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02/06/2022 | FRANCE | N°21/01191

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 02 juin 2022, 21/01191


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 02/06/2022



****





N° de MINUTE : 22/235

N° RG 21/01191 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPHF



Jugement (N° 18/02678) rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque





APPELANTE



SARL Agence Wiel Architecte

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Julien Neveux, avocat au barreau de Lille

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INTIMÉS



Monsieur [N] [G]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Madame [C] [G]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentés par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque



SA Flandre Opa...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/235

N° RG 21/01191 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPHF

Jugement (N° 18/02678) rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

SARL Agence Wiel Architecte

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Julien Neveux, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [N] [G]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [C] [G]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque

SA Flandre Opale Habitat venant aux droits de la Maison Flamande, société anonyme d'habitations à loyer modéré au capital de 80 000 €, immatriculée au rcs de Dunkerque sous le numéro 616820205

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno Khayat, avocat au barreau de Dunkerque et Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque

Syndicat de Copropriété de la [Adresse 6] prise en la personne de la SA Notre Cottage, immatriculée sous le numéro 075 750 364 du registre du commerce

1,3,5,7 place de la République

[Localité 5]

Représentée par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque

SA Entreprise Generale de Demolition

[Adresse 3]

[Localité 5]

À laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 21 mai 2021 à étude

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Guillaume Salomon

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d'un projet de construction d'un immeuble collectif après travaux de démolition et division en 42 lots de copropriété, la société Maison flamande, aux droits de laquelle vient la société Flandre Opale habitat, a confié :

- la maîtrise d''uvre des travaux à la Sarl Agence Wiel architecture (AWA), avec mission complète ;

- le lot «'démolition'» à la société Entreprise générale de démolition (EGD).

Le 21 septembre 2011, les travaux ont été réceptionnés sans réserves.

M. [N] [G] et Mme [C] [T] épouse [G] (les consorts [G]) sont propriétaires d'un immeuble voisin, situé [Adresse 2].

Les lots construits par la société Maison Flamande ont été vendus individuellement à des acquéreurs au sein de l'immeuble soumis au régime de la copropriété.

Ayant été alertés par la société Notre Cottage, syndic de la copropriété [Adresse 6], de la dangerosité d'un mur leur appartenant privativement et qu'ils estiment avoir été fragilisé par ces travaux, les consorts [G] ont assigné par acte du 7 octobre 2016 la société Maison flamande et le syndic de copropriété devant le juge des référés, qui a ordonné une expertise, après avoir constaté l'intervention volontaire à l'instance du syndicat des copropriétaires [Adresse 6] (le syndicat des copropriétaires). Les opérations d'expertise ont été étendues à l'examen de désordres affectant une cheminée située sur la propriété du syndicat des copropriétaires. L'expert [F] a déposé son rapport définitif le 17 août 2018.

Par acte du 20 novembre 2018, les consorts [G] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Dunkerque la société Flandre Opale habitat et la société Notre cottage en sa qualité de syndic de la copropriété [Adresse 6] en indemnisation d'un trouble anormal de voisinage et en exécution de travaux de confortement du mur litigieux.

La société Flandre Opale habitat a assigné AWA et EGD en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Sur invitation du tribunal de grande instance de Dunkerque dans le cadre d'une réouverture des débats, les consorts [G] ont enfin assigné le syndicat des copropriétaires pour demander sa condamnation in solidum avec la société Flandre Opale habitat à les indemniser.

Par jugement rendu le 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- déclaré l'action des consorts [G] recevable,

- constaté que les consorts [G] ont subi un trouble anormal du voisinage,

- fixé le préjudice des consorts [G] au titre dudit trouble à la somme de 31 311 euros,

- condamné in solidum la société Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires Terre Neuve à payer aux consorts [G] la somme de 31 311 euros,

- condamné in solidum la société Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux de démolition du conduit de cheminée préconisés par l'expert et pour lequel un devis auprès de l'entreprise Lecomte a été réalisé,

- rejeté la demande d'astreinte assortissant la condamnation à faire réaliser les travaux,

- condamné in solidum l'agence AWA et EGD à garantir la société Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires de toutes les condamnations prononcées à leur encontre par son jugement,

- condamné in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 632,30 euros au titre du préjudice matériel,

- condamné in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- condamné AWA à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 350 euros au titre de la perte de chance,

- rejeté la demande d'octroi de dommages et intérêts pour permettre la démolition partielle du muret,

- rejeté la demande d'octroi de dommages et intérêts pour couvrir les honoraires du syndic,

- condamné in solidum Flandre Opale habitat, le syndicat des copropriétaires, AWA et EGD à supporter les entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise,

- condamne in solidum Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires à payer aux époux [G] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de son jugement.

