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23/06/2022 | FRANCE | N°21/01316

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 23 juin 2022, 21/01316


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIÈME CHAMBRE



ARRÊT DU 23/06/2022





****





N° de MINUTE : 22/243

N° RG 21/01316 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPSN



Jugement (N° 19/000255) rendu le 07 janvier 2021 par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer





APPELANTS



Monsieur [N] [G]

né le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 7]

[L

ocalité 8]



Madame [S] [Y] épouse [G]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 11]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]



Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille



INTIM...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 23/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/243

N° RG 21/01316 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPSN

Jugement (N° 19/000255) rendu le 07 janvier 2021 par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer

APPELANTS

Monsieur [N] [G]

né le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Madame [S] [Y] épouse [G]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 11]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [F] [I]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Madame [O] [I]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai et Me Emilie Christian, avocat au barreau d'Amiens

SA Aviva Assurances

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque substituée par Me Montagne, avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l'audience publique du 31 mars 2022 tenue par Danielle Thébaud magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU :21 mars 2022

****

Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [F] [I] et Mme [O] [I] (les époux [I]) sont propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 5]. Ils sont assurés auprès de la société Aviva.

Mme [D] [E] est propriétaire d'un immeuble contigu situé [Adresse 4].

M. [N] [G] et Mme [S] [Y] née [G] (les époux [G]) sont propriétaires de l'immeuble situé dans la même rue au n°30.

Courant avril 2017, les époux [I] ont effectué des démarches en vue de la vente de leur immeuble.

Lors de ses investigations courant mai 2017, la Société ABC Diagnostics a détecté la présence d'un mérule dans la partie sous-sol de l'immeuble des époux [I], au droit de la mitoyenneté avec l'immeuble situé 26, propriété de Mme [E].

Les parties ont déclaré le sinistre auprès de leurs assureurs respectifs, lesquels ont mandaté des professionnels aux fins d'expertise amiable.

Aucun accord ni traitement n'ayant pu intervenir entre les époux [I] et Mme [E], le mérule a continué à proliférer dans l'immeuble de part et d'autre du mur mitoyen. Le désordre devenant dangereux pour la structure de l'immeuble, les époux [I] ont pris l'initiative de faire traiter le mérule en urgence les 11 et 12 juin 2018.

Consécutivement, les époux [I] ont averti les époux [G] et Mme [E] du traitement qu'ils avaient effectué dans leur immeuble.

Les époux [G] ont pour leur part procédé au traitement de leur immeuble le 6 juin 2018.

Considérant que l'origine du mérule se trouvait dans la propriété des époux [I], les époux [G] les ont assigné, ainsi que leur assureur la société Aviva par acte du 1er juillet 2019 devant le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer pour solliciter leur condamnation in solidum à leur payer diverses indemnités.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer a :

- débouté les époux [G] de leur demande en paiement des frais engagés au titre des travaux de remise en état de leur immeuble ;

- les a déboutés de leur demande en paiement au titre d'un préjudice de jouissance ;

- les a déboutés de leur demande en paiement pour résistance abusive ;

- les a condamnés à payer aux époux [I] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnés à payer à la société Aviva la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnés aux dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 2 mars 2021, les époux [G] ont interjeté appel de l'ensemble du dispositif du jugement querellé.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 19 août 2021, les époux [G], appelants, demandent à la cour, au visa de l'article 1242 du code civil, de :

- condamner in solidum les époux [I] et la société Aviva, ou l'un à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 1 386 euros correspondant aux frais qu'ils ont engagés au titre des travaux de remise en état de l'immeuble leur appartenant selon les dispositions de l'article 1242 du code civil,

- les condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- les condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre à la somme de 1 000 euros pour résistance abusive,

- les condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers frais et dépens.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir que :

- le mérule est apparu sur le mur mitoyen aux propriétés des époux [E] et [I], et a été détecté chez eux le 18 mai 2017 ; il provient de la propriété des époux [I] ainsi que le relève le rapport de visite de la société Nonuisys établi le 3 mai 2018,

- ces derniers ont réalisé tardivement les travaux nécessaires laissant le champignon se propager et atteindre leur propriété,

- l'immeuble appartenant aux époux [I] a été l'instrument du dommage qu'ils ont subi,

- leur préjudice matériel s'élève à 1 386 euros au titre des frais de traitement engagés par leurs soins, outre un préjudice de jouissance évalué à la somme de 1 000 euros.

