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02/06/2022 | FRANCE | N°22/00210

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 02 juin 2022, 22/00210


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 02/06/2022



N° de MINUTE : 22/558

N° RG 22/00210 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UBTR

Jugement (N° 20/00027) rendu le 15 décembre 2021 par le juge de l'exécution de Lille



APPELANTS



Monsieur [L] [Z] [E]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (Tunisie) - de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 6]



Madame [U] [N] épouse [E]

née le [Date nai

ssance 1] 1965 à [Localité 11] (Tunisie) - de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 6]



Représentés par Me Stéphanie Calot-Foutry, avocat au barreau de Douai et Me Jérô...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 02/06/2022

N° de MINUTE : 22/558

N° RG 22/00210 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UBTR

Jugement (N° 20/00027) rendu le 15 décembre 2021 par le juge de l'exécution de Lille

APPELANTS

Monsieur [L] [Z] [E]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (Tunisie) - de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 6]

Madame [U] [N] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 11] (Tunisie) - de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentés par Me Stéphanie Calot-Foutry, avocat au barreau de Douai et Me Jérôme Lestoille, avocat au barreau de Lille substitué par Me Chambaert, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Sa Cic Nord Ouest

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille constitué aux lieu et place de Me Hanicotte, avocat au barreau de Lille

Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France, institution de retraite complémentaire identifiée sous le numéro siren 775 691 215, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 7]

A laquelle l'assignation à jour fixe a été signifiée par acte du 31 janvier 2022 par acte remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 12 mai 2022 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 4 juillet 2006, la banque Scalbert Dupont a consenti à M. [L] [Z] [E] et à Mme [U] [N], son épouse, mariés sous le régime de la séparation des biens, deux prêts immobiliers :

- le premier d'un montant de 83 000 euros remboursable en 180 mensualités de 622,29 euros, au taux fixe de 4,20 % l'an ;

- le second d'un montant de 195 000 euros remboursable en 180 mensualités de 1 462,01 euros, au taux fixe de 4,20 % l'an,

les emprunteurs étant tenus solidairement.

Ces prêts avaient pour objet, le premier le rachat d'un prêt consenti par le Crédit Foncier de France pour financer l'acquisition de la résidence principale des emprunteurs située à [Adresse 10] et le second le rachat de prêts consentis pour financer l'achat de leur résidence secondaire à [Localité 8] en Tunisie.

Le remboursement de ces prêts était garanti par deux hypothèques conventionnelle portant sur l'immeuble situé [Adresse 10], cadastré section OT n°[Cadastre 3], publiées le 8 août 2006 auprès du service de la publicité foncière de Lille 1 sous les références volume 2006 V n°3338 et n°3339, rectifiée pour cette dernière le 27 septembre 2006 sous la référence volume 2006 V n°4006.

Le 4 février 2009, la banque BSD-CIN a prononcé la déchéance du terme des deux prêts.

A la suite de l'ouverture, par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 2 avril 2010, d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [E] exerçant la profession de médecin, la SA Cic Nord Ouest, a déclaré ses créances le 21 mai 2010, lesquelles, par ordonnances du juge commissaire en date du 18 avril 2011, ont été admises, à titre privilégié, au passif de M. [E], pour un montant de 74 891,18 euros, outre les intérêts au taux variable de 4,20 % l'an au titre du premier prêt et pour un montant de 176 398,17 euros, outre les intérêts au taux variable de 4,20 % l'an, au titre du second prêt.

Par jugement du 1er juillet 2011, le tribunal de grande instance de Lille a arrêté un plan de redressement au profit de M. [E].

Par jugement du 12 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Lille a prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire qui a été clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement du 4 octobre 2019.

Par courrier du 14 mars 2018, la banque CIC Nord Ouest a mis en demeure Mme [U] [E], en sa qualité de codébitrice, de lui régler la somme totale de 191 434,95 euros au titre des deux prêts de 83 000 euros et 195 000 euros.

Par courrier du 9 mai 2019, la banque a rappelé à Mme [E] le montant des échéances des deux prêts et lui a demandé de reprendre l'amortissement des prêts à réception du courrier lui précisant qu'à défaut, elle engagerait la procédure de saisie immobilière sur l'immeuble situé [Adresse 12].

