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02/06/2022 | FRANCE | N°21/01207

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 02 juin 2022, 21/01207


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 02/06/2022



****



N° de MINUTE : 22/231

N° RG 21/01207 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPIU

Jugement (N° 18/01474) rendu le 31 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Cambrai



APPELANTE



Madame [C] [E] veuve [Y]

née le [Date naissance 9] 1943 à [Localité 13]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représen

tée par Me Alexia Navarro, avocat au barreau de Lille

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 591780022021004528 du 04/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



INT...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/231

N° RG 21/01207 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPIU

Jugement (N° 18/01474) rendu le 31 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Cambrai

APPELANTE

Madame [C] [E] veuve [Y]

née le [Date naissance 9] 1943 à [Localité 13]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexia Navarro, avocat au barreau de Lille

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 591780022021004528 du 04/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [Z] [M]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai et Me Juliette Delcroix, avocat au barreau de Lille

Etablissement GHICL pris en son établissement de la clinique [14] à [Localité 6] (désistement partiel à l'encontre de cette partie le 01/072021)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-François Segard, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Hainaut

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Jonathan Da Re, avocat au barreau de Valenciennes

Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogenes et des Infections Nosocomiales (désistement partiel à l'encontre de cette partie le 01/07/21)

[Adresse 15]

[Localité 10]

Représenté par Me Nicolas Delegove, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Danielle Thébaud

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [C] [E] épouse [Y] (Mme [Y]) était suivie à la clinique [14] à [Localité 6] depuis 2007 pour oesophagite et reflux gastro-oesophagien.

En 2009, en raison de troubles digestifs, une fibroscopie et une biopsie permettaient de mettre en évidence la présence d'un hélicobacter traité par antibiothérapie.

A la suite de nouveaux troubles digestifs, Mme [Y] subissait le 18 avril 2011 à la clinique [14] une nouvelle fibroscopie réalisée par le docteur [Z] [M] (M. [M]), qui s'est compliquée par une pneumopéritoine, c'est-à-dire une perforation gastrique. Mme [Y] subissait en conséquence une nouvelle intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [G] pour réparer la perforation. La sortie d'hospitalisation était autorisée le 27 avril 2011.

Le 11 mars 2014, Mme [Y] a présenté une éventration sus ombilicale associée à des douleurs : elle a alors été hospitalisée à la clinique [16] à [Localité 11], du 4 au 8 novembre 2014, pour cure d'éventration et mise en place d'une prothèse.

Mme [Y] a saisi le juge des référés de la juridiction de Cambrai d'une demande d'expertise judiciaire, qui par ordonnance en date du 12 février 2013, a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [R], chirurgien digestif.

Le 8 octobre 2013, le professeur [R] a déposé son rapport d'expertise, aux termes duquel, il a conclu à un accident médical non-fautif et estimé que les soins délivrés par M. [M] ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits.

Par acte du 4 juillet 2016, Mme [Y] a assigné M. [M], la CPAM, la clinique [14], aux fins de déclarer le docteur [M] responsable du préjudice subi et ordonner une nouvelle mesure d'expertise médicale, outre l'octroi d'une somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.

Par jugement avant dire-droit rendu le 29 mars 2018, le tribunal de grande instance de Cambrai a :

- dit que M. [M] n'a commis aucune faute dans la réalisation de la fibroscopie sur la personne de Mme [C] [Y] le 18 avril 2011 à la clinique [14] à [Localité 6] ;

- dit qu'en conséquence, M. [M] n'est pas responsable des préjudices subis par Mme [Y], consécutivement à l'acte de soins qu'il a réalisé ;

- dit que le 18 avril 2011, préalablement à la réalisation d'une fibroscopie sur la personne de Mme [Y], M. [M] n'a pas respecté son obligation d'information ;

- dit que le non respect pour un professionnel de santé de son obligation d'information est sanctionné uniquement par la réparation éventuelle de deux préjudices, la « perte de chance » de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé, et le préjudice d'impréparation, et non pas par la réparation de tout le préjudice corporel subi par la victime ;

- ordonné deux nouvelles expertises confiées aux docteurs [I] et [B];

- donné comme mission à l'expert, afin de circonscrire l'étendue de l'éventuel préjudice subi par Mme [Y], de déterminer :

* si la fibroscopie, réalisée le 18 avril 2011 par M. [M] à la clinique [14], acte déclaré fait dans les règles de l'art et non fautif dans sa décision, est la cause directe et certaine de la perforation gastrique survenue quelques heures plus tard ;

* si la réparation de la perforation gastrique effectuée le 18 avril 2011 par le docteur [G] à la clinique [14] est la cause directe et certaine du préjudice subi par Mme [Y], consécutivement aux diverses éventrations de mars et novembre 2014.