Dans leurs conclusions notifiées le 20 août 2021, les époux [I], intimés, sollicitent la confirmation du jugement querellé. Ils demandent à la cour de :

- débouter les époux [G] de toute demande indemnitaire formée à leur encontre ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour réformait la décision :

- condamner la SA Aviva à les garantir de toutes condamnations pouvant être mises à leur charge,

- condamner les époux [G] à leur payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de leurs demandes ils font valoir que :

- aucune investigation n'a permis de mettre en évidence de façon certaine que le mérule ait pris naissance dans leur immeuble ; aucun des experts n'a pu déterminer le lieu initial de naissance du champignon,

- les travaux de traitement n'ont pas causé de dommages autres que financiers aux époux [G] ; ils ont pu continuer à jouir de leur cave de la découverte du mérule jusqu'à son traitement,

- ils n'ont formé aucune résistance abusive, dans la mesure où ils sont également victimes de ce champignon,

Dans ses conclusions notifiées le 19 août 2021, la société Aviva, intimée, sollicite la confirmation du jugement querellé. Elle demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Si par extraordinaire la juridiction de céans considérait que le mérule trouvait son origine dans l'immeuble des époux [I],

- débouter toute demande dirigée contre elle en raison d'un défaut d'aléa,

- dire et juger que le montant des frais exposés ne saurait excéder 1 091 euros,

- pour le surplus, débouter les époux [G] de leur demande de dommage et intérêts pour préjudice de jouissance et résistance abusive,

- dire la franchise contractuelle de la police opposable aux époux [I] et aux époux [G],

y ajoutant,

- condamner les époux [G] à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'instance.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que :

- aucun des rapports produits ne permet de déterminer la date d'apparition du mérule dans les immeubles respectifs ni l'origine de son développement ; les époux [G] ne rapportent nullement la preuve que le mérule n'était pas déjà présent dans leur immeuble en 2017 quand il a été diagnostiqué dans les immeubles respectivement des époux [I] et des époux [E],

- ils ne rapportent pas la preuve d'un défaut d'entretien de la cave de l'immeuble des époux [I], pas plus que ce défaut serait à l'origine du développement du champignon,

- si la juridiction considérait que l'origine du mérule devait se trouver dans la cave des époux [I] et qu'elle résultait d'un défaut d'entretien, aucune garantie ne serait due à défaut d'aléa. En application de l'article L. 113-1 du code des assurances, seuls les dommages résultant de cas fortuits et ne procédant pas d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré sont garantis.

- la demande des époux [G] doit être limitée à la somme de 1 091 euros, le diagnostic de Casadiag étant inutile,

- ils ne justifient pas d'un trouble de jouissance de la cave de leur résidence secondaire,

- elle fondée à appliquer sa franchise contractuelle tant à l'égard des époux [I] que des époux [G], tiers victimes.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022.

MOTIFS

Sur l'action en responsabilité du fait des choses

En application de l'article 1242 du code civil, la responsabilité délictuelle du fait des choses est applicable à un immeuble pour rechercher la responsabilité de plein droit de son gardien, dès lors qu'est établie que cette chose a été, même partiellement, l'instrument du dommage, ce qui implique la démonstration de son rôle actif dans la production du dommage.

Il appartient par conséquent aux époux [G] d'établir non seulement que leur dommage trouve sa cause dans l'immeuble appartenant aux époux [I], mais également qu'une telle chose inerte présente une anormalité.

