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24/06/2022 | FRANCE | N°20/01348

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 24 juin 2022, 20/01348


ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 900/22



N° RG 20/01348 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBE4



MD/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

27 Mai 2020

(RG F19/00193 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cec...

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 900/22

N° RG 20/01348 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBE4

MD/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

27 Mai 2020

(RG F19/00193 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS :

M. [Y] [D]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/003884 du 28/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

S.E.L.U.R.L. [J] [B] ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL AUTOSERVICES MÉTROPOLE

signification de la déclaration d'appel le 31/07/20 à personne habilité'

[Adresse 1]

[Localité 5]

n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS :à l'audience publique du 26 Avril 2022

Tenue par Monique DOUXAMI

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Réputé Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 05 Avril 2022

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Monsieur [Y] [D] a été embauché par la SARL Auto Services Métropole en qualité de peintre carrossier par contrat à durée déterminée du 23 mars 2016 au 22 juin 2016. La relation de travail a repris sans contrat écrit à compter du 4 juillet 2016.

La convention collective des services de l'automobile est applicable à la relation de travail.

Par jugements rendus les 12 décembre 2016 et 17 janvier 2017, le tribunal de commerce de Lille a prononcé le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole et a désigné Maître [J] en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire.

Par requête réceptionnée par le greffe le 14 décembre 2016, Monsieur [Y] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing aux fins d'obtenir la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la SARL Auto Services Métropole à diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, rappel de salaire pour la période du 23 juin au 4 juillet 2016 et du mois de janvier 2017, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et frais irrépétibles.

Par courrier du 9 janvier 2017, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 janvier 2017.

Par courrier du 30 janvier 2017, il a été licencié pour motif économique.

Par jugement rendu le 27 mai 2020, la juridiction prud'homale a :

-requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL Auto Services Métropole ;

-fixé la créance de Monsieur [Y] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole aux sommes suivantes :

*1466,65 euros à titre d'indemnité de requalification,

*473,83 euros au titre de rappel de salaire du 23 juin au 4 juillet 2013 et 47,38 euros au titre des congés payés y afférents,

*1466,65 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*8799, 89 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

-dit que le jugement était opposable au CGEA de Lille dans les limites de ses obligations légales ;

-débouté Monsieur [Y] [D] du surplus de ses demandes ;

-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 18 juin 2020, l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 17 mars 2021, elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] [D] du surplus de ses demandes ;

-prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail ;

-sur les demandes relatives à la résiliation judiciaire, à titre principal, débouter Monsieur [Y] [D] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, réduire les sommes allouées à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions et en tout état de cause, déclarer inopposables à son égard les sommes qui pourraient être fixées au passif de liquidation judiciaire de SARL Auto Services Métropole au titre de la résiliation judiciaire et débouter Monsieur [Y] [D] du surplus de ses demandes ;

-débouter Monsieur [Y] [D] de sa demande relative l'indemnité pour travail dissimulé ;

-en cas d'infirmation du jugement déféré, condamner Monsieur [Y] [D] à rembourser les sommes avancées au titre de l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes ;

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

Sur l'exécution du contrat de travail

-elle ne dispose pas d'éléments permettant de justifier le recours au contrat à durée déterminée ;

Sur la résiliation judiciaire

-à titre principal, l'absence de réaction et la tardiveté dans la saisine du conseil de prud'hommes sont en parfaite contradiction avec la gravité dont Monsieur [Y] [D] entend se prévaloir, l'absence de fourniture du travail et de versement du salaire coïncide avec les difficultés économiques de la SARL Auto Services Métropole et la situation salariale a été régularisée, rendant la résiliation judiciaire du contrat de travail sans objet et injustifiée ;

-à titre subsidiaire, Monsieur [Y] [D] sollicite des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ne démontre pas l'existence d'un préjudice ;

-en tout état de cause, Monsieur [Y] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de sa demande de résiliation judiciaire pendant la période suspecte de sorte qu'elle n'a pas à en garantir les conséquences indemnitaires ;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Monsieur [Y] [D] ne démontre ni l'absence de déclaration préalable à l'embauche ni l'élément intentionnel nécessaire pour caractériser le travail dissimulé ;

