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09/06/2022 | FRANCE | N°21/01238

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 juin 2022, 21/01238


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 09/06/2022



****





N° de MINUTE : 22/239

N° RG 21/01238 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPLP



Jugement (N° 19/02349) rendu le 06 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANTS



Monsieur [K] [M]

[Adresse 4]

[Localité 6]



SA MAAF Assurances

[Adresse 9]

[Localité 8]



Représenté

s par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille



INTIMÉES



Madame [U] [T]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5] (59)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représentée par Me Simon Dancoisne, ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/239

N° RG 21/01238 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPLP

Jugement (N° 19/02349) rendu le 06 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [K] [M]

[Adresse 4]

[Localité 6]

SA MAAF Assurances

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentés par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Madame [U] [T]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5] (59)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Simon Dancoisne, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 6 mai 2021 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 juin 2022 après prorogation du délibéré en date du 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 7 septembre 1990, Mme [U] [T] (Mme [T]), alors âgée de 21 ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule de M. [K] [M] (M. [M]) assuré auprès de la SA Maaf assurances (la Maaf).

Par ordonnance en date du 2 juin 1992, le juge des référés de Lille a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [A] et accordé à Mme [U] [T] une provision de 10 000 francs.

Par ordonnance en date du 19 avril 1994, le docteur [A] a été de nouveau désignée et une provision complémentaire de 10 000 francs a été allouée à la victime.

Par jugement en date du 24 novembre 1995, le tribunal de grande instance de Lille a, notamment, ordonné une contre-expertise confiée au docteur [N] et accordé à Mme [T] une provision complémentaire de 20 000 francs.

Par ordonnance du 4 juillet 1996, il a été adjoint à1'expert le docteur [O], en qualité de sapiteur psychiatre.

Les rapports ont été déposés les 7 septembre 1996 et 6 janvier 1997.

Par jugement en date du 4 juillet 1997, le tribunal de grande instance de Lille a condamné in solidum M. [M] et la Maaf à payer à Mme [T], outre les provisions visées dans le jugement d'un montant total de 50 000 francs, la somme de 350 000 francs en réparation de son préjudice corporel outre celle de 5 000 francs au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 14 novembre 2000, le juge des référés de Lille a alloué à Mme [T], qui arguait d'une aggravation de son préjudice, une provision complémentaire de 80 000 francs et désigné le docteur [Y] en qualité d'expert.

Le rapport a été déposé le 7 mars 2001.

Soutenant avoir subi une nouvelle aggravation de son préjudice, Mme [T] a saisi le juge des référés de Lille qui, par ordonnance en date du 13 octobre 2015, a ordonné une expertise confiée au docteur [G], puis au docteur [I], et l'a déboutée de sa demande de provision.

Le docteur [I] a déposé son rapport le 7 septembre 2016 concluant à une aggravation du préjudice depuis le 28 juillet 2006 directement imputable aux conséquences de l'accident, sans consolidation de l'état de Mme [T].

Sur la base de ce rapport, le juge des référés de Lille, par ordonnance en date du 13 décembre 2016, a accordé à Mme [T] une provision de 75 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de son aggravation constatée par le docteur [I], ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Alléguant subir une aggravation du genou gauche et de son état mental, Mme [T] a de nouveau saisi le juge des référés qui, par ordonnance en date du 4 juillet 2017, a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [I] et débouté la victime de sa demande de provision. L'expert a déposé son rapport le 9 juillet 2018.

Souhaitant obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel suite à l'aggravation retenue par le docteur [I], Mme [T] a fait assigner, suivant actes d'huissier délivrés les 7 et 12 mars 2019, M. [M], la Maaf et la CPAM de [Localité 5] devant le tribunal judiciaire de Lille

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 6 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- constaté l'aggravation du préjudice tant physique que psychiatrique de Mme [T] depuis le 28 juillet 2006 en lien avec l'accident survenu le 7 septembre 1990,

- condamné in solidum M. [M] et la Maaf à lui payer les sommes suivantes :

- 2 445,50 euros au titre des frais divers,

- 35 690,90 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire,

- 147 062,90 euros au titre de l'assistance tierce personne définitive,

- 27 272,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 9 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus à Mme [T] par année entière,

- sursis à statuer sur les demandes formées par Mme [T] au titre des dépenses de santé actuelles, de la perte de gains professionnels future, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, à charge pour elle de produire le relevé des débours de la CPAM,

- débouté Mme [T] de sa demande au titre du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 150 000 euros,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles,

- dit que l'affaire sera réinscrite au rang des affaires en cours de ce tribunal à la suite de la signification par les demandeurs des pièces sollicitées et de leurs nouvelles conclusions.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 février 2021, M. [M] et la Maaf ont formé de appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement ci-dessus rappelé.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1.Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 mai 2021, M.

[M] et la Maaf, appelants principaux, demandent à la cour :

A titre principal,

- de désigner un expert spécialisé en chirurgie orthopédique dans le cadre d'opérations de contre-expertise avec la mission initialement confiée au docteur [I],

A titre subsidiaire,

- de liquider comme ci-dessus le préjudice corporel de Mme [T],

- de la condamner en conséquence à restituer à la Maaf le trop-perçu à hauteur de 26 052 euros,

En tout état de cause,

- de condamner Mme [T] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de même que les entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

A titre principal : un spécialiste en chirurgie orthopédique doit être désigné pour se prononcer sur la réalité de l'aggravation avancée par Mme [T], aux motifs que le docteur [I] n'est ni chirurgien orthopédiste, ni psychiatre et que son rapport est sujet à caution car :

- il n'y a pas d'aggravation au niveau du genou droit qui a bénéficié avec succès de la pose d'une prothèse totale du genou, dont la mobilité s'est trouvée amélioré de façon significative, ni au niveau du genou gauche qui présente une flexion à 100%, une extension complète, et aucune gène pour Mme [T],

- aux termes du rapport du docteur [H], psychiatre, il n'y a pas d'aggravation de l'état psychiatrique de Mme [T], et seules les doléances de cette dernière ont conduit le docteur [I] à retenir une aggravation sans aucun fondement scientifique à cette conclusion, alors que le rapport de l'enquêteur privé qu'elle a mandaté, conclut au fait que Mme [T] se déplace sans la moindre difficulté, de manière parfaitement normale, sans aide technique ou humaine ; qu'elle n'a aucune appréhension lors de ses déplacements, lesquels s'effectuent de manière souple et fluide,

- les rapports effectués par les docteurs [X] et [W] qu'ils versent aux débats, concluent tous deux à l'absence d'aggravation de l'état de santé de Mme [T].