Par acte en date du 4 novembre 2019, la banque CIC Nord Ouest, agissant en vertu de l'acte notarié du 4 juillet 2006, a fait signifier aux époux [E] un commandement de payer la somme de 42 798,56 euros et de 100 807,46 euros au titre des deux prêts, valant saisie immobilière de la maison à usage d'habitation située [Adresse 10], cadastré section OT n°[Cadastre 3].

Ce commandement a été publié auprès du service de la publicité foncière de [Localité 6] 1 le 12 décembre 2019 sous la référence volume 2019 S n°48.

Par acte en date du 10 février 2020, la société CIC Nord Ouest a fait assigner les époux [E] à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille.

Le 18 juin 2020, la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France a déclaré une créance hypothécaire d'un montant de 15 900,70 euros, une créance privilégiée d'un montant de 2 455,24 euros et une créance chirographaire d'un montant de 9 069,83 euros.

Par jugement du 15 décembre 2021, le juge de l'exécution a :

- rejeté l'exception de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière ;

- débouté les époux [E] de l'ensemble de leurs contestations et demandes à l'exception de celle portant sur l'irrecevabilité de l'intervention de la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France ;

- déclaré irrecevable la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France en son intervention et déclaration de créances ;

- mentionné le montant retenu pour la créance de la société CIC Nord Ouest comme s'élevant à la somme de :

* 41 487,96 euros en principal, intérêts échus et indemnité d'exigibilité anticipée ramenée à 3,5 % selon décompte en date du 8 octobre 2019, outre les intérêts postérieurs au taux conventionnel fixe de 4,20 % l'an au titre du prêt n°78335402 ;

* 97 720,48 euros en principal, intérêts échus et indemnité d'exigibilité anticipée ramenée à 3,5 % selon décompte en date du 8 octobre 2019, outre les intérêts postérieurs au taux conventionnel fixe de 4,20 % l'an au titre du prêt n°78335403 ;

(et ce, sans préjudice de l'imputation de tout encaissement effectué postérieurement à l'arrêté de compte susvisé) ;

- ordonné la vente aux enchères publiques du bien saisi sur la mise à prix fixée au cahier des conditions de la vente ;

- dit que la vente aura lieu à l'audience du mercredi 6 avril 2022 à 14 heures ;

- dit que le poursuivant fera assurer deux visites des biens saisis par l'huissier de justice de son choix, lequel pourra, si besoin est, faire application de l'article L.142-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- dit que l'huissier pourra également, le cas échéant, se faire assister, lors d'une visite, d'un homme de l'art à l'effet de réactualiser les diagnostics imposés par la loi et effectuer toutes recherches encore nécessaires pour parvenir à la vente ;

- dit que les occupants des biens saisis devront être informés des visites trois jours au moins avant la date prévue pour celles-ci ;

- dit que si le bien est loué, le locataire sera tenu de fournir à l'avocat poursuivant le bail qui lui a été consenti ;

- débouté la société CIC Nord Ouest de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

- condamner in solidum les époux [E] à la société CIC Nord Ouest la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Ce jugement a été signifié aux époux [E] le 29 décembre 2021.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 13 janvier 2022, les époux [E] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France en son intervention et déclaration de créances.

Après y avoir été autorisés par ordonnance de la présidente de chambre du 25 janvier 2022 sur la requête qu'ils avaient présentée le 20 janvier 2022, ils ont fait assigner à jour fixe :

- par acte du 31 janvier 2022, la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de

France ;

- par acte du 10 février 2022, la banque CIC Nord Ouest.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 4 avril 2022, ils demandent à la cour, au visa des articles L. 611-43, L. 611-21, L. 631-20 du code de commerce, 815-17 et suivants du code civil, L. 218-2 du code de la consommation, 700 du code de procédure civile, d'infirmer en toutes ses dispositions à l'encontre de la Banque CIC Nord Ouest le jugement déféré et en conséquence de:

A titre principal,

- dire et juger que le commandement de saisie immobilière délivré par la banque CIC Nord Ouest à l'égard de M. [E] est nul et de nul effet, la procédure de saisie immobilière étant irrecevable à son encontre en raison de la non-reprise des poursuites à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire ;

- dire et juger que le commandement de saisie immobilière délivré à Mme [E]- [N] est nul et de nul effet, la procédure de saisie immobilière engagée étant irrecevable pour cause de prescription ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger nul le commandement aux fins de saisie immobilière délivré à Mme [E]-[N] pour défaut d'exigibilité de la créance de la banque ;

En conséquence,

- dire et juger que la banque n'est pas fondée à poursuivre le recouvrement forcé de sa créance par voie de saisie immobilière dès lors que les deux commandements sont nuls et la procédure de saisie immobilière irrecevable contre les deux époux ;

Subsidiairement,

- dire et juger pour le cas où la cour ne retiendrait la nullité que d'un seul des commandements et l'irrecevabilité à l'égard d'une seule des parties à la procédure, que la banque n'est pas fondée à procéder à la saisie immobilière faute d'avoir préalablement provoqué le partage en application de l'article 815-7 alinéa 2 du code civil ;

- condamner le CIC Nord Ouest aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- déclarer irrecevable la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France en son intervention et déclaration de créances.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 30 mars 2022, la banque CIC Nord Ouest demande à la cour, sur le fondement des articles L.526-1 du code de commerce, 2241 et suivants du code civil, L.311-1 et suivants du 'code de procédure civile', de :

- débouter les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions qui constate sa créance et la fixe à la somme de :

* 41 487,96 euros en principal avec intérêts échus et indemnité d'exigibilité anticipée ramenée à 3,5% selon décompte en date du 8 octobre 2019, outre les intérêts postérieurs au taux conventionnel de 2,20 % l'an au titre du prêt n°78335402 ;

* 97 720,48 euros en principal, intérêts échus et indemnité d'exigibilité anticipée ramenée à 3,5% selon décompte en date du 8 octobre 2019, outre les intérêts postérieurs au taux conventionnel fixe de 4,20 % l'an au titre du prêt n°78335403 ;

et en ce qu'il ordonne la vente judiciaire de l'immeuble saisi ;

- condamner les époux [E] au titre de l'article 700 à une indemnité complémentaire devant la cour de 2 500 euros ;

- les condamner aux entiers frais et dépens.

La Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France ne comparaît pas.

MOTIFS

Sur la nullité du commandement au motif de l'irrecevabilité de la procédure de saisie immobilière à l'égard de M. [E] :

Les époux [E] font valoir que le commandement aux fins de saisie immobilière serait nul car la banque est irrecevable dans sa procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. [E] en application des dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce dont il résulte que le jugement de clôture pour insuffisance d'actifs ne fait pas recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite individuel à l'encontre du débiteur, aucune des exceptions prévues par cet article n'étant évoquée. Ils précisent qu'à supposer même que l'immeuble ait été insaisissable pendant la procédure collective en application des dispositions de l'article L. 526-1 du code de commerce, comme constituant la résidence principale de M. [E], cela n'aurait pas pour conséquence de permettre à la banque de le poursuivre, en particulier parce que son action serait alors prescrite puisqu'elle n'a pas agi dans les deux ans à compter du 8 août 2015, date d'entrée en vigueur de la loi dite Macron et qu'en tout état de cause, il n'y a eu aucun acte interruptif moins de deux ans avant le commandement valant saisie immobilière du 4 novembre 2019.

La banque Cic Nord Ouest soutient qu'en application de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi dite Macron, l'immeuble objet de la procédure de saisie immobilière, résidence principale des époux [E], s'est trouvé hors périmètre de la liquidation judiciaire sans que toutefois cette insaisissabilité puisse lui être opposée, ses créances n'étant nées à l'occasion de l'activité professionnelle de M. [E]. Elle souligne en outre que le point de départ de la prescription biennale ne peut être fixé à la date d'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 mais doit l'être au 12 mars 2018, date d'ouverture de la liquidation judiciaire, nouvelle procédure collective à laquelle les nouvelles dispositions de l'article L. 526-1 se sont appliquées de sorte qu'aucune prescription n'était acquise à la date de la délivrance du commandement valant saisie immobilière du 4 novembre 2019.

