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09/06/2022 | FRANCE | N°19/05148

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 09 juin 2022, 19/05148


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 09/06/2022





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N° de MINUTE : 22/

N° RG 19/05148 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SS4X



Jugement n°2018001474 rendu le 03 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer

Arrêt (N°21/292) rendu le 18 novembre 2021 par la Cour d'appel de Douai





APPELANTE



Société Fertival SASU

ayant son siège social La V

allée - 22400 Quintenic

représentée par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

assistée de Me Franck Barbier, avocat au barreau de Rennes





INTIMÉE



SAS Sopropêche, prise en la pe...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 09/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 19/05148 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SS4X

Jugement n°2018001474 rendu le 03 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer

Arrêt (N°21/292) rendu le 18 novembre 2021 par la Cour d'appel de Douai

APPELANTE

Société Fertival SASU

ayant son siège social La Vallée - 22400 Quintenic

représentée par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

assistée de Me Franck Barbier, avocat au barreau de Rennes

INTIMÉE

SAS Sopropêche, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social La Trésorerie - 62126 Wimille

représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Corinne Lepage subtituée à l'audience par Me Benoît Denis, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 23 février 2022 tenue par Véronique Renard magistrat chargé d'instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Angie Dauthieux

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, président et Valérie Roelofs, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 juin 2021

****

Vu le jugement contradictoire rendu le 3 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer, qui a :

- débouté la société Sopropêche de sa demande de sursis à statuer,

- débouté la société Fertival de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Fertival à payer à la société Sopropêche, la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la Sarl Fertival aux entiers dépens de la présente instance, liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 73,22 euros TTC,

Vu l'appel interjeté le 19 septembre 2019 par la Sasu Fertival,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 mai 2020 par la société Fertival qui demande à la cour de :

- recevoir la société Fertival en son appel et le dire bien fondé,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Fertival de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 1 800 euros outre les dépens,

- prononcer la résolution des ventes de produits fertilisants NR 5 réalisées courant 2013 entre la société Sopropêche et la société Fertival,

- condamner la société Sopropêche à procéder ou faire procéder à ses frais à la reprise des 57 693 tonnes d'engrais de type NR 5 toujours en stock dans les locaux de la société Fertival situés à Quintenic (Côtes d'Armor), et ce dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour,

- à défaut pour la société Sopropêche de procéder à la reprise des marchandises litigieuses dans le délai d'un mois ci-dessus mentionné, autoriser la société Fertival à procéder elle - même à leur destruction aux frais et aux risques de la société Sopropêche,

- condamner la société Sopropêche à verser à la société Fertival :

- une somme de 26 437 euros TTC correspondant au remboursement du prix des 57 693 tonnes d'engrais NR 5 restant en stock,

- une somme de 10 848,96 euros TTC correspondant à la valeur des 26 tonnes de produits finis composés en partie d'engrais NR 5,

- une somme de 5 151 euros HT correspondant au coût de la destruction de ces produits finis réalisée au mois d'août 2017,

soit une somme totale de 42 436,96 euros,

- dire que cette somme sera majorée d'intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus et dire que les intérêts ainsi capitalisés produiront eux-mêmes intérêts au même taux que le principal, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter la société Sopropeche de son appel incident aux fins de sursis à statuer et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Sopropêche à verser à la société Fertival une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sopropêche aux dépens de première instance et d'appel,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 février 2020 par la SAS Sopropêche qui demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par la société Fertival,

- dire et juger la société Fertival mal fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Fertival de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger la société Sopropêche recevable et bien fondée en son appel incident, et ce faisant, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Fertival de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à lui payer une somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sopropêche de sa demande de sursis à statuer,

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'enquête judiciaire en cours évoquée par la BNEVP dans sa correspondance du 2 décembre 2015,

- condamner la société Fertival à verser à la société Sopropêche la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

- condamner la société Fertival aux entiers dépens d'appel,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 juin 2021 ;

Vu l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour qui, constatant que la société Sopropêche sollicite à titre subsidiaire le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'enquête judiciaire en cours évoquée par la BNEVP dans sa correspondance du 2 décembre 2015 alors que le sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être soulevée avant toute défense au fond, a invité les parties à s'expliquer sur la recevabilité d'une telle demande,