A titre subsidiaire, ils réitèrent l'indemnisation proposée le 12 décembre 2028 à savoir :

- déficit fonctionnel temporaire total : 46 jours ..............................: 1 104,00 euros,

- déficit fonctionnel temporaire partiel classe III : 31 jours................: 372,00 euros,

- déficit fonctionnel temporaire Partiel classe ll : 3558 jours .... : 21 348,00 euros,

- déficit fonctionnel temporaire 33 % : 431 jours .........................: 3 448,00 euros

- souffrances endurées 3,5/ 7 ..........................................................: 8 000,00 euros

- préjudice esthétique temporaire 1 /7 .............................................. : 800,00 euros

- préjudice esthétique permanent 1/7................................................ :1 300,00 euros

- tierce personne à 12 euros/heure :

2 h/semaine du 28 juillet 2006 au 24 avril 2016............................ : 12 204,00 euros

- tierce personne à 12 euros/heure :

1 h/jour du 9 juin au 9 juillet 2016 ....................................................: 372,00 euros

- un total de : 48 948,00 euros

- compte tenu de la provision de 75 000 euros, versée Mme [T] devra restituer la différence, soit la somme de 26 052 euros.

- les constatations médicales et l'enquête réalisée par M. [P] démontrent que Mme [T] est parfaitement autonome pour l'ensemble des gestes de la vie quotidienne, qu'elle n'a aucune limitation de ses capacités fonctionnelles, qu'elle est apte à exercer une activité professionnelle, ainsi que l'avaient retenu les premiers experts et le jugement de 1997, et qu'elle n'est pas célibataire.

4.2.Aux termes de ses conclusions notifiées le 3 août 2021, Mme [T], intimée

et appelante incidente, demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'aggravation de son préjudice tant physique que psychiatrique depuis le 28 juillet 2006 en lien avec l'accident survenu le 7 septembre 1990,

En conséquence,

- débouter la Maaf de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

Au titre de l'appel incident,

- infirmer le jugement entrepris concernant les indemnisations qui lui ont été allouées au titre de la tierce personne avant consolidation, de la tierce personne définitive, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel, du préjudice d'établissement ;

En conséquence,

- condamner in solidum M. [M] et la Maaf à lui payer les sommes suivantes :

- 45 014,75 euros au titre de la tierce personne avant consolidation,

- 302 621,50 euros, somme à parfaire au jour du prononcé de la décision, au titre de l'assistance tierce personne définitive,

- 27 330,75 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 10 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 2 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 30 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 50 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

- ordonner la capitalisation des intérêts au sens de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner solidairement M. [M] et la Maaf à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner solidairement M. [M] et la Maaf aux entiers dépens en ce compris les frais des différentes expertises réalisées

- Débouter la Maaf de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraire.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- il résulte du rapport établi le 9 juillet 2018 par l'expert [I], qu'à compter du 28 juillet 2006 jusqu'à l'intervention du 24 avril 2016, son état s'est aggravé, et que la pose de la prothèse du genou droit est la conséquence de cette aggravation ; pendant cette durée, le recours à une tierce-personne était nécessaire ; concernant son genou gauche une intervention est à prévoir mais elle n'est pas en état psychologique de la subir ; elle subit un trouble psychiatrique d'évolution anormalement prolongée qui fonde une aggravation de son déficit fonctionnel permanent ; le docteur [X] médecin conseil et Me [R] conseil de la Maaf ne contestent pas l'aggravation de son préjudice concernant ses genoux ;

- les constatations de l'enquêteur privé, partial, ne saurait prévaloir sur les constatations médicales versées au dossier ;

- elle doit se faire accompagner en voiture pour se rendre aux rendez-vous chez son psychiatre ; elle n'a aucune activité professionnelle ; elle vit seule et a besoin d'une tierce personne pour réaliser de menus travaux ou l'entretien de son jardin ; les déplacements effectuées avec ses orthèses lui occasionnent de grandes douleur ;

- la demande de contre-expertise est tardive et dilatoire, dans la mesure ou la Maaf n'a pas interjeté appel des ordonnances de référé, n'a jamais remis en cause les conclusions du docteur [I] quant à l'aggravation de son préjudice dans son rapport du 7 septembre 2016, confirmé dans son deuxième rapport du 9 juillet 2018 ;

- la proposition d'indemnisation faite par la Maaf ne correspond pas à la réalité de ses préjudices : elle n'est pas autonome dans les gestes de la vie quotidienne ; elle n'a jamais réussit a reprendre une activité professionnelle depuis l'accident ; son handicap est reconnu par la MDPH ; elle est célibataire et n'a jamais pu s'établir.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués.

I- Sur l'aggravation du préjudice corporel de Mme [T] et sur la demande de contre-expertise

Il ressort du rapport d'expertise du docteur [I], expert judiciaire, en date du 9 juillet 2018, les éléments principaux suivants :

- Mme [T], âgée de 21 ans, s'est fait percutée par le véhicule conduit par M. [K] [M] le 7 septembre 1990, alors qu'el1e se trouvait sur le [Adresse 10] à [Localité 5] en compagnie d'une de ses amies, qui est décédée des suites de l'accident.

- elle a présenté dans les suites de 1'accident :

- un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale,

- un impact occipito-pariétal gauche,

- une plaie frontale gauche nécessitant une suture effectuée aux urgences,

- une fracture fermée sous-tubérositaire au niveau des deux plateaux tibiaux droit et gauche.

- les fractures des plateaux tibiaux ont bénéficié d'une traction-extension bilatérale transcalcanéenne des membres inférieurs maintenue jusqu'au 7 octobre 1990 puis immobilisation par plâtre cruro-pédieux dont l'ablation a eu lieu le 3 décembre 1990.

- les suites de l'accident ont été également marquées par un syndrome dépressif réactionnel. Un suivi psychiatrique a été mis en place avec le docteur [D] ainsi qu'un soutien psychologique au CMP de [Localité 5] à compter de 1'année 1992. Un traitement à base d'antidépresseurs et de benzodiazépine a également été mis en place.

Le préjudice de Mme [U] [T] a été liquidé par jugement du 4 juillet 1997.

- Sur l'aggravation du préjudice physique

Postérieurement à ce jugement, l'expert [Y], missionné par ordonnance du 14 novembre 2000 pour décrire les lésions complémentaires apparues depuis la dernière expertise et imputables à l'accident du 7 septembre 1990, a relevé dans son rapport du 7 mars 2001, que Mme [U] [T] avait subi depuis la date de consolidation fixée lors de l'expertise du 13 mars 1996, plusieurs interventions chirurgicales au nivau du genou droit, et notamment :

- une arthroscopie avec résection des ménisques externes droits le 25 mars 1998,

- une ostéotomie de variation de l'extrémité distale du fémur droit le 4 février 1999,

intervention suivie d'une rééducation en centre spécialisé du 10 février 1999 au 12 mars 1999,

- une nouvelle intervention pour ablation du matériel d'ostéosynthèse le 19 novembre l999.

L'expert [Y] a considéré que ces interventions chirurgicales et les soins de rééducation étaient en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident du 7 septembre 1990 et constituaient une aggravation de son état. La date de consolidation était dès lors fixée au 21 décembre 1999, date à laquelle la marche s'effectuait sans douleur, sans boiterie et sans aide. Des réserves étaient néanmoins émises concernant la fonction articulaire du genou droit avec une probable évolution vers une arthorse fémoro-tibiale droite.

