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16/06/2022 | FRANCE | N°21/00824

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 juin 2022, 21/00824


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 16/06/2022



****





N° de MINUTE : 22/240

N° RG 21/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TN4W

Jugement (N° ) rendu le 04 janvier 2021par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTE



SA BPCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés

en cette qualité audit siège

Chauray

[Adresse 3]

[Adresse 3]



R

eprésentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Anne Lovigny, avocat au barreau de Lille



INTIMÉ



Monsieur [T] [X]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me O...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/240

N° RG 21/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TN4W

Jugement (N° ) rendu le 04 janvier 2021par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

SA BPCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés

en cette qualité audit siège

Chauray

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Anne Lovigny, avocat au barreau de Lille

INTIMÉ

Monsieur [T] [X]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Olivier Idziejczak, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 juin après prorogation du délibéré en date du 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Danielle Thébaud, conseiller pour le président empêché, article 452 du code de procédure civile, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [T] [X] est propriétaire d'un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé [Adresse 1]. Cet immeuble est composé de quatre appartements, (deux au premier étage, dont un appartement n°1 composé de 2 pièces, un appartement n°2 composé de 3 pièces, et deux au second étage, dont un appartement n°3 composé de 2 pièces, un appartement n°4 composé de 3 pièces), et d'un local commercial et d'un bâtiment qualifié de dépendances au rez de chaussée gauche.

M. [X] a souscrit six contrats d'assurance auprès de la société SA BPCE Iard (la BPCE) à effet au 1er août 2013, soit cinq contrats " multirisques vie privée " (MVP) et un contrat " multirisque non exploitant " (MNE), chacun couvrant notamment le risque d'incendie.

Le 1er novembre 2013, il a loué le local commercial à Mme [M], qui y a exploité un commerce d'alimentation, sandwicherie et dépôt de pain. Cette dernière était assurée auprès de la SA Generali Iard.

Le 12 mars 2015, un incendie s'est déclaré dans le local loué par Mme [M].

M. [X] ayant déclaré le sinistre à son assureur, une expertise contradictoire a été réalisée par M. [U] [B], qui a notamment évalué le montant des dommages à 177 711 euros en valeur à neuf.

La société BPCE n'a toutefois versé à M. [X] et aux organismes ayant formé opposition (Crédit Lyonnais de France et Trésor public) que la somme totale de 97 855,15 euros, après avoir fait application de la règle de réduction proportionnelle au titre d'une non-conformité du risque déclaré, et après déduction de la vétusté.

Le 28 octobre 2015, la société BPCE a mis en demeure la société Générali de régler le solde de l'indemnisation à M. [X] sur le fondement de1'article 1733 du code civil, ce qu'elle a refusé.

Le 17 février 2017, M. [X] a mis en demeure son assureur de lui régler le solde de son préjudice.

L'assureur n'ayant pas fait droit à sa demande, M. [X] a fait assigner la BPCE, la société Generali et Mme [M] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'obtenir l'indemnisation de son entier préjudice par acte des 14 février 2019, 7 et 26 mars 2019.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 4 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

1- débouté M. [X] de sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de Mme [M] et de la société Générali et de sa demande de désignation d'un expert,

2- condamné la société BPCE à verser à M. [X] la somme de 59 896,55 euros,

3- débouté la société BPCE de son appel en garantie formée à l'encontre de Mme [M] et de la société Générali,

4- condamné M. [X] aux dépens de Mme [M] et de la société Générali,

5- condamné la société BPCE aux dépens de M. [X],

6- condamné la société BPCE à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

7- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

8- débouté les parties de leurs autres demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 4 février 2021, la société BPCE a interjeté appel sur les points 2,5,6,7 et 8 du dispositif du jugement ci-dessus rappelé. Elle n'a en revanche pas fait appel de la disposition l'ayant déboutée de son appel en garantie à l'encontre de la locataire et de son assureur.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2022, la BPCE, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement du 4 janvier 2021, en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 59 896,55 euros à M. [X], et statuant à nouveau,

=$gt; à titre principal, dans l'hypothèse où la réticence dolosive commise par M. [X] est reconnue :

- dire et juger qu'il a effectué une fausse déclaration intentionnelle,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence :

- le condamner au remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle a versées au titre de la mise en 'uvre des garanties prévues dans les contrats d'assurance, soit la somme de 97 855,15 euros,

au besoin, ordonner la compensation avec les sommes auxquelles elle pourrait être redevable,

- dire et juger qu'il n'y pas lieu à indemnisation au titre de la " perte des loyer " pour :

- le local commercial,

- les 4 appartements,

- l'annexe située au rez-de-chaussée,

=$gt; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la réticence dolosive commise par M. [X] n'est pas reconnue :

- dire et juger qu'il a effectué une fausse déclaration,

en conséquence,

- dire et juger qu'il y a lieu à application de la réduction proportionnelle de son indemnisation,

- dire et juger qu'il a été intégralement indemnisé par le versement de la somme de 97 855,15 euros qu'elle a effectuée, en application des limitations de garantie des 6 contrats d'assurance souscrits,

- confirmer le jugement du 4 janvier 2021 en ce qu'il a déclaré inopérant le moyen de M. [X] tiré de son manquement à son devoir de conseil,

- confirmer le jugement du 4 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de désignation d'expert,

- dire et juger qu'il n'y pas lieu à indemnisation au titre de la " perte des loyers " pour :

- le local commercial,

- les 4 appartements,

- l'annexe située au rez-de-chaussée,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris :

* le paiement de la somme de 99 496,33 euros au titre d'un solde de son préjudice assuré,

* le paiement de la somme de 6 054,76 euros au titre d'un solde concernant l'indemnisation déjà versée,

* le paiement de la somme de 19 193 euros au titre d'un manquement au devoir de conseil,

* le paiement de la somme de 162 000 euros au titre d'un préjudice de perte des loyers,

- le débouter de sa demande d'indemnisation des mensualités de son prêt immobilier,

=$gt; en tout état de cause, le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat plaidant.

A l'appui de ses prétentions, la BPCE fait valoir que :

- M. [X] a procédé à une fausse déclaration du risque à assurer, lors de la souscription des contrats. S'il est admis qu'un local professionnel en rénovation a vocation à être exploité par un preneur commercial ultérieurement à la souscription du contrat, M. [X] devait toutefois lui déclarer en cours d'exécution contractuelle la date de fin des travaux et sa mise en location, et lui préciser la profession exercée par le locataire, dès lors que l'assuré a l'obligation de déclarer les circonstances nouvelles ayant pour conséquence de diminuer ou d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux, dans des conditions qui rendent inexactes ou caduques les réponses faites par l'assuré lors de la souscription et/ou lors de la dernière modification.

Au cours de l'exécution du contrat, M. [X] n'a pas respecté une telle obligation de déclaration de circonstances nouvelles, dès lors qu'il (i) n'a pas fourni les informations précitées à son assureur, et (ii) qu'il a déclaré une surface de 60 m², alors que l'expert a relevé une surface de 65 m².

- M. [X] a commis une réticence dolosive lors de la souscription des contrats d'assurance, qui justifie la restitution des sommes versées au titre du sinistre subi, au visa des articles1109, 1116, 1117, 1134, 1135, et 1376 du code civil, et de l'article L. 113-8 du code des assurances.

Ayant été interrogé préalablement à la souscription des contrats sur la désignation de l'immeuble et sur sa consistance, M. [X] a fourni des informations sur le risque à assurer qui ne sont pas conformes aux autorisations d'urbanisme, dès lors qu'elles indiquent l'existence de :

* quatre appartements au sein de l'immeuble, alors que le relevé de propriété révèle que seuls trois appartements existent dans cet immeuble situé à [Localité 4] ;

* un local au rez-de-chaussée à usage commercial, alors que ce même relevé comporte un code CM ne correspondant pas à une telle affectation commerciale.