- S'agissant des effets de la clôture pour insuffisance d'actif :

Selon l'article L. L643-11 du code civil, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf exceptions limitativement énumérées. Le même texte ajoute que les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues par cet article, par le président du tribunal qui, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

Selon l'alinéa 1er de l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 publiée au journal officiel du lendemain, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne.

Si l'article 206, IV, de la loi du 6 août 2015 ne fait produire d'effet à l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi, l'ouverture, antérieurement à cette date, d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, qui réunit les créanciers en une collectivité, emporte, dès ce moment, appréhension de l'immeuble dans leur gage commun. Il en résulte que l'article L. 526-1 nouveau du code de commerce rendant de droit insaisissables les droits du débiteur sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale n'est applicable qu'aux procédures collectives ouvertes à compter de l'entrée en vigueur, le 8 août 2015, de la loi précitée du 6 août 2015.

Dans la mesure où la liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan est une nouvelle procédure collective, l'article L. 526-1 nouveau du code de commerce est en revanche applicable à la procédure de liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan de redressement de M. [E] le 12 janvier 2018.

L'immeuble situé [Adresse 10] constituant la résidence principale de M. [E], les dispositions du premier alinéa de l'article L. 526-1 précité du code de commerce jouent de sorte que le bien a échappé au gage commun des créanciers et ne s'est donc pas trouvé soumis à l'effet réel de la procédure collective, comme l'a d'ailleurs mentionné Maître [B] liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de M. [E] dans son rapport du 15 avril 2019, dans lequel il indiquait que l'immeuble était 'insaisissable en raison de la loi Macron'.

Par ailleurs les droits de la banque Cic Nord Ouest étant nés de l'inexécution de prêts contractés pour le rachat de prêts immobiliers destinés au financement pour l'un de la résidence principale des époux [E] et pour l'autre de leur résidence secondaire, la banque est créancière de créances non professionnelles et ne peut donc se voir opposer l'insaisissabilité légale de sorte qu'elle pouvait exercer son droit de saisir, tant pendant le cours de la liquidation judiciaire qu'après la clôture pour insuffisance d'actif, sans justifier d'une dérogation ni solliciter une autorisation, son droit de poursuite étant indépendant de cette clôture.

La fin de non recevoir soulevée ne peut donc qu'être rejetée.

- S'agissant de la prescription biennale :

Il résulte de ce qui précède que si l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, rendant de droit insaisissables les droits du débiteur sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale, n'est pas applicable à une procédure de redressement judiciaire ouverte avant le 8 août 2015, date d'entrée en vigueur de ces dispositions, il l'est en revanche à la procédure de liquidation judiciaire ouverte sur résolution du plan de redressement postérieurement à cette date, en ce qu'il s'agit d'une nouvelle procédure.

Selon l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Enfin, la déclaration de créance interrompt la prescription.

En l'espèce, il en résulte que la prescription biennale de la banque Cic Nord Ouest à l'égard de M. [E] s'est donc trouvée interrompue à compter du 21 mai 2010, date de la déclaration de créance effectuée dans la procédure de redressement judiciaire et que cette interruption s'est poursuivie au cours du plan de redressement arrêté le 1er juillet 2011 en raison de l'interdiction des poursuites individuelles s'imposant à la banque, laquelle a retrouvé son droit de poursuite, non comme le soutiennent de manière erronée les époux [E], à la date d'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 mais à compter du 12 janvier 2018, date de la résolution du plan et de l'ouverture de la liquidation judiciaire, procédure nouvelle à laquelle l'article 526-1 dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 était applicable, et à compter de laquelle la banque, qui ne pouvait pas se voir opposer l'insaisissabilité de l'immeuble, était habile à procéder à sa vente sur saisie.

Ainsi, le commandement de payer valant saisie immobilière ayant été délivré le 4 novembre 2019, la prescription biennale n'était pas acquise, cette fin de non recevoir devant être rejetée.

Sur la nullité du commandement au motif de l'irrecevabilité de la procédure de saisie immobilière à l'égard de Mme [E] :

Les époux [E] soutiennent d'abord que l'immeuble étant hors périmètre de la procédure collective, la banque à laquelle l'insaisissabilité légale était inopposable devait interrompre le délai de la prescription biennale avant le 8 août 2017, ce qui n'a pas été le cas. Ils ajoutent subsidiairement, se référant aux dispositions des article L. 631-20 et L. 622-28 du code de commerce, que la banque devait agir à l'encontre de Mme [E] dès juillet 2011, lorsque le plan de redressement de M. [E] a été adopté de sorte que son action était prescrite depuis juillet 2013.

La CIC Nord Ouest réplique, se fondant sur les dispositions de l'article 2245 du code civil, que la déclaration de créance au passif d'une procédure collective constitue une demande en justice et que l'interruption de la prescription qui en résulte se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure, c'est à dire en l'espèce jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire.

Il résulte de ce qui précède ainsi que de l'article 1206 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, aux termes duquel les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous et de l'article 2245 du même code qui dispose que l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice interrompt le délai de prescription contre tous les autres que la déclaration de créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de M. [E] a interrompu la prescription à l'égard de Mme [E], codébitrice solidaire et que cet effet interruptif s'est poursuivi jusqu'au 12 janvier 2018, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de M. [E], à compter de laquelle la banque n'a plus bénéficié de l'effet interruptif de la prescription, peu important qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, la banque ait pu reprendre ses poursuites à l'égard de Mme [E] depuis le jugement arrêtant le plan ou que cette dernière ne puisse, en application de l'article L. 631-20 du même code, se prévaloir des dispositions de ce plan.

Ainsi, le commandement aux fins de saisie immobilière ayant été délivré le 4 novembre 2019, la prescription biennale à l'égard de Mme [E] n'était pas acquise, cette fin de non recevoir devant également être rejetée.

Sur la nullité du commandement au motif du défaut d'exigibilité de la créance de la banque:

Les époux [E] font valoir que dès lors qu'aux termes de son courrier du 9 mai 2019, la banque Cic Nord Ouest a demandé à Mme [E] de 'reprendre l'amortissement des prêts', c'est ce que ces derniers n'étaient pas exigibles et qu'en conséquence la banque se devait d'attendre des impayés pour mettre les prêts en exigibilité et lui adresser une mise en demeure de régulariser sous un certain délai à peine de déchéance du terme.

La banque CIC Nord Ouest soutient quant à elle que les prêts avaient été rendus exigibles avant même le redressement judiciaire par courrier du 4 février 2009 et qu'elle n'a jamais entendu renoncer à cette exigibilité en adressant le courrier du 9 mai 2019 qui, quand bien même la formulation serait malheureuse, a été adressé à titre de dernière tentative pour solutionner amiablement le litige et permettre aux époux [E] de conserver leur habitation en proposant à Mme [E] d'apurer les dettes exigibles au moyen de versements mensuels d'un montant calqué sur le montant des échéances initialement prévues par les contrats de prêts.

La déchéance du terme des prêts a été clairement prononcée par le courrier du 4 février 2009. Il convient donc de rechercher si le courrier du 9 mai 2019 aux termes duquel la banque Cic Nord Ouest demandait à Mme [E] de 'reprendre l'amortissement des prêts' doit être interprété comme une renonciation de la banque à s'en prévaloir, étant rappelé que la renonciation à un droit doit être certaine, expresse et non équivoque.

Force est constater que le courrier du 9 mai 2019 doit être replacé dans son contexte qui était celui de pourparlers entre les parties pour parvenir à un protocole d'accord sur le règlement des créances de la banque au titre des deux prêts du 4 juillet 2006 .

Ainsi, et après un premier échange de courriers avec la banque entre le 12 juin 2013 et le 5 novembre 2013 et un deuxième échange de correspondances entre le 8 juillet et le 27 octobre 2015, Mme [E], par l'intermédiaire de son avocat, a soumis à la banque Cic Nord Ouest le 24 mai 2016 un projet d'accord transactionnel, qui, bien que revêtu de la signature de Mme [E] le 28 juin 2016 n'a pas été exécuté, les époux [E] en ayant proposé la modification par courriel adressé à la banque le 24 avril 2017.