L'expert [I], dans son rapport du 7 septembre 2016, puis dans son rapport définitif du 9 juillet 2018, a relevé, en se fondant sur le suivi radio-clinique orthopédique intéressant les deux genoux, en rapport avec une "évolutivité" fonctionnelle douloureuse gonarthrosique, réalisé depuis le 28 juillet 2006 par le docteur [L], chirurgien orthopédiste, et notamment sur les divers examens médicaux que Mme [T] a subi, à savoir IRM du genou gauche le 14 janvier 2009, une arthroscopie du genou gauche le 2 avril 2009, des radiographies des deux genoux le 16 août 2014 et le 16 décembre 2016, un rachis lombo sacre, bassin et hanche droite le 29 mai 2010, une radiographie du genou droit le 9 juillet 2016 :

- "[...] L'authentification d'une évolutivité pathologique vers une arthrose fémoro-tibiale tant au niveau du genou droit que du genou gauche

- Soit depuis le 28 juillet 2006 une aggravation préjudicielle directement et certainement imputable aux conséquences de l'accident du 7 septembre 1990.

- Ayant imposé la réalisation d'une arthroplastie totale du genou droit le 25 avril 2016 et la contrainte d'un temps d'hospitalisation du 25 avril au 8 juin 2016

- Avec, in fine, au niveau de ce genou une situation fonctionnelle et morphologique favorable mais sur une articulation devenue moins compliante.

- Tandis qu'au niveau du genou gauche la dégradation arthrosique impose une solution d'arthroplastie dans un délai non actuellement défini. [...]".

L'expert s'est notamment appuyé sur les comptes-rendus médicaux du docteur [L], chirurgien orthopédiste, en date du 15 décembre 2014 et du 2 février 2015, versés en pièces 30 et 32 par Mme [T], dont il ressort qu'après avoir pratiqué une ostéotomie de valginisation de chaque coté sur des séquelles post-traumatiques, une arthroscopie du genou gauche, il revoyait Mme [T] à la suite de douleurs importantes au niveau des deux genoux et d'une évolution dégénérative très claire des deux genoux ; la seule solution sur le plan chirurgical résidait dans la réalisation d'une arthroplastie totale de genou ; compte-tenu de l'importance de cette chirurgie, consistant en la pose de prothèse de genou, et du jeune âge de la patiente, il préconisait dans un premier temps une infiltration, réalisée le 22 décembre 2014, au niveau du genou droit, permettant un certain soulagement, mais que la pose d'une prothèse était nécessaire compte tenu de la persistance des douleurs.

Lors de l'examen physique de Mme [T], l'expert [I] a constaté (page 16 de son rapport) "[...] Mobilité générale normale. Déplacements aisés, sans aide orthopédique. Maintien droit. Autonomie préservée pour les gestes du déshabillage et de l'habillage. L'intéressée ne porte aucune orthèse. Pas de déviation des axes des membres inférieurs. La marche au sein du cabinet médical se fait sans boiterie. L'agenouillement et l'accroupissement ne sont pas réalisés. La station monopodale sur le pied gauche est de réalisation aléatoire, meilleure sur le pied droit. Constatation d'une égalité de longueur des membres inférieurs. [...]".

Il a ainsi conclu au plan traumatologique, à l'existence depuis le 28 juillet 2006, d'une aggravation préjudicielle directement et certainement imputable aux conséquences de l'accident du 7 septembre 1990 en retenant :

- au titre des lésions du genou droit, une impotence fonctionnelle ayant récemment bénéficié d'une intervention chirurgicale orthopédique avec mise en place d'une prothèse ayant rendu le genou moins compliant aux exigences de la mobilité, et déterminant un déficit fonctionnel permanent de 8%,

- au titre des lésions du genou gauche, une impotence fonctionnelle rendant nécessaire une intervention chirurgicale orthopédique à plus ou moins long terme, et déterminant un déficit fonctionnel permanent de 8%.

Il s'ensuit, que tant l'expert [Y] que l'expert [I] ont conclut au plan traumatologique, à l'existence depuis le 28 juillet 2006, d'une aggravation préjudicielle directement et certainement imputable aux conséquences de l'accident du 7 septembre 1990. Les conclusions du docteur [I] étant fondées sur ses propres constations médicales et sur l'analyse des pièces médicales versées à la procédure, des comptes rendus du docteur [L], chirurgien orthopédiste qui conclu lui même à une aggravation des deux genoux.

Alors que le recours à une contre-expertise judiciaire est justifiée s'il est démontré que le rapport établi par l'expert initialement commis présente des lacunes, des erreurs manifestes ou des incohérences, étant précisé que le seul désaccord d'une partie avec ses conclusions ne constitue pas une cause suffisante pour y recourir, une telle démonstration n'est pas apportée en l'espèce.

A l'inverse, il n'y a pas lieu de remettre en cause les conclusions de l'expertise du docteur [I], au seul motif qu'il serait médecin généraliste, alors qu'il est expert auprès de la cours d'appel de Douai en réparation du préjudice corporel, et qu'il a su s'adjoindre le concours d'un sapiteur psychiatre, pour l'évaluation psychiatrique qui n'est pas son domaine de compétence. Il est en outre observé, d'une part, que le docteur [X], médecin désigné par la Maaf, est neurochirurgien et non orthopédiste, qu'il a pu participer aux réunions d'expertise, et qu'il a été répondu à ses dires. D'autre part, la Maaf n'a pas émis de réserves lors de la seconde désignation du docteur [I].

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

La Maaf et M. [M] contestent l'aggravation de l'état de Mme [U] [T] sur le plan orthopédique, en se fondant d'une part sur le rapport d'un détective privé, M. [P], (leur pièce 4), auquel ils ont eu recours et qui a suivi Mme [T] du 22 au 25 octobre 2018, et d'autre part sur la base d'un rapport du docteur [X].

La cour constate, d'une part, outre que M. [P] n'a aucune compétence médicale, le fait que ce dernier indique avoir vu Mme [T] marcher normalement, sans aide humaine ou matérielle pour se déplacer, sans appréhension apparente pour franchir les obstacles tels que marches ou trottoirs sur une période de 5 jours en 2018, alors que le début de l'aggravation de l'état de santé de Mme [T], a été observé par l'expert [Y] en mars 1998, ne contredit pas les observations du docteur [I], tels qu'elles ont été relatées dans les précédent développements. L'aggravation de l'état de santé physique de Mme [T] réside dans le fait que depuis l'accident, elle subit une "évolutivité" fonctionnelle douloureuse gonarthrosique des deux genoux, ayant conduit à de nombreux suivis, examens et opérations une première fois en 1998/1999, ainsi une arthroscopie avec résection des ménisques externes droits en mars 1998, une ostéotomie de variation de l'extrémité distale du fémur droit en février 1999, une intervention pour ablation du matériel d'ostéosynthèse en novembre 1990, soit postérieurement au jugement de liquidation du 4 juillet 1997 ; puis à compter de juillet 2006, pour aboutir à la pose d'une prothèse de genou droit en avril 2016.

D'autre part, si la mise en place d'une prothèse du genou droit a amélioré la symptomatologie douloureuse éprouvée par Mme [T], ainsi que l'a relevé le docteur [X], expert de la Maaf, il est évident que sans l'accident, cette dernière n'aurait eu à subir plusieurs interventions chirurgicales du genou droit, et in fine la pose d'une prothèse totale du genou, opération particulièrement importante chez un sujet de surcroît jeune, pour traiter les douleurs récurrentes dont elle souffraient et à l'évolution dégénérative très claire de son genou ainsi que relevée par le docteur [L] (pièce [T] n°30). Pour autant, Mme [T] n'a pas récupéré l'entièreté de la mobilité de son genou. En effet, si l'extension est complète, la capacité de flexion atteint seulement 120°, de sorte que la distance talon-fesse est de 17 cm.

La cour observe quant au genou gauche, que l'expert [I], a relevé que si l'extension est complète, la capacité de flexion atteint seulement 100°, de sorte que la distance talon-fesse est de 30cm. L'expert a également indiqué en page 16 de son rapport, "[...] L'agenouillement et l'accroupissement ne sont pas réalisés. La station monopodale sur le pied gauche est de réalisation aléatoire, meilleure sur le pied droit[...]". En outre une gonarthrose fémoro-tibiale latérale a été observée lors de la radiographie du 16 décembre 2016 par le docteur [C], radiologue, (pièce [T] n°95). Tant le docteur [L], que l'expert [I], concluent à la nécessité d'une pose de prothèse à moyen terme, opération à laquelle Mme [U] [T] ne parvient pas encore à se résoudre, ce qui s'explique notamment par son état psychologique extrêmement fragilisé depuis l'accident.

Il s'en déduit, que Mme [T] a subi une aggravation de son état physique depuis le jugement de liquidation du 4 juillet 1997 en relation directe et certaine avec l'accident du 7 septembre 1990.

- Sur l'aggravation de l'état psychiatrique de Mme [T] :

Il résulte du jugement de liquidation des préjudices de Mme [T], en date du 4 juillet 1997, que l'expert [N], avait fixé le taux incapacité permanente fonctionnelle de Mme [T] à 25%, en tenant compte de séquelles orthopédiques à hauteur de 10% et neuro-psychologiques à hauteur de 15%.

Le docteur [O], (pièce [T] n°2) avait relevé dans son rapport judiciaire en date du 4 octobre 1996 : qu'à l'examen clinique, il existait un syndrome dépressif chronique simple, sans phobies, notamment pas d'agoraphobie, ni angoisse importante, pas de troubles panique ; un état dépressif accompagné d'inhibition psychomotrices et de désadaptation sociale imputable à l'accident du 7 septembre 1990 ; que le trouble dépressif dont souffrait Mme [T] était évolutif et non stabilisé, et que de ce fait la hauteur des séquelles psychiatriques ne pouvait être actuellement définie ; la durée d'un traitement efficace était fixée à un an à dater du dépôt du rapport, de sorte que la date de consolidation médico-légale pouvait être fixée à septembre 1997.

Dans son rapport d'expertise (pièce [T] n°19), en date du 7 mars 2001, le docteur [Y] indiquait que sur le plan psychiatrique, depuis le 13 mars 1996, il n'y avait pas eu d'évolution ni en aggravation ni en amélioration de l'état psychiatrique de Mme [T].

Mme [T] verse toutefois à la procédure plusieurs certificats médicaux aux termes desquels :

- le 13 avril 2010, (pièce 25) le docteur [E], psychiatre en charge du suivi de Mme [T], notait qu'elle souffrait d'un trouble anxieux compliqué d'aménagements phobiques, manifestant un certain degré de handicap social, et préconisait alors un projet de relogement avec un accès de proximité à des commerces ;

- Le 21 octobre 2014, (pièce 28) ce même médecin relevait des blocages phobiques avec évitement des sorties seule sur l'extérieur constitués de longue date. Il constatait une accentuation des difficultés psychiques dans un contexte de mal logement et des insomnies rattachées à une majoration des gonalgies, pour lesquelles le traitement antalgique n'était que partiellement suffisant. Il préconisait la prise d'ATHYMIL 10mg pour améliorer son sommeil et abaisser les tensions internes du soir ;

- le 24 janvier 2017, (pièce 101), le docteur [E] indiquait que Mme [T] souffrait dans le long cours d'un état anxio-dépressif chronicisé d'évolution instable et prolongée de nature manifestement post-traumatique ; que sur le plan psychique il était constaté la permanence d'un état de grande difficulté émotionnelle avec hyper réactivité aux facteurs de stress psychosociaux ; un remaniement post-traumatique de la personnalité durablement constituée à l'origine perte d'autonomie et d'un état de régression psycho comportementale ; une inflation symptomatique anxio-dépressive a été manifeste cette année et à entouré la période de réalisation d'une intervention pour la pose de prothèse du genou droit ; actuellement la situation de handicap et de perte de taux d'autonomie est importante ; Mme [T] ne sait pas sortir seule de chez elle et parfois même avec un accompagnement contra phobique ; les blocages aux sorties de nature phobique sont récurrents ; au total la pathologie post-traumatique durablement constituée est à l'origine d'une invalidation d'une restriction des capacités de réalisation personnelle conséquente dont il conviendra de tenir compte dans le processus d'indemnisation. Il rappelait le traitement pris dans le long court comportant : "ALPRAZOLAM 0,5 4cp/j, VENLAFAXINE 75mg 1cp/j, STILNOX 1 cp au coucher".

Le docteur [H], sapiteur expert, ayant examiné Mme [U] [T] le 7 février 2018, après avoir pris connaissance de son dossier médical, et notamment des comptes-rendus de son psychiatre, a considéré qu'i1 n'y avait pas eu d'aggravation de l'état psychiatrique de Mme [U] [T], relevant la persistance en tous points d'un état clinique qui évolue de façon chronique consécutivement à son accident. Il a considéré que l'hospitalisation de Mme [U] [T], le 19 avril 2017, à sa demande, pour souffrances psychologiques, idéations suicidaires sans passage à l'acte, qui n'a duré que quelques heures, et que l'accentuation du trouble dépressif constaté en 2017 par le Dr [E], ne permettait pas de conclure à une aggravation, dès lors que le suivi antérieur s'est maintenu comme précédemment, tout comme le traitement psychotrope et sans avoir recours à une hospitalisation.

Le docteur [I] s'est néanmoins prononcé en faveur d'une aggravation du taux de déficit fonctionnel permanent à 20% sur le plan psychiatrique dès lors que le trouble psychiatrique est d'évolution anormalement prolongée (28 années) avec enkystement tout à fait inhabituel.

La Maaf a contesté cette aggravation, par l'intermédiaire d'un dire établi par les docteurs [X] et [R], qui estiment qu'un taux de 20%, selon le barème [S], est tout à fait exceptionnel et s'applique lors d'hospitalisations psychiatriques, ce qui n'est pas le cas de Mme [U] [T], dont la situation correspond à une anxiété phobique généralisée avec attaques de panique, conduites d'évitement étendues, syndrome de répétition diurne et nocturne, pour lequel le taux de 15% initialement retenu était justifié.