Par déclaration du 22 février 2021, AWA a formé appel selon les termes suivants : «'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués'».

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2022, AWA demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, de :

=$gt; à titre principal,

Dire sans objet l'appel en garantie de la société Flandre Opale habitat à son encontre ;

En tout état de cause, vu les conclusions du rapport de M. [F] sur l'inexistence de troubles anormaux de voisinage relativement au mur privatif des consorts [G] et à la non-exécution du marché EGD relativement au conduit de cheminée, débouter derechef, toute partie de toute demande formée à son encontre ;

En conséquence, débouter la société Flandre Opale habitat, le syndicat des copropriétaires et toute partie, de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont formées à son encontre ;

=$gt; à titre subsidiaire,

- s'agissant du mur en briques appartenant aux consorts [G] :

* constater la vétusté dudit mur telle que relevée par l'expert [F] ;

* dire et juger qu'elle ne saurait avoir participé à la dégradation du mur des consorts [G], dégradation non constatée par l'expert judiciaire ;

* dire et juger au contraire que la déstabilisation éventuelle du mur des consorts [G] est due aux interventions postérieures à la réception du syndicat des copropriétaires ;

* débouter en conséquence la société Flandre Opale habitat, ou toute partie, de toute demande formée à ce titre à son encontre ;

* dire et juger que les travaux sollicités sont des travaux nécessaires qui auraient dû être supportés par le promoteur immobilier, débouter en conséquence les demandes formées à son encontre ;

* dire et juger en tout état de cause que les consorts [G] devront garder à leur charge une part de vétusté qui peut être évaluée à 50 % du coût des travaux nécessaires tels qu'évalués par l'expert judiciaire.

=$gt; Plus subsidiairement,

- dire et juger qu'elle devra être garantie en totalité par le syndicat des copropriétaires ou à tout le moins, plus subsidiairement encore, à hauteur de 50 % et ce selon les dispositions de la responsabilité délictuelle de droit commun.

=$gt; en tout état de cause dire et juger que l'évaluation des dommages s'agissant du mur en briques est de 30 311,80 euros et non de 31 311 euros.

- s'agissant du conduit de cheminée :

* dire et juger qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre conformément aux dispositions du rapport d'expertise de M. [F].

Subsidiairement,

* dire et juger que les travaux sont des travaux nécessaires devant rester à la charge de la société Flandre Opale habitat et des consorts [G].

Plus subsidiairement encore,

* dire et juger qu'elle sera garantie par EGD selon les dispositions de la responsabilité délictuelle de droit commun.

A titre infiniment subsidiaire,

* confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte pour faire les travaux et a rejeté les dommages et intérêts relatif à la démolition du muret et les honoraires du syndic ;

- condamner in solidum la société Flandre Opale habitat venant aux droits de la société la Maison flamande, et le syndicat des copropriétaires, ou toute partie succombante, à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du du code de procédure civile.

- condamner in solidum la même société Flandre Opale habitat venant aux droits de la société la Maison flamande et le syndicat des copropriétaires, ou toute partie succombante, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 novembre 2021, la société Flandre Opale habitat, intimée et appelante incidente, demande à la cour de réformer le jugement critiqué, en ce qu'il :

- déclare l'action des consorts [G] recevable,

- constate que les consorts [G] ont subi un trouble anormal du voisinage,

- fixe le préjudice subi par les consorts [G] au titre dudit trouble à la somme de 31 311 euros,

- condamne in solidum la société Flandre Opale Habitat et le syndicat des copropriétaires à payer aux consorts [G], la somme de 31 311 euros,

- condamne in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 632,30 euros au titre de préjudice matériel,

- condamne in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros au titre du trouble de jouissance,

- condamne AWA à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 350 euros au titre de la perte de chance,

- condamne in solidum Flandre Opale Habitat, le syndicat des copropriétaires, AWA et EGD à supporter les entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise,

- condamne in solidum Flandre Opale Habitat et le syndicat des copropriétaires à payer aux époux [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

et statuant à nouveau, de :

=$gt; à titre principal :