En l'espèce, l'anormalité de l'immeuble d'habitation appartenant aux époux [I] résulte d'une part de la contamination de sa cave par un champignon lignivore dont le développement est susceptible d'affecter la solidité et l'habitabilité d'un tel immeuble d'habitation et nécessite des traitements spécifiques pour éradiquer un tel vice.

D'autre part, le lien de causalité entre l'immeuble dont sont gardiens les époux [I] et le développement du mérule dans l'immeuble voisin des époux [G] résulte à la fois de la chronologie et des constatations effectuées par les sociétés chargées du diagnostic.

- en premier lieu, il résulte du rapprochement des rapports successivement établis par les diagnostiqueurs ayant examiné les trois immeubles mitoyens que :

.la société ABC Diagnostic n'a constaté en mai 2017 la présence du mérule que sur le mur de la cave des époux [I], qui est mitoyen avec la propriété de Mme [E], étant précisé que ce seul mur infesté n'est pas mitoyen de l'immeuble appartenant aux époux [G], alors qu'il est au contraire situé à l'autre extrémité de la cave litigieuse ("la mitoyenneté du mur de cave indique une infestation de la maison voisine. Le foyer débute au niveau du mur mitoyen [avec la propriété de Mme [E]]". A l'inverse, Ce diagnostic permet d'exclure qu'à cette date, le mur de la cave qui est mitoyen de la propriété des époux [G] était affecté par une contamination ;

A l'issue de sa visite des immeubles appartenant aux époux [I] et à Mme [E] intervenue en septembre 2017, le rapport établi par le cabinet Eurexo, mandaté par Aviva (pièce [I] n°6), a confirmé la présence du mérule chez les époux [I], sans que l'origine de la présence du mérule ne soit toutefois identifiée entre ces deux fonds ;

Le mur de la cave des époux [I], qui est mitoyen de l'immeuble des époux [G], a été ultérieurement affecté d'une semblable infestation ;

.la localisation de l'infestation constatée en 2018 chez les époux [G] se situe par conséquent au niveau d'une zone de la cave des époux [I], qui est nouvellement affectée par le mérule par rapport à la situation observée en mai 2017 et située de l'autre côté du mur mitoyen : ainsi, dans un diagnostic établi le 3 mai 2018 au domicile des époux [G], la société Nonuisys (leur pièce 5) relève la présence de mérule pleureuse dans leur cave, avant d'indiquer que "[...] la contamination du champignon provient du mur mitoyen de la cave du 28 (M. [I]) dont la cave est fortement infestée par le mérule [...]" ; de même, un rapport de constat établi par la société Casadiag Expertises et daté du 29 avril 2018, (leur pièce 7), relève la présence du mérule à leur domicile et précise "[...] ce champignon (serpula lacrymans) prend naissance au bas du mur mitoyen de la cave. Suivant les documents remis par le propriétaire, un constat de ce champignon a été établi le 22 septembre 2017 au [Adresse 5] par la société Nonuisys. Ainsi la cause de la présence de ce champignon est due aux infiltrations d'eau dans la cave de la maison mitoyenne. Le champignon prouve qu'il est passé au travers la maçonnerie. Il est urgent d'agir rapidement afin d'éviter la propagation du mérule à l'ensemble de la maison[...]". En considération de telles constatations, le rapport d'expertise amiable en date du 1er septembre 2018, que leur a transmis leur assureur Allianz, (pièce [G] n°22 ), indique que "[...] d'un commun accord la responsabilité de l'assuré n'est pas engagée. Il appartient à Monsieur [I] de faire le nécessaire dans sa cave pour l'assainir au mieux[...]."