Le risque ainsi déclaré est de nature à " gonfler artificiellement la valeur de l'immeuble tout en s'abstenant d'effectuer les formalités et travaux concourant à la création d'un nouvel appartement (') et le paiement de la taxe métropolitaine de stationnement (') soit autant de dépenses potentiellement économisées par l'intimé ", alors que " ledit risque n'existe aucunement pour les organismes administratifs (commune, administration fiscale ...) ". Si M. [X] l'avait informée de ces circonstances, elle n'aurait pas consenti à assurer le quatrième appartement par un contrat MVP.

En outre, M. [X] ne produit qu'un seul bail portant sur la location de l'ensemble des quatre appartement situés sur les deux étages de l'immeuble, de sorte qu'il n'aurait dû déclarer qu'un seul risque n'ayant lui-même vocation à ne faire l'objet que d'un contrat et que la souscription de quatre contrats distincts vise à quadrupler l'indemnisation réclamée en cas de sinistre.

Enfin, le caractère intentionnel de la fausse déclaration résulte de la nature de l'information omise, s'agissant d'une construction édifiée dans des conditions illégales.

La restitution des sommes déjà versée doit intervenir, dès lors que le versement des indemnités était indu en application de l'article 1376 du code civil ancien.

- le " moyen tiré de l'indemnisation du préjudice subi par M. [X] en application des contrats d'assurance souscrit " est " irrecevable ". Le chiffrage de l'expert d'assurance doit être seul pris en compte, et non celui mentionné dans le " procès-verbal d'expertise contradictoire ", dès lors que l'expert mandaté par ses soins a pris en compte les limites indemnitaires prévues par les différents contrats : la prise en compte de la réduction proportionnelle, de la franchise contractuelle et de la vétusté, doit conduire à débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes, y compris celle au titre d'un prétendu solde impayé sur son indemnisation.

- la nouvelle demande de prise en charge des pertes de loyer doit être rejetée, dès lors que :

* au titre du contrat MNE souscrit pour le local commercial, M. [X] n'établit pas la réalité des loyers dont il aurait été privé par l'incendie au titre du bail conclu, à défaut de fournir les justificatifs acquittés, alors que la garantie est en outre limitée à un plafond de deux années de prise en charge.

* au titre des contrats MVP souscrits pour les quatre appartements, la preuve des loyers perdus n'est pas davantage rapportée, notamment au regard des déclarations fiscales de M. [X]. En dépit du rapport de l'expert ayant fixé à 8 mois la durée d'une telle perte, l'existence du préjudice allégué n'est pas établie. Les conditions de la garantie ne sont en outre pas remplies, dès lors qu'elle dépend de la location des locaux à usage d'habitation, et non de leur occupation pour y installer une culture de cannabis. M. [H], ayant procédé à une telle culture, a enfin loué l'intégralité des deux étages de l'immeuble et l'annexe.

* au titre du contrat MVP souscrit pour l'annexe du rez-de-chaussée, l'erreur commise dans la désignation du local loué par rapport à la matrice cadastrale, l'absence de contrats de location distincts et l'absence de preuve des revenus locatifs sont invoqués pour solliciter le débouté de la demande formée au titre d'une perte de loyers.

La circonstance qu'un avis à tiers détenteur soit intervenu à l'encontre de M. [X] ne justifie pas que le montant du redressement fiscal de 19 225,53 euros correspondent à des revenus locatifs perçus, mais non déclarés.

- La nouvelle demande formée par M. [X] en indemnisation des mensualités de son prêt immobilier n'est pas fondée, alors que ce dernier ne produit aucun élément justifiant qu'il a souscrit une telle garantie facultative.

- aucun manquement à son devoir de conseil n'est établi, de sorte que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil à l'égard de M. [X], dès lors que:

* M. [X] ne produit aucun élément objectif établissant l'existence d'une telle faute contractuelle,

* la consistance de l'immeuble, telle que décrite par M. [X], nécessitait la souscription de six contrats d'assurance en raison de la différence de nature des risques à assurer, un même contrat ne pouvant à la fois garantir un risque professionnel et un risque de la vie privée,

* " la constatation d'une vétusté du risque relève de l'appréciation de l'expert, l'intimé ayant assuré un immeuble et n'ayant produit aucune facture de travaux de rénovation lourde ni photographies avant/après, de sorte à pouvoir assimiler son immeuble ancien à un immeuble neuf ",

- la demande d'expertise n'est pas motivée et ne saurait être valablement accueillie dès lors que le chiffrage a d'ores et déjà été établi par expert et que les travaux ont été réalisés.

Dans ses conclusions notifiées le 4 mars 2022, M. [X], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

- dire son appel incident recevable et bien fondé,

- débouter la BPCE de l'intégralité de ses demandes,

- débouter la BPCE de sa demande nouvelle de condamnation à son encontre à payer la somme de 28 362, 57 euros pour réticence dolosive,

par voie de conséquence, confirmer le jugement du 4 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la BPCE à lui payer la somme de 59 896,55 euros,

=$gt; l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

- dire que la BPCE est tenue de garantir au titre de sa couverture d'assurance son entier préjudice suite au sinistre survenu sur son immeuble et ce au titre de sa garantie propriétaire,

- fixer le solde de son préjudice assuré par la BPCE après déduction des versements déjà effectués à la somme de 113 471,35 euros, et condamner la BPCE à lui régler la somme de 113 471,35 euros au titre du solde de son préjudice assuré,

- condamner la BPCE à lui régler la somme de 6 054,76 euros au titre du décompte erroné concernant les sommes déjà versées,

- condamner la BPCE à lui régler la somme de 19 193 euros au titre du manquement à son devoir de conseil,

- " débouter la BPCE de l'ensemble de ses demandes irrecevables et mal fondées ",

- condamner la BPCE à lui régler la somme de 162 000 euros au titre du préjudice subi en raison de son inexécution contractuelle,

=$gt; en toute hypothèse, condamner la BPCE, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner " solidairement " au paiement des entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, M. [X] fait valoir que :

- l'assureur ne démontre pas qu'il aurait mal déclaré son risque, à défaut de produire un questionnaire d'assurance, alors que la déclaration des risques doit être personnellement remplie par l'assuré et que toute déclaration pré-imprimée est prohibée, de sorte que l'application de la règle de réduction proportionnelle par son assureur n'est pas justifiée. En outre, la BPCE avait parfaitement connaissance de ce que l'immeuble assuré était destiné à être loué, de sorte qu'il n'y a aucune aggravation du risque concernant le contrat MNE. Sa mauvaise foi n'est pas davantage prouvée. S'agissant des contrats MVP, l'assureur n'a posé aucune question, alors qu'il n'est pas établi que celui-ci lui ait remis les conditions générales du contrat lors de la souscription de ces contrats.

- l'assureur ne prouve pas l'existence d'un dol, alors que seules les règles spéciales du droit des assurances doivent s'appliquer conformément à l'adage "specialia generalibus derogant ". A défaut de prouver les fausses déclarations lors de la signature des contrats, la BPCE ne peut valablement invoquer un dol à son encontre. L'assureur pouvait consulter le cadastre et connaissait la situation de l'immeuble lors de l'indemnisation du sinistre. La situation cadastrale, dont l'absence d'actualisation lui était inconnue, ne restreignait pas ses droits, alors que les lots étaient existants et que le contrat de location consenti à M. [H] correspondait à des lots valablement assurés.

- la réduction proportionnelle n'est pas possible, s'agissant du local commercial. Le calcul de la réduction proportionnelle par l'assureur est erroné puisqu'il a payé une prime de 148,99 euros et non de 69,09 euros. Il avait remis l'acte d'acquisition de son local lors de la souscription. Il appartenait à l'assureur de solliciter l'acte de vente pour connaître les surfaces louées, alors qu'une telle négligence d'y procéder est fautive.

- l'évaluation de son préjudice faite par l'expert n'est pas complète, dès lors que ce dernier n'a pas pris en compte :

* les loyers perdus, qui lui sont dus au titre de la garantie "perte des loyers" souscrite, ainsi que l'expert d'assurance l'a lui-même relevé ; outre qu'il ne dispose que de faibles revenus, l'absence d'indemnisation amiable a conduit à l'impossibilité de procéder avant février 2021 à une remise en état des locaux sinistrés, qui n'ont pu par conséquent être loués pendant deux ans à compter de l'incendie ; il sollicite par conséquent de majorer de 16 mois la durée d'indemnisation retenue par l'expert, qui disposait dès les opérations d'expertise des justificatifs de location ; la perception des loyers n'est pas une condition de la garantie ; les limitations de garantie ne lui sont pas opposables, à défaut d'avoir signé les conditions du contrat les prévoyant ; la location des appartements à un seul locataire ne modifiait pas le risque ; il a subi un redressement fiscal au titre des loyers perçus, mais non déclarés ; il ne connaissait pas les projets délinquants de son locataire ;

* les échéances de remboursement de prêts, dues au titre d'une garantie facultative "remboursement de vos prêts immobiliers" également souscrite :

- il n'y a pas lieu d'appliquer la vétusté aux loyers et aux prêts ;

- subsidiairement, le calcul de la réduction proportionnel par l'assureur est incompréhensible, alors qu'il n'est pas précisé quels sont les contrats concernés, que le montant de la cotisation prise en compte pour le calcul du ratio est erronée et qu'en tout état de cause, la BPCE reste débitrice d'une somme de 6 024,76 euros, au-delà de la somme déjà versée ;

- l'assureur a manqué à son devoir de conseil, du fait du caractère rendu illisible de la garantie souscrite par l'accumulation d'une série de contrats distincts qu'il lui a pourtant fait conclure, et de l'absence de communication de conditions particulières qui l'ont empêché d'apprécier l'étendue de la garantie et la notion de " garantie valeur à neuf " ;

- il a subi un préjudice en raison de l'inexécution contractuelle de l'assureur caractérisé par le fait qu'il n'a pu reconstruire son immeuble et ne peut toujours pas percevoir des loyers au-delà du 1er mars 2017, correspondant au terme de la durée maximale de deux ans de prise en charge des pertes de loyers au titre des contrats souscrits ; il a fait l'objet de saisies et a dû payer des impôts alors qu'il n'avait pas de rentrées d'argent ; il évalue son préjudice à la somme de 162 000 euros correspondant à 5 ans de non-perception d'un revenu locatif global de 2 700 euros par mois.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que :

- il ne lui appartient pas de confirmer qu'un moyen est inopérant, s'agissant de l'analyse conduite par les premiers juges pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. [X] à l'encontre de la BPCE au titre d'un manquement à son devoir de conseil : en effet, seule une prétention ayant donné lieu à un chef du dispositif figurant dans le jugement critiqué, a vocation à être confirmée ou réformée.

- aucune partie n'a contesté devant la cour le chef du jugement ayant débouté M. [X] de sa demande d'expertise, de sorte que la demande de confirmation de ce chef par la BPCE est sans objet.

I - Sur la " réticence dolosive " :

La cour observe que la BPCE fonde à la fois sa demande de restitution des sommes qu'elle a versées à M. [X] sur l'article L. 113-8 du code des assurances et sur les articles 1109 , 1116 et 1117 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, au titre d'une " réticence dolosive ".

Elle allègue à ce titre une omission déclarative intentionnelle par M. [X] concernant le risque à assurer lors de la souscription initiale des contrats d'assurance litigieux.

Si l'invocation des dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances au titre d'une fausse déclaration intentionnelle du risque n'exclut pas la possibilité d'invoquer la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article 1116 du code civil, l'assureur, qui, conformément aux dispositions de l'article L. 113-2 du code des assurances, n'a pas posé à l'assuré une question qui aurait dû conduire ce dernier à lui déclarer un événement particulier, n'est pas fondé à se prévaloir d'une réticence ou de fausse déclaration émanant de ce dernier et ne peut obtenir la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'art. 1116 précité. En effet, il serait contradictoire d'exiger de l'assureur qu'il pose une question devant conduire l'assuré à lui déclarer un événement particulier et dans le même temps de retenir que l'assuré devait nécessairement déclarer cet événement.

Pour autant, si la BPCE invoque en l'espèce une fausse déclaration intentionnelle, elle n'en tire pas la conséquence juridique dans le dispositif de ses conclusions, dont seul la cour est saisie : en effet, elle n'y sollicite pas la nullité du ou des contrats litigieux. Alors qu'un visa de l'article L. 113-8 du code des assurances et des articles 1109, 1116 et 1117 du code civil ne suffit pas à suppléer une telle carence, la seule demande expressément formulée par la BPCE aux fins de condamner M. [X] à rembourser l'intégralité des sommes qu'elle lui a versée ne permet pas de considérer que la cour est valablement saisie d'une demande de nullité, étant au surplus relevé qu'en présence de six contrats distincts, aucune indication n'est par voie de conséquence apportée sur celui ou ceux qui seraient susceptibles d'être affectés par une telle sanction.

Alors qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions déposées, elle n'est ainsi saisie d'aucune demande de nullité par la BPCE.

Dans ces conditions, le moyen tiré de l'application tant des dispositions de droit commun que de celles issues du droit des assurances est inopérant pour obtenir le remboursement des sommes que cet assureur a déjà payées au titre de la prise en charge du sinistre.

II. Sur la répétition de l'indu :

L'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'absence de tout caractère subsidiaire de l'action prévue par cette disposition, la circonstance que la demande de remboursement des sommes versées par la BCPE à M. [X] soit parallèlement sollicitée sur un fondement contractuel n'est pas de nature à en exclure la recevabilité.

Si les conclusions de la BCPE se limitent au seul visa de l'article 1376 précité dans la discussion sans y apporter d'autres développements spécifiques de fait ou de droit (page 15), la cour observe toutefois que :

- ce visa s'inscrit d'une part dans la suite des développements du paragraphe 3 de sa motivation, auxquels il se rattache, de sorte qu'il doit s'analyser comme un moyen ;

- un tel moyen est d'autre part de nature à fonder la condamnation de M. [X] à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées au titre de la mise en 'uvre des garanties prévues dans les contrats d'assurance, laquelle constitue la seule demande formulée dans le dispositif de ses conclusions au titre d'une " fausse déclaration intentionnelle ", étant précisé qu'un indu peut résulter d'un comportement mensonger de celui qui reçoit le paiement.

Il s'en déduit que ce moyen conteste exclusivement le versement d'une indemnisation à M. [X], alors que n'existait pas à la charge de la BCPE l'obligation d'exécuter le contrat d'assurance en raison de fausses déclarations résultant d'une non-conformité des lieux assurés avec les données cadastrales et d'une absence de production par M. [X] des baux s'appliquant à chaque local assuré.

Dès lors qu'il s'agit exclusivement de déclarations s'attachant à la conclusion initiale de la relation contractuelle entre la BPCE et M. [X], une telle action en répétition repose par conséquent sur un indu objectif, qui résulte de l'inexistence ou de l'illicéité de la dette, et non de la disparition ultérieure de la cause de cette dette envers le cocontractant.

A cet égard, en premier lieu, si la matrice cadastrale mise à jour en 2019 indique effectivement l'existence d'un seul local au deuxième niveau de l'immeuble, cette circonstance d'une non-conformité avec la configuration matérielle réelle de l'immeuble est toutefois indifférente pour apprécier l'existence de l'obligation d'indemnisation à la charge de l'assureur, dès lors qu'il existe en revanche une conformité entre le nombre de biens assurés et le nombre de contrats souscrits, et alors que la violation alléguée des règles de l'urbanisme n'a aucune conséquence sur l'appréciation des risques garantis par la BPCE. A cet égard, les 4 "fiches personnalisées d'assurance-conditions particulières" portent les mentions dactylographiées suivantes : "[...] Immeuble donné en location vide : 2 pièces principales l'assuré en est propriétaire [...]", le nombre de pièces étant porté à 3 sur deux des fiches pour deux des appartements sans distinguer l'étage où ils se situent. Or, le rapport d'expertise établi par le propre expert d'assurance mandaté par la BPCE indique en page 8 que " ['] l'immeuble comporte aux étages (premier et second), 4 appartements (2 de 2 pp et deux de 3 pp) ce qui est conforme aux 4 contrats MVP [...]".