- débouter les consorts [G] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

=$gt; à titre subsidiaire :

Vu l'article 544 du code civil et la théorie des troubles anormaux du voisinage,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a condamné AWA et EGD à la garantir intégralement de toutes les condamnations y prononcées à son encontre ;

=$gt; en tout état de cause :

- condamner AWA et EGD aux entiers dépens de la procédure et à une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Flandre Opale habitat fait valoir que :

-l'action exercée par les consorts [G] à son encontre est prescrite : la réception est intervenue le 21 septembre 2011 et aucun acte interruptif du délai quinquennal de prescription n'est intervenu avant le 7 octobre 2016. Les époux [G] connaissait l'existence d'une aggravation de l'état de leur mur d'enceinte liée à la réalisation des travaux litigieux.

-elle ne doit pas garantir une éventuelle condamnation à l'encontre du syndicat des copropriétaires sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, dès lors que : (i) la qualification d'ouvrage pose difficulté ; (ii) elle n'entretient aucun lien contractuel avec les consorts [G], auquel serait subrogé le syndicat des copropriétaires ; (iii) elle n'engage pas directement sa responsabilité à l'égard du syndicat des copropriétaires, dès lors que le mur litigieux est la propriété exclusive des époux [G], de sorte qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, aucune responsabilité décennale ne peut être retenue à son encontre.

-elle ne doit pas garantir la destruction d'une partie du muret et l'indemnisation d'un préjudice de jouissance, alors que l'expert a exclu l'existence des préjudices allégués.

- sa responsabilité éventuelle au titre d'une indemnisation de la dépose-repose des claustras et plantations ne peut être de nature délictuelle.

- la «'perte de chance de ne pas subir d'engagement de responsabilité décennale'» qu'invoque le syndicat des copropriétaires, n'est pas indemnisable, dès lors que ce préjudice : (i) n'est pas lié à l'action exercée par les consorts [G] ; (ii) est hypothétique, dès lors que la cheminée litigieuse ne s'est pas effondrée et qu'aucune responsabilité délictuelle de son propriétaire n'est engagée à ce jour.

-les fautes commises par AWA et EGD l'exonère de toute responsabilité : l'architecte maître d'oeuvre n'a pas rédigé des prescriptions conformes aux règles de l'art, s'agissant du talutage ayant directement causé la fragilisation du mur litigieux ; l'entrepreneur n'a pas procédé à la démolition ou au renforcement du conduit de cheminée, alors qu'une telle prestation était prévue et que la corrosion affectant cet ouvrage en compromettait la stabilité.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6], intimé et appelant incident, demande à la cour d'infirmer le jugement du 22 décembre 2020, et statuant à nouveau de :

- déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, la demande des époux [G] dirigée à son encontre et tendant à faire exécuter sous astreinte de 100 euros par jour de retard, les travaux de soutènement de la cheminée se trouvant sur le fond lui appartenant ;

- débouter les consorts [G] de l'ensemble de leurs autres demandes dirigées à son encontre ;

Subsidiairement,

- vu les articles 14 de la loi 1965 et, ensembles, les articles 1792 et suivants du code de procédure civile, condamner in solidum la la société Flandre Opale habitat (venant au droit de Maison flamandes), AWA, et EGD à le garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- constater qu'il ne s'oppose pas à la réalisation des travaux nécessaires à reprise des désordres sur le mur privatif appartenant aux consorts [G] et dont la réalisation interviendra majoritairement sur son fonds,

Reconventionnellement et en tout état de cause,

- condamner in solidum la la société Flandre Opale habitat (venant au droit de Maison flamandes), AWA, et EGD à lui payer la somme 4 691,57 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis ;

- condamner AWA à lui payer la somme 6 700 euros à titre de dommages-intérêts au titre d'une perte de chance de voir exécuter les travaux de démolitions du conduit de cheminé par EGD au titre de la levée de réserves de son lot.

- condamner in solidum la société Flandre Opale habitat (venant au droit de Maison flamandes), AWA et EGD à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance et de l'expertise.

A l'appui de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

-le défaut d'intérêt à agir des consorts [G] concerne exclusivement le litige concernant la cheminée, dès lors que cette dernière ne leur appartient pas et qu'ils ne subissent aucun dommage personnel, la construction métallique étant située au-dessus de la copropriété ; la motivation du jugement sur la seule problématique du mur séparatif ne répond pas à la fin de non-recevoir invoquée.

-le dommage affectant le mur appartenant aux consorts [G] n'est pas indemnisable au titre des troubles anormaux du voisinage, dès lors que : (i) il ne résulte pas d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien de l'immeuble appartenant à la copropriété dont cette dernière doit répondre en application de l'article 14 de la loi de 1965 ; (ii) il est imputable à l'exécution des travaux par le constructeur et ses mandants au cours des opérations de construction, ainsi que l'expert judiciaire l'a établi ; à cette époque, le syndicat des copropriétaires n'existait pas, de sorte que des troubles anormaux de voisinage ne peuvent être reprochés qu'au propriétaire de l'époque et aux constructeurs, dont la responsabilité n'est en outre pas recherchée sur le fondement de la garantie décennale.

- les vestiges de la cheminée lui appartenant ne causent aucun préjudice aux consorts [G], ainsi que l'expert judiciaire l'a retenu, de sorte qu'il n'en résulte aucun trouble anormal de voisinage pour ces derniers. En réalité, sa participation à l'instance n'a vocation qu'à lui rendre opposable l'exécution de travaux sur la cheminée située sur son fond, et non à permettre une condamnation indemnitaire à son encontre.

-en sa qualité de propriétaire actuel de l'immeuble, son appel en garantie à l'encontre de AWA et EGD résulte de sa subrogation dans les droits du vendeur, la Maison flamande, et notamment dans son action en garantie décennale à l'encontre des constructeurs ayant contribué à la réalisation des désordres par les fautes commises lors de la réalisation des travaux : absence de démolition de la cheminée par EGD et absence de réserves exprimées par l'architecte au titre des parties communes.

-les réalisations de travaux de reprise lui cause un préjudice personnel dont il sollicite l'indemnisation en application de l'article 1240 du code civil, s'agissant de : (i) la dépose/repose de claustras et de plantation situés au droit du mur litigieux dont la reprise des fondations est nécessaire ; (ii) la diminution des possibilités de giration permettant l'accès au parking sous-terrain, qui nécessite de réduire un mur situé sur sa propriété pour conserver une largeur de 4,72 mètres ; (iii) un préjudice de jouissance pendant la durée des travaux, dès lors qu'au cours de leurs réalisation, l'accès au parking sera impossible pour l'ensemble des copropriétaires

-sa perte de chance de ne pas subir une action en responsabilité délictuelle exercée par les consorts [G] est imputable à l'inexécution du chantier par EGD et à l'absence de réserve lors de la réception des travaux par AWA. Le taux de 50 % qu'a fixé le premier juge est insuffisant pour réparer son préjudice. Il indique qu'une réserve aurait permis la main-levée de ce désordre sans que le maître de l'ouvrage ait à engager une somme quelconque. Les travaux étant estimés à 6 716 euros, il sollicite son indemnisation à hauteur de 6 700 euros.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 août 2021, les consorts [G], intimés, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions ;

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] in solidum avec la société Flandre Opale habitat venant aux droits de la SA Maison flamande au paiement d'une somme de 30 311,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du mur privatif endommagé par les opérations de construction de l'immeuble sis à [Adresse 2], mitoyen de celui des concluants, outre les intérêts au taux légal à compter des assignations délivrées.

- condamner le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] à exécuter les travaux de confortement et de souténement de la cheminée se trouvant sur le fonds sis à la même adresse et évalués par l'expert à un montant de 6 716,40 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

- leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice sur la condamnation de la société Flandre Opale habitat aux mêmes fins.

- dire que le syndicat des copropriétaires devra justifier de la bonne fin des travaux en présentant la facture acquittée de l'entreprise Lecomte qui en avait établi le devis estimatif.

- condamner in solidum, en cause d'appel, la société Flandre Opale habitat venant aux droits de la société Maison flamande, et le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, en ce compris les frais et honoraires d'expertise.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [G] font valoir que :

- leur action exercée à l'encontre de Flandre Opale habitat sur le fondement des troubles anormaux du voisinage n'est pas prescrite, dès lors que le point de départ du délai quinquennal n'est pas fixé à la date de la réception des travaux, mais à celle de manifestation du dommage ou de son aggravation. À cet égard, Flandre Opale habitat ne démontre pas l'apparition des dommages antérieure à un délai de 5 ans avant l'assignation qui lui a été délivrée le 7 octobre 2016. A l'inverse, ils n'ont manifesté qu'en février 2015 leurs inquiétudes auprès de la municipalité concernant les dommages causés à leur mur. Seul le rapport d'expertise a permis de déterminer objectivement la manifestation du dommage et son imputabilité aux opérations de construction voisine, alors qu'ils sont profanes en matière de construction.

-leur action exercée à l'encontre de Flandre Opale habitat repose sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, qui ne nécessite aucune démonstration d'une faute par le voisin occasionnel.

- ils s'en rapportent à justice sur la recevabilité de leur action à l'encontre de la Maison flamande, «'qui effectivement n'est plus propriétaire de l'immeuble et donc du conduit de cheminée en cause'». A l'inverse, ils estiment que le risque d'effondrement de ce conduit peut survenir sur leur fonds et menacer leurs personnes et leur bien, de sorte qu'ils disposent d'un intérêt à agir à l'encontre du syndicat des copropriétaires.

- le trouble anormal du voisinage est doublement constitué :

d'une part, par l'atteinte à la solidité de leur mur, qui résulte des travaux réalisés par le voisin et dont la reprise intégrale est préconisée par l'expert, alors que la vétusté du mur n'est pas constituée par un défaut d'entretien qui pourrait seul justifier une minoration de leur indemnisation et qu'elle n'est pas démontrée.

d'autre part, par le risque d'effondrement du conduit de cheminée, dont il n'est pas nécessaire d'attendre la réalisation effective pour en solliciter la réparation.

EGD n'a pas constitué avocat, en dépit de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions visées ci-dessus, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Lors de l'audience de plaidoirie du 24 mars 2022, la cour a invité les parties à présenter, par note en délibéré, leurs observations sur la formulation de la déclaration d'appel formée par AWA et sur son incidence sur les appels incidents.

Dans une note du 25 mars 2022, AWA indique ne pas «'comprendre quelle est la difficulté technique qui a pu avoir lieu concrètement'», estimant par ailleurs qu'une telle absence de mention des chefs du jugement expressément critiqués constitue une irrégularité de forme, ne permettant d'annuler la déclaration d'appel que sur la démonstration d'un grief causé aux intimés. En l'espèce, elle estime qu'une telle nullité n'est pas applicable, dès lors que les intimés ont pu valablement conclure au soutien de leurs intérêts.

Dans une note du 25 mars 2022, le syndicat des copropriétaires Terre Neuve fait valoir que :

- seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement ; à défaut de figurer dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'opère pas.

- alors que la cour n'est saisie d'aucune demande par l'appelant principal, son appel est toutefois recevable et il convient de statuer sur son appel incident, l'article 550 du code de procédure civile ne concernant que les hypothèses d'irrecevabilité ou de caducité de l'appel principal.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'appel principal formé par AWA :

Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. En l'absence de rectification par une nouvelle déclaration d'appel formé dans le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure, l'appel ainsi formé n'emporte aucune critique du jugement et ne peut être régularisé par des conclusions notifiées au fond.

Alors qu'aucune déclaration d'appel rectificative n'est intervenue dans les délais requis, la déclaration d'appel formée par AWA ayant exclusivement visé «'appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués'», ne produit aucun effet dévolutif, étant précisé qu'aucun dysfonctionnement technique n'est enfin prouvé pour justifier une telle absence de précision des chefs du jugement expressément critiqués par AWA.

Sur les appels incidents :

L'appel principal formé par AWA n'est toutefois pas irrecevable, de sorte que la cour est valablement saisie, alors que les conclusions notifiées le 22 mai 2021 par cet appelant principal ont fait courir les délais ouverts aux intimés pour former appel incident. Alors que l'article 550 du code de procédure civile n'envisage pas le sort de l'appel incident dans l'hypothèse d'une telle absence d'effet dévolutif de l'appel principal, l'instance n'est par ailleurs pas éteinte.

Il en résulte que la cour doit examiner les appels incidents respectivement formés par Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires.

Sur la recevabilité de l'action engagée par les consorts [G] à l'encontre de Flandre Opale habitat :

L'action en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue une action délictuelle soumise à une prescription quinquennale, dont le point de départ est fixé, conformément à l'article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire du droit lésé a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, alors que ce délai est notamment interrompu par une assignation en référé.

Il appartient à Flandre Opale habitat de prouver que sont réunies les conditions d'une telle fin de non-recevoir.

Sur ce point, la motivation du premier juge est adoptée par la cour, étant précisé que :

si la manifestation du dommage est ancienne, Flandre Opale habitat n'établit pas la connaissance par les époux [G] des désordres affectant le mur litigieux dans un délai excédant 5 années avant l'assignation qui lui a été délivrée le 7 octobre 2016 en référé-expertise, alors les fissures non traversantes ou infiltrantes découvertes par le syndicat des copropriétaires n'étaient en outre pas apparentes depuis leur propriété ;

seule la lettre adressée le 27 avril 2015 aux consorts [G] par la mairie de [Localité 5] dans le cadre d'une procédure de péril imminent révèle à l'inverse que ces derniers n'ont eu connaissance tant de l'étendue des dommages subis que de leur imputabilité à des travaux réalisés par leur voisin qu'à compter de cette date.

Le jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action est par conséquent confirmé de ce chef.

Sur la recevabilité de l'action engagée par les consorts [G] à l'encontre du syndicat des copropriétaires :

Le syndicat des copropriétaires n'invoque une fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir des consorts [G] qu'à l'encontre des demandes formées par ces derniers au titre des travaux de soutènement de la cheminée située sur sa propriété, et non au titre des désordres ayant affecté le mur séparatif.

L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.

Dès lors que le trouble invoqué a subsisté alors que les copropriétaires étaient devenus propriétaires du fonds à l'origine des désordres, il s'en déduit que leur responsabilité est susceptible d'être retenue, peu important qu'ils n'aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les désordres affectant la cheminée litigieuse avaient commencé à se produire.

L'intérêt à agir n'étant pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, les consorts [G] justifient d'un intérêt à agir né, actuel et personnel de solliciter leur indemnisation, étant précisé que l'expert relève que le conduit de cheminée litigieux est double, chaque partie appartenant respectivement à l'un des voisins et que son assise est en état de corrosion important.

Le jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir des consorts [G] est par conséquent confirmé.

Sur les troubles anormaux de voisinage':

Il résulte des dispositions combinées des articles 544 et 651 du code civil que le droit pour un propriétaire de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

S'agissant d'un régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d'un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en 'uvre du droit à réparation de la victime du dommage indépendamment de toute faute commise.

L'anormalité du trouble de voisinage est caractérisée lorsque ce trouble présente un degré important de gravité et qu'il est persistant.

Le trouble anormal de voisinage ne se caractérise pas seulement comme une nuisance tangible qui doit nécessairement se produire, mais peut également consister en une simple menace qui pèse sur le voisinage.

La caractérisation du trouble doit être envisagée indépendamment de la question du préjudice qui ne peut donc pas se déduire de la nuisance dont se plaint la victime.

=$gt; s'agissant du mur séparatif :

L'expertise judiciaire a établi tant l'importance de la fragilisation du mur dont les consorts [G] sont propriétaires que l'imputabilité d'une telle situation aux travaux de mise à nu des fondations :

réalisés sur les parties communes du fonds par la Maison flamande, constructeur ;

et appartenant désormais au syndicat des copropriétaires.

La motivation du premier juge ayant retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage est adoptée.

=$gt; s'agissant du conduit de cheminée :

Si le conduit défectueux est la propriété du syndicat des copropriétaires et qu'il est effectivement situé au droit de son fonds, l'expert [F] relève toutefois que :

- le conduit de fumée est double et commun aux deux immeubles contigus, qu'il desservait avant la démolition de l'immeuble voisin à celui des consorts [G] ;

- ce conduit est assis sur une console métallique, qui «'est en état de corrosion avancé et présente des faiblesses'» : si le conduit en lui-même ne présente pas visuellement de pathologie matérialisant en l'état un effondrement à court terme, la console est en revanche «'affaiblie et pourrait, en cas de rupture fragiliser le conduit et provoquer son effondrement'».

Le caractère commun du conduit aux deux fonds implique que la chute susceptible d'être provoquée par l'affaiblissement de cette console puisse également entraîner celle de la cheminée voisine.

Au regard de l'anormalité d'une telle fragilisation de ce conduit et du risque de chute qui en résulte, situation directement causée par l'inexécution des travaux de démolition de l'immeuble voisin appartenant au syndicat des copropriétaires, les consorts [G] sollicitent valablement la condamnation de ce dernier à réparer également ce trouble.