- en second lieu, les époux [G] produisent un courrier de leur assureur Allianz en date du 18 août 2017 (leur pièce 20), indiquant "[...] en l'absence de dommages à votre domicile, il n'y a pas lieu pour nous de procéder à l'ouverture d'un dossier sinistre, aucune garantie ne trouvant son application. Nous comprenons votre appréhension et vous invitons dès lors à demander à vos voisins de vous tenir au courant du résultat des investigations qui vont être menées [...]".

Alors qu'une déclaration de sinistre avait été ainsi adressée par les époux [G] à leur assureur, l'absence de toute trace de mérule dans leur propre propriété en 2017 a toutefois conduit leur propre assureur à ne pas poursuivre les démarches aux fins d'indemnisation. Une telle circonstance établit valablement que le mérule n'était pas présent dans leur cave, dès lors que les époux [G] ont accepté la réponse apportée par Allianz.

En définitive, ce n'est que le 23 avril 2018 (leur pièce n°3), que les époux [G] vont déclarer la présence du mérule dans leur cave à leur assureur Allianz, conformément à l'invitation que ce dernier leur avait adressée dans son courrier précité.

- en troisième lieu, une cause possible de l'apparition du mérule dans la cave des époux [I] est également fournie par les diagnostics.

À cet égard, la société Nonuisys, dans le devis qu'elle a adressé à M. [I], le 30 septembre 2017, pour traiter le mérule, (pièce [G] n°21) n'a pas exclu que l'origine de ce champignon provienne de l'immeuble [I] dans la mesure où elle indiquait que l'origine du champignon semblait venir de la terrasse extérieure de l'immeuble des époux [I] dont la pente inversée et le bas de mur fissuré engendraient probablement des infiltrations, avec un relevé d'humidité à 60% du bois infesté.

A l'inverse, aucune circonstance autre qu'une contamination par le mur mitoyen avec la propriété des époux [I] n'est identifiée pour expliquer l'apparition du mérule dans la propriété des époux [G].

Si les époux [I] soutiennent que l'origine du champignon entre leur propriété et celle des époux [E] n'est pas déterminée, cette circonstance est indifférente, dès lors qu'il est établi que le mérule a été découvert dans l'immeuble leur appartenant en 2017 mais que ceux-ci n'ont traité ce champignon qu'en juin 2018, ce qui a causé la propagation du mérule dans la cave des époux [G].

Il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations qu'au moment de la découverte du mérule sur l'immeuble des époux [I] en mai 2017, ce champignon n'avait pas infesté la cave des époux [G], contrairement aux allégations de la société Aviva. A l'inverse, les époux [G] établissent valablement que l'infestation de leur immeuble est causée par la présence antérieure du mérule dans l'immeuble des époux [I].

Les époux [I] doivent par conséquent répondre des conséquences dommageables causées par l'immeuble à la propriété de leurs voisins.

Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Sur le préjudice des époux [G]

=$gt; sur le coût des travaux nécessaires pour remédier à la présence du mérule :

A ce titre, les époux [G] sollicitent la somme de 1 386 euros.

Ils produisent les factures relatives aux frais suivants :

- diagnostic réalisé par la société Nonuisys : 156 euros,

- diagnostic réalisé par la société Casadiag Expertise : 295 euros,

- traitement du mur par la société Nonuisys : 935 euros,

La société Aviva demande toutefois le rejet de l'indemnisation des frais relatifs au diagnostic réalisé par la société Casadiag Expertise, estimant qu'il fait double emploi avec celui de la société Nonuisys.

Pour autant, si le diagnostic établi le 3 mai 2018 par la société Nonuisys met en évidence la présence de mérule et relève qu'il provient de la propriété [I], le rapport établi par la société Casadiag expertise est toutefois plus complet et a permis aux époux [G] de n'avoir aucun doute quant au dommage affectant leur immeuble.

Dès lors, les époux [I] seront condamnés à payer la somme de 1 386 euros aux époux [G].

=$gt; sur le préjudice de jouissance : les époux [G] sollicitent la somme de 2 000 euros.