L'expert commis, le docteur [I], a remis son rapport le 27 août 2019. Parallèlement, le docteur [B], psychiatre, a rempli sa mission et déposé son rapport définitif le 16 juillet 2019.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 31 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Cambrai a :

1- rappelé que par jugement rendu le 29 mars 2018, le tribunal a :

- dit que M. [M] n'a commis aucune faute dans la réalisation de la fibroscopie sur la personne de Mme [Y] le 18 avril 2011 à la clinique [14] ;

- dit qu'en conséquence, M. [M] n'est pas responsable des préjudices subis par Mme [Y], consécutivement à l'acte de soins qu'il a réalisé ;

- dit que le 18 avril 2011, préalablement à la réalisation d'une fibroscopie sur la personne de Mme [Y], M. [M] n'a pas respecté son obligation d'information ;

- dit que le non-respect pour un professionnel de santé de son obligation d'information est sanctionné uniquement par la réparation éventuelle de deux préjudices, la « perte de chance » de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé, et le préjudice d'impréparation, et non par la réparation de tout le préjudice corporel subi par la victime ;

2- condamné M. [M] à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral d'impréparation à l'acte médical ayant eu lieu le 18 avril 2011 à la clinique [14] à [Localité 6] ;

3- débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

4- débouté la CPAM du Hainaut de toutes ses demandes ;

5- déclaré le jugement commun à la CPAM du Hainaut ;

6- déclaré le Groupement Hospitalier [12] hors de cause ;

7- déclaré l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrognes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) hors de cause ;

8- condamné M. [M] à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

9- condamné M. [M] à payer au Groupement Hospitalier [12] de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

10- condamné M. [M] à payer à l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

11- condamné M. [M] aux dépens, en ce compris les frais de la procédure en référé ayant abouti à l'ordonnance rendue par le juge des référés de la juridiction de Cambrai le 12 février 2013, et les frais d'expertise d'un montant de 2 600 euros, avec faculté de recouvrement au profit de maître Jean-Claude Herbin, avocat au barreau de Cambrai et la SCP Debacker et Associés, prise en la personne de maître [O] [T].

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration au greffe du 23 février 2021, Mme [Y] a interjeté appel limité aux points numérotés de 2 à 11 du dispositif du jugement ci-dessus rappelé.

Par ordonnance du 1er juillet 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de l'appel de Mme [Y] à l'égard de l'Oniam et du Groupement Hospitalier [12].

4. Les prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mai 2021, Mme [Y] sollicite l'infirmation du jugement querellé. Elle demande à la cour au visa des articles L 1111-2 et L 1142-1 du code de la santé publique d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné M. [M] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral d'impréparation à l'acte médical ayant eu lieu le 18 avril 2011 ;

- l'a débouté du surplus de ses demandes indemnitaires ;

et statuant de nouveau, de :

- déclarer M. [M] responsable de l'ensemble des préjudices qu'elle a subis, en ce compris la perte de chance de se soumettre à l'acte médical du 18 avril 2011 et le préjudice d'impréparation ;

- le condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 1 364,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 18 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément temporaire,

* 1 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 6 000 euros au titre du préjudice d'agrément définitif,

* 3 633,90 euros au titre des dépenses de santé futures,

- le condamner à lui payer une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation,

- le condamner à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers frais et dépens,

- le condamner aux entiers frais et dépens, ainsi qu'aux émoluments de l'article L. 444-1 du code de commerce.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- Sur le taux de perte de chance :

* le tribunal a supposé à tort son accord à la fibroscopie réalisée en 2011 au motif qu'elle avait déjà donné son accord à des opérations de fibroscopie du même type ; alors que cette fibroscopie était faite avec une biopsie, et présentait donc des risques plus élevés qu'une fibroscopie, et que si elle en avait eu connaissance elle n'aurait pas accepté cette intervention ;

* l'expert a indiqué que la fibroscopie n'était pas le seul acte médical capable d'identifier le germe d'hélibacter pylorii dont elle était infectée ; il existe un test respiratoire pour le détecter qui nécessite des interventions moins lourdes ; si elle avait été correctement informée, elle aurait pu choisir cette alternative et refuser la fibroscopie ;

- Sur l'indemnisation du préjudice découlant de la perte de chance :

* la perte de chance est totale et la date de consolidation retenue est le 23 novembre 2018 au regard du rapport de l'expert [I] ;

* elle se fonde sur l'expertise du docteur [I] pour formuler ses demandes d'indemnisation et notamment pour le déficit fonctionnel sur le fait que l'expert identifie trois périodes pour l'analyse des préjudices temporaires qu'elle a subis et qu'elle reprend, et sur les conclusions du docteur [B], expert psychiatre, et sollicite une indemnisation totale de 47 398,30 euros ;

- Sur l'indemnisation du préjudice d'impréparation : le tribunal a opéré une confusion entre le préjudice d'impréparation qui est autonome et les souffrances endurées ; elle sollicite la somme de 50 000 euros.

Dans ses conclusions notifiées le 16 août 2021, M. [M], intimé et appelant incident, sollicite la confirmation partielle du jugement querellé. Il demande à la cour de :

=$gt; à titre principal,

- dire et juger Mme [Y] mal fondée en son appel,

Par suite,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cambrai le 31 décembre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral d'impréparation,

- recevoir son appel incident ce point et ainsi réformer le jugement rendu à ce titre,

- débouter Mme [Y] de toute demande d'indemnisation, faute d'établir un lien de causalité entre un manquement quelconque et les préjudices subis,

- débouter la CPAM du Hainaut de l'ensemble de ses demandes en causes d'appel,

- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 3 1000 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] aux entiers frais et dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Processuel représentée par Me Catherine Camus,

=$gt; à titre subsidiaire,

- dire et juger Mme [Y] mal fondée en son appel,

- dire et juger que le docteur [M] ne conteste pas le seul manquement qui lui est reproché au titre d'un défaut d'information,

Par conséquent,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a octroyé la somme de 2 000 euros à Mme [Y] au titre de son seul préjudice moral d'impréparation,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel,

- débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes en causes d'appel,

- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Processuel,

=$gt; à titre infiniment subsidiaire, et si la cour venait à retenir une perte de chance de se soustraire au risque,