Le jugement critiqué est confirmé en ce qu'il a retenu un trouble anormal de voisinage résultant tantt de l'état du mur séparatif que de celui de la console du conduit de cheminée.

Sur la réparation des troubles anormaux de voisinage :

=$gt; s'agissant des préjudices résultant du trouble affectant le mur séparatif :

Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires, en leurs qualités respectives de constructeur et de propriétaire actuel du fonds où est localisé l'origine des troubles subis par les consorts [G] sont responsables de plein droit des préjudices subis par ces derniers.

Pour autant, alors que le montant de 31 311 euros visés par le dispositif du jugement critiqué ne correspond pas à celui indiqué dans sa motivation, les pièces auxquelles se réfère le premier juge ne sont pas identifiables, alors qu'un tel montant évoque l'intégration du chiffrage des autres travaux (dépose et repose des claustras et plantations) dont l'indemnisation est par ailleurs sollicitée par le syndicat des copropriétaires et qui n'ont ainsi pas vocation à intégrer la propre dette de ce dernier à l'égard des consorts [G]. Il en résulte que l'indemnisation de ce poste s'élève en réalité à 28 114,03 euros.

=$gt; s'agissant des préjudices résultant du trouble affectant le conduit de la cheminée :

A titre liminaire, les consorts [G] ne peuvent solliciter cumulativement, sans se contredire, la confirmation de l'intégralité du jugement de première instance et la fixation d'une astreinte assortissant l'exécution des travaux de démolition du conduit de la cheminée, alors que le tribunal judiciaire a expressément rejeté une telle demande.

En revanche, alors qu'une telle demande n'a pas été formulée devant le premier juge, il convient d'ordonner la production par le syndicat des copropriétaires de la bonne fin des travaux réalisés selon les modalités visées par le devis établi par l'entreprise Lecomte et correspondant aux préconisations de l'expert judiciaire.

Sur l'appel en garantie formé par Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires à l'encontre de AWA et EGD :

La cour n'étant valablement saisie d'aucune demande d'infirmation du chef du jugement ayant condamné AWA et EGD à garantir intégralement Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires des condamnations prononcées à leur encontre, il n'y pas lieu de statuer sur une telle garantie, qui a ainsi acquis un caractère définitif.

Sur les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires :

A titre liminaire, le syndicat des copropriétaires ne fonde pas ses demandes indemnitaires sur ses relations contractuelles avec la Maison flamande en sa qualité de vendeur des lots, mais sur une faute commise par cette dernière en sa qualité de promoteur ayant construit l'immeuble ultérieurement vendu.

En outre, un manquement contractuel est susceptible d'être invoqué à titre de faute délictuelle par un tiers au contrat.

=$gt; au titre d'une perte de chance :

S'agissant de la demande d'indemnisation d'une perte de chance formée à l'encontre de AWA, la cour observe à nouveau qu'en l'absence d'une demande valable de réformation de ce chef de jugement par ce cabinet d'architecte, elle n'a vocation à statuer que sur la réformation du quantum fixé par le premier juge, telle qu'elle est sollicitée par le syndicat des copropriétaires.

Ainsi, les fautes délictuelles respectivement commises à l'encontre du syndicat des copropriétaires par EGD au titre d'un défaut de démolition de la cheminée sur le fonds du syndicat des copropriétaires et par AWA au titre d'un défaut de réserve exprimée sur une telle inexécution contractuelle lors de la réception, ont été valablement analysées par le premier juge.

Lorsqu'il ne peut être tenu pour certain qu'un dommage ne serait pas advenu ou n'aurait pas présenté la même gravité en l'absence de faute, une réparation ne peut être envisagée que sur le fondement de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, dont le caractère certain doit être établi.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires n'a pas perdu une chance d'obtenir la démolition de ce reliquat de cheminée, mais une chance de ne pas être mis en cause par un voisin au titre d'un trouble anormal de voisinage.

La perte de chance n'est réparable que :

- si la victime ne dispose pas de la faculté de pouvoir à nouveau bénéficier de l'éventualité favorable espérée : en l'espèce, alors que l'instance visant un tel trouble anormal de voisinage est d'ores et déjà engagée, la perte de chance d'y échapper est certaine.