En réponse aux dires, l'expert [I] a maintenu qu'il existait, sur le plan médico-légal, une aggravation du trouble psychiatrique.

Sur ce point, outre que l'expert n'est pas tenu par l'avis exprimé par le sapiteur d'une autre spécialité, la cour constate que les constatations du docteur [E], psychiatre, qui suit la victime depuis 2011, permettent de caractériser une telle aggravation, dès lors que ce dernier a relevé qu'elle souffrait d'un trouble anxieux compliqué d'aménagements phobiques, de blocages phobiques avec évitement des sorties seule sur l'extérieur, d'une accentuation des difficultés psychiques rattachée à une majoration des gonalgies, alors qu'en 1996, l'expert [O] avait exclusivement relevé qu'il existait à l'époque un syndrome dépressif chronique simple, sans phobies, notamment pas d'agoraphobie, ni angoisse importante, pas de troubles paniques.

En outre, si le rapport du détective privé missionné par la Maaf (sa pièce 4) établit que Mme [U] fréquente plusieurs amis ou membres de sa famille, il ne démontre toutefois pas qu'elle soit exempte de difficulté relationnelle, alors que son psychiatre, le docteur [E], qui la suit depuis de nombreuses années, relève qu'elle est dans l'incapacité de sortir seule de chez elle et que sa pathologie génère un certain degré de handicap social. Le détective privé note d'ailleurs que sur quatre jours de surveillance, Mme [T] n'a quitté son domicile qu'une seule fois, au cours de l'après midi du 22 octobre 2018, que les deux jours suivants elle est restée chez elle en peignoir et qu'elle est très peu connue de son voisinage, ce qui confirme la réalité de son isolement social.

Par ailleurs, le docteur [I] retient que l'enkystement anormalement prolongé, sur une durée de 28 années, du trouble psychiatrique justifie un besoin d'assistance par tierce-personne de façon permanente et la rend inapte à l'exercice des activités professionnelles, dès lors que la déficience comportementale génère une altération importante des relations sociales et professionnelles, là où l'exercice d'une activité implique des contraintes sociales et de productivité. Ces préjudices n'étaient pas constitués au moment des premières expertises et de la liquidation du préjudice en 1997 puisqu'il était alors relevé que Mme [T] était intellectuellement apte à reprendre, dans les conditions antérieures, l'activité qu'elle exerçait lors de l'accident et qu'il n'avait pas été retenu de besoin en tierce-personne permanent. De la même manière, l'expert retient que du fait de la persistance de son état clinique, corrélée à la récurrence des douleurs physiques, Mme [T] a eu des difficultés à s'engager dans des relations affectives et s'est trouvée confrontée à l'impossibilité de mener un projet de vie autonome, ce qui est d'ailleurs confirmé par son psychiatre, le docteur [E], et ce qui caractérise une aggravation de son déficit fonctionnel permanent.

Les attestations versées aux débats par Mme [T] en pièces 126 à 131 corroborent ces éléments. Ainsi, il résulte notamment de l'attestation de Mme [V] que Mme [T] vit seule ; qu'elle l'assiste dans la plupart de ses demandes au quotidien, qu'elle l'a notamment accompagné chez son psychiatre le 22 octobre 2018 et dort parfois chez elle. Pour leur part, MM. [J] et [F], attestent rendre de menus services à Mme [T], en jardinant, en lui faisant des courses, et en la soutenant dans ses démarches administratives.

Dès lors, il existe bien une aggravation de l'état psychiatrique de Mme [T] depuis la liquidation de son préjudice par le jugement du 4 juillet 1997 en relation directe et certaine avec l'accident du 7 septembre 1990, qu'il appartient à M. [K] [M] et à la MAAF d'indemniser intégralement.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

II- Sur l'indemnistation des préjudices liés à l'aggravation

Le principe de réparation intégrale sans perte ni profit implique :

- d'une part, de n'indemniser que les conséquences dommageables liées à la seule aggravation'des préjudices subis : à défaut, il y aurait double indemnisation du même préjudice ; l'évaluation de chaque poste de préjudice invoqué doit par conséquent prendre en compte les indemnisations déjà versées à ce titre dans le cadre d'une offre antérieurement acceptée ou d'une décision judiciaire antérieurement rendue.

- d'autre part, d'indemniser le préjudice complémentaire en procédant à la soustraction des valeurs, et non à la soustraction des points d'indice : en effet, la valeur du point d'indice n'est pas linéaire, mais progressive, de sorte que la seule soustraction des points déjà indemnisés de la nouvelle évaluation globale du poste à indemniser conduirait à une sous-indemnisation des seuls points supplémentaires. La pondération croissante du point liée à l'aggravation du préjudice suppose par conséquent de :

' réévaluer d'abord, de façon actualisée au jour de la liquidation du préjudice résultant de l'aggravation, l'indemnité déjà versée en 1997 ;

'déterminer ensuite la valeur actuelle de l'intégralité du poste globalement évalué par l'expert ;

'fixer la réparation de la seule aggravation à la différence entre ces deux valeurs.

En l'espèce, l'expert judiciaire a conclu dans son rapport du 9 juillet 2018 :

Préjudices temporaires avant consolidation :

- déficit fonctionnel temporaire :

- déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% du 28 juillet 2006 au 1er avril 2009,

- déficit fonctionnel temporaire total le 2 avril 2009 au contexte d'une journée d'hospitalisation,

- déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% du 3 avril 2009 au 24 avril 2016,

- déficit fonctionnel temporaire total du 25 avril 2016 au 8 juin 2016,

- déficit fonctionnel temporaire partiel de 50% du 9 juin 2016 au 9 juillet 2016,

- déficit fonctionnel temporaire partiel de 33% du 10 juillet 2016 au 13 septembre 2017,

* pendant tout ce temps de déficit fonctionnel temporaire, la capacité de l'intéressée à mener une activité professionnelle a été réduite comme précédemment définie,

- souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des blessures subies évaluées à 3,5/7,

- préjudice esthétique temporaire : 1,5/7,

- nécessité et durée d'une aide à domicile non spécialisée à caractère familial avant la consolidation :

- 3 heures par semaine du 28 juillet 2006 au 24 avril 2016,

- l heure par jour du 9 juin au 9 juillet 2016,

- 4 heures par semaine du 10 juillet 2016 au 13 septembre 2017,

- consolidation : 13 septembre 2017,

Préjudices permanents :

- déficit fonctionnel permanent :

- au plan locomoteur : au niveau du genou droit : 8%,

au niveau du genou gauche : 8%,

- au plan psychiatrique : un trouble psychiatrique d'évolution anormalement prolongée (28 années) avec un enkystement tout à fait inhabituel : 20%,

soit globalement un taux de DFP de 32%.