Par courrier du 14 mars 2018 consécutif au jugement du 12 janvier 2018 ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de M. [E], Mme [E] était mise en demeure par la banque de régler l'intégralité des sommes dues au titre des prêts, soit la somme de 191 434,95 euros.

Par courriel du 24 décembre 2019, postérieur à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de M. [T] et au commandement valant saisie immobilière du 4 novembre 2019, les époux [E] ont soumis à nouveau à la banque deux propositions de règlement ainsi libellées :

'- 1ère proposition adressée à votre conseil il y a trois semaines et qui consiste en 4 versements de 5 000 euros de début janvier 2020 au 30 avril 2020 plus un dernier versement le 1er mai de 20 000 euros. Cela correspond à un montant total de 40 000 euros payable en 4 fois,

- la 2ème proposition consiste à reprendre l'échéance de 2 100 euros par mois selon votre courrier du 9 mai de cette année et ce sur une durée de 30 mois correspondant à nos possibilités.'

Le courrier du 9 mai 2019 rappelant à Mme [E] le montant des échéances des deux prêts et la priant de 'bien vouloir reprendre l'amortissement des prêts' qui s'est intercalé entre le courrier du 14 mars 2018 et le courriel du 24 décembre 2019 n'était ainsi qu'un élément des discussions entre les parties et consistait simplement pour la banque à permettre à Mme [E] de régler les sommes dues à la suite de la déchéance du terme des prêts par versements d'un montant équivalent au montant initial des échéances de ces prêts. Ainsi, malgré l'emploi des termes 'reprendre l'amortissement de ces prêts' dont la banque elle-même reconnaît qu'ils étaient 'malheureux', ce courrier ne saurait s'analyser comme une renonciation certaine, expresse et non équivoque de la banque à la déchéance du terme. D'ailleurs, cette dernière n'indiquait pas qu'à défaut 'de la reprise d'amortissements de ces prêts', elle se prévaudrait de la déchéance du terme mais qu'elle n'aurait 'd'autre choix que de lancer la saisie immobilière du bien situé à [Adresse 12]', ce qui établit bien qu'elle considérait la déchéance du terme comme acquise et n'y renonçait pas.

Les époux [E] n'ont jamais cru à une renonciation de la banque à la déchéance du terme puisque l'une des propositions contenues dans leur courriel du 24 décembre 2019 se référait précisément au courrier du 9 mai 2019 et offrait des versements mensuels de 2 100 euros (correspondant à la somme des échéances des deux prêts), sur une durée limitée toutefois à trente mois, étant précisé qu'en réponse à ce courriel, la banque indiquait le même jour refuser les propositions faites eu égard notamment au montant des sommes dues, soit '191 434,95 euros au 14 mars 2018 + 5 000 euros pour inexécution de l'accord transactionnel du 28 juin 2016', ce qui corrobore encore le fait qu'à aucun moment elle n'a entendu renoncer à la déchéance du terme.

Ainsi, les époux [E] ne peuvent soutenir que la banque Cic Nord Ouest ne disposait pas d'une créance exigible à l'égard de Mme [E].

En définitive, le jugement qui a rejeté l'exception de nullité du commandement aux fins de saisie immobilière sera confirmé.

Ce jugement n'étant pas autrement contesté sera également confirmé en toutes ses autres dispositions relatives à la fixation des créances et à l'orientation de la procédure.

Sur les dépens et les frais irrépétibles d'appel :

Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les époux [E] qui succombent en appel seront condamnés aux dépens d'appel et nécessairement déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la banque Cic Nord Ouest les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;

Condamne M. [L] [Z] [E] et à Mme [U] [N], épouse [E] aux dépens d'appel ;

Dit qu'il appartient à la banque Cic Nord Ouest de saisir le premier juge pour la fixation d'une nouvelle date d'audience de vente forcée en vue de la poursuite de la procédure de saisie immobilière.

Le greffier,Le président,

I. CapiezS. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 3
Numéro d'arrêt : 22/00210
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;22.00210 ?
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