- dire et juger que le taux de perte de chance de se soustraire au risque ne saurait excéder 10%,

En conséquence,

- liquider le préjudice de Mme [Y], après application du taux de perte de chance de 10%, comme suit :

- assistance par tierce personne temporaire : 90 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 132,13 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 255 euros,

- souffrances endurées : 920 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 190 euros,

- préjudice d'agrément : 200 euros,

- préjudice esthétique permanent : 190 euros,

- la débouter du reste de ses demandes,

- limiter l'indemnisation pouvant revenir à la CPAM à la somme de 825,35 euros au titre de ses débours, après application du taux de perte de chance de 10%,

- ramener à de plus justes proportions le montant des indemnisations allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, il a fait valoir que :

- le tribunal de Cambrai a définitivement écarté toute faute technique de nature à engager sa responsabilité ;

- s'il ne conteste pas le manquement à l'obligation d'information qui lui est reproché, Mme [Y] ne rapporte toutefois pas la preuve d'une perte de chance d'éviter la complication en relation de cause à effet avec ce manquement, dès lors que :

* elle avait déjà bénéficié de fibroscopies en 2009 et a ultérireurement accepté une nouvelle fibroscopie en mai 2018, geste qui présente un risque de perforation, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il intervient avec ou sans biopsie;

* il ressort de l'expertise que la réalisation d'une biopsie était commandée par un risque de cancer colique et justifiée ; que correctement informée, elle ne se serait pas soustrait à cet acte ;

- aucune demande n'était formellement sollicitée au titre du préjudice d'impréparation en première instance, alors qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le reproche formulé et le préjudice subi, de sorte que Mme [Y] doit être déboutée de sa demande à ce titre ; à titre subsidiaire sur le préjudice d'impréparation, il sollicite la confirmation du jugement.

- il ressort des conclusions de l'expert que l'arbitrage entre le risque de perforation gastrique, qualifié de rarissime par l'expert, et le bénéfice escompté de l'acte, à savoir la recherche d'un éventuel cancer gastrique, n'a pu occasionner qu'une très faible perte de chance de se soustraire au risque ; la perte de chance ne saurait donc dépasser les 10% ;

- le préjudice d'impréparation doit être intégré dans les souffrances endurées comme l'a fait l'expert et en conséquence aucune indemnisation complémentaire n'est due à ce titre ;

Sur les demandes de la CPAM :

- les demandes formées au titre de frais futures sont purement hypothétiques et doivent être rejetées ;

- il convient d'appliquer le taux de perte de chance de 10% aux débours et faire en conséquence droit aux demandes de la CPAM à hauteur de 825,35 euros.

Dans ses conclusions notifiées le 26 juillet 2021, la CPAM du Hainaut demande à la cour au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale de :

- pour le cas où la cour réformerait partiellement le jugement entrepris, et liquiderait les postes de préjudices de l'assurée sociale :

- condamner M. [M] à lui payer les sommes suivantes :

- 10 483,12 euros,

- 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle indique que :

- elle s'en rapporte sur l'étendue des préjudices subis par l'assurée sociale ;

- si la cour faisait droit aux demandes indemnitaires présentées par l'assurée sociale, étant «'subrogée dans les droits de l'assurée elle est fondée à solliciter le remboursement des indemnités et prestations versées à la victime à concurrence et par priorité de l'indemnité qui pourrait mise à la charge des tiers'».

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

La faute résultant d'un défaut d'information du patient par M. [M], telle qu'elle a été consacrée par les dispositions définitives du jugement du 29 mars 2018, a causé à la victime à la fois une perte de chance de se soustraire à l'intervention ayant causé les préjudices corporels et un préjudice d'impréparation.

Sur le préjudice d'impréparation :

Indépendamment de toute perte de chance pour la victime, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, qui, dès lors qu'il est invoqué, doit être réparé.

Ce préjudice moral est autonome et n'a pas vocation à intégrer les souffrances endurées par la victime.

Mme [Y] sollicite la somme de 50 000 euros à titre d'indemnisation de ce préjudice, alors que M. [M] propose la somme de 2 000 euros.

N'ayant pas été informée par M. [M] des risques liés à la fibroscopie à l'origine des préjudices corporels subis par Mme [Y], cette dernière n'a pu anticiper les conséquences dommageables d'un tel acte médical, de sorte qu'elle subit un préjudice d'impréparation que la cour indemnise à hauteur de 5 000 euros. Le jugement querellé sera par conséquent infirmé en ce qu'il a limité à 2 000 euros l'indemnisation de ce poste de préjudice.

Sur la perte de chance :

Sur le taux de perte de chance :

Dans le cas où une faute commise lors de la prise en charge d'un patient par un professionnel de santé a seulement compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, en raison de ce que le dommage corporel avait une certaine probabilité de survenir en l'absence de faute commise par le praticien, le préjudice résultant de cette faute n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. En'revanche, lorsque le dommage corporel ne serait pas survenu en l'absence de faute commise par le professionnel de santé, le préjudice qui en résulte doit être intégralement réparé.

La perte de chance d'éviter les séquelles liées à l'intervention du professionnel de santé constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles résultant de cette intervention.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s'il peut être tenu pour certain que la faute n'a pas eu de conséquence sur l'état de santé du patient.