En deuxième lieu, outre que la BCPE ne prouve pas son allégation selon laquelle, un seul contrat concernait l'ensemble des quatre appartements situés dans les étages à la date de souscription des six contrats litigieux (le bail de M. [H] date en réalité de 2015), une telle circonstance ne modifie pas la nature de ses obligations de paiement à l'égard de M. [X]. Au surplus, dès lors qu'il n'est pas contesté que ce dernier s'est acquitté de cotisations pour l'ensemble des six contrats conclus, le fait qu'un seul locataire ait loué l'ensemble des appartements assurés séparément n'a aucun impact sur l'indemnisation de leur propriétaire, alors que cette indemnisation est due quels que soient l'identité ou le nombre de locataires. Dès lors qu'il n'est à ce titre démontré aucune fraude ayant eu pour effet ou objet de majorer l'indemnisation de M. [X], la BPCE ne démontre pas le caractère illicite de la cause de son engagement initial à garantir les sinistres affectant ces différents locaux séparément assurés.

En dernier lieu, l'indemnisation versée correspond au préjudice matériel subi par le propriétaire des appartements sinistrés, tel qu'il a été évalué par l'expert, et non aux pertes de loyers dont la BPCE refuse précisément la prise en charge dans le cadre de la présente instance d'appel. Il en résulte que la BPCE ne peut solliciter une quelconque restitution d'une somme dont elle ne démontre ainsi pas le caractère indu, alors que son montant a été calculé par ses propres soins sur la base d'une réduction proportionnelle qu'elle a opposé à M. [X].

Ce moyen n'est pas conséquent pas fondé.

III. Sur l'application de l'article L. 113-9 du code des assurances :

Le moyen tiré d'une fausse déclaration non intentionnelle par M. [X] a en revanche vocation à être examiné, dès lors qu'il est valablement présenté au soutien d'une demande de réduction proportionnelle de l'indemnité ayant été versée à M. [X] au titre des préjudices matériels résultant du sinistre, qui a été valablement formulée dans le dispositif des conclusions de la BPCE.

Bien que la BPCE ne le formalise pas clairement, la demande de réduction proportionnelle de l'indemnisation repose d'une part sur un défaut de déclaration par l'assuré de circonstances nouvelles en cours d'exécution des contrats litigieux (absence de déclaration de la mise en location du local commercial), et d'autre part sur une fausse déclaration initiale par le candidat à l'assurance du risque à assurer (mention erronée de la superficie, ce moyen figurant dans ses développements en page 11 pour solliciter l'application de la réduction proportionnelle). En revanche, les griefs concernant la non-conformité de la configuration des lieux assurés aux règles d'urbanisme et la conclusion d'un contrat unique de location pour l'ensemble des appartements loués n'ont pas vocation à être examinés à ce titre, dès lors qu'ils ont été exclusivement invoqués au soutien de la " réticence dolosive " dans le paragraphe 3 des dernières conclusions de l'assureur, sans être visés à titre subsidiaire comme moyens au soutien d'une réduction proportionnelle pour fausse déclaration non intentionnelle.

Enfin, le double grief ainsi formulé au titre de la réduction proportionnelle concerne exclusivement le contrat MNE visant le seul local commercial du rez-de-chaussée.

Sur ce,

L'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions. Il appartient à l'assureur de prouver les réponses apportées personnellement par l'assuré aux questions précises qui lui ont été posées lors de la souscription du contrat.

En visant l'adverbe " notamment ", l'article L. 113-2, 2° du code des assurances n'impose toutefois pas l'établissement d'un questionnaire préalable écrit, alors que le juge peut prendre en compte, pour apprécier si l'assuré a posé de telles questions à l'assuré lors de la souscription du contrat, tout élément susceptible d'établir l'existence d'un tel fait, dont la preuve est librement administrée.

Si les mentions pré-rédigées d'un contrat d'assurance ne peuvent en principe pas constituer la preuve d'une fausse déclaration de l'assuré en ce qu'elles ne permettent pas d'établir qu'elles résultent des réponses à des questions préalablement posées, la précision et l'individualisation des déclarations consignées dans le formulaire de déclaration des risques.

En l'espèce, les parties s'accordent sur l'absence de formulaire de déclaration de risques qu'aurait renseigné M. [X] lors de la conclusion des contrats litigieux, alors qu'aucun échange pré-contractuel entre les parties n'est produit par ailleurs pour éclairer la cour sur l'existence de questions posées au candidat à l'assurance. Il reste en revanche à rechercher la preuve intrinsèque d'une telle interrogation dans les documents produits par les parties.

III.1. sur la fausse déclaration initiale de risque au titre de la superficie du local commercial :

La BPCE invoque le moyen tiré d'une différence de superficie entre celle déclarée par M. [X] lors de la conclusion du contrat et celle mesurée lors de l'expertise, postérieurement au sinistre.

Sur ce point, la "proposition valant avis de conseil, assurances professionnels multirisque non exploitant" datée du 1er août 2013 (pièce 2 de M. [X]) mentionne en première page que la surface développée couverte des locaux professionnels assurés est de 60 m². Cette indication, dont la précision implique que M. [X] ait lui-même fourni à son assureur l'information d'une telle superficie, implique également que le candidat à l'assurance a été questionné précisément par l'assureur sur une telle indication chiffrée.

Pour autant, il ne peut être reproché à M. [X] une déclaration inexacte quant à la surface du local commercial, dans la mesure où il ressort du rapport d'expertise établi par l'expert d'assurance [B] que si la surface calculée par ses soins est de 65 m², le risque déclaré par l'assuré était cependant conforme compte tenu d'une tolérance admise de 10%. Une telle analyse expertale n'est pas seulement de nature à priver la déclaration faite par M. [X] de son caractère intentionnel, mais conduit également à exclure l'existence matérielle d'une fausse déclaration concernant la mesure fournie par l'assuré lors de la souscription du contrat.

Aucune réduction proportionnelle n'est susceptible d'être appliquée au titre d'une fausse déclaration initiale par M. [X] concernant la superficie du local commercial.

III.2. Sur l'absence de déclaration complémentaire d'un risque aggravé :

Dans une telle hypothèse, la réduction proportionnelle de l'indemnisation pour fausse déclaration du risque n'est susceptible d'être prononcée que si :

- d'une part, une question a été préalablement posée par l'assureur sur l'existence ou la consistance de la circonstance nouvelle : à cet égard, en application de l'article L. 113-2, 2° et 3° du code des assurances, en l'absence de question claire et précise posée par l'assureur, et résultant notamment du formulaire de déclaration de risque initial, aucune fausse déclaration ou omission de déclaration d'aggravation ne peut être retenue à l'encontre de l'assuré.

- d'autre part, une déclaration des nouvelles circonstances par l'assuré est requise : à cet égard, la déclaration complémentaire de l'assuré en cours d'exécution du contrat n'est obligatoire qu'à la double condition qu'il y ait aggravation du risque ou création d'un risque nouveau, et que cette modification entraîne l'inexactitude ou la caducité de la déclaration initiale.

En l'espèce, la BCPE reproche à M. [X] de ne pas avoir déclaré la location du local commercial en cours d'exécution du contrat.

