23,78 X ( 1246 jours) = 29 629,88 euros.

À compter du présent arrêt et jusqu'à l'âge légal de la retraite de Mme [V] (62 ans), née le [Date naissance 2] 1966, les arrérages à échoir s'élèvent, selon l'euro de rente du barème de la Gazette du Palais édité en 2020 au taux 0,3 % pour une femme de 56 ans, à :

723,25 x 12 mois x 5,860 = 50 858,94 euros.

Il en résulte que le montant des prestations versées et à verser par le tiers-payeur indemnise intégralement le préjudice subi par Mme [V] au titre de l'incidence professionnelle et au titre du déficit fonctionnel permanent (29 629,88 + 50 858,94) $gt; (25 000 + 11 000).

Aucune indemnisation n'a par conséquent vocation à revenir à Mme [V] au titre de ces deux postes de préjudice, dont la réparation intégrale sans perte ni profit est assurée par le versement de ces prestations.

Le jugement critiqué est infirmé en ce qu'il a condamné M. [B] et son assureur à indemniser Mme [V] au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.

Sur l'assistance tierce personne temporaire - frais divers

Le premier juge a accordé au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne une indemnisation de 8 370 euros, sur la base d'une rémunération horaire du besoin en aide humaine de 18 euros.

Mme [V] sollicite en cause d'appel la somme de 9 300 euros sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale. L'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

S'agissant d'une aide non spécialisée sans recours à un prestataire, elle peut être évaluée à 18 euros de l'heure, de sorte que le préjudice subi par Mme [V] a été justement évalué par le premier juge à la somme de 8 370 euros.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

Sur les souffrances endurées

Le premier juge a accordé au titre des souffrances endurées une somme de 8000 euros à Mme [V] qui sollicite la somme de 10 000 euros.

Il ressort du jugement querellé que l'expert judiciaire à fixé à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par la victime, les qualifiant ainsi de moyennes ; qu'il a rappelé que Mme [V] a subi des douleurs intenses du pied gauche ressenties pendant près de deux années et demie, et a été contrainte de se déplacer, a minima, à l'aide d'une carme anglaise du 8 juin 2015 au 31 décembre 2018, avec une période en fauteuil roulant de février à mai 2018.

Sur ce, il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués jusqu'à la consolidation.

La cour adopte la motivation du premier juge ainsi que son évaluation de ce poste de préjudice.

En conséquence, le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a condamné M. [B] et son assureur à payer à Mme [V] une somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées.

Sur le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a accordé à Mme [V] en réparation de son préjudice esthétique permanent une somme de 2 500 euros.

Mme [V] sollicite la somme de 4 000 euros.

Sur ce, la victime peut justifier après consolidation d'une altération définitive de son apparence physique justifiant son indemnisation.

Il ressort du jugement querellé que l'expert judiciaire a chiffré à 1,5 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique permanent, le qualifiant ainsi de très léger à léger, eu égard à la boiterie qui perdure à la marche et de l'existence de trois cicatrices post-opératoires.

La cour adoptant la motivation du premier juge et validant son évaluation du préjudice ainsi subi, le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la succombance de Mme [V], il convient de la condamner aux entiers dépens d'appel, et à payer à M. [B] et à son assureur la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Cambrai sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [X] [B] et la société Assurance Crédit Mutuel Nord Iard à payer à Mme [N] [V] les sommes suivantes :

- 25 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 11 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Après imputation du capital constitutif des arrérages échus et à échoir de la pension d'invalidité et de l'allocation supplémentaire d'invalidité, déboute Mme [N] [V] de ses demandes au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent,

Condamne Mme [N] [V] aux dépens d'appel,

La condamne en outre à payer à M. [X] [B] et à la SA Assurance Crédit Mutuel Nord Iard la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/00979
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.00979 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award