- si la chance perdue est réelle et sérieuse, même si elle est faible. En l'espèce, dans la situation contrefactuelle où les constructeurs auraient effectivement démoli ce reliquat de cheminée au cours des travaux antérieurs à la mise en vente des lots, le syndicat des copropriétaires n'aurait pas été exposé à une action en responsabilité sur le fondement d'un trouble anormal de voisinage, de sorte que la chance perdue ne présente pas un caractère hypothétique.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'indemnisation de la perte de chance doit nécessairement correspondre à une fraction du préjudice final. Cette notion conduit à déterminer le taux de probabilité de survenance de l'évolution finalement constatée, en appréciant le degré de certitude du lien de causalité entre la faute et le préjudice final et en permettant de fixer la fraction indemnisable de chaque préjudice résultant de la faute elle-même.

Il convient dès lors de reconstituer la situation contrefactuelle qui aurait existé si la faute commise par AWA n'était pas intervenue.

À cet égard, le syndicat des copropriétaires avait d'une part la faculté d'observer lui-même l'état de corrosion de la console métallique soutenant le reliquat de cheminée défectueux et de procéder avant même l'engagement de l'instance diligentée par les consorts [G] aux travaux de démolition nécessaire. D'autre part, la probabilité que les consorts [G] agissent en justice pour obtenir du syndicat des copropriétaires la démolition forcée de ce reliquat de cheminée doit également être prise en compte pour apprécier ce taux de perte de chance.

En considération de ces éléments, le taux de perte de chance est fixé à 50 %.

Le jugement ayant condamné AWA à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 350 euros au titre de la perte de chance est par conséquent confirmé, par substitution de motifs.

=$gt; au titre de divers travaux :

Le syndicat des copropriétaires peut valablement agir en responsabilité délictuelle à l'encontre de Flandre Opale habitat, AWA et EGD au titre de ses propres préjudices résultant des travaux de reprise causés par les fautes commises par ces constructeurs.

Si le syndicat des copropriétaires est responsable du trouble anormal de voisinage subi par les consorts [G], il est en revanche victime des conséquences dommageables qui s'attachent aux travaux de reprise du mur endommagé et qui ont été causées par les fautes commises par les constructeurs.

* s'agissant des claustras et plantations :

Alors que l'expert a indiqué que l'ensemble des travaux de dépose/repose des claustras et de plantation s'élève à la somme de 2 198 euros, le premier juge a comptabilisé deux fois le montant de 434,50 euros correspondant à la dépose de ces claustras pour retenir un montant total erroné de 2 632,30 euros.

Il convient de rectifier cette erreur et de fixer à 2 198 euros le préjudice subi à ce titre par le syndicat des copropriétaires.

* s'agissant de la destruction partielle d'un muret

Outre qu'un tel poste de préjudice n'a pas été soumis à l'expert judiciaire, la preuve d'une gêne dans la giration pour accéder au parking qui résulterait de la réalisation des travaux de reprise au pied du mur endommagé n'est pas rapportée.

Le jugement ayant débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande est confirmé.

* s'agissant du préjudice de jouissance résultant des travaux à intervenir :

Alors que la durée des travaux de reprise n'est pas précisée dans le devis établi par la société SCT Masneuf et que l'indisponibilité de l'accès au parking n'est que partielle, le premier juge a valablement évalué à 1 000 euros le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part à condamner in solidum Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires à payer aux consorts [G] la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel, et à condamner in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 500 euros au même titre. Les entiers dépens d'appel sont à la charge de Flandre Opale habitat, AWA et EGD.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 22 décembre 2020 par tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a :

- fixé le préjudice M. [N] [G] et Mme [C] [T] épouse [G] au titre dudit trouble à la somme de 31 311 euros,

- condamné in solidum la société Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires Terre Neuve à payer à M. [N] [G] et Mme [C] [T] épouse [G] la somme de 31 311 euros,

- condamné in solidum Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] la somme de 2 632,30 euros au titre du préjudice matériel,

Le confirme pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne in solidum la SA Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] à payer à M. [N] [G] et Mme [C] [T] épouse [G] la somme de 28 114,03 euros ;

Condamne in solidum la SA Flandre Opale habitat, AWA et EGD à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] la somme de 2 198 euros au titre du préjudice matériel ;

Y ajoutant':

Condamne in solidum la SA Flandre Opale habitat, AWA et EGD aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum la SA Flandre Opale habitat et le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] à payer à M. [N] [G] et Mme [C] [T] épouse [G] à la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne in solidum la SA Flandre Opale habitat, la SARL Agence Wiel Architecte et la SA Entreprise générale de démolition à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01191
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.01191 ?
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