Vu conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022 par la société Fertival qui entend voir déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer de la société Sopropêche,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022 par la SAS Sopropêche qui entend voir déclarer recevable sa demande de sursis à statuer,

Vu l'audience du 23 février 2022 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé qu'au cours de l'année 2013, pour répondre à la demande de l'un de ses clients, la coopérative agricole CAPL, de lui fournir un engrais utilisable en agriculture biologique selon une formule de fabrication particulière comprenant notamment 50 % d'un produit fertilisant dénommé NR 5, la société Fertival a passé commande auprès de la société Sopropêche de plusieurs lots de produits NR5 qui ont donné lieu à plusieurs livraisons de janvier 2013 à août 2013.

La société Sopropêche a ainsi livré à différentes reprises à la société Fertival un produit fertilisant de type NR5, soit un mélange de deux tourteaux végétaux pour une quantité de 193,23 tonnes facturée à un montant total de 88 078,08 euros TTC.

Les livraisons ont toutes été effectuées dans les installations de la société Fertival situées à Quintenic dans les Côtes d'Armor et les factures émises par la société Sopropêche ont été intégralement payées.

Le 1eroctobre 2014, les agents de la Brigade Nationale d'Enquêtes Vétérinaires et Phytosanitaires (BNEVP) de la DGAL ont, dans le cadre d'un contrôle vétérinaire et phytosanitaire, procédé à la consignation d'un lot de 57 693 tonnes d'engrais de type NR5 restant en stock dans les locaux de la société Fertival.

Par courrier du 2 décembre 2015, la BNEVP a indiqué à la société Fertival que le produit NR 5 ne pouvait pas être commercialisé en tant que matière fertilisante faute de bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché nécessaire au titre des dispositions de l'article L253-1 du code rural et de la pêche maritime.

Par courrier recommandé du 22 novembre 2016, la société Fertival a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société Sopropêche de procéder ou faire procéder à la reprise des 57 693 tonnes d'engrais toujours en stock dans ses locaux, à l'enlèvement et à la destruction des 26 tonnes de produits finis composés en partie d'engrais de type NR5 en stock dans ses locaux et de lui verser les sommes de 26 437 euros TTC et de 10 848, 96 euros correspondant au prix des produits en stock.

La société Sopropêche n'ayant pas donné suite à ces demandes, la société Fertival a, selon acte d'huissier du 8 mars 2017, fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce de Saint Brieuc.

Par jugement du 12 juin 2017, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 16 janvier 2018, le tribunal de commerce de Saint Brieuc a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société Sopropêche et a renvoyé le litige devant le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont appel.

Sur la demande de sursis à statuer

La société Sopropêche sollicite à titre subsidiaire le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'enquête judiciaire en cours évoquée par la BNEVP dans sa correspondance du 2 décembre 2015.

Or le sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être soulevée avant toute défense au fond.

En conséquence en l'espèce, la société Sopropêche qui conclut à titre principal au rejet des demandes de la société Fertival, et aucunement à une fin de non recevoir comme elle le prétend, et à titre subsidiaire à une exception de procédure que constitue le sursis à statuer doit voir sa demande déclarée irrecevable.

Sur les demandes de la société Fertival

Pour conclure à l'infirmation du jugement dont appel qui l'a déboutée de sa demande en résolution des ventes de produits fertilisants NR5 réalisées courant 2013 entre elle et la société Sopropêche et de ses demandes subséquentes de reprise des produits et de dommages intérêts, fondée sur les articles 1610 et 1611 du code civil, la société Fertival fait valoir en substance que l'engrais de type NR5 que lui a vendu la société Sopropêche est issu de tourteaux de ricin et de neem, lequel, selon les indications fournies par la BNEVP, contient de manière significative une molécule dénommée azadirachtine qui depuis 2011 est répertoriée comme substance active soumise aux dispositions du règlement européen n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 et des articles L. 253-1 et R. 253-1 à R.253-55 du code rural et de la pêche maritime relatifs à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, qu'en l'absence d'une telle autorisation, le produit ne pouvait lui être légalement vendu ni utilisé comme produit phytopharmaceutique, ni comme matière fertilisante en agriculture, qu'il présente donc un défaut de conformité par rapport aux documents techniques et commerciaux qui lui ont été remis, que la société Sopropêche a en outre manqué à son obligation de loyauté et au devoir d'information dont elle est tenue envers ses clients, que l'intimée ne peut lui opposer aucune clause d'exclusion de garantie, enfin que lors de la commande, les produits étaient nouveaux et non connus par elle, de sorte que le tribunal ne pouvait rejeter ses demandes au motif qu'en tant que spécialiste des engrais organiques, elle a commandé le produit litigieux à la société Sopropêche en toute connaissance de cause.