A ce titre, la cour relève une erreur matérielle dans le décompte ainsi effectué par l'expert, qu'il convient de rectifier, pour retenir un taux global de 36% (8% +8% +20%),

- il y a une inaptitude à l'exercice des activités professionnelles au contexte de leur nécessaire obligation de contraintes sociales et de productivité,

- préjudice esthétique permanent de 1,5/7,

- au corollaire de l'enkystement de la déficience comportementale d'étiologie psychiatrique, l'intéressée a évoqué son retrait vis à vis des activités de loisirs et/ou d'agréments et sa difficulté à s'engager dans des relations affectives avec le corollaire d'un déficit d'épanouissement de la sexualité,

- l'intéressée a été confrontée à l'impossibilité de mener un projet de vie autonome au corollaire de son jeune âge au contexte temporel de l'accident,

- des soins futurs sont nécessaires : maintien d'un suivi psychiatrique et/ou psychologique régulier (une séance par mois) ; prévision sans définition de délai d'une intervention chirurgicale orthopédique au niveau du genou gauche,

- nécessité d'une tierce personne après la consolidation non qualifiée à caractère familial 4 heures par semaine :

- pour suppléer la déficience à la mobilité, à la marche et aux déplacements et la déficience comportementale sociale, aide à l'entretien du domicile et participation aux courses extérieures.

A - Sur l'évaluation des préjudices complémentaires

Les premiers juges ont déjà relevé que Maaf et M. [M] demandent l'indemnisation des préjudices subis uniquement jusqu'au 9 juillet 2016, sans en expliquer les raisons. Devant la cour, la justification d'une telle prétention n'est pas davantage apportée.

A l'inverse, alors que la consolidation retenue par l'expert est fixée au 13 septembre 2017, date de l'examen clinique au cours duquel il a constaté qu'il n'y avait plus de soins médicaux actifs médicalement justifiés et que les séquelles étaient fixées, le principe de réparation intégrale sans perte ni profit impose d'indemniser l'intégralité des préjudices résultant de l'aggravation de l'état de santé de Mme [T].

1 - Sur l'évaluation des préjudices corporels patrimoniaux

a - Préjudice patrimoniaux temporaires :

1° les dépenses de santé actuelles

Le premier juge a sursis à statuer sur ce poste de préjudice, pour lequel Mme [T] sollicitait la somme de 1 817,03 euros à charge pour cette dernière de produire le relevé des débours de la caisse.

Mme [T] indique dans ses conclusions qu'elle ne formule aucune demande à ce titre devant la cour dans le cadre de la présente instance, indiquant qu'elle reprendra la procédure devant le premier juge afin qu'il soit statué sur ce poste de préjudice sans qu'elle soit privée du double degré de juridiction.

Mme [T] ne demandant pas d'infirmer la décision de première instance sur ce point, il convient de confirmer le sursis à statuer ordonné par le premier juge sur ce poste de préjudice.

2° - les frais divers

Le premier juge a alloué à Mme [T] la somme de 2 445,50 euros, décomposée comme suit :

- honoraires du médecin conseil : 2 280 euros,

- frais de séjour à la clinique de la [11] du 2 avril 2009 : 51 euros,

- forfait chambre individuelle à la clinique du sport : 90 euros,

- abonnement TV hospitalisation du 4 au 11 mai 2016 : 24,50 euros.

Mme [T] sollicite la confirmation de cette décision.

La Maaf et M. [M] ne formule aucune proposition ni contestation sur ce poste de préjudice.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient de confirmer la décision querellée, la demande étant justifiée par les pièces 106, 107, 108 et 109.

3° - l'assistance par tierce-personne temporaire

Le premier juge a accordé au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne une indemnisation de 35 690,90 euros, sur la base d'une rémunération horaire du besoin en aide humaine de 18 euros.

Mme [T] sollicite en cause d'appel la somme de 45 014,75 euros sur la base d'un taux horaire de 25 euros.

M. [M] et la Maaf offrent à ce titre une indemnisation de 12 576 euros sur la base d'un taux horaire de 12 euros, en estimant qu'elle doit être réduite à 2 heures par semaine du 28 juillet 2006 au 24 avril 2016 et à 1 heure par jour du 9 juin au 9 juillet 2016, sans que soit indemnisée la tierce personne entre le 10 juillet 2016 et le 13 septembre 2017.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale. L'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner les points suivants :

- la Maaf et M. [M] ne produisent aucun élément justifiant de limiter l'indemnisation de l'assistance tierce personne du 28 juillet 2006 au 24 avril 2016 à 2 heures par semaine au lieu de 3 heures retenus par 1'expert [I],

- la date de consolidation retenue est le 13 septembre 2017, de sorte que l'assistance par tierce personne doit être indemnisée du 10 juillet 2016 au 13 septembre 2017 en l'absence de tout élément permettant de remettre en question l'évaluation faite par l'expert,

- s'agissant d'une aide non spécialisée sans recours à un prestataire, elle peut être évaluée à 18 euros de l'heure, auquel il convient d'ajouter la majoration pour congés payés de 10%.

Dès lors, le préjudice subi par Mme [T] peut être évalué comme suit :

- du 28 juillet 2006 au 24 avril 2016 : (3559 jours/7) x 3 heures x 18 euros = 27 455,14 euros,

- du 9 juin 2016 au 9 jui1let 2016 : 31 jours x 1heures x 18 euros 1 558 euros,

- du 10 juillet 2016 au 13 septembre 2017 : (431 jours/7) x 4 heures x 18 euros = 4 433,14 euros,

Soit un total de 32 446,28 euros, auquel il convient d'ajouter la majoration pour congés payés de 10%, soit 35 690,90 euros.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

b - Préjudice patrimoniaux permanents :

1° - l'assistance tierce personne permanente

Le premier juge a alloué la somme de 147 062,90 euros à Mme [T].

Mme [T] sollicite, au titre de l'assistance tierce-personne future, la somme de

302 621,50 euros, somme à parfaire au jour du prononcé de la décision sur la base d'un coût journalier de 25 euros. Indiquant que sa famille est très restreinte et n'est pas en mesure de lui apporter une aide à domicile, elle précise qu'elle devra recourir à un organisme d'aide à la personne.

La Maaf et M. [M] contestent le besoin en tierce-personne définitive estimant que Mme [T] est parfaitement autonome pour l'ensemble des gestes de la vie quotidienne.

Sur ce, il s'agit d'indemniser la victime du coût lié l'embauche d'une tierce personne l'assistant dans les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Ces dépenses visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie. L'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale. L'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il sera simplement souligné et précisé que :

- l'expert [I] a, en page 24 de son rapport, retenu un besoin en tierce personne non qualifiée à caractère familial de 4 heures par semaine pour suppléer la déficience à la mobilité, à la marche, aux déplacements et la déficience comportementale sociale ; un besoin pour l'aide à l'entretien du domicile et la participation aux courses extérieures. Étant rappelé que le docteur [E], psychiatre, qui suit Mme [T] depuis 2011, a indiqué que cette dernière est dans l'incapacité de sortir seule de chez elle et parfois même avec un accompagnement contra phobique, et que les blocages aux sorties de nature phobique étaient récurrents. L'enquête effectuée par le détective mandaté par la Maaf confirme en réalité que Mme [T] sort très peu de son domicile et uniquement en étant accompagnée,

- les attestations que Mme [T] versent en pièces 126 à 132, prouvent qu'elle a recours à des amis pour effectuer ses courses, ou l'y accompagner, faire son jardin ou des travaux ménagers.

