République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/06/2022
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N° de MINUTE :
N° RG 21/01340 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPUR
Jugement (N° 20/00454) rendu le 16 février 2021
par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe
APPELANT
Monsieur [B] [D]
né le 10 février 1968 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 6]
représenté par Me Benoît Boudjema, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe
INTIMÉ
Monsieur [F] [X]
né le 28 mai 1964 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe
ayant pour conseil, Me Mounir Aidi, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe
DÉBATS à l'audience publique du 29 mars 2022 tenue par Sophie Tuffreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Bolteau-Serre, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 janvier 2022
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Vu le jugement du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe du 16 février 2021 ;
Vu la déclaration d'appel de Monsieur [B] [D] reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 3 mars 2021 ;
Vu les conclusions de Monsieur [B] [D] déposées au greffe le 23 mars 2021 ;
Vu les conclusions de Monsieur [F] [X] déposées au greffe le 17 juin 2021 ;
Vu l'ordonnance de clôture prise le 24 janvier 2022 ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [B] [D] est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 7] à [Localité 6], sur une parcelle cadastrée AI[Cadastre 5].
Monsieur [F] [X] est propriétaire des parcelles voisines cadastrées AI[Cadastre 2] et AI[Cadastre 3].
Par acte d'huissier du 28 février 2020, Monsieur [D] a fait citer Monsieur [X] devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe aux fins de le voir condamner à remettre en état la haie mitoyenne, sous astreinte, sur le fondement des articles 1240 et 668 du code civil.
Monsieur [X] a soulevé l'irrecevabilité de cette demande, faute de justifier d'une tentative de conciliation préalable.
Par jugement du 16 février 2021, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe a constaté l'irrecevabilité de la demande et a condamné Monsieur [D] à payer à Monsieur [X] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 3 mars 2021, Monsieur [B] [D] a interjeté appel de ce jugement.
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Dans ses conclusions déposées au greffe le 23 mars 2021, Monsieur [B] [D] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
'déclarer recevable son action
'condamner Monsieur [X] à remettre en état la haie selon les mêmes dispositions ou, tout au moins, à reconstruire un mur jusqu'à la limite séparative et une haie au surplus
'assortir la décision à intervenir concernant les deux condamnations d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir pour une durée laissée à l'appréciation de la cour
'condamner Monsieur [X] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 outre les entiers frais et dépens de première instance, et de 1 000 euros en cause d'appel outre les dépens d'appel
'condamner Monsieur [X] au paiement des entiers frais et dépens en ce compris le coût des constats et interventions d'huissier de justice
'débouter Monsieur [X] de ses demandes plus amples ou contraires.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 17 juin 2021, Monsieur [F] [X] demande à la cour de :
'prononcer l'irrecevabilité de l'appel
'débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes
'condamner Monsieur [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Sedlak.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été prise le 24 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I'Sur la recevabilité de l'appel
Monsieur [X] soutient, au visa des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile aux termes desquelles « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion », que la cour n'est saisie d'aucune prétention de la part de Monsieur [D] qui se borne à solliciter dans son dispositif que soit « déclarer recevable » l'action qu'il a introduite.
Toutefois, il résulte de la lecture du dispositif des conclusions de Monsieur [D], déposées au greffe le 23 mars 2021, que ce dernier demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
'déclarer recevable son action
'condamner Monsieur [X] à remettre en état la haie selon les mêmes dispositions ou, tout au moins, à reconstruire un mur jusqu'à la limite séparative et une haie au surplus
'assortir la décision à intervenir concernant les deux condamnation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir pour une durée laissée à l'appréciation de la cour
'condamner Monsieur [X] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 outre les entiers frais et dépens de première instance, et de 1 000 euros en cause d'appel outre les dépens d'appel
'condamner Monsieur [X] au paiement des entiers frais et dépens en ce compris le coût des constats et interventions d'huissier de justice
'débouter Monsieur [X] de ses demandes plus amples ou contraires.
Aucune irrecevabilité de l'appel ne saurait dès lors être prononcée de ce chef.
L'appel de Monsieur [D] sera déclaré recevable.