Sur ce point, la déclaration de risque lors de la conclusion du contrat d'assurance par M. [X] sur cette question spécifique n'est pas contestée. Ainsi, alors que la circonstance que le bail n'a été conclu que postérieurement à la souscription du contrat d'assurance n'est pas contestée, la proposition d'assurance mentionne que M. [X] est "propriétaire non occupant d'un local en réfection/construction" qui correspond à l'option "locaux en réfection ou en construction" définissant des "locaux qui à l'issue des travaux seront exploités par des tiers ou par vous-même" : la précision de telles informations renvoie à la fourniture par M. [X] lui-même à l'assureur de ces informations visant ces deux seules questions sur la base desquelles l'assureur a notamment apprécié les risques à assurer ce local commercial.

=$gt; Sur l'existence de questions claires et précises par l'assureur visant les nouvelles circonstances :

A cet égard, la " proposition valant avis de conseil assurances professionnels multirisques non exploitant " datée du 1er août 2013 ne comporte aucune mention établissant directement l'existence d'une question sur la mise en location du local commercial, postérieurement à son assurance initiale lors de laquelle il est couvert comme ayant fait l'objet d'une réfection.

En revanche, ce document indique, sur sa dernière page : " [...] Je reconnais avoir reçu les conditions générales MULTIRISQUE NON EXPLOITANT - Ref 14746 - 06/12 qui contiennent les informations relatives à la vente et au démarchage et avoir eu connaissance des références du courtier d'assurance présentant le contrat ".

Il résulte ainsi de la proposition d'assurance qu'a signée M. [X] qu'il reconnaît avoir reçu les conditions générales du contrat MNE (pièce 1 de la BPCE), dont les clauses lui sont par conséquent opposables en vertu d'une telle mention y renvoyant expressément, dès lors qu'une telle mention y renvoie expressément dans des conditions permettant leur identification suffisante.

En page 29 des conditions générales "multirisque non exploitant" de juin 2012, il est mentionné :

"[...] EN COURS DE CONTRAT

Vous devez nous déclarer, par LETTRE RECOMMANDÉE, toutes les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence, soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses que vous nous avez faites au moment de la souscription du contrat,

(Exemples :

· un local vide, un local en réfection ou en construction est maintenant exploité par vous-même ou par un locataire,

· votre locataire parfumeur a été remplacé par un nouveau locataire opticien).

Cette déclaration doit être faite dans un délai de quinze jours à partir du moment où vous en avez eu connaissance. (...) ".

Alors qu'il n'est pas contesté que l'assurance du local commercial a été souscrite en considération de " locaux en réfection ou en construction ", une telle clause implique que l'assureur a questionné M. [X] sur la question d'une aggravation du risque qui pourrait résulter de la modification de la situation initiale, s'agissant tant du principe d'une mise en location des locaux initialement non exploités que des modalités du bail, et notamment s'agissant de la nature de l'activité commerciale du locataire.

Cette mention pré-rédigée correspond à la situation précise du local commercial et traduit donc nécessairement une réponse à une question précise.

=$gt; sur l'aggravation du risque en résultant :

La mise en location du local commercial n'est pas une circonstance connue de l'assureur dès la conclusion du contrat. En effet, la seule circonstance que le contrat définisse lui-même les " locaux en réfection ou en construction " comme des "locaux qui à l'issue des travaux seront exploités par des tiers ou par vous-même" ne suffit pas à exclure qu'une telle mise en location commerciale soit une circonstance nouvelle. Au contraire, alors qu'il appartient à l'assureur d'adapter son offre d'assurance à la réalité de la situation de l'immeuble au jour de la souscription, il ne peut anticiper sur la perspective non certaine dans son principe et ses modalités d'une telle mise en location pour apprécier le risque à assurer et déterminer en conséquence le montant des cotisations à la charge de l'assuré. La circonstance que les conditions générales offrent en l'espèce l'option entre quatre situations selon la situation des locaux professionnels lors de la souscription initiale du contrat et qu'elles enjoignent expressément l'assuré de déclarer une telle mise en location, implique à l'inverse qu'un tel changement dans l'utilisation des locaux s'analyse comme une circonstance nouvelle.

Cette modification factuelle des modalités d'occupation impliquait en outre la substitution d'un contrat d'assurance portant sur des " locaux donnés en location " à celui initialement conclu, dès lors que les termes de la déclaration initiale de risque était ainsi devenue caduque postérieurement à une telle mise en location.

Enfin, le risque à garantir diffère fondamentalement, ainsi qu'il résulte à nouveau de la proposition alternative par les conditions générales de quatre formules d'assurance selon l'état d'occupation ou d'exploitation des locaux, lorsqu'une activité commerciale est exploitée dans les locaux assurés.

De surcroît, la nature de l'activité commerciale qui y est développée détermine également le niveau de risque auquel sont exposés les locaux dans lesquels elle s'exerce. En particulier, le déploiement d'une activité commerciale et le garnissage des locaux par un équipement électrique ou de cuisson qu'implique l'exploitation effective d'un fonds de commerce de d'alimentation, sandwicherie et dépôt de pain, aggravaient les risques initialement garantis.

Il en résulte que cette omission non intentionnelle de déclaration d'une telle circonstance nouvelle a changé la nature et l'importance des risques que l'assureur avait accepté de garantir au regard de la déclaration initiale de risques par l'assuré, étant précisé que la circonstance que l'aggravation de risque non déclarée n'ait pas rempli un rôle causal dans le sinistre subi est indifférente.

La sanction prévue par l'article L. 113-9 du code des assurances doit par conséquent s'appliquer au contrat couvrant le local commercial. Elle ne concerne en revanche pas les autres contrats MVP, dont l'autonomie par rapport au contrat MNE doit être respectée.

=$gt; sur la réduction proportionnelle de l'indemnisation :

Dans le cas où la constatation de la fausse déclaration non intentionnelle n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

Alors qu'il n'incombe pas à l'assuré d'apporter aux débats des éléments de nature à étayer sa contestation sur les comptes opérés par l'assureur dans l'application de la règle proportionnelle, il appartient par conséquent à la cour d'apprécier, au regard des bases déterminées par l'assureur postérieurement à la conclusion du contrat et discutées contradictoirement, le montant de la prime qui aurait été due si le risque avait été exactement et complètement déclaré et de fixer ainsi la réduction qui doit être apportée à l'indemnité à raison des déclarations inexactes de l'assuré.

Dès lors que la cour constate que la réduction proportionnelle est applicable, son caractère d'ordre public exclut toutefois qu'elle ne soit pas mise en 'uvre, notamment pour des motifs tirés d'une carence probatoire.

Au soutien de sa demande, l'assureur indique en se fondant sur un courrier daté du 1er juin 2015 (sa pièce 5) que M. [X] a payé une prime annuelle de 69,09 euros, alors qu'il aurait dû régler une prime annuelle de 391,57 euros si le local commercial assuré avait été loué.

Pour autant, le courrier précité n'a aucune valeur contractuelle et n'est ainsi pas opposable à M. [X]. En outre, la BPCE ne prouve pas le montant des cotisations effectivement et spécifiquement versées par son assuré au titre de l'exécution du seul contrat couvrant le local commercial. Dans ces conditions, il convient de retenir le montant annuel de 148,99 euros, qui correspond à la cotisation annuelle visée par la proposition d'assurance signée par M. [X], que la BPCE a invoqué elle-même comme élément contractuel au soutien de sa propre demande de restitution de l'indemnisation déjà versée.

S'agissant de la cotisation correspondant à l'assurance du même local commercial au titre d'une formule " locaux donnés en location " au profit d'un établissement de viennoiserie/pâtisserie, la BPCE ne produit aucun devis d'un contrat qui aurait été modifié pour adopter cette formule à compter du1er août 2013.

Pour autant, alors que les parties ne sollicitent pas d'expertise pour déterminer le montant d'une telle cotisation, la cour adopte le montant de 391,57 euros, qui est conforme à l'aggravation du risque résultant d'une telle location au profit de Mme [M] par rapport au risque correspondant à un local non loué après rénovation.

En conséquence, l'assuré n'ayant réglé que 38 % du montant de la prime annuelle que l'assureur était en droit de lui réclamer (soit 148,99/391,57), la cour dispose ainsi d'éléments suffisants pour évaluer à 62 % le taux de réduction proportionnelle des indemnités allouées à M. [X].