La société Sopropeche réplique, également en substance, qu'aucun manquement à son obligation de délivrance conforme n'est démontré par la société Fertival, que cette dernière a attendu le 2 novembre 2015 pour solliciter auprès de la BNEVP des explications à la suite de la consignation du stock de produits litigieux intervenue le 1 er octobre 2014 et 18 mois pour lui écrire et lui faire part de la difficulté rencontrée, et que la société Fertival ne justifie pas avoir formé un recours indemnitaire contre l'administration du fait de la consignation des produits, que ceux-ci sont parfaitement conformes, que la société Fertival, qui est un professionnel du domaine concerné, est en relation d'affaires depuis plusieurs années avec elle et lui avait commandé à de nombreuses reprises le produit litigieux qu'elle utilise pour ses propres préparations d'engrais, qu'au moment où elle a passé la commande, elle connaissait le débat relatif au tourteau de neem résultant du message réglementaire de la DGAL du mois de mars 2011, lequel doit être considéré comme un engrais et non comme un produit phytopharmaceutique, qu'elle connaissait également l'existence à l'état de traces d'azadirachtine dans les tourteaux à base de neem qui est un produit issu du processus de production de l'huile de neem, que c'est uniquement sur la foi des affirmations 'vagues, non démontrées et diffamatoires de la BNEVP' que la société Fertival estime que le produit qui lui a été livré est non conforme, que ce produit composé de tourteau de neem/ricin est différent du tourteau de neem concerné par une procédure pénale et les décisions des juridictions administratives qui sont invoquées, aucun autre résultat d'analyse n'étant versé au débat, que par ailleurs la demande de reprise du stock consigné se heurte à une difficulté d'ordre juridique puisque ce stock étant placé sous main de justice, qu'auncun des documents produits concernant l'incinération de 34,34 tonnes de granules fertilisants ne permet de faire le lien avec les produits litigieux, que ses conditions générales comportent une clause d'exclusion de garantie et que 'vraisemblablement' la société Fertival a été indemnisée de l'incendie qui, selon la presse, s'était déclaré dans ses entrepôts le 1er mars 2015 et qui, toujours 'vraisemblablement', a pu toucher les stocks de NR5 et de produits finis consignés, excluant ainsi tout préjudice indemnisable.

Ceci étant exposé, il est constant que la société Fertival a passé commande auprès de la société Sopropêche de plusieurs lots de produits NR5 ayant donné lieu aux livraisons suivantes :

- le 22 janvier 2013, une quantité de 29,480 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 13 437,57 euros TTC ;

- le 22 février 2013, une quantité de 22,920 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 10 447,39 euros TTC ;

- le 26 février 2013, une quantité de 22,950 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix au prix de 10 461,07 euros TTC ;

- le 20 juin 2013, une quantité de 28,380 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 12 936,17 euros TTC ;

- le 10 juillet 2013, une quantité de 31,700 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 14 449,49 euros TTC ;

- le 24 juillet 2013, une quantité de 28,880 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 13 164,08 euros TTC ;

- le 6 août 2013, une quantité de 28,920 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix TTC de 13 182,31 euros,

soit au total une quantité de 193,23 tonnes d'engrais de type NR5 facturée pour un prix de 88 078,08 euros TTC.

Ces lots de produit NR5 livrés par la société Sopropêche ont été utilisés pour fabriquer l'engrais commandé à la société Fertival par la société coopérative CAPL.

