La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2022 | FRANCE | N°21/04793

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 02 juin 2022, 21/04793


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 02/06/2022





****





N° de MINUTE : 22/232

N° RG 21/04793 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2QX



Ordonnance (N° 21/00018) rendue le 27 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANTE



SA Banque Populaire du Nord prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Lo

calité 2]



Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai et Me Philippe Vynckier, avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



SARL Boucherie de Mons

[Adresse 1]

[Localité 2]



Repré...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/232

N° RG 21/04793 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2QX

Ordonnance (N° 21/00018) rendue le 27 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

SA Banque Populaire du Nord prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai et Me Philippe Vynckier, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SARL Boucherie de Mons

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Tayeb Ismi-Nedjadi, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 10 mars 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022 après prorogation du délibéré en date du 05 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 février 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

La SARL Boucherie de Mons (la boucherie), dont M. [B] [K] est le gérant, est titulaire d'un compte n° 31548632112 ouvert dans les livres de la SA Banque Populaire du Nord (Banque Populaire). Alors qu'il rentrait d'un voyage au Maroc, M. [K] a constaté que le compte de la boucherie a été débité d'une somme de 5 000 euros au moyen de plusieurs retraits effectués à partir d'une carte de retrait à usage unique en juillet 2019. Il constatait également des retraits sur son compte personnel et que certains faisaient suite à des virements des comptes de la boucherie et de la société L'Orient Thé, dont il est aussi le gérant, vers son compte personnel. Or, il n'était pas à l'origine de ces opérations. Le montant total des opérations préjudiciable à M. [K] et ses deux sociétés s'élève à la somme de 31 100 euros.

Soutenant que M. [L] [H], salarié de la Banque Populaire en qualité de conseiller bancaire a été licencié par celle-ci pour avoir été l'auteur de ces opérations, M. [K], par l'intermédiaire de son conseil, a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2020 à sa banque pour demander des explications et trouver une solution amiable.

Par courrier du 26 novembre 2020, le conseil de la Banque Populaire repoussait la recevabilité et le bien-fondé de cette demande.

Le 8 décembre 2020, M. [K] a adressé une sommation interpellative au directeur de la banque pour lui demander de préciser le processus de retrait des espèces avec la carte bancaire de l'agence, d'indiquer si les ordres de virements de compte à compte doivent s'effectuer moyennant un récépissé ou une autorisation et, dans l'affirmative, fournir les justificatifs de virements qui ont été effectués.

Par courrier du 17 décembre 2020, le conseil de la Banque Populaire répondait que ces opérations ressortaient du process interne de la banque et ne pouvaient être diffusées et s'étonnait de la demande concernant les virements, considérant qu'en tant que gérant de la boucherie et de L'Orient Thé, M. [K] disposait des pièces justificatives.

Par acte du 28 décembre 2020, la SARL Boucherie de Mons a assigné la Banque Populaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamnée à produire les bordereaux de retrait relatifs aux retraits en espèces ayant été effectués sur le compte de la boucherie avec la carte bancaire de l'agence les 18, 20, 25 et 31 juillet 2019 sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance de référé rendue le 27 août 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

'renvoyé les parties à se pouvoir sur le fond du litige ;

'par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

'ordonné à la Banque Populaire du Nord de communiquer à la SARL Boucherie de Mons, titulaire du compte courant n° 31548632112 ouvert dans ses livres, les bordereaux de retrait effectués avec la carte de l'agence pour un montant total de 5 000 euros les 18, 20, 25 et 31 juillet 2019, listés dans l'assignation ;

'condamné la Banque Populaire du Nord à payer à la SARL Boucherie de Mons la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

'condamné la Banque Populaire du Nord aux dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 9 septembre 2021, la Banque Populaire a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance sauf en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige et réservé par provision tous moyens des parties.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1.Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2021, la

Banque Populaire, demande à la cour de':

'infirmer purement et simplement l'ordonnance de référé prononcée le 27 août 2021 en toutes ses dispositions ;

'débouter la SARL Boucherie de Mons de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