IV - Sur l'indemnisation du préjudice de M. [X] au titre des contrats d'assurance :

M. [X] sollicite la somme de 113 471,35 euros au titre du solde de son préjudice assuré après déduction des sommes déjà versées par l'assurance (212 967,68 euros - 99 496,33 euros), outre la somme de 6 054,76 euros au titre d'un décompte erroné concernant les sommes déjà versées.

La société BPCE soutient quant à elle que M. [X] a intégralement été indemnisé par le versement de la somme de 97 855,15 euros, après application du taux de réduction proportionnelle des indemnités.

Alors que le régime applicable aux différents contrats n'est pas identique, l'évaluation globale de l'indemnisation n'est pas possible, mais doit au contraire être effectuée de façon distincte pour chaque catégorie de contrats litigieux.

IV-1 S'agissant de l'opposabilité des conditions générales à M. [X] :

=$gt; concernant le contrat MNE :

M. [X] ayant reconnu avoir eu connaissance des conditions générales du contrat, leurs clauses lui sont opposables, notamment s'agissant de la déduction de la vétusté et des franchises qu'elles prévoient.

=$gt; concernant les contrats MVP :

M. [X] a produit son propre exemplaire des conditions particulières des cinq contrats MVP qu'il a conclus selon des termes identiques. Alors que ces conditions particulières comportent deux pages, auxquelles est annexé un tableau de garanties, elles ne comportent aucune mention renvoyant expressément à des conditions générales du contrat dont l'identification serait possible. Sur ce point, la seule mention " REF. CG MVP -11/2009 " n'apporte aucune garantie sur une telle communication des conditions générales au candidat à l'assurance.

Il en résulte que la BCPE échoue à prouver que ces conditions générales ont été portées à la connaissance de M. [X], de sorte qu'elles lui sont inopposables.

Il en résulte notamment que la déduction de la vétusté et de la franchise ne peut lui être opposée au titre de ces contrats MVP.

IV-2 S'agissant de l'indemnisation au titre du contrat MNE (local commercial) :

Les conditions particulières prévoient une franchise minimum de 440 euros par sinistre.

Les conventions spéciales n°1 concernant l'assurance des bâtiments et de leur contenu, dont le tableau de garantie est annexé à la proposition d'assurance formulée et signée par M. [X], prévoient que sont indemnisés :

1. au titre de leur article 2 : les locaux et leur contenu mobilier s'il appartient au propriétaire.

Le tableau des garanties renvoie à l'article 8 des dispositions réglementaires et d'ordre général, qui stipulent que " les bâtiments assurés y compris les caves et fondation, abstraction de la valeur du sol, sont estimés, d'après leur valeur réelle, au coût de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite poste par poste (charpente, couverture, électricité ') ".

La valeur à neuf déduite lors de l'estimation des dommages aux biens immobiliers " est en tout ou partie remboursée selon les règles suivantes :

- vos bâtiments doivent être reconstruit ;

- si la vétusté est inférieure à 33 % de la valeur de reconstruction, vous recevrez une indemnité complémentaire égale à la déduction initiale pour vétusté, sur justificatifs et dans la limite de vos dépenses réelles,

- si la vétusté est supérieure à 33 %, l'indemnité complémentaire sera limitée au tiers de la valeur de reconstruction. (')

En cas de non reconstruction, l'indemnité ne peut excéder la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre (calculée en fonction du marché de l'immobilier), déduction faite éventuellement de la valeur de sauvetage.

Toutefois, lorsque cette valeur excède le prix de reconstruction vétusté déduite, nous ne sommes tenus qu'à la solution la moins onéreuse ".

En l'espèce, l'expertise de M. [B] fait ressortir qu'aucun poste ne subit une vétusté supérieure à 33 %.

La synthèse établie au 14 mai 2019 dans le sinistre affectant le local commercial (pièce BPCE n°7) reprend les montants évalués par l'expert [B] dans son rapport établi le 3 juillet 2015 (pièce [X] n°19),

Il en résulte que l'indemnité immédiate s'établit à 70 667,95 euros, alors que l'indemnité différée est fixée 29 910,93 euros.

Les parties n'exposent pas clairement si M. [X] a reconstruit totalement l'immeuble sinistré, et dans l'affirmative, s'il a fourni à la BPCE les justificatifs d'une telle reconstruction de sorte qu'il ne justifie pas en l'état de l'exigibilité de l'indemnité différé dans la limite des dépenses réellement engagées par cet assuré. De fait, elles produisent principalement les quittances de paiement des indemnités immédiates au titre de chaque contrat litigieux. Les courriers adressés le 26 octobre 2015 (pièce BPCE n°19) et le 2 mai 2017 (pièce BPCE n°14) établissent toutefois que des versements sont également intervenus au titre de l'indemnité différée, même s'ils ont profité aux créanciers ayant formé opposition. Pour autant, M. [X] invoque lui-même que son immeuble " n'est à ce jour pas remis en état " (page 16 de ses conclusions).

L'exécution forcée du contrat doit toutefois être ordonnée.

2. au titre de leur article 3 " frais et pertes assurés ": les pertes de loyers sont garanties. Cet article indique que la perte de loyers " correspond, si vous êtes propriétaire de vos locaux et que vous en donnez tout ou partie en location, au montant des loyers dont vous serez privé pour le temps matériel nécessaire à la remise en état des locaux sinistrés ". Il vise également l'indemnisation des honoraires d'expert et des frais de mise en conformité des locaux avec la législation et la réglementation.

A cet égard, M. [X] établit valablement que le montant du loyer fixé pour le local commercial loué à Mme [M] s'élevait à 700 euros, ainsi qu'il résulte du bail conclu le 1er novembre 2013 et des quittances de loyers qu'il produit. Le propre expert mandaté par la BCPE a d'ailleurs validé une telle valeur locative mensuelle.

Alors qu'une quittance de loyers délivrée à Mme [M] au titre du mois de février 2015 implique qu'à cette date, le bail commercial était toujours en cours, M. [X] a été privé d'un tel loyer à compter du12 mars 2015, date du sinistre.

L'expert [B] ayant rendu son rapport le 3 juillet 2015, soit 5 mois après l'incendie, il a calculé une perte de loyer de 8 mois en tenant compte d'une durée de 3 mois pour l'exécution des travaux.

S'agissant du nombre de mois de loyers à indemniser, M. [X] invoque une perte de 24 mois de loyer, au motif qu'il n'a pas pu réaliser les premiers travaux partiels de mise en état avant janvier 2017 et que les travaux de remise en état définitifs n'ont pu être achevés au plus tôt qu'à partir de février 2021 après réception de la somme de 62 896,65 euros postérieurement au jugement querellé.

M. [X] admet toutefois dans ses écritures, avoir perçu la somme de 56 088,35 euros en décembre 2015, mais mentionne n'avoir effectué les premiers travaux qu'à compter de janvier 2017, sans expliquer les raison pour lesquelles il n'aurait pu entreprendre ces travaux avant cette date. En outre, l'assureur n'est pas responsable des oppositions formées sur le versement des indemnités par l'administration fiscale et par le Crédit immobilier. Dès lors, M. [X] ne peut prétendre à obtenir une indemnité de 24 mois de loyers, alors qu'il ne justifie pas de l'avancement des travaux, ni de leur durée, ni du motif pour lequel il ne les a entrepris qu'en janvier 2017, alors qu'il avait perçu des fonds dès décembre 2015.

Toutefois, en tenant compte du déblocage des fonds en décembre 2015 et d'une durée prévisible des travaux de 3 mois, il convient de compléter de quatre mois la durée d'indemnisation proposée par l'expertise, et de porter ainsi l'indemnisation à 12 mois au lieu des 8 mois visés par l'expert, soit 12 mois X 700 euros = 8 400 euros.

Enfin, les conventions spéciales n°1 ne prévoient pas la prise en charge des échéances d'emprunt immobilier.