L'appréciation de la perte de chance est déterminée par le degré de probabilité selon lequel le patient aurait refusé de procéder à l'acte médical litigieux, s'il n'avait pas été privé préalablement à cet acte d'une information loyale, claire et complète par le professionnel de santé sur les risques encourus. Il appartient dès lors à la cour d'appel de prendre en considération l'état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, pour évaluer les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'indemnisation de la perte de chance doit nécessairement correspondre à une fraction des différents chefs de préjudice effectivement subis par le patient et dus à la réalisation du risque.

Il convient par conséquent de reconstituer la situation contrefactuelle dans laquelle Mme [Y] aurait été valablement informée par M. [M] des risques que comportait la fibroscopie à l'origine de ses préjudices corporels, pour évaluer la probabilité d'un refus de l'intervention par cette dernière.

À cet égard, Mme [Y] soutient qu'elle n'aurait jamais accepté la fibroscopie réalisée en 2011, si elle avait été dûment informée des risques inhérents à cette intervention, dès lors qu'elle présentait la particularité d'avoir été effectuée avec une biopsie, alors que :

- elle n'avait accepté une nouvelle fibroscopie en 2018, qu'en raison d'une telle absence de biopsie ;

- un test respiratoire d'une parfaite innocuité aurait permis de détecter l'hélicobacter pylorii et constituait une alternative à la fibroscopie avec biopsie.

Pour autant, il résulte des différents rapports d'expertise versés au dossier que Mme [Y] a un long passé de troubles digestifs, en particulier de reflux gastro-'sophagien et qui ont justifié des traitements au long cours ; que l'on retrouve dans ses antécédents des fibroscopies oeso-gastriques les 12 février 1997, 30 avril 1997, 12 novembre 2007, 17 novembre 2007, 15 juillet 2009 et enfin le 18 avril 2011 ; que cette pathologie avait conduit à un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (traitement du reflux) au long cours et à deux séquences d'Helicobacter pylorii traité électivement par antibiotique.

Il s'ensuit qu'en avril 2011, au moment des faits litigieux, la fibroscopie gastrique était une intervention connue de Mme [Y], pour laquelle elle avait donné son consentement les 12 février 1997, 30 avril 1997, 12 novembre 2007, 17 novembre 2007, 15 juillet 2009, puis postérieurement aux faits litigieux, en 2018, alors qu'elle était atteinte des mêmes symptômes.

La cour constate que la distinction entre fibroscopie "avec ou sans biopsie" n'est pas reprise par l'expert dans son rapport du 27 août 2019, et à qu'aucun moment il ne mentionne que la biopsie est à l'origine de la perforation de la paroi gastrique. Il indique sur ce point en page 14 de son rapport "[...] une perforation de la paroi suppose que toutes ces couches soient entamées par la biopsie : on devrait alors les retrouver sur au moins l'un des deux fragments biopsiques analysés. L'absence de sous muqueuse sur les deux fragments biopsiques analysés confirme le caractère parfaitement superficiel des biopsies car il n'est retrouvé que de la muqueuse[...]". Il s'ensuit que la fibroscopie qu'elle soit avec ou sans biopsie, peut d'une part induire un risque de perforation gastrique et que le risque s'étant réalisé n'est d'autre part pas celui d'une perforation résultant de la biopsie. Dès lors, cette distinction n'a pu apparaître pour Mme [Y] qu'après l'accident, et elle ne peut sérieusement prétendre que le fait que la fibroscopie soit réalisée avec ou sans biopsie aurait été déterminant pour son consentement donné à l'intervention d'avril 2011. L'expert soulignant, dans sa réponse au dire de Me [W], son conseil, que soit l'examen de fibroscopie du 24 mai 2018, "[...]était nécessaire et il ne peut y avoir de limitation a priori des indications de biopsies, soit cet examen n'était pas justifié et Mme [Y] a néanmoins donné son accord [...]".

Par ailleurs, il résulte des conclusions du rapport d'expertise médicale du 27 août 2019 en page 32 et 33 que :

- l'accident médical qui s'est réalisé est d'une extrême rareté (évaluée à 1 sur 10'000 examens) chez une patiente qui n'était pas plus exposée qu'une autre à sa survenue ;

- l'infection par Helicobacter pylorii toucherait 20 à 50 % de la population française. Plus de 6 500 nouveaux cas de cancer gastrique sont découverts en France, annuellement dû dans 80 % des cas à cette infection ;

- chez Mme [Y], la recherche une récidive d'une infection Helicobacter pylorii était justifiée ;

- le risque statistique de perforation gastrique est très inférieur à celui de voir survenir un cancer gastrique que la fibroscopie permet de dépister à un stade précoce pour de meilleurs pronostics.

Il n'en reste pas moins que l'expert relève (pages 32 et 33 de son rapport) l'existence d'un test respiratoire d'une parfaite innocuité permettant de repérer la présence de ce germe, tout à fait efficace, de sorte que Mme [Y] pouvait se soustraire à la fibroscopie et opter pour ce test respiratoire. Dans le cas de Mme [Y], l'expert indique toutefois que la fibroscopie gastrique était justifiée de première intention compte tenu de ses antécédents médicaux, dès lors qu'elle "[...]souffrait depuis longtemps d'une gastrite chronique que les médicaments ne suffisaient pas à contrôler. Cette gastrite est associée à une hernie hiatale compliquée de reflux gastro-'sophagien. La rémanence des symptômes, l'ancienneté de ceux-ci, l'exposition antérieure au risque lié à Helicobacter pylorii justifiaient pour l'expert la réalisation d'une fibroscopie gastrique même en cas de négativité du test respiratoire. Dès lors cette fibroscopie avait l'avantage d'éliminer avec certitude toute pathologie gastrique cancéreuse, pré-cancéreuse ou ulcéreuse d'une part, elle permettait d'autre part, par les biopsies de rechercher dans le même temps une récidive de l'infection par Helicobacter tout à fait exceptionnelle en cas de négativité du test respiratoire, non effectué [...]".