La fiche technique remise par la société Sopropêche indique que le produit NR5 est conforme à la norme NFU 42 001 (relative à la normalisation des produits pouvant être utilisés comme matières fertilisantes) et que 'le NR 5 est un engrais azoté issu de tourteau de ricin (organique végétal) et tourteau de neem (') Ce produit est utilisable en agriculture biologique conformément aux règlements européens 834/2007 et 889/2008'.

Les factures de la société Sopropêche indiquent également que 'le produit vendu (NR 5 en poudre) peut être utilisé en agriculture biologique conformément aux règlements (CE) 834/2007 et (CE) 889/2008'.

Or à la suite d'opérations de contrôle effectuées par la Brigade Nationale d'Enquêtes Vétérinaires et Phytosanitaires (BNEVP) en octobre 2013 dans les locaux de la société Sopropêche sur ses produits, un lot de 57,693 tonnes d'engrais de type NR 5 restant en stock dans les locaux de la société Fertival a été consigné pour trois mois selon un procès-verbal du 1er octobre 2014. Ce procès-verbal indique que 'le lot de produit consigné est laissé à la garde du détenteur. Il ne peut être ni déplacé, ni cédé sans mesure de main levée dûment notifiée par la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires'.

Sur les délais écoulés depuis la consignation des marchandises, il suffit de constater qu'aucune fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action n'est invoquée la société Sopropêche.

S'agissant de la non-conformité du produit livré, il y a lieu de rappeler que la société Sopropêche a contesté la décision de la BNEVP et le fait que les produits nécessiteraient une autorisation préalable de mise sur le marché en raison de leur teneur en azadirachtine. L'ensemble de ses arguments a cependant été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 décembre 2015 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 mai 2017.

La cour administrative d'appel de Marseille indique dans son arrêt du 9 mai 2017 que :

- il ressort de trois rapports d'essai, du 3 avril 2014, du laboratoire du ministère de l'économie et des finances que les produits litigieux contiennent, à des concentrations importantes variant de 200 mg à 934 mg/kg, de l'azadirachtine qui est classée comme substance active par la directive d'exécution 2011/44/UE de la commission du 13 avril 2011,

- la circonstance que ces analyses ont été effectuées postérieurement à la décision contestée est sans incidence dès lors qu'elles portent sur des prélèvements réalisés lors de la consignation litigieuse, révélant ainsi des données existant antérieurement,

- la société requérante n'établit pas que ces analyses auraient été menées selon des protocoles non validés scientifiquement,

- les analyses réalisées le 24 juin 2014 par le CNRS, selon lesquelles les tourteaux de neem consignés contiennent la substance précitée à des taux allant de 51.1 ppm à 302.8 ppm, ne sont pas de nature à contredire ces résultats dès lors que les mesures de concentration sont différentes et il n'est en outre pas démontré qu'elles ont été réalisées dans les mêmes conditions,

- la fiche de données de sécurité des tourteaux de la société Sopropêche du 11 juin 2014 mentionne qu'ils contiennent de l'azadirachtine A, substance présente en quantité

- la société Sopropêche ne peut valablement se prévaloir de l'avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) du 14 février 2014 qui précise que l'azadirachtine est présent à l'état de traces dans les tourteaux de neem ; qu'en effet, cet avis, rédigé en des termes généraux, porte sur les intrants agricoles à base de neem et ne se prononce pas sur les produits de l'appelante,

- par ailleurs, la fiche commerciale n°78 du mois de novembre 2008 présente le Nematorg comme contenant naturellement des matières actives aux vertus insecticides et nématicides dont l'utilisation est recommandée dans les sols infestés par les nématodes à galles qui permet de diminuer les dégâts occasionnés de façon significative,

- la circonstance que cette notice aurait été révisée en mai 2013 par la société Sopropêche est sans incidence sur la nature des produits en cause,

- cette dernière ne peut utilement se prévaloir du rapport du 22 novembre 2013 de la Direction Régionale de l'Alimentation et de l'Agriculture et de la Forêt du Nord-Pas-de-Calais dans la mesure où il concerne une inspection réalisée le 1er octobre 2013 dans les locaux de Boulogne-sur-Mer de la société Sopropêche, qui a constaté l'absence de stocks physiques de tourteaux de neem,

- il en va de même des analyses effectuées le 8 mars 2012 par le laboratoire Galys qui n'ont pas recherché la présence d'azadirachtine,