Sur le rappel de salaire

en application des articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail, sa garantie pour les créances salariales dues en raison de l'exécution du contrat de travail au cours de la période d'observation ouverte à la suite d'une procédure de redressement judiciaire et au cours des 15 jours suivant le prononcé de la liquidation judiciaire ne peut être acquise qu'à hauteur d'un mois et demi pendant la période du 12 décembre 2016 au 30 janvier 2017. Ce plafond est déjà atteint compte tenu des avances auxquelles elle a procédé.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 17 juin 2021, Monsieur [Y] [D] demande à la cour de :

-infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a fixé sa créance à la somme de 1466,65 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-dire y avoir lieu à requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

-dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 30 janvier 2017 ;

-fixer sa créance au passif de liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole aux sommes suivantes :

*1466, 65 euros à titre d'indemnité de requalification,

*473,83 euros à titre de rappel de salaire du du 23 juin au 4 juillet 2016 et 47,38 euros au titre des congés payés y afférents,

*8799,89 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

*8800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*131,13 euros à titre des rappels de salaire pour le mois de janvier 2017,

*2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

-juger que la garantie du CGEA est acquise et déclarer que la décision lui est opposable.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

Sur la requalification du contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée et le rappel de salaire pour la période du 23 juin 2016 au 3 juillet 2016

-le contrat à durée déterminée ne précise ni le nom ni la qualification de la personne remplacée ;

-il s'est tenu à la disposition de la SARL Auto Services Métropole entre le 22 juin 2016, date du terme du contrat à durée déterminée, et le 4 juillet 2016, date à laquelle il a recommencé à travailler pour elle ;

Sur la résiliation judiciaire

-la SARL Auto Services Métropole a manqué à ses obligations de fournir le travail convenu et de payer le salaire fixé contractuellement durant plusieurs mois, plaçant l'ensemble de ses salariés dans une situation morale et financière extrêmement difficile;

-ces manquements sont survenus plus de trois mois avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'initiative, non pas de la SARL Auto Services Métropole, mais de ses créanciers et en particulier des salariés. Le non paiement des salaires est un manquement d'autant plus grave que la SARL Auto Services Métropole a fait preuve d'une totale inertie par rapport au sort et aux droits des salariés. Il n'a nullement tardé à saisir le conseil de prud'hommes. La régularisation des salaires intervenue n'est pas en faveur de la SARL Auto Services Métropole qui n'en a pas pris l'initiative et a tenté de se dédouaner de toute responsabilité à l'égard des salariés ;

-il a subi un préjudice, s'étant trouvé privé de salaire pendant plusieurs mois sans pouvoir faire valoir ses droits à des allocations chômage ;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

son embauche à durée indéterminée à compter du 4 juillet 2016 n'a pas été déclarée par la SARL Auto Services Métropole à l'Urssaf et le non respect de la formalité de déclaration préalable à l'embauche caractérise le délit de travail dissimulé ;

Sur la garantie du CGEA 

elle est acquise dans la mesure où la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative du liquidateur dans le délai de 15 jours du prononcé de la liquidation judiciaire, peu important que le juge judiciaire ait ultérieurement jugé que l'action en résiliation était fondée.

L'Unédic délégation AGS-CGEA de Lille a fait signifier à la Selarl Dupreux, ès qualités,

-la déclaration d'appel par acte d'huissier remis à personne habilitée le 31 juillet 2020 ;

-ses conclusions d'appelant par acte d'huissier remis à personne habilitée le 22 septembre 2021.

La SELARL [J] [B], ès qualités, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le rappel de salaire pour la période du 23 juin 2016 au 3 juillet 2016

Il ressort de l'article 1242-12 du code du travail que le contrat à durée déterminée comporte, outre son motif, notamment le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée en cas de remplacement.

Ces mentions constituent des mentions essentielles dont l'omission entraine la requalification du contrat en vertu de la présomption de durée indéterminée.

En l'espèce, le contrat à durée déterminée indique qu'il a été conclu « pour pallier à un remplacement de salarié ». Toutefois, il ne mentionne ni le nom ni la qualification professionnelle de ce salarié.