L'expert concluant sur ce point que les résultats de la recherche par test respiratoire d'Helicobacter sont sans incidence sur la justification de réaliser une fibroscopie et qu'il est conforté dans cet avis par le fait qu'en 2018, il a été indiqué et réalisé au profit de Mme [Y] une fibroscopie justifié par des symptômes identiques à ceux observés en 2011.

Enfin, l'expert conclut en page 33 de son rapport "[...] qu'il existe une très faible chance que Mme [Y], dument informée de façon adéquate, en pleine possession de ses moyens, ait pris la décision de refuser la fibroscopie et de se soustraire ainsi au risque exceptionnel qui s'est réalisé [...]»

Au vu de ces éléments, compte tenu de ses antécédents médicaux, si Mme [Y] avait été dûment informée que le risque statistique d'accident de perforation gastrique était très inférieur à celui de voir survenir un cancer gastrique que la fibroscopie permettait de dépister à un stade précoce, la cour estime que la probabilité que Mme [Y], dûment informée de façon adéquate par M. [M] ait refusé l'examen de fibroscopie avec biopsie pratiqué le 11 avril 2011, s'établit à 10 %.

Le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a exclu l'existence d'une perte de chance.

Sur l'indemnisation de la perte de chance

Le rapport d'expertise fixe trois périodes temporelles pendant lesquelles Mme [Y] a subi un préjudice (rapport page 26 à 31) :

1- période du 18 avril 2011 au 27 juin 2011 (correspondant à la prise en charge des docteurs [M] et [G] à la clinique [14] du 18 au 27 avril 2011, et de ses suites jusqu'à la consolidation du 27 juin 2011, date retenue par le premier expert commis, le Dr [U] [R], dans son rapport remis le 8 octobre 2013, avec laquelle le Dr [L] [I] est d'accord) :

Préjudices temporaires :

- dépenses de santé actuelles : hospitalisation du 18 au 27 avril 2011 et examens du 18 mai 2011,

- plus frais divers,

- déficit fonctionnel temporaire :

- 100% du 18 au 27 avril 2011, soit 9 jours,

- 30% du 28 avril au 28 mai 2011, soit 30 jours, plus une heure par jour de tierce personne pendant cette période,

- 10% du 29 mai au 26 juin 2011, soit 28 jours,

- souffrances endurée : 3/7,

- préjudice esthétique temporaire : 2,5/7,

2- période du 30 septembre 2013 au 5 mars 2015 (correspondant à un premier épisode d'aggravation de l'état de santé de Mme [Y] sous la forme d'une éventration) :

Préjudices temporaires :

- dépenses de santé actuelles : hospitalisation du 4 au 8 novembre 2014, ceinture de contention,

- plus frais divers,

- déficit fonctionnel temporaire :

- 3 % du 30 septembre 2013 au 3 novembre 2014, soit 399 jours,

- 100% du 4 au 8 novembre 2014, soit 5 jours,

- 30% du 9 novembre au 9 décembre 2014, soit 30 jours, plus une heure par jours de tierce personne pendant cette période,

- 10 % du 10 décembre 2014 au 10 janvier 2015, soit 31 jours,

- 5 % du 11 janvier 2015 au 15 mars 2015, soit 52 jours,

- préjudice esthétique temporaire : 2/7,

- souffrances endurées : 2/7,

3- période du 9 juin 2018 à la date de l'expertise, le 23 novembre 2018 (correspondant à une deuxième épisode d'aggravation de l'état de santé de Mme [Y] sous la forme d'une récidive d'éventration) :

Préjudices temporaires :

- dépenses de santé actuelles : échographie abdomino-pelvienne et pariétale, ceinture de contention abdominale,

- plus frais divers,

- déficit fonctionnel temporaire : 3 % du 9 juin 2000 18 au 22 novembre 2018, soit 166 jours,

- préjudice esthétique temporaire : 1,5/7,

- souffrances endurées 1/7

Préjudices permanents :

- déficit fonctionnel permanent à partir du 24 novembre 2018 : 2 %,

- préjudice esthétique :

- 1/7 du 27 juin 2011 au 29 septembre 2013 (cicatrices abdominales),

- 1/7 du 6 mars 2015 juin 2018 (cicatrices abdominales),

- 1,5/7 à partir du 24 novembre 2018 (cicatrices abdominales et la récidive de l'éventration),

I - Sur les préjudices corporels patrimoniaux :

A - Préjudice patrimoniaux temporaires :

1 - Les dépenses de santé actuelles

Mme [Y] n'allègue aucune dépense de santé actuelle restée à sa charge.

L'organisme de sécurité sociale réclame à ce titre le remboursement de ses débours à hauteur de 10-483,12 euros.

La CPAM du Hainaut produit le montant de ses débours définitifs arrêtés à la somme de 10 483,12 euros décomposés comme suit :

- hospitalisations à la clinique [14] de [Localité 6] pour un montant de 2812,40 euros et à la clinique [16] d'[Localité 11] pour un montant de 2354,26 euros,

- frais médicaux : 2041,96 euros,

- frais pharmaceutiques : 461,05 euros,

- frais d'appareillage : 383,06 euros,

- frais de transport : 200,84 euros,

- frais futurs : 2229,55 euros.