La cour constate toutefois qu'ils ne justifient pas avoir été privés de l'usage, même partiel ou temporaire, de leur cave, de sorte qu'ils n'établissent pas l'existence d'un tel préjudice de jouissance et que leur demande indemnitaire doit par conséquent être rejetée à ce titre.

Sur le recours en garantie des époux [I] contre leur assureur la société Aviva

D'une part, l'absence d'aléa est étrangère au litige, alors qu'une telle circonstance affecte la validité du contrat lors de sa formation.

D'autre part, s'il résulte de l'article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, la seule invocation par la société Aviva d'un défaut d'entretien de leur cave par les époux [I], ayant permis l'extension du mérule à son autre extrémité, n'est pas de nature à exclure sa garantie, dès lors que le caractère intentionnel d'une telle contamination de l'immeuble appartenant aux époux [G], dans son principe et/ou ses conséquences préjudiciables, ne résulte d'aucun élément versé à la procédure.

A l'inverse, si les époux [I] n'ont pas entrepris immédiatement les travaux, c'est en raison de l'absence d'accord amiable avec Mme [E], et de l'action en référé qu'ils ont engagé devant le tribunal d'instance de Montreuil-sur-Mer (leur pièce 9) afin de solliciter une expertise judiciaire destinée à déterminer les causes et circonstances de développement du mérule.

L'assignation a été délivrée le 28 mai 2018 à Mme [E] pour une audience prévue le 7 juin 2018, mais devant l'ampleur du désordre qui devenait dangereux pour la structure de l'immeuble, les époux [I] ont pris l'initiative de faire traiter le mérule en urgence les 11 et 12 juin 2018, et de ne pas donner suite à la demande d'expertise.

Dès lors, il est avéré qu'ils n'ont donc pas volontairement causé la propagation du mérule chez leurs voisins, et que ce dommage n'a pas pour origine une faute intentionnelle et dolosive de leur part.

En conséquence, la société Aviva doit garantir les époux [I], de sorte qu'elle est condamnée in solidum avec ses assurés à payer aux époux [G] les dommages-intérêts prononcés en réparation du préjudice subi par ces derniers.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

En l'espèce, la cour constate que les époux [G] n'apportent aucun élément au soutien de leur demande et ne rapportent pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant de l'absence de d'indemnisation de la part des époux [I] ni la preuve d'une résistance de leur part.

En conséquence, les époux [G] seront déboutés de leur demande de ce chef.

Sur l'application de la franchise contractuelle

La société Aviva sollicite l'application de sa franchise contractuelle tant à l'égard des époux [I], que des époux [G], soutenant qu'en matière de garantie facultative la franchise est opposable aux tiers victimes.

Pour autant, la cour constate que la société Aviva ne produit pas les conditions générales et particulière du contrat d'assurance, et qu'elle ne justifie pas de l'existence de la franchise, dès lors elle sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit :

.d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

.et d'autre part, à condamner in solidum les époux [I] avec la société Aviva aux entiers dépens d'appel et de première instance, et à payer aux époux [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [F] [I] et Mme [O] [I] sont responsables des dommages causés par leur immeuble situé [Adresse 5] à l'immeuble voisin appartenant à M. [N] [G] et Mme [S] [Y] épouse [G] ;

Dit que la société Aviva Assurances doit garantir la responsabilité civile de M. [F] [I] et Mme [O] [I] ;

Déboute la société Aviva Assurances de sa demande formée au titre de sa franchise,

Condamne in solidum M. [F] [I] et Mme [O] [I] avec la société Aviva Asurance à payer à M. [N] [G] et à Mme [S] [Y] épouse [G] la somme de 1 386 euros,

Déboute M. [N] [G] et à Mme [S] [G] de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance et au titre d'une résistance abusive,

Condamne in solidum M. [F] [I] et Mme [O] [I] avec la société Aviva aux dépens de première instance et d'appel et à M. [N] [G] et à Mme [S] [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01316
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.01316 ?
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