'condamner la SARL Boucherie de Mons au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'le condamner aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'action qu'il a diligentée devant le juge des référés n'était pas nécessaire ;

en effet, dans son courrier du 27 juillet 2020, il ne formulait aucune demande de communication de pièces et la sommation interpellative du 8 décembre 2020 visait d'autres pièces que celles demandées dans le cadre de la procédure judiciaire ;

- ce n'est que dans le cadre de l'assignation qu'il a demandé pour la première fois ces pièces ;

- or, s'il avait fait cette demande hors cadre judiciaire, elle aurait pu y répondre et il aurait pu faire l'économie de cette procédure ;

- toutefois elle n'aurait pas pu fournir les pièces demandées, faute d'en disposer ;

- en effet, malgré des recherches approfondies, elle n'a pu trouver ni les originaux ni les copies des pièces demandées ;

- elle ne peut pas produire ces pièces simplement parce qu'elle n'en dispose pas, très probablement parce que ces pièces n'existent pas puisque les retraits ont été effectués à la suite d'opérations frauduleuses supposées commises par l'un de ses préposés, ce qui a justifié qu'elle porte plainte et se constitue partie civile ;

- elle n'a aucun intérêt à ne pas communiquer ces pièces si elle en disposait.

4.2.Les conclusions notifiées le 23 décembre 2021 par la SARL

Boucherie de Mons, intimée, ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 3 février 2022.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mesure d'instruction':

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

Aucune condition relative à l'urgence ou à l'absence de contestation sérieuse n'est requise en la matière. Si les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne sont par ailleurs pas applicables au référé-expertise, il appartient cependant au demandeur d'établir l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction sollicitée, même en présence d'un motif légitime.

L'appréciation du motif légitime de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'instruction doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée qui ne doit pas manifestement être vouée à l'échec.

Sur ce,

La cour constate à titre liminaire que la Banque Populaire ne conteste pas que la SARL Boucherie de Mons a été victime des retraits et virements effectués à son insu par l'un de ses préposés. D'après la banque elle-même, «'la procédure interne de délivrance d'une carte de retrait à usage unique ne semble pas avoir été respectée au cas d'espèce. La banque a tiré toutes conséquences des manquements constatés et a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour escroquerie, abus de confiance et faux. L'instruction pénale est en cours.'».

Ainsi, il ne peut être contesté que la boucherie essaye légitimement d'obtenir les pièces lui permettant de comprendre les faits dont elle a été victime et ce afin de pouvoir obtenir par la suite une indemnisation. Or, cette demande constitue une demande légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

Cette demande est d'autant plus légitime que la banque a l'obligation de conserver les pièces comptables.

Si la banque soutient qu'elle ne dispose pas de ces pièces, la cour observe néanmoins que la banque a déposé plainte notamment pour des faits relevant de la qualification de faux. Tandis que la boucherie questionne la banque sur cette contradiction, cette dernière reste silencieuse sur ce point et n'explique pas les raisons l'ayant motivée à porter plainte pour faux et usage de faux.

Concernant la légitimité de la procédure diligentée par la boucherie, la banque soutient que la procédure judiciaire n'était pas nécessaire.

La cour constate que dans son premier courrier adressé à la banque par le conseil de M. [K], les faits étaient exposés à la banque et il lui était demandé de recevoir M. [K] et son conseil afin de trouver une solution amiable.

Alors même que ce courrier ne présentait aucune demande d'indemnisation, la banque y a opposé une fin de non-recevoir. La banque n'ayant jamais répondu favorablement aux demandes de la SARL Boucherie de Mons, celle-ci a fini par faire une action en justice après l'échec des discussions amiables.

Par ailleurs, la banque ne peut pas sérieusement reprocher à la boucherie de ne pas lui avoir sollicité au préalable les pièces demandées dans le cadre de l'assignation tout en déclarant qu'elle n'y aurait pas donné une suite favorable.

Il s'ensuit que la demande de la SARL Boucherie de Mons est parfaitement légitime et l'ordonnance sera confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La Banque Populaire qui succombe devant la cour sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer à la SARL Boucherie de Mons la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 27 août 2021 par le tribunal judiciaire de Lille,

Déboute la SA Banque Populaire du Nord de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la SA Banque Populaire du Nord aux entiers dépens d'appel,

Condamne la SA Banque Populaire du Nord à payer à la SARL Boucherie de Mons la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04793
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.04793 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award