Il convient de fixer, après déduction des frais futurs, le poste des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable à la somme de 8 253,57 euros : compte tenu de l'application du taux de chance de 10 % retenu, il sera fait droit à la demande de la CPAM à hauteur de 825,35 euros.

2 - Les frais divers

- Assistance tierce personne avant consolidation

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne correspond aux dépenses liées à la réduction d'autonomie ; elle doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

L'expert retient un besoin en aide humaine à hauteur d'une heure par jour pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire de 30%, soit du 28 avril au 28 mai 2011 (30 jours) et du 9 novembre au 9 décembre 2014 (30 jours).

Mme [Y] sollicite dans le corps de ses conclusions l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 15 euros par heure, soit une somme de total de 990 euros (66 jours x 15 euros), mais ne reprend pas cette demande dans son dispositif.

Toutefois, M. [M] propose la somme de 900 euros (60 jours x 15 euros).

Ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 900 euros ( 1 heure x 60 jours x 15 euros), de sorte qu'après application du taux de perte de chance de 10 %, il sera accordé la somme de 90 euros à Mme [Y].

B- Préjudice patrimoniaux permanents :

1 - Dépenses de santé futures :

La CPAM du Hainaut sollicite la somme de 2 229,55 euros au titre des dépenses de santé futures.

La cour constate toutefois que les frais futurs invoqués par la CPAM du Hainaut ne sont accompagnés d'aucun justificatifs, et que leur nécessité n'est corroborée par aucun élément du dossier : ils reposent sur une base purement hypothétique, étant conditionnés à une aggravation de l'état de santé de Mme [Y]. En conséquence, la demande formulée au titre des frais futurs sera rejetée.

Mme [Y] sollicite au titre des dépenses de santé futures la somme de 3 633,90 euros correspondants à la capitalisation viagère du coût d'une ceinture de contention abdominale, à compter du 4 novembre 2019 et moyennant un coût annuel de 300 euros par an.

M. [M] sollicite le rejet de cette demande en indiquant que le coût annuel de 300 euros pour la ceinture abdominale est purement théorique, et qu'il est possible de s'en procurer pour un montant de 30 euros.

Sur ce, il s'agit des frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale ou mutuelle), les frais d'hospitalisation, et tous les frais paramédicaux, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

L'expert préconise pour éviter toute augmentation de la taille de l'éventration qui est quasi inéluctable, le bénéfice du port d'une ceinture de contention abdominale lors d'efforts particuliers (port de charges, jardinage, conduite) qui doit être changée annuellement, et qu'il chiffre à 300 euros par an. Dès lors cette dépense est justifiée.

Mme [Y] étant née le [Date naissance 9] 1943, elle a donc 79 ans au jour du présent arrêt : le préjudice est par conséquent fixé à hauteur de :

- du 23 novembre 2018 (date de consolidation) au 2 juin 2022 (date de la liquidation) : 300 euros x (1288 jours / 365 jours) = 1'058,63 euros.

- à compter du 3 juin 2022 : 300 euros x 10,940 (valeur du viager pour une femme de 79 ans, selon le barème de la Gazette du palais 2020 taux à 0,3 %) = 3 282 euros.

Soit un préjudice évalué à la somme de 4 340,63 euros : pour autant, Mme [Y] sollicite une somme de 3 633,90 euros, montant du préjudice que la cour ne peut excèder : compte tenu de l'application du taux de 10 %, il sera par conséquent alloué à Mme [Y] la somme de 363,39 euros au titre de ce préjudice.

II - Sur les préjudices extra patrimoniaux

A- les préjudices extra patrimoniaux temporaires :

1- le déficit fonctionnel temporaire :

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire jusqu'à la consolidation de la victime.

Le déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

En l'espèce, Mme [Y] a subi pendant cette période des troubles dans les conditions d'existence incluant une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie au sens large. Elle sollicite la somme totale de 1 364,40 euros à ce titre.

M. [M] considère qu'une indemnité égale à 23 euros par jour est suffisante et propose une indemnisation à hauteur de 1 321,35 euros, soit après application du taux de 10% la somme de 132,13 euros.

Une indemnité égale de 25 euros par jour est de nature à réparer la gêne dans les actes de la vie courante, lorsque ce déficit fonctionnel temporaire est total.

Cette indemnisation est proportionnellement diminuée lorsque le déficit fonctionnel temporaire est partiel.

L'expert a conclut à :

- une période de déficit fonctionnel total du 18 au 27 avril 2011 (9 jours) et du 4 au 8 novembre 2014 (5 jours) (hospitalisations), soit 14 jours,

- une période de déficit fonctionnel partiel de 30% du 28 avril au 28 mai 2011 (30 jours), du 9 novembre au 9 décembre 2014 (30 jours), soit 60 jours,

- une période de déficit fonctionnel partiel de 10% du 29 mai au 26 juin 2011 (28 jours), du 10 décembre 2014 au 10 janvier 2015 (31 jours), soit 59 jours,

- une période de déficit fonctionnel partiel de 5% du 11 janvier au 4 mars 2015, soit 52 jours,

- une période de déficit fonctionnel partiel de 3% du 30 septembre 2013 au 3 novembre 2014 (399 jours), du 9 juin au 22 novembre 2018 (166 jours), soit 565 jours,

En conséquence, l'indemnisation de Mme [Y] s'élève à ce titre aux sommes suivantes':

- sur le déficit fonctionnel total :

soit 14 jours x 25 euros = 350 euros,

- sur le déficit fonctionnel partiel :

soit 60 jours x 25 euros x 30% = 450 euros,

soit 59 jours x 25 euros x 10% = 147,50 euros,

soit 52 jours x 25 euros x 5% = 65 euros,

soit 565 jours x 25 euros x 3% = 423,75 euros,

L'indemnisation totale du déficit fonctionnel temporaire s'élève en conséquence à la somme totale de 1 436,25 euros : pour autant, Mme [Y] sollicitant la somme de

1 364,40 euros, l'indemnisation de ce préjudice sera donc fixé à ce montant, de sorte qu'après application du taux de 10 % il sera allouée à la victime la somme de 136,44 euros.

2- les souffrances endurées

Mme [Y] sollicite la somme de 18 000 euros, expliquant qu'elle est justifiée par l'intervention d'urgence, la cicatrice abdominale, la nécessité de perfusion et la sonde nasogastrique post-opératoire, le drainage et les soins infirmiers poursuivis huit jours après la sortie d'hospitalisation.

M. [M] propose la somme globale de 9 200 euros, soit 920 euros après application du taux de 10%.

L'expert distingue trois période pour l'évaluation de ce poste de la manière suivante :

- une période du 18 avril 2011 au 27 juin 2011 : 2,5/7 à raison de l'intervention d'urgence, de la cicatrice abdominale, de la nécessité de perfusions et de la sonde naso gastrique post opératoire, du drainage et des soins infirmiers poursuivis 8 jours après sa sortie d'hospitalisation. En revanche, l'expert s'est mépris en ajoutant à cette évaluation les souffrance endurées du fait de l'impréparation, dès lors que ce préjudice a été réparé de façon autonome.

- une période du 30 septembre 2013 au 5 mars 2015 : 2/7 correspondant à un premier épisode d'aggravation de l'état de santé de Mme [Y] sous la forme d'une éventration opérée le 5 novembre 2014, incluant l'intervention et ses suites ;

- une période du 9 juin 2018 au jour de l'expertise le 23 novembre 2018 : 1/7 correspondant à une deuxième épisode d'aggravation de l'état de santé de Mme [Y] sous la forme d'une récidive d'éventration ;

Aux douleurs physiques, il convient d'ajouter les douleurs psychiques : l'expert psychiatre [B] conclut à cet égard que Mme [Y] présente des manifestations anxieuses, du registre de l'anxiété généralisée, dans les suites d'un trouble de l'adaptation en lien direct et certain avec une endoscopie et laparotomie réalisée en avril 2011 ; trouble qui est inscrit dans la chronicité depuis le moins de novembre 2011.

Au vu de ces éléments, ce poste de préjudice sera évalué de la manière suivante :

- pour la période évaluée à 2,5/7 : 4 000 euros,

- pour la période évaluée à 2/7 : 3 500 euros,

- pour la période évaluée à 1/7 : 2 000 euros,

Ce préjudice étant fixé à la somme globale de 9 500 euros, il sera alloué à Mme [Y], après application du taux de perte de chance de 10%, la somme de 950 euros.

3- le préjudice esthétique temporaire :

Mme [Y] sollicite à ce titre la somme de 10 000 euros, décomposée selon les périodes à hauteur de 4 000 euros, 4 000 euros et 2 000 euros.

M. [M] évalue ce préjudice à la somme de 2 550 euros et propose 255 euros après application du taux de 10%.

L'expert retient l'existence d'un préjudice esthétique temporaire qu'il évalue à 2,5/7 pour la période du 18 avril au 27 juin 2011 en raison des incisions en voie de cicatrisation, la présentation peu valorisante et les troubles de la silhouette en rapport avec les soins post opératoires ; à 2/7 pour la période du 30 septembre 2013 au 5 mars 2015 en raison de l'incision en voie de cicatrisation, des troubles de la silhouette post opératoires et à 1/7 du 9 juin au 23 novembre 2018.

Au vu de ces éléments, le préjudice esthétique temporaire sera évalué de la manière suivante :

- pour la période évaluée à 2,5/7 : 1 250 euros,

- pour la période évaluée à 2/7 : 800 euros,

- pour la période évaluée à 1/7 : 500 euros,

Ce préjudice sera évalué à la somme globale de 2 550 euros : après application du taux de perte de chance de 10 % applicable, il sera alloué la somme de 255 euros.

4- préjudice d'agrément temporaire

Mme [Y] sollicite la somme de 1500 euros à ce titre, exposant que l'expert a considéré qu'il existait une réduction des activités d'agrément pour les périodes durant lesquelles le taux de déficit fonctionnel temporaire était supérieur ou égal à 10 %, soit au total 133 jours durant lesquels elle a été dans l'impossibilité totale de pratiquer ses activités d'agrément et quotidiennes.

Le préjudice invoqué est l'une des composantes du déficit fonctionnel temporaire, qui regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Dès lors il n'y a pas lieu à une indemnisation autonome de ce préjudice et il convient de débouter Mme [Y] de sa demande formée à ce titre.

B- les préjudices extra patrimoniaux permanent :

1- déficit fonctionnel permanent

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 2 % à partir du 24 novembre 2018.

Les parties s'étant accordées sur une indemnisation de ce poste à hauteur de 1 900 euros, il sera alloué à Mme [Y], après application du taux de perte de chance de 10% , une somme de 190 euros.