- sont sans incidence les circonstances que le message réglementaire de la Direction Générale de l'Alimentation, qui est dépourvu de valeur normative, indique que les tourteaux de neem peuvent être vendus sans autorisation préalable s'ils sont homologués ou conformes à certaines normes NF, que les produits litigieux respecteraient ces normes ou qu'ils seraient à distinguer de l'huile de neem,

- la mesure de consignation contestée ne se fonde pas sur ce message réglementaire mais sur les dispositions de l'article L. 253-13 du code rural et de la pêche maritime,

- dans ces conditions, le tribunal a estimé à juste titre que les produits objet de la mesure contestée constituaient des produits phytopharmaceutiques soumis à une autorisation préalable de mise sur le marché et ainsi, les agents de la BNEVP étaient légalement fondés à les consigner.

Cette décision revêt à l'encontre de la société Sopropêche l'autorité de chose jugée, laquelle n'apporte aucun élément nouveau dans le cadre du présent litige et en conséquence conteste vainement les conclusions de la BNEVP.

La cour ne peut donc que faire sienne l'intégralité de la motivation développée par la cour administrative d'appel de Marseille dans l'arrêt précité et retient dès lors que les concentrations d'azadirachtine constatées dans les produits litigieux, objets du procès-verbal de la BNEVP, dont la preuve qu'ils seraient différents de ceux vendus par la société Sopropêche n'est pas rapportée, imposent l'obtention d'une autorisation administrative de mise sur le marché au titre des dispositions de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime qui concernent les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants vendus seuls ou en mélange.

Il en résulte qu'en l'absence d'une telle autorisation, le produit en cause ne peut pas être vendu comme produit phytopharmaceutique, ni comme matière fertilisante en agriculture, contrairement aux indications de la fiche technique remise par la société Sopropêche et aux mentions figurant sur les factures émises par elle, et que cette dernière a manqué envers la société Fertival à son obligation de délivrance conforme qui impose que le produit vendu soit conforme aux normes légales et réglementaires auxquelles il est censé répondre et conforme à sa destination.

La société Fertival est certes une professionnelle du domaine considéré et devait s'assurer de la conformité du produit qu'elle a acheté à l'utilisation qu'elle entendait en faire. Pour autant, le vendeur devait lui fournir des informations exactes sur les caractéristiques du produit vendu, ce d'autant que s'il est constant que les parties étaient en relation d'affaires, il n'est pas démontré par les listings des commandes que verse aux débats la société Sopropêche, que la société Fertival avait déjà passé commande du produit litigieux, qu'elle l'avait déjà utilisé ou même qu'elle en connaissait les caractéristiques alors que selon la fiche technique fournie par l'intimée le produit NR 5 était conforme à la norme NFU 42001. Si la société Fertival reconnaît que la présence de concentrations significatives d'azadirachtine dans l'huile de neem était un élément connu, il n'est nullement démontré qu'elle savait que les tourteaux de neem étaient soumis aux même contraintes réglementaires et administratives.

Enfin la résolution du contrat en affecte toutes les clauses y compris la clause d'exclusion de garantie invoquée par la société Sopropêche, à la supposer opposable à la société appelante.

Il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement, de prononcer la résolution des ventes de produits fertilisants NR 5 réalisées courant 2013 entre la société Sopropêche et la société Fertival.

Pour s'opposer à la reprise du stock de marchandises consigné dans les locaux de la société Fertival, l'intimée fait valoir qu'il existe une difficulté d'ordre juridique puisque ce stock est placé sous main de justice et qu'il appartient à l'appelante de contester la décision de consignation et de faire valoir ses droits à l'encontre de l'autorité administrative ou judiciaire qui l'a prise et, le cas échéant, de formuler toute demande indemnitaire à l'encontre de l'administration.