II'Sur la procédure de conciliation préalable
Monsieur [D] sollicite l'infirmation du jugement entrepris lequel a déclaré son action irrecevable faute de justifier de la tentative de conciliation prévue à l'article 750-1 du code de procédure civile. À cet égard, il fait valoir que ces dispositions ne sont pas applicables dans la mesure où sa demande porte sur l'arrachage de la haie mitoyenne et non pas sur des plantations ou élagage.
Il résulte des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, que :
« A peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire. ['] »
La tentative de conciliation est donc prévue par ce texte pour les actions relevant de l'article R211-3-4 du code de l'organisation judiciaire, soit les actions en bornage, ainsi que pour les actions relevant de l'article R211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, soit :
« 1° Des actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations ou l'élagage d'arbres ou de haies ;
2° Des actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l'article 674 du code civil ;
3° Des actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
4° Des contestations relatives à l'établissement et à l'exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu'aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
5° Des contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires. »
En l'espèce, Monsieur [D] fonde ses demandes sur la violation des dispositions de l'article 668 du code civil aux termes duquel « le copropriétaire d'une haie mitoyenne peut la détruire jusqu'à la limite de sa propriété, à la charge de construire un mur sur cette limite. »
L'action de Monsieur [D] n'est donc pas relative à la distance pour les plantations ou à l'élagage d'arbres ou de haies de sorte que les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ne sont pas applicables. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et l'action de Monsieur [D] sera déclarée recevable.
III'Sur les demandes de Monsieur [D] au titre de la haie
À l'appui de sa demande, Monsieur [D] explique que Monsieur [X] a arraché la haie mitoyenne jusqu'à la limite séparative et n'a pas reconstruit pour ce qui est de la portion jusqu'à la limite de propriété.
De son côté, Monsieur [X] soutient que la haie est implantée sur la parcelle A[Cadastre 3] et lui appartient.
Il résulte des dispositions de l'article 666 du code de procédure civile que « toute clôture qui sépare des héritages est réputée mitoyenne, à moins qu'il n'y ait qu'un seul des héritages en état de clôture, ou s'il n'y a titre, prescription ou marque contraire. »
Ainsi, lorsque la clôture est édifiée, dans son entier, sur une seule propriété, la présomption de mitoyenneté ne vient pas à s'appliquer, elle ne peut être que privative à celui sur le fonds duquel elle a été édifiée.
En l'espèce, il résulte de la photographie insérée dans le constat d'huissier du 31 mai 2017, produite par Monsieur [D], qu'il existait avant les travaux réalisés par Monsieur [X] une haie de thuyas de basse hauteur dans le prolongement de la limite du mur de Monsieur [X].
Or, les documents cadastraux marquent l'implantation de la maison appartenant à Monsieur [X] sur la parcelle [Cadastre 3] en retrait de la limite séparative avec la parcelle voisine [Cadastre 5] appartenant à Monsieur [D].
Par ailleurs, il ne figure sur le cadastre aucune marque de mitoyenneté en limite séparative des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 3]. Une telle marque a uniquement été apposée sur la limite entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 2].
Il résulte de ces éléments, que la haie qui a été arrachée par Monsieur [X] était implantée sur sa propriété et ne pouvait donc bénéficier de la présomption de mitoyenneté.
Monsieur [D] sera de ce fait débouté de sa demande de remise en état.
IV'Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles. Monsieur [D], qui succombe en appel, sera condamné aux dépens d'appel et à payer à Monsieur [X] une indemnité qu'il y a lieu de chiffrer équitablement à la somme de 1000 euros.
Monsieur [D] sera de ce fait débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, et en dernier ressort ;
Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [B] [D] ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [B] [D] à payer à Monsieur [F] [X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :
Déclare recevable la demande de Monsieur [D] en remise en état de la haie ;
Déboute Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne Monsieur [D] à payer à Monsieur [X] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne Monsieur [D] aux dépens d'appel ;
Autorise Maître [E] [K] à recouvrer auprès de la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Le greffierLe président
Anaïs MillescampsCatherine Bolteau-Serre