2- préjudice esthétique permanent

Mme [Y] sollicite la somme de 6 000 euros, soit la somme de 2 000 euros pour chaque période déterminée par l'expert.

L'expert retient l'existence d'un préjudice esthétique permanent qu'il évalue à 1/7 pour la période intercalaire entre la consolidation de l'accident initial du 27 juin 2011 et la survenue du premier épisode d'aggravation le 29 septembre 2013 en raison des cicatrices abdominales ; à 1/7 pour la période du 6 mars 2015 au 8 juin 2018 en raison en raison des cicatrices abdominales et à 1,5 /7 à compter du 24 novembre 2018 en rapport avec les cicatrices abdominales et la récidive d'éventration.

Au vu de ces éléments, le préjudice esthétique permanent sera évalué de la manière suivante :

- pour la période évaluée à 1/7 : 1 500 euros,

- pour la période évaluée à 1/7, aucune indemnisation complémentaire, le préjudice n'étant pas majoré par rapport à la période initiale,

- pour la période évaluée à 1,5/7 : 500 euros, correspondant à une augmentation de 0,5/7 de l'aggravation du préjudice.

Ce préjudice sera évalué à la somme globale de 2 000 euros, après application du taux de perte de chance de 10% applicable, il sera alloué la somme de 200 euros.

3- préjudice d'agrément

Mme [Y] sollicite la somme de 5000 euros, expliquant qu'elle a des difficultés à s'occuper de ses petits-enfants, à jardiner, à faire les courses, que son époux n'a pas le permis de conduire et qu'il ne peut pas l'accompagner dans ses déplacements, qu'elle porte une ceinture de contention abdominale,et que des pensées quotidiennes altèrent sa qualité de vie depuis le 18 avril 2011.

M. [M] propose la somme de 2 000 euros.

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Par ailleurs, le déficit fonctionnel permanent prend en compte l'indemnisation de la perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence. Les troubles dans les conditions d'existence n'ont donc plus lieu d'être indemnisés sous couvert d'un préjudice d'agrément général.

Pour autant, M. [M] propose une indemnisation à hauteur de 2 000 euros, étant observé que l'expert considère que l'état de santé séquellaire somatique de Mme [Y] ne contre-indique pas les activités telles que s'occuper de ses petits-enfants, jardiner, faire les courses, dès lors qu'elle porte une ceinture de contention abdominale.

Au vu de ces éléments, ce préjudice sera évalué à la somme globale de 2000 euros, de sorte qu'après application du taux de perte de chance de 10% applicable, il sera alloué la somme de 200 euros.

III- Sur la liquidation des préjudices :

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [Y], et à la CPAM du Hainaut, les sommes suivantes':

- 825,35 euros au titre des dépenses de santé actuelles, revenant entièrement à la CPAM du Hainaut,

- 90 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

- 363,39 au titre des dépenses de santé futures exposées par la victime

- 136,44 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 950 euros au titre des souffrances endurées,

- 255 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 190 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 200 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 200 euros au titre du préjudice d'agrément.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Aux termes de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné à son 3ème alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et minimum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

En application de ces dispositions, la caisse est autorisée à recouvrer contre le tiers responsable une seule indemnité forfaitaire au cours d'une même instance, laquelle indemnise le traitement administratif du dossier par ses services. Le montant maximum de l'indemnité est fixé à 1'098 euros par l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

La CPAM du Hainaut sollicite la somme de 1 091 euros à ce titre.

Dès lors il convient de condamner M. [M] à payer ce montant à la CPAM du Hainaut.

Sur les dépens et les indemnités de procédure

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement critiqué ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Par ailleurs, il convient de condamner M. [M] aux dépens d'appel et à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

'4'000 euros à Mme [Y] ;

'1'000 euros à la CPAM du Hainaut, au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en appel.

Les dispositions de l'article L. 444-1 du code de commerce sont inapplicables à l'espèce.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Confirme le jugement rendu le 31 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Cambrai, sauf en ce qu'il a :

- condamné M. [Z] [M] à payer à Mme [C] [E] épouse [Y] de la somme de 2000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral d'impréparation à l'acte médical ayant eu lieu le 18 avril 2011 à la clinique [14]

à [Localité 6] ;

- débouté Mme [C] [E] épouse [Y] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

- débouté la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut de toutes ses demandes ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la perte de chance de Mme [C] [E] épouse [Y] est de 10%,

Condamne M. [Z] [M] à payer à Mme [C] [E] épouse [Y] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :

- 90 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

- 363,39 euros au titre des dépenses de santé futures,

- 136,44 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 950 euros au titre des souffrances endurées,

- 255 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 190 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 200 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

- 200 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Condamne M. [Z] [M] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut la somme de 825,35 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

Condamne M. [Z] [M] à payer à Mme [C] [E] épouse [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice d'impréparation,

Déboute Mme [C] [E] épouse [Y] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément temporaire,

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut de sa demande au titre des dépenses de santé futures,

Condamne M. [M] à payer les entiers dépens d'appel,

Déboute Mme [C] [E] épouse [Y] de sa demande au titre de l'article L. 444-1 du code de commerce,

Condamne M. [M] à payer au titre des indemnités d'appel, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

'4'000 euros à Mme [Y] ;

'1'000 euros à la CPAM du Hainaut.

La GreffièreLe Président

Fabienne DufosséGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01207
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.01207 ?
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