COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/00971 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKBQ
N° de Minute :
Ordonnance du mardi 07 juin 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANTS
MME LA PROCUREURE DE LA RÉPUBLIQUE DE LILLE
dûment avisé, absent non représenté,
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, non comparant, représenté par Me SAUDUBRAY Guillaume avocat, cabinet CENTAURE, PARIS
INTIMÉ
M. [X] [F]
né le 22 Juin 2000 à [Localité 3] - ALBANIE
de nationalité Albanaise
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
absent, non représenté
dûment avisé
Assisté de Me GALLAND Stéphanie, avocat au barreau de douai - commis d'office-
et de Monsieur [B] [N], interprète assermenté en langue albanaise tout au long de l'audience
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Aurélie DI DIO, Greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 07 juin 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai le mardi 07 juin 2022 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'ordonnance rendue le 05 juin 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE qui a mis fin à la rétention administrative de M. [X] [F] ;
Vu l'appel motivé interjeté par MME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE DE LILLE par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 05 juin 2022 ;
Vu l'ordonnance du 06 juin 2022 rendue par le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai qui a ordonné la suspension de l'exécution provisoire de la décision déférée ;
Vu la notification de ladite ordonnance aux parties ;
Vu l'appel motivé interjeté par Maître [C] [P] venant au soutien des intérêts du prefet du Nord par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 05 juin 2022 ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] [F], ressortissant albanais a fait l'objet d'une mesure de placement en rétention administrative ordonnée par monsieur le Préfet du Nord le 03/06/2022 à 13h30 pour garantie de l'exécution d'un éloignement à destination du pays de nationalité.
Par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille en date du 05 juin 2027 la demande préfectorale de prolongation du placement en rétention administrative a été refusée.
Le juge des libertés et de la détention a considéré au visa de l'article R 743-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'absence de l'autorité préfectorale ou de son représentant à l'audience du 05 juin 2022 rendait la requête en prolongation du placement en rétention irrecevable.
Les motifs décisoires de cette décision sont ci après repris :
'Devant le juge des libertés et de la détention, la procédure est orale en sorte qu'il appartient à l'autorité administrative ou son représentant, lorsqu'elle saisit le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de prolongation de la rétention, de soutenir oralement sa requête aux fins de prolongation de la rétention à l'audience.'
Dans les délais légaux madame la procureure de la République près le Tribunal Judiciaire de Lille ainsi que monsieur le Préfet du Nord ont interjeté appel de cette décision.
Ils sollicitent l'infirmation de la décision déférée et la prolongation du placement en rétention administrative de l'intimé.
Madame la procureure de la République réclame la suspension de l'exécution provisoire qui s'attache à la décision déférée.
Par ordonnance du 06 juin 2022 le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a ordonné la suspension de l'exécution provisoire de la décision déférée qui a été examinée sur le fond le mardi 07 juin 2022.
Au soutien de leurs appels madame la procureure de la République et monsieur le Préfet du Nord exposent que l'article R 743-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose pas la présence du préfet requérant ou de son représentant à l'audience.
Monsieur le Préfet du Nord indique que le premier juge ne pouvait considérer la requête comme irrecevable pour défaut de représentation de l'autorité préfectorale requérante dés lors que l'article R 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas cette cause d'irrecevabilité.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le moyen retenu par le juge des libertés et de la détention
a) Sur la recevabilité de la requête préfectorale
L'article R 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit pas l'irrecevabilité d'une requête en prolongation du placement en rétention administrative non soutenue oralement à l'audience du juge des libertés et de la détention.
La saisine du juge des libertés et de la détention est donc régulière lorsqu'elle respecte les conditions de forme de l'article R 743-2 précité et ne saurait entraîner l'irrecevabilité de la saisine du magistrat au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
La question de l'absence du requérant devant le juge des libertés et de la détention pour soutenir sa requête ne peut donc s'analyser que comme un éventuel désistement du demandeur.
b) Sur les conséquences de l'absence du préfet requérant à l'audience du juge des libertés et de la détention
L'article R 743-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que
'A l'audience, l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention ou son représentant, est entendue sur sa demande ou sur celle du juge des libertés et de la détention.
L'étranger, sauf s'il ne se présente pas, bien que dûment convoqué, et, s'il y a lieu, son avocat, sont entendus. Le juge nomme un interprète si l'étranger ne parle pas suffisamment la langue française.
Le ministère public peut faire connaître son avis.'
Il ressort de ce texte que l'audition de l'autorité préfectorale requérante par le juge des libertés et de la détention est facultative et conditionnée à la demande du préfet.
Il s'en suit que le préfet qui ne souhaite pas être entendu et qui ne se présente pas à l'audience ne peut, de ce seul chef, être considéré comme s'étant désisté de sa demande, le désistement implicite ne se présumant pas au sens de l'article 397 du code de procédure civile.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
2) Sur les autres moyens d'appel
Aucun mémoire en appel incident n'ayant été déposé par l'intimé dans le délai d'appel, les autres moyens de contestations qui avait été soutenus par l'étranger devant le premier juge ne seront pas considérés comme repris en appel.
3) Sur la requête en prolongation du placement en rétention administrative
Monsieur le Préfet du Nord justifie par les pièces produites en annexe de sa requête que les diligences ont été réalisées pour procéder à l'éloignement de M. [X] [F], notamment la demande d'un vol de retour, M. [X] [F] disposant de son passeport (demande de routing faite dés le 03/06/2022 14h40).
Ces diligences n'ont pu être achevées dans le délai des premières 48 heures, ce qui justifie la prolongation du placement en rétention administrative.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE les appels de madame la procureure de la République et de monsieur le Préfet du Nord recevables ;
ORDONNE la jonction des procédures
INFIRME l'ordonnance entreprise.
Statuant de nouveau :
ORDONNE la prolongation du placement en rétention administrative de M. [X] [F] dans des locaux ne dépendant pas de l'autorité pénitentiaire pour une durée de vingt-huit jours à compter du 05/06/2022 13h30.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [X] [F], à son conseil le cas échéant et à l'autorité administrative.
Aurélie DI DIO, Greffière
Bertrand DUEZ, conseiller
N° RG 22/00971 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKBQ
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 07 Juin 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
- décisision transmise par courriel pour notification à l'autorité administrative
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 07 juin 2022
N° RG 22/00971 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKBQ