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02/06/2022 | FRANCE | N°21/01070

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 02 juin 2022, 21/01070


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 02/06/2022



****





N° de MINUTE : 22/233

N° RG 21/01070 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO3I



Jugement (N° 18/03471) rendu le 05 janvier 2021 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer





APPELANTS



Monsieur [O], [X], [L], [S] [Y] prise en sa qualité de caution solidaire

né le 25 juillet 1962 à [Localité 11]

de nationali

té française

[Adresse 3]

[Localité 7]



SCO CRET prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [O] [Y], associé gérant de la sci

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentés par Me Elodi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/233

N° RG 21/01070 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO3I

Jugement (N° 18/03471) rendu le 05 janvier 2021 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer

APPELANTS

Monsieur [O], [X], [L], [S] [Y] prise en sa qualité de caution solidaire

né le 25 juillet 1962 à [Localité 11]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 7]

SCO CRET prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [O] [Y], associé gérant de la sci

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Elodie Altazin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉES

Société Caisse Regionale de Credit Agricole Mutuel Nord de France

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-Sébastien Deloziere, avocat au barreau de Saint-Omer

SA CNP Assurances

[Adresse 5]

[Localité 9]

SA Predica

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentées par Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Guillaume Salomon

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 février 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Le 16 décembre 2018, la SCI Cret (la SCI) a obtenu un prêt immobilier de 320 000 euros auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France (la Crama), dont le remboursement a notamment été garanti par l'engagement de son gérant, M. [O] [Y], en qualité de caution solidaire.

M. [Y] a par ailleurs sollicité son adhésion au contrat d'assurance de groupe souscrit par la Crama auprès de la Cnp Assurances (la Cnp) et de Predica SA.

La Cnp a opposé à M. [Y] un refus de prise en charge d'un sinistre résultant d'une intervention chirurgicale pratiquée à l'épaule en 2015 à la suite d'un accident de travail, au motif qu'il avait renoncé à adhérer à la garantie incapacité temporaire totale (ITT).

Par jugement rendu le 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :

1- mis hors de cause la SA Predica ;

2- déclaré la SCI recevable en ses demandes ;

3- débouté la SCI et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;

4- condamné la SCI et M. [Y] aux dépens ;

5- débouté la Cnp, Predica et la Crama de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 février 2021, la SCI et M. [Y] ont formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 3 et 4 ci-dessus.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 février 2022, la SCI et M. [Y] demandent à la cour d'infirmer le jugement des chefs critiqués dans leur déclaration d'appel et statuant à nouveau de :

=$gt; à titre principal :

- dire et juger que M. [Y] est garanti pour le risque ITT en exécution du contrat 21447683000 tel que cela résulte du courrier du 7 novembre 2008 ;

- constater qu'il réunit les conditions de la garantie ITT au titre de l'article 4-3-2 des conditions particulières du contrat de prêt ;

- condamner solidairement la Crama, la Cnp et Predica à poursuivre l'exécution forcée du