Le préjudice de Mme [T] nécessite donc une aide non spécialisée pour l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante, tel que le ménage, le jardinage ou faire des courses, de sorte qu'un tarif horaire d'indemnisation de 18 euros est retenu et permet la liquidation de ce poste comme suit :

- de la consolidation jusqu'au présent arrêt : assistance par tierce personne échue : (1724 jours/7) x 18 euros x 4 heures = 17 732,57 + 10 % congés payés = 19 505,82 euros.

- au-delà du présent arrêt : assistance par tierce-personne à échoir :

Il convient de capitaliser le coût annuel de la tierce personne future en le multipliant par l'euro de rente viagère correspondant au sexe et à l'âge de la victime au 2 juin 2022, date du présent arrêt. L'euro de rente viagère pour une femme de 53 ans est de 30,106 euros, selon le barème de capitalisation 2018 de la gazette du Palais, de sorte que le montant global de l'assistance tierce personne future s'évalue à : 4 237,71 (soit 412 jours incluant les congés payés/7) x 18 euros x 4 heures) x 30,106 = 127 580,50 euros

Le montant total de l'assistance tierce personne, tant passée que future, s'élève ainsi à

147 086,32 euros.

En conséquence, il sera alloué à Mme [U] [T] la somme de 147 086,32 euros, au titre de la tierce personne définitive. La décision querellée sera infirmée de ce chef.

2° - la perte de gains professionnels futurs

Le premier juge a sursis à statuer sur ce poste de préjudice, alors que Mme [T] sollicitait la somme de 137 497,94 euros, dans l'attente de la production du relevé des débours de la CPAM.

La Maaf et M. [M] concluent au rejet de la demande estimant que Mme [T] est parfaitement apte à l'exercice d'une activité professionnelle, en rappelant qu'elle n'avait aucune activité au moment de l'accident survenu en 1990, et qu'elle pourrait avoir une activité professionnelle.

Mme [T] indique dans ses conclusions qu'elle ne formule aucune demande à ce titre devant la cour dans le cadre de la présente instance, indiquant qu'elle reprendra la procédure devant le premier juge afin qu'il soit statué sur ce poste de préjudice sans qu'elle soit privée du double degré de juridiction.

Mme [T] ne demandant pas d'infirmer la décision de première instance sur ce point, il convient de confirmer le sursis à statuer ordonné par la premier juge sur ce poste de préjudice.

3°- l'incidence professionnelle

Le premier juge a sursis à statuer sur ce poste de préjudice, alors que Mme [T] sollicitait la somme de 50 000 euros, dans l'attente de la production du relevé des débours de la CPAM.

La Maaf et M. [M] contestent toute incidence professionnelle.

Mme [T] indique dans ses conclusions qu'elle ne formule aucune demande à ce titre devant la cour dans le cadre de la présente instance, indiquant qu'elle reprendra la procédure devant le premier juge afin qu'il soit statué sur ce poste de préjudice sans qu'elle soit privée du double degré de juridiction.

Mme [T] ne demandant pas d'infirmer la décision de première instance sur ce point, il convient de confirmer le sursis à statuer ordonné par la premier juge sur ce poste de préjudice.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a fixé la créance de Mme [T] à la somme de 27 272,50 euros à ce titre, retenant une indemnisation de 25 euros par jour.

La cour constate que Mme [T] ne demande pas dans son dispositif d'infirmer la décision des premiers juges sur ce poste de préjudice, alors que dans le corps de ses conclusions elle demande la somme de 27 330,75 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice fonctionnel temporaire, sur la base d'une indemnité journalière de 25 euros.

Le dispositif de ses conclusions comporte ainsi une erreur matérielle, en ce qu'il sollicite l'infirmation de l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, sur lequel les premiers juges ont sursis à statuer et en ce qu'elle réclame à ce titre une somme de

27 330,75 euros correspondant à son argumentaire sur le déficit fonctionnel temporaire. Il convient par conséquent de rectifier une telle erreur de plume constituée par une telle substitution du terme «'permanent'» à celui de «'temporaire'».

La Maaf et M. [M] offre d'ailleurs la somme de 27 272 euros pour ce poste de préjudice.

Sur ce, la cour rappelle que le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Toutefois, la Maaf et M. [M] offrant la somme de 27 272 euros, il sera accordé à Mme [T] sur la base du rapport d'expertise judiciaire une indemnisation à hauteur de 27 272 euros.

Le jugement querellé sera infirmé sur ce point quant au montant accordé.

2°- les souffrances endurées

Le premier juge a accordé au titre des souffrances endurées une somme de 9 000 euros à Mme [T], qui sollicite devant la cour la somme de 10 000 euros.

La Maaf et M. [M] offre la somme de 8 000 euros.

Sur ce, il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- l'expert judiciaire a chiffré à 3,5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par Mme [T],

- l'expert met en évidence les douleurs nociceptives inhérentes à l'involutivité pathologique au niveau des genoux ; le contexte d'une intervention chirurgicale avec soins infirmiers et de rééducation fonctionnelle ; le désarroi psychologique et moral déficitaire subi par Mme [T].

Au regard de la multiplicité des interventions chirurgicales et des soins, il convient d'allouer pour réparer l'intégralité des souffrances endurées une indemnité de 9 000 euros et de confirmer le jugement querellé sur ce point.

3° - le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 800 euros.

Mme [T] sollicite la somme de 2 000 euros.

La Maaf et M. [M] offre la somme de 800 euros.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

En réparation de ce poste, il convient d'allouer à Mme [T] la somme de 800 euros.

b - Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a sursis à statuer sur ce poste de préjudice pour lequel Mme [T] sollicitait la somme de 84 480 euros, dans l'attente de la production du relevé des débours de la CPAM.

La cour constate que :

- si Mme [T] demande d'une part dans le dispositif de ses conclusions d'infirmer la décision du premier juge concernant l'indemnisation qui lui a été allouée au titre du déficit fonctionnel permanent pour solliciter à ce titre la somme de 27 330,75 euros.

- elle rappelle d'autre part dans le corps de ses conclusions que le tribunal a sursis à statuer sur cette demande et qu'elle ne formule donc aucune demande à ce titre devant la cour dans le cadre de la présente instance, indiquant qu'elle reprendra la procédure devant le premier juge afin qu'il soit statué sur ce poste de préjudice sans qu'elle soit privée du double degré de juridiction.

Il s'agit manifestement d'une erreur de plume, ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment au titre de la liquidation du déficit fonctionnel temporaire.