En conséquence, la BPCE est débitrice à l'égard de M. [X] :

- d'une part, d'une somme de 70 690,55 euros x 38% = 26 862,40 euros - 440 euros (franchise) = 26 422,40 euros ;

- d'autre part, d'une somme de 8 400 euros x 38 % = 3 192 euros au titre des pertes de loyers ;

- enfin, d'une somme de 29 901,03 x 38%, soit 11 362,39 euros, sous réserve d'un éventuel solde restant dû au Trésor public et au Crédit immobilier de France au titre de leur opposition bancaire, correspondant à " la déduction initiale pour vétusté ", à payer sur justificatifs et dans la limite des dépenses réelles " de reconstruction, conformément aux prévisions contractuelles.

IV-3 S'agissant de l'indemnisation au titre des contrats MVP :

Aucune réduction proportionnelle ne s'applique à ces contrats, alors que leurs conditions particulières ne mentionnent aucune franchise et que la vétusté n'est pas opposable à M. [X] dans leur mise en 'uvre.

=$gt; au titre des dommages aux biens :

En considération de l'évaluation réalisée par l'expert [B] pour chacun de ces cinq contrats et après réintégration de la franchise de 106 euros déduite par ce dernier pour chaque sinistre, il convient de fixer la dette de BPCE à l'égard de M. [X] à hauteur de la valeur à neuf, sans déduction d'une vétusté inopposable à l'assuré : 5 013,28 euros (sinistre dans le local du rez de chaussée) + 5 531,81euros (sinistre dans l'appartement 1 T2 du 1er étage) + 42 489,53 euros (sinistre dans l'appartement 2 T3 du 2ème étage) + 6 167,84 euros (sinistre dans l'appartement 3 T2 du 2ème étage) + 18 324,57 euros (sinistre dans l'appartement 4 T3 du 2ème étage) = 77 527,03 euros.

=$gt; au titre de la perte de loyers :

Le tableau de garantie annexé aux conditions particulières de ces contrats vise, à titre de garanties complémentaires, la perte de loyers dans la limite de deux ans de loyers ou de valeur locative. L'indemnisation d'une telle perte financière est ainsi incluse dans la garantie dont bénéficie M. [X].

A l'identique du local commercial, M. [X] justifie la perte de loyers subie par la production :

- d'un bail signé le 1er janvier 2015 avec M. [O] [H] portant sur un loyer mensuel de 2 000 euros au titre de la location de l'ensemble des quatre appartements ;

- de quittances de loyer portant ce même montant, établi au titre des mois de janvier à mars 2015.

La circonstance que le locataire ait cultivé des plants de cannabis n'est pas de nature à exclure la garantie de l'assureur, dès lors que les conditions de garantie sont remplies, s'agissant d'un incendie ayant endommagé des locaux occupé par un tiers au titre d'un bail d'habitation.

Conformément à l'analyse précédemment faite pour le local commercial, il convient de retenir une perte de loyer sur une durée de 12 mois. Par conséquent, la BCPE est débitrice à l'égard de M. [X] d'une somme de 2 000 x 12 = 24 000 euros, au titre de la prise en charge de cette garantie.

=$gt; au titre d'un remboursement des échéances du prêt immobilier :

Enfin, si le " remboursement des mensualités des prêts immobiliers " constitue en revanche une garantie facultative, la cour constate toutefois que les conditions particulières des cinq contrats MVP mentionnent de façon identique que cette garantie a été spécifiquement souscrite.

Il ressort en outre du tableau des garanties annexé à ces conditions particulières que le montant maximum garanti par sinistre au titre des mensualités de prêt immobilier s'élève à 2 336,10 euros par mois et pendant 12 mois.

En l'espèce, si l'expert n'a pas précisé le délai de remise en état des lieux, il convient de s'aligner sur la durée de mise en jeu de la garantie perte des loyers, soit 12 mois, pour calculer l'indemnité due au titre de cette garantie. Enfin, si l'offre de prêt renégociée en avril 2015 avec le Crédit immobilier de France vise des échéances mensuelles de 1201,35 euros, il convient d'observer que ce prêt est global et concerne par conséquent l'acquisition de l'intégralité de l'immeuble, alors que le remboursement des échéances du prêt n'est garanti que pour les locaux assurés au titre d'un contrat MVP, et non MNE et que la garantie s'applique individuellement à chaque contrat MVP.

Afin de prendre en compte le financement partiel des locaux à usage commercial par ce prêt, la cour retient par conséquent un montant mensuel de 900 euros correspondant à la part du prêt ayant exclusivement permis l'acquisition de l'ensemble des locaux non affectés au commerce.

Il en résulte que la BPCE est débitrice à l'égard de M. [X] d'une somme de 10 800 euros.

L'ensemble de ces énonciations et constatations conduit à infirmer le jugement critiqué, et statuant à nouveau, à condamner la BPCE à :

- payer à M. [X], après déduction de la somme qu'elle a déjà versée à hauteur de 97 855,15 euros, la somme de : (26 422,40 euros+3 192 euros+77 527,03 euros+24 000 euros+10 800 euros) - 97 855,15 = 44 086,28 euros ;

- à payer à M. [T] [X], sous réserve d'un éventuel solde restant dû au Trésor public et au Crédit immobilier de France au titre de leur opposition bancaire, la somme de 11 362,39 euros correspondant à " la déduction initiale pour vétusté ", à payer sur justificatifs et dans la limite des dépenses réelles " de reconstruction, conformément aux prévisions contractuelles du contrat " multirisque non exploitant ".

IV - Sur un manquement de l'assureur à son obligation d'information et de conseil

En l'espèce, M. [X] reproche à l'assureur de lui avoir fait souscrire une accumulation de contrats, alors qu'ils rendraient illisibles les garanties et ne lui permettrait pas d'apprécier l'étendue de la garantie valeur à neuf. Il sollicite qu'à titre de réparation, la société BPCE soit condamnée à lui verser la somme de 19 193 euros, correspondant à la différence entre l'indemnité valeur à neuf et l'indemnité vétusté déduite.

IV-1 sur la faute :

L'assureur est débiteur à l'égard du preneur d'assurance à la fois d'une obligation d'information, qui porte sur la transmission d'une information générique, et d'une obligation de conseil, qui induit une appréciation critique et personnalisée de ladite information au regard de la situation particulière du client considéré. L'assureur est ainsi tenu d'éclairer l'assuré sur l'adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d'assurance, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle.

L'étendue du devoir tant d'information que de conseil de l'assureur doit s'apprécier au regard de l'attitude, des connaissances et des compétences de l'assuré.

La charge de la preuve de l'exécution de ces obligations pèse sur l'assureur.

=$gt; s'agissant du contrat MNE : la proposition d'assurance signée le 1er août 2013 par M. [X] est présentée comme " valant avis de conseil ". A cet égard, ce document mentionne en préambule " considérant votre situation professionnelle et pour répondre à vos besoins et objectifs, nous vous conseillons de souscrire le contrat d'assurance Mulirisque non exploitant. Ce contrat est adapté à vos objectifs puisqu'il représente, pour vous, les avantages suivants : "

Pour autant, au-delà de cette mention stéréotypée, ce document ne comporte aucune analyse de la situation personnelle de M. [X], de ses besoins et de l'adaptation de ce contrat à ses attentes.

Ainsi, la BPCE n'établit pas avoir exécuté son obligation d'information et de conseil, de sorte que sa faute est établie.

=$gt; s'agissant des contrats MVP : la BPCE ne produit aucun élément établissant une quelconque démarche d'information et de conseil à l'égard de M. [X] lors de la souscription des cinq contrats portant sur les locaux non affectés à un usage commercial.

IV-2 sur le préjudice :

=$gt; s'agissant des contrats MVP :

La cour ayant validé l'inopposabilité des conditions générales que sollicitait M. [X] pour chacun des contrats MVP, ce dernier ne justifie pas l'existence du préjudice qu'il invoque et résultant de la limitation avant reconstruction de l'immeuble par le propriétaire de la garantie accordée au seul montant de l'indemnité immédiate.