En conséquence, il sera requalifié en contrat à durée indéterminée et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Il ressort de l'article L1245-2 du code du travail qu'en cas de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire.

En l'espèce, Monsieur [Y] [D] peut prétendre à l'indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire qu'il sollicite.

En conséquence, sa créance à ce titre sera fixée à ce montant au passif de la procédure collective de la SARL Auto Services Métropole et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

* * *

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat. Le salarié a droit à des rappels de salaire pour les périodes intermédiaires entre ses différents contrats s'il prouve qu'il a dû se tenir et s'est effectivement tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes.

En l'espèce, il ressort des documents produits aux débats que le contrat à durée déterminée s'est achevé le 22 juin 2016 et que Monsieur [Y] [D] a été à nouveau embauché par la SARL Auto Services Métropole le 4 juillet 2016.

Monsieur [Y] [D] procède par voie d'affirmations lorsqu'il indique s'être tenu à la disposition de la SARL Auto Services Métropole entre le 22 juin et le 4 juillet 2016, ne fournissant aucun élément les corroborant.

En conséquence, il sera débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période entre le 23 juin 2016 et 3 juillet 2016 et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur la résiliation judiciaire

Le salarié peut demander à la juridiction prud'homale la résiliation judiciaire de son contrat de travail s'il estime que l'employeur manque gravement à ses obligations. Si l'employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

Si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la rupture de celui-ci, au jour de la décision, sauf si le contrat a déjà été rompu. Cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si les manquements ne sont pas suffisamment établis ou insuffisamment graves le juge déboute le salarié de sa demande.

En l'espèce, il ressort des pièces communiquées et des explications des parties que la SARL Auto Services Métropole a cessé de fournir à Monsieur [Y] [D] le travail convenu et de lui payer ses salaires à partir du mois de septembre 2016. Une régularisation partielle du paiement des salaires par l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille est intervenue le 10 janvier 2017. Cette régularisation a été complétée le 7 mars 2017, sans pour autant remplir totalement Monsieur [Y] [D] de ses droits, une somme de 130,63 euros lui restant due au titre du salaire du mois de janvier 2017.

En premier lieu, quand bien même Monsieur [Y] [D] a saisi la juridiction prud'homale le 14 décembre 2016 d'une demande en résiliation de son contrat de travail fondée notamment sur le non paiement de son salaire depuis le mois de septembre, le délai ainsi écoulé depuis le début de ce manquement ne saurait caractériser « une tardiveté en contradiction avec la gravité dont il entend se prévaloir ». Au demeurant, Monsieur [Y] [D] établit avoir réagi au non paiement de son salaire avant la saisine de la juridiction prud'homale en adressant à la SARL Auto Services Métropole le 16 octobre 2016 un courrier pour obtenir les documents de fin de contrat lui permettant d'accéder à un revenu de remplacement et en remplissant un «questionnaire à l'attention des salariés en cas de non versement de salaire » reçu par greffe du tribunal de commerce de Lille le 28 octobre 2016.

En deuxième lieu, il ressort du dossier de la procédure que la saisine du tribunal de commerce aux fins d'ouverture d'une procédure collective est intervenue, non pas à l'initiative de la SARL Auto Services Métropole, mais de l'Ursaff du Nord Pas de Calais, et le 14 septembre 2016, soit plus d'un an après la cessation de paiement elle-même fixée au 15 juillet 2015. Il s'en déduit que la SARL Auto Services Métropole a fait preuve d'une inertie totale par rapport aux difficultés financières qu'elle rencontrait, n'accomplissant pas les formalités nécessaires à la préservation des droits de ses salariés. Dès lors, l'Unédic délégation AGS-CGEA de Lille est particulièrement mal fondée à tenter de la dédouaner en faisant valoir que le non paiement du salaire réside, non pas dans sa volonté délibérée, mais dans des difficultés économiques irrémédiables.