La Maaf et M. [M] concluent au débouté de cette demande, estimant qu'il n'existe aucune aggravation de ce taux par rapport au taux de 25% initialement retenu lors de la liquidation du préjudice de Mme [U] [T].

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

- il est établi que Mme [T] a subi une aggravation de son préjudice tant sur le plan physique que psychiatrique. L'expert chiffre à 32% le déficit fonctionnel permanent global, en retenant un taux de 8% pour chaque genou et un taux de 20% sur le plan psychiatrique, or il y a manifestement une erreur de calcul, qui porte le déficit fonctionnel permanent à 36%,

- le taux initialement retenu par le Dr [N] en janvier 1997 était de 10% pour les séquelles fonctionnelles des genoux et de 15% pour les séquelles neuro-psychologiques liées à une névrose post-traumatique.

Sur ce, il doit être considéré que le taux de 36% ainsi retenu concerne l'ensemble des séquelles subies par Mme [U] [T] depuis l'accident.

Toutefois, compte tenu de l'erreur de plume manifeste de Mme [T], du sursis à statuer du premier juge sur ce poste de préjudice et de la nécessité de préserver à Mme [T] le double degré de juridiction, il convient de confirmer le sursis a statuer ordonné par le premier juge sur ce préjudice.

2°- le préjudice d'agrément

Le premier juge a débouté la victime de sa demande de réparation d'un préjudice d'agrément.

Mme [T] sollicite la somme de 30 000 euros, indiquant que les pièces versées aux débats démontrent l'aggravation de son préjudice d'agrément, qu'à l'époque de l'accident elle n'était âgée que de 21 ans et était sportive.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives, de bulletin d'adhésion à des associations, ou d'attestations, étant précisé que l'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur.

Selon l'expert [I], l'intéressée a évoqué son retrait vis à vis des activités de loisirs et/ou d'agréments.

Toutefois, la cour constate que Mme [T] a déjà fait l'objet d'une indemnisation au titre du préjudice d'agrément en 1997, elle ne démontre pas que 1'aggravation de son préjudice a entraîné une impossibilité d'exercer des activités spécifiques de loisirs qui n'aurait pas déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Elle sera en conséquence débouté de sa demande, et le jugement querellé confirmé sur ce point.

3°- le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a fixé ce préjudice à la somme de 2000 euros.

Mme [T] sollicite la somme de 2 500 euros.

La Maaf et M. [M] proposent la somme de 1300 euros.

Sur ce, la victime peut justifier après consolidation d'une altération définitive de son apparence physique justifiant son indemnisation.

L'expert [I] a chiffré à 1,5 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique permanent eu égard à la constitution d'un capital cicatriciel au niveau du genou gauche discernable au regard social.

En réparation de ce poste, il convient d'allouer à Mme [T] la somme de 2 000 euros et de confirmer la décision querellée sur ce point.

4° - le préjudice sexuel

Le premier juge a débouté la victime de sa demande de réparation d'un préjudice sexuel.

Mme [T] sollicite la somme de 30 000 euros à ce titre, faisant valoir, ainsi que relevé par l'expert, sa difficulté à s'engager dans des relations affectives avec le corollaire d'un déficit d'épanouissement de la sexualité et indiquant que présence d'un homme chez elle telle que relevée par le détective privé est liée à ses besoins en tierce personne pour effectuer les tâches ménagères.

La Maaf et M. [M] concluent au débouté de la demande soutenant que Mme [T] n'est pas célibataire, ainsi que cela ressort des constatations du détective privé.

Sur ce, ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

Selon l'expert [I], l'intéressée a évoqué sa difficulté à s'engager dans des relations affectives avec le corolaire d'un déficit d'épanouissement de la sexualité.

En l'espèce, la cour constate que les allégations de la Maaf et de M. [M], quant au fait que Mme [T] ne vivrait pas seule, sont démenties par les attestations qu'elle verse en pièces 128 à 131. Il en ressort, en effet, que M. [F], explique, qu'en qualité d'ami de longue date, il passe au domicile de Mme [T] après son travail pour l'aider, ainsi qu'en son absence, et qu'il possède un double des clés de son domicile, à l'instar de M. [J], qui précise parfois y dormir.

Toutefois, Mme [T] n'allègue ni ne justifie ni d'une atteinte morphologique à ses organes sexuels, ni davantage d'une baisse de libido ou d'une difficulté à pratiquer l'acte sexuel.

En conséquence, Mme [T] sera déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice sexuel.

La décision querellé sera confirmée sur ce point.

5°- Préjudice d'établissement

Le premier juge a fixé ce préjudice à la somme de 20 000 euros.

Mme [T] sollicite la somme de 50 000 euros, expliquant qu'elle est célibataire, qu'elle n'a jamais eu d'enfants et qu'elle est dans l'impossibilité physique d'en avoir, étant ménopausée.

La Maaf et M. [M] concluent au débouté de la demande.

Sur ce, ce poste vise à réparer la perte d'espoir, de chance et ou de toute possibilité de réaliser tout projet personnel de vie, notamment s'établir, fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap permanent dont reste atteinte la victime après sa consolidation.

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner que le docteur [E], psychiatre, qui suit Mme [T] depuis 2011, a relevé que la pathologie post traumatique durablement constituée est à l'origine d'une invalidation et d'une restriction des capacités de réalisation personnelle, que Mme [T] ne peut et ne pourra jamais avoir la vie qu'elle aurait souhaité.

En réparation de ce poste, il convient de lui allouer la somme de 20 000 euros.

La décision dont appel sera confirmée sur ce point.

B - Sur la liquidation des préjudices

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [T], sauf à déduire la provision de 75'000 euros déjà allouée à la victime, les sommes suivantes':

- 2 445,50 euros au titre des frais divers,

- 35 690,90 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire,

- 147 086,32 euros au titre de l'assistance tierce personne définitive,

- 27 272 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 9 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement.

III - Sur les autres demandes

A - Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts échus étant de droit quand elle est demandée, elle sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

B - Sur les dépens et les indemnités de procédure

le jugement querellé sera confirmé sur les dépens et les frais irrepétibles de première instance en ce qu'il les a réservés,

Le sens de l'arrêt conduit à condamner in solidum la Maaf et M. [M] aux entiers dépens d'appel,

L'équité commande de condamner in solidum la Maaf et M. [M] à payer au titre des indemnités de procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros à Mme [T].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Infirme le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :

- condamné in solidum M. [K] [M] et la société Maaf Assurances à payer à Mme [U] [T] les sommes suivantes :

- 27 272,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 147 062,90 euros au titre de l'assistance tierce personne définitive,

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

Condamne in solidum M. [K] [M] et la société Maaf Assurances à payer à Mme [U] [T] les sommes suivantes :

- 27 272 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 147 086,32 euros au titre de l'assistance tierce personne définitive,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [K] [M] et la société Maaf Assurances aux entiers dépens d'appel,

Condamner in solidum M. [K] [M] et la société Maaf Assurances à payer au titre des indemnités de procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros à Mme [U] [T].

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01238
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.01238 ?
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