A défaut de toute démonstration du préjudice allégué, la responsabilité de la BPCE n'est ainsi pas engagée à ce titre.

=$gt; s'agissant du contrat MNE :

En revanche, le défaut de conseil par la BPCE à l'égard de M. [X], dont les compétences en matière d'assurances sont celles d'un profane en sa qualité de chauffeur de taxi, est de nature à avoir causé chez ce dernier une incompréhension des termes figurant dans le tableau des garanties annexé à la proposition de souscrire un contrat MNE, lorsqu'il mentionne le "maximum de garantie", de la manière suivante :

" [...] MAXIMUMS DE GARANTIE

Valeur à neuf au jour du sinistre, selon l'article 8 des Dispositions Réglementaires et d'Ordre Général.

À concurrence de la somme indiquée aux Conditions Particulières.

Garantie valeur vétusté déduite au jour du sinistre.

À concurrence de la somme indiquée aux Conditions Particulières.[...]".

Pour autant, le manquement par l'assureur à son obligation de conseil doit s'envisager comme une perte de chance de ne pas avoir pu souscrire un contrat mieux adapté à ses besoins, lorsqu'il existe un aléa sur la survenance de l'évolution finalement constatée dans l'hypothèse où la faute reprochée n'aurait pas été commise.

A cet égard, dans la situation contrefactuelle où la BPCE aurait valablement informé et conseillé M. [X], notamment sur le mécanisme de l'indemnité différée, la probabilité qu'il aurait refusé de contracter le contrat MNE pour rechercher un autre produit d'assurance permettant une couverture immédiate plus étendue des dommages subis est toutefois nulle, dès lors que ledit mécanisme est propre à l'ensemble des contrats d'assurance garantissant les dommages immobiliers, notamment après incendie, quel que soit l'assureur consulté.

Dans ces conditions, M. [X] ne justifie d'aucun préjudice et doit être débouté de sa demande de ce chef.

V Sur la demande dommages et intérêts au titre de l'inexécution contractuelle de l'assureur

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

M. [X] prétend que l'assureur à commis une faute contractuelle en n'exécutant pas son obligation de garantir le sinistre, de sorte qu'il n'a pu reconstruire l'immeuble et le relouer. Il invoque à cet égard un préjudice constitué par le maintien d'une perte de loyer au-delà des prévisions contractuelles de prise en charge par l'assureur.

Pour autant, la seule faute possible à retenir à l'encontre de l'assureur est l'absence de prise en charge des mensualités du prêt. En effet, il résulte des développements précédents que l'assureur, a versé les sommes dues au titre de l'indemnité immédiate à hauteur de 99 496,33 euros, à l'exception du versement de l'indemnité due au titre de la garantie "remboursement des mensualités du prêt", et d'une partie de l'indemnité due au titre de la garantie "pertes des loyers". Toutefois ce manquement n'a pu entraîner l'impossibilité pour M. [X] d'engager les travaux de remise en état de son immeuble, dès lors que les sommes correspondantes sont de l'ordre de 25 000 euros, alors qu'il a perçu, dès décembre 2015, la somme de 56 088,35 euros, sans pour autant entreprendre de travaux avant janvier 2017.

En outre, l'impossibilité de réaliser les travaux est en réalité liée à la réduction proportionnelle de l'indemnité allouée au titre du local commercial et à l'opposition bancaire pratiquée par le Trésor public et par le Crédit immobilier de France, qui ont entraîné une diminution de l'indemnisation à laquelle pouvait prétendre M. [X], et non en raison des manquements de l'assureur.

M. [X] ne justifiant pas que le manquement de la BPCE lui ait causé un préjudice, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

VI Sur les demandes accessoires :

Le sens du présent arrêt conduit :

-d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

-et d'autre part, à condamner la société BCPE aux entiers dépens d'appel, et à payer à M. [X] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.

La compensation judiciaire intervient enfin de plein droit entre les créances respectivement déterminées par le présent arrêt au profit de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Lille, en ce qu'il a condamné la SA BPCE Iard à verser à M. [T] [X] la somme de 59 896,55 euros,

Le confirme pour le surplus de ses chefs critiqués ;

Statuant à nouveau sur le chef réformé et y ajoutant,

Déboute la SA BPCE Iard de sa demande de remboursement de la somme de 97 855,15 euros correspondant à l'intégralité des sommes versées au titre de la mise en 'uvre des garanties prévues dans les contrats d'assurance ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de la réduction proportionnelle de l'indemnisation au titre des cinq contrats " Multirisque vie privée, contrat immeuble " souscrit par M. [T] [X] auprès de la SA BPCE Iard pour garantir les sinistres affectant les locaux à usage non commercial de l'immeuble situé [Adresse 1] ;

Dit y avoir lieu à une réduction proportionnelle de l'indemnisation à hauteur de 62 % au titre du contrat " multirisque non exploitant " souscrit par M. [T] [X] auprès de la SA BPCE Iard pour garantir les sinistres affectant un local à usage commercial du rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 1] ;

Déclare les conditions générales desdits cinq contrats " Multirisque vie privée, contrat immeuble " inopposables par la SA BPCE Iard à M. [T] [X] ;

Déclare les conditions générales du contrat " multirisque non exploitant " opposables par la SA BPCE Iard à M. [T] [X] ;

Fixe le préjudice subi par M. [T] [X] et garanti par le contrat " multirisque non exploitant " à hauteur de :

- 26 422,40 euros, au titre de la garantie " dommages aux biens ", après déduction d'une franchise de 440 euros ;

- 11 362,39 euros, sous réserve d'un éventuel solde restant dû au Trésor public et au Crédit immobilier de France au titre de leur opposition bancaire, correspondant à " la déduction initiale pour vétusté ", à payer sur justificatifs et dans la limite des dépenses réelles " de reconstruction, conformément aux prévisions contractuelles ;

- 3 192 euros au titre de la garantie " pertes de loyers " ;

Fixe le préjudice subi par M. [T] [X] et garanti par les cinq contrats " Multirisque vie privée, contrat immeuble " à hauteur de :

- 77 527,03 euros, au titre des dommages aux biens ;

- 24 000 euros, au titre de la garantie " pertes de loyers " ;

- 10 800 euros, au titre de la garantie de " remboursement des mensualités de prêts immobiliers " ;

En conséquence,

Condamne la SA BPCE Iard :

- à payer à M. [T] [X] la somme de 44 086,28 euros, après déduction de la somme qu'elle a déjà versée à hauteur de 97 855,15 euros ;

- payer à M. [T] [X], sous réserve d'un éventuel solde restant dû au Trésor public et au Crédit immobilier de France au titre de leur opposition bancaire, la somme de 11 362,39 euros correspondant à " la déduction initiale pour vétusté ", dont le versement interviendra " sur justificatifs et dans la limite des dépenses réelles " de reconstruction, conformément aux prévisions contractuelles du contrat " multirisque non exploitant " souscrit au titre du local commercial ;

Déboute M. [T] [X] de sa demande indemnitaire au titre d'un manquement par la SA BPCE Iard à son obligation de conseil ;

Déboute M. [T] [X] de sa demande indemnitaire au titre d'un manquement par la SA BPCE Iard à son obligation de garantir les conséquences dommageables du sinistre survenu le 12 mars 2015 dans les locaux couverts par les cinq contrats " Multirisques vie privée, contrat immeuble " et par le contrat " multirisque non exploitant " ;

Déboute les parties de l'ensemble de leurs autres demandes ;

Condamne la SA BPCE Iard à payer les entiers dépens d'appel ;

Condamne la SA BPCE Iard à payer à M. [T] [X] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièrePour le Président empêché, l'un des conseillers ayant délibéré, article 456 du code de procédure civile

Harmony PoyteauDanielle Thébaud


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/00824
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.00824 ?
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