En troisième lieu, la régularisation partielle du paiement des salaires par l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille le 10 janvier 2017, quelques jours avant le prononcé du licenciement, est sans incidence sur la gravité du manquement, qui a privé le salarié de son salaire pendant plusieurs mois. Le complément de régularisation du 7 mars 2017 est postérieur au licenciement de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte dans l'examen du manquement.

Dès lors que le non paiement des salaires intervenu dans les conditions qui viennent d'être précisées est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire de celui-ci. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef, sauf à préciser que la résiliation judiciaire prend effet au 30 janvier 2017, correspondant à la date du licenciement.

Il ressort de l'article L1235-5 du code du travail, dans sa version applicable, que le salarié de moins de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [Y] [D] au moment de la rupture du contrat de travail, de son âge, de son salaire de référence et de sa capacité à retrouver un emploi, le conseil de prud'hommes a exactement évalué le préjudice qui est résulté pour lui de la perte injustifiée de son emploi.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [Y] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole à la somme de 1466,65 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire pour le mois de janvier 2017

Il ressort des développements qui précèdent que Monsieur [Y] [D] n'a pas été rempli de ses droits pour le salaire du mois de janvier 2017 à hauteur d'une somme de 130,63 euros.

En conséquence, il y a lieu de fixer sa créance à ce titre à cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Selon l'article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1°Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.l22l-l0, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2°Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, (. . .) ;

3°Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, il ne ressort pas des éléments communiqués que la SARL Auto Services Métropole a déclaré à l'Ursaff l'embauche de Monsieur [Y] [D] pour la période à partir du 4 juillet 2016.

Toutefois, ce non respect des formalités liées à la déclaration préalable à l'embauche, bien qu'établi, ne suffit pas à caractériser la dissimulation d'emploi, en l'absence de démonstration du comportement intentionnel de la SARL Auto Services Métropole.

En conséquence, Monsieur [Y] [D] sera débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur la garantie de l'Unédic délégation AGS-CGEA de Lille

Sur les créances salariales

Il ressort de l'article L3253-8 5°du code du travail que l'assurance mentionnée à l'article L3253-6 couvre, lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

-au cours de la période d'observation,

-au cours des 15 jours suivant le jugement de liquidation.

Le plafond de garantie des salaires s'entend de la totalité des créances salariales, en ce compris le précompte effectué par l'employeur en vertu de l'article 242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux.

En l'espèce, Monsieur [Y] [D] ne conteste pas que le plafond maximum de garantie de paiement des salaires entre le 12 décembre 2016 et le 30 janvier 2017 a été atteint par les paiements effectués par l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille, en laissant subsister une somme de 130,63 euros au titre du salaire du mois de janvier 2017.

En conséquence, la garantie de l'Unédic délégation AGS-CGEA de Lille n'est pas due sur cette somme.

Sur les créances nées de la rupture du contrat de travail

Il ressort de l'article L3253-8 2° du code du travail que l'assurance des salariés contre le risque de non paiement, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail couvre les créances résultant de la rupture des contrats intervenant pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisée par le jugement de liquidation judiciaire.

Les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par ces dispositions s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative du liquidateur judiciaire dans le délai de 15 jours suivant le jugement de liquidation.

En conséquence, les créances fixées au titre de la rupture sont garanties par l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille, peu important que Monsieur [Y] [D] ait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire pendant la période d'observation qui a abouti.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Confirme le jugement rendu le 27 mai 2020 par le conseil de prud'hommes de Tourcoing sauf en ses dispositions sur le rappel de salaire pour la période du 23 juin 2016 au 4 juillet 2016, les congés payés y afférents, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et le rappel de salaire pour le mois de janvier 2017 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la résiliation judiciaire prend effet au 30 janvier 2017 ;

Fixe la créance de Monsieur [Y] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Services Métropole à la somme de 130,63 euros au titre de solde impayé du salaire du mois de janvier 2017 ;

Dit que l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille ne sera pas tenue à garantir la somme de 130,63 euros correspondant au solde impayé du salaire du mois de janvier 2017 ;

Dit que l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille sera tenue à garantir les sommes dues au titre de la rupture dans les conditions et limites légales ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/01348
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;20.01348 ?
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