République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 30/06/2022
N° de MINUTE : 22/625
N° RG 20/02253 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBMK
Jugement (N° 19/000468) rendu le 26 mars 2020 par le juridiction de proximité de Hazebrouck
APPELANTE
Sas Pioris agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Madame [J], [W], [U] Épouse [V]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 3] (Nord) - de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Didier Cattoir, avocat au barreau de Dunkerque
DÉBATS à l'audience publique du 27 avril 2022 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 avril 2022
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Selon offre préalable acceptée en date du 18 août 2018, la SAS PRIORIS a consenti a M. [D] [V] et Mme [J] [V] née [U], une location avec option d'achat portant sur un véhicule d'occasion de marque Nissan au prix au comptant de 18.980 euros, pour une durée de 61 mois, avec un prix de vente final, au terme de la location, de 5500 euros. Les loyers étaient fixés a 309,89 euros par mois, hors assurance.
Par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 9 juillet 2019, M.[D] [V], qui exercait en nom propre, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire simplifiée.
Le mandataire judiciaire a indiqué qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat et qu'il acceptait la restitution du véhicule. Le véhicule a été vendu aux enchères, au prix de 9.600 euros.
La SAS PRIORIS a fait assigner en justice Mme [J] [V] née [U], par acte d'huissier en date du 20 decembre 2019, aux fins d'obtenir, avec exécution provisoire, la condamnation de cette dernière a lui payer les sommes suivantes:
- 11 263,80 euros avec intéréts au taux légal a compter du 23 juillet 2019, date de la première mise en demeure,
- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 26 mars 2020, le tribunal de proximité d'Hazebrouck, a:
- débouté la SAS PRIORIS de sa demande principale et de sa demande d'indemnité de procédure,
- condamné la SAS PRIORIS aux dépens.
Le premier juge relève notamment au soutien de sa décision que:
' s'agissant d'une location avec option d'achat soumise aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation, l'article L 3 I 3-60 s'applique, selon lequel en cas de défaillance du preneur, le bailleur est en droit d'exiger, outre le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité qui, sans préjudice de l'application de l'article L 231-5 du Code civil ne peut excéder un montant qui, dependant de la durée restant a courir du contrat est fixé suivant un barême déterminé par décret,
' en l'espece, le bailleur a prononcé la résiliation du contrat alors que toutes les mensualités avaient été payées a leur échéance, ce que montre l'historique des paiements faits entre le 25 aout 20 I 8 et le 15 juin 2019,
' la demande ne porte d'ailleurs que sur l'indemnité de résiliation,
' or le contrat stipule par son article 5 que cette indemnité est exigible en cas de défaillance du locataire, non paiement des loyers ou non respect d'une obligation essentielle du contrat.
' ni l'une ni l'autre de ces conditions n'est présente en l'espèce, de telle sorte que l'indemnité de résiliation n'est pas exigible.
' la liquidation judiciaire du locataire principal ne constitue pas, en soi, un cas d'exigibilité de l'indemnité de résiliation,
' en consequence, la SAS Prioris sera déboutée de sa demande.
Dans ses dernières conclusions en date du 8 février 2021, la société PRIORIS demande à la cour de:
'Réformer la décision rendue par le Tribunal de proximité de HAZEBROUCK en date du 26 mars 2020,
Débouter Madame [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence :
Condamner Madame [J] [V] née [U] à payer à la société PRIORIS la somme de 11 263.80 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2019,
Condamner Madame [J] [V] née [U] au paiement de la somme 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner Madame [J] [V] née [U] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et de recouvrement pour ceux d'appel, au profit de Maître Catherine TROGNON-LERNON, avocat aux offres de droit conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.'
Elle indique notamment que:
'M. [D] [V] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée le 9 juillet 2019,
'le liquidateur n'a pas souhaité poursuivre le contrat et le véhicule a été restitué dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. [V].
' le véhicule a été vendu aux enchères publiques à hauteur de 9 600,00 euros et évidemment, cette somme a été déduite du compte des sommes dues par Madame [V], codébitrice solidaire,
' au seul motif que la liquidation judiciaire du locataire principal ne constitue pas en soi un cas d'exigibilité de l'indemnité de résiliation, le tribunal en a déduit qu'aucune somme ne pouvait être réclamée à Mme [V].
' or, c'est le liquidateur qui n'a pas souhaité poursuivre le contrat de sorte que conformément à l'article 641-11-1 du code du commerce, le contrat s'est trouvé résilié de plein droit, la société concluante ne pouvant dès lors que déclarer au passif l'indemnité de résiliation devenue exigible,
' certes, la société PRIORIS a pu écrire, à tort, le 23 juillet 2019 à Mme [V] que le contrat était résilié de plein droit ce qui en réalité est inexact puisque la décision appartient au liquidateur mais c'est bien le liquidateur qui a informé la société concluante de son souhait de ne pas poursuivre le contrat,
' c'est donc le liquidateur qui a pris cette initiative,
' peu importe que ce ne soit donc pas Mme [V] qui ait pris l'initiative d'une résiliation puisqu'aux termes du contrat souscrit, Mme [V] est codébitrice solidaire et elle est donc tenue aux mêmes obligations que celles que doit supporter M. [V], la créance, ayant été déclarée au passif de M. [V],
' l'article 19 du contrat prévoit bien d'ailleurs l'hypothèse d'une défaillance du locataire dans le versement des loyers ou de non-respect d'une obligation essentielle du contrat, la fin prématurée du contrat entrant évidemment dans cette hypothèse, l'énumération n'étant pas limitative,
' c'est donc à tort que le tribunal a pu indiquer que c'était le bailleur qui avait prononcé la résiliation du contrat alors que seul le liquidateur en avait le pouvoir et que c'est lui qui a mis un terme à celui-ci tandis que l'indemnité de résiliation a fait l'objet d'une déclaration de créance et qu'en sa qualité de codébitrice solidaire Madame [V] est tenue aux mêmes obligations que son époux en liquidation judiciaire.
' le contrat ne s'est donc pas poursuivi et conformément à l'article 19 du contrat, l'indemnité a été calculée puis le solde réclamé à Mme [V], la rupture prématurée du contrat constituant à l'évidence le non-respect d'une obligation essentielle de celui-ci,
' c'est donc à tort que le Tribunal de proximité de HAZEBROUCK a débouté la société PRIORIS de ses demandes.
' il convient donc de réformer la décision sur ce point.
Dans ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2020, Mme [J] [U] épouse [V] demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Proximité d'HAZEBROUCK en date du 26 mars 2020, en toutes ses dispositions et en ce qu'il a :
'' Débouté la SAS PRIORIS de sa demande principale et de sa demande d indemnité de procédure,
Condamné la SAS PRIORIS aux dépens',
DEBOUTER la SAS PRIORIS de ses demandes, fins et conclusions produites en cause d'appe1;
CONDAMNER la SAS PRIORIS a verser a Madame [J] [U] épouse [V] la somme de l.500,00 euros pour procédure abusive ;
CONDAMNER la SAS PRIORIS a verser a Madame [J] [U] épouse [V] la somme de 1.680,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procedure Civile;
CONDAMNER la SAS PRIORIS aux entiers frais et depens y compris en cause d'appel.
Elle indique que:
' Mme [U] épouse [V] sollicite la con'rmation du jugement en ce qu'i1 a débouté la SAS PRIORIS de l'integralité de ses demandes.
' en effet, la SAS PRIORIS est particulièrement mal fondée a reprocher a Mme [U] épouse [V] la résiliation du contrat intervenue en suite de la décision de liquidation judiciaire de la Société de M. [V],
' en effet, c'est la SAS PRIORIS qui a demandé la restitution du véhicule, objet du contrat de location avec option d'achat, en suite de la décision rendue par le Tribunal de Commerce.
'ainsi, le 23 juillet 2019, la SAS PRIORIS a exprimé auprès du mandataire judiciaire son souhait de mettre un terme de façon unilatérale au contrat,
' plus encore, cette volonté était réitérée par l'appelante puisqu'elle a informé, le 23 juillet 2019, Mme [U] épouse [V], de ce qu'elle entendait résilier le bail en suite directe de la liquidation judiciaire simplifiée prononcée le 9 juillet 2019,
' la SAS PRIORIS n'a pas attendu la réponse du mandataire judiciaire intervenue le 24 juillet 2019 pour faire connaître a Madame [U] épouse [V] sa décision de résilier le contrat,
' ce n'est donc pas Madame [U] épouse [V] qui a pris l'initiative de résilier celui-ci,
' il s'ensuit que la restitution a eu lieu et le véhicule a été vendu aux enchères pour la somme de 9.600,00 euros,
' dès lors, c'est a juste titre que le Tribunal de Proximité d'HAZEBROUCK a relevé le paiement à échéance des mensualités dues par Monsieur [V] en exécution du contrat.
' il est établi qu'il n'y a eu aucun impayé de loyer, ni d'arriéré ,
' ainsi, la demande exposée par l'appelante a pour nature la perception d'une indemnité de résiliation, en totale contradiction avec les dispositions de l'article 19 du contrat de location avec option d'achat, puisque cette résiliation émane de la SAS PRIORIS.
' du fait de la résiliation du contrat a l'initiative de la SAS PRIORIS, Mme [U] épouse [V] ne doit plus être considérée comme codébitrice,
' en tout état de cause, il ne saurait être reproché à Mme [U] épouse [V] une inexécution contractuelle,
' dès lors, l'appelante ne saurait valablement soutenir que le mandataire judiciaire est a 1'origine de la résiliation.
' par ailleurs, la situation personnelle et financière de Mme [U] épouse [V], n'est pas favorable,
' en conséquence au regard des observations qui précédent, il conviendra de prononcer la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2022.
- MOTIFS DE LA COUR:
- SUR LE BIEN FONDÉ DE LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ PRIORIS:
Dans le cas présent s'agissant de la chronologie des faits la société PRIORIS et Mme [J] [U] épouse [V] fournissent des versions radicalement contraires.
En effet la société PRIORIS quant à elle prétend que consécutivement au prononcé d'une liquidation judiciaire de M. [V], c'est le liquidateur qui n'a pas souhaité poursuivre le contrat de location avec option d'achat de sorte que selon elle, ledit contrat se trouverait résilié de plein droit. La société appelante affirme ainsi que le contrat ne s'est pas poursuivi et conformément à l'article 19 l'indemnité de résiliation a été calculée puis le solde réclamé à Mme [V], la rupture prématurée du contrat constituant à l'évidence le non respect d'une obligation essentielle de celui-ci. Ce serait donc à tort que le premier juge aurait débouté la société PRIORIS de ses demandes.
Pour sa part Mme [J] [U] épouse [V] soutient que c'est la société PRIORIS qui aurait manifesté le souhait de mettre un terme de manière unilatérale au contrat . Par suite c'est à juste titre que le premier juge aurait relevé le paiement à échéance des mensualités dues par M. [V] en exécution du contrat. Ainsi la demande de l'appelante aurait pour nature la perception d'une indemnité de résiliation en totale contradiction avec les dispositions de l'article 19 du contrat en cause puisque cette résiliation émane de la société PRIORIS et non du mandataire judiciaire. En tout état de cause il ne saurait être reproché à Mme [J] [U] épouse [V] une inéxécution contractuelle. Dès lors le jugement querellé devra être confirmé.
L'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 19. a/ du contrat de location avec option d'achat en cause stipule en substance:
'En cas de défaillance de votre part dans le versement des loyers ou de non respect d'une obligation essentielle du contrat telle, notamment, la perte totale ou partielle d'effet d'une garantie ou l'impossibilité pour le bailleur d'inscrire sa sûreté par votre faute, le bailleur pourra huit jours après une mise en demeure notifiée sous la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, se prévaloir de la déchéance du terme. Cette situation entraîne d'une part l'obligation de restitution du bien loué au bailleur, et d'autre part l'exigibilité immédiate de l'indemnité calculée en application de l'article 5 des conditions légales et réglementaires ou A des conditions spéciales[...]. La déchéance du terme vous sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. A défaut de règlement des sommes dues après résiliation du contrat comme prévues ci dessus, le prêteur pourra procéder à l'appréhension et à la vente du bien conformément aux dispositions de la loi n°91.650 du 9 juillet 1991 et de son décret d'application.'
La disposition précitée suppose pour que la résiliation du contrat puisse intervenir que le locataire avec option d'achat n'ait pas respecté une obligation essentielle du contrat.
Or, il est constant que par courrier en date du 23 juillet 2019 adressé au mandataire judiciaire, Maître [X] [K], la société PRIORIS a sollicité la restitution du véhicule et donc exprimé le souhait de mettre un terme de manière unilatérale au contrat litigieux (pièce n°16 de l'appelante) .
Consécutivement la restitution du véhicule est intervenue et celui-ci a fait l'objet d'une vente aux enchère publiques pour la somme de 9.600 euros.
Par ailleurs il est symptomatique de constater à la lecture du décompte actualisé en date du 30 octobre 2019 versé à la cause par la société PRIORIS qu'il ne soit fait état d'aucun impayé de loyer ni d'arriéré.
Dès lors il ne ressort d'aucun élément objectif du dossier que Mme [J] [U] épouse [V] n'ait pas respecté une des obligations essentielles du contrat de location avec option d'achat litigieux.
Par suite la SAS PRIORIS ne peut valablement se prévaloir d'une quelconque déchéance du terme et réclamer corrélativement à Mme [J] [U] épouse [V] une indemnité de résiliation.
Dès lors c'est à bon droit que le premier juge dans la décision déférée a débouté la société PRIORIS de sa demande principale et de sa demande d'indemnité de procédure. Le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
- SUR LE SURPLUS DES DEMANDES:
Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes étant bien entendu que s'agissant de la demande de dommages et intérêts de l'intimée pour procédure abusive, il ne ressort d'aucun élément objectif du dossier que la SAS PRIORIS en interjetant appel, ait abusé du droit d'ester en justice.
- SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE AU TITRE DE L'INSTANCE D'APPEL:
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- SUR LES DÉPENS D'APPEL:
Il convient de condamner la SAS PRIORIS qui succombe, aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Y ajoutant,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- CONDAMNE la SAS PRIORIS aux entiers dépens d'appel.
Le greffier,Le président,
G. PrzedlackiY. Benhamou