Cependant, par courrier du 2 décembre 2015, la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires de la DGAL, répondant à une demande de la société Fertival concernant le devenir du produit consigné, a indiqué à cette dernière que le produit NR 5 ne pouvait pas être commercialisé en tant que matière fertilisante faute de bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché nécessaire au titre des dispositions de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, l'invitant in fine à contacter son fournisseur en vue d'une reprise de la marchandise. Enfin par courriel du 2 août 2018, la BNEVP a indiqué qu'elle délivrera un laissez-passer à la société Fertival 'quand celle-ci fera reprendre la marchandise'. Il n'existe donc pas d'obstacle juridique, ni pratique à la reprise des marchandises litigieuses par la société Sopropêche.

Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de reprise des stocks telle que formulée par la société Fertival, ce aux frais de la société Sopropêche et sous astreinte compte tenu de sa résistance avérée.

A défaut, la société Fertival sera autorisée à procéder à leur destruction aux frais et aux risques de la société Sopropêche.

Enfin au-delà de ses interrogations, la société Sopropêche ne démontre pas que l'appelante a été indemnisée d'un quelconque préjudice du fait du sinistre intervenu dans ses locaux le 1er mars 2015 et qui serait en lien avec les sommes réclamées dans le cadre du présent litige. Il y a lieu en conséquence de déterminer le préjudice financier subi par la société Fertival.

Sur le préjudice

La société Fertival sollicite la condamnation de la société Sopropêche à lui verser une somme totale de 42 436,96 euros se décomposant ainsi :

- 26 437 euros TTC correspondant au remboursement du prix des 57,693 tonnes d'engrais NR5 restant en stock,

- 10 848,96 euros TTC correspondant à la valeur des 26 tonnes de produits finis composée en partie d'engrais NR5,

- 5 151 euros HT correspondant au coût de la destruction de ces produits finis réalisée au mois d'août 2017.

Elle justifie des frais d'incinération des produits finis par une attestation du directeur de la branche environnement de la société Cooperl Arc Atlantique et des stocks par un procès-verbal d'huissier du 7 février 2017 établissant la présence dans ses locaux de 57,693 tonnes d'engrais NR5 et de 26 tonnes de produits finis incorporant cet engrais. La société Sopropêche conteste ces chiffres sans apporter le moindre élément contraire notamment quant à la destruction des stocks lors d'un incendie de mars 2015 et l'indemnisation de la société Fertival par son assureur comme il a déjà été dit alors qu'il résulte des éléments susvisés que les opérations de destruction réalisées au mois les 9, 10 et 11 août 2017 ont concerné le produit 'Fertiveg neem ricin' qui correspond à la dénomination du produit fini élaboré à partir de l'engrais NR 5 fourni par la société Sopropêche.

Il sera donc fait droit à la demande en paiement, ce à compter du 25 novembre 2016 date de réception de la mise en demeure et le jugement sera en conséquence également infirmé en ce qu'elle a débouté la société Fertival de toutes ses demandes.

Sur les autres demandes

La société Sopropêche qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

Enfin la société Fertival a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer de la société Sopropêche ;

Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en toutes ses dispositions ;

Prononce la résolution des ventes de produits fertilisants NR 5 réalisées courant 2013 entre la société Sopropêche et la société Fertival ;

Condamne la société Sopropêche à procéder ou faire procéder à ses frais à la reprise des 57 693 tonnes d'engrais de type NR 5 toujours en stock dans les locaux de la société Fertival situés à Quintenic (Côtes d'Armor), sous astreinte de 200 euros par jour passé un délai de 45 jours à compter de la signification du présent arrêt et dans la limite de 90 jours ;

A défaut pour la société Sopropêche de procéder à la reprise des marchandises litigieuses dans le délai ci-dessus mentionné, autorise la société Fertival à procéder elle-même à leur destruction aux frais et aux risques de la société Sopropêche ;

Condamne la société Sopropêche à verser à la société Fertival :

- une somme de 26 437 euros TTC correspondant au remboursement du prix des 57 693 tonnes d'engrais NR 5 restant en stock,

- une somme de 10 848,96 euros TTC correspondant à la valeur des 26 tonnes de produits finis composés en partie d'engrais NR 5,

- une somme de 5 151 euros HT correspondant au coût de la destruction de ces produits finis réalisée au mois d'août 2017,

soit un total de 42 436,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 ;

Dit que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Sopropêche à verser à la société Fertival une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Sopropêche aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLa présidente

Valérie RoelofsVéronique Renard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 19/05148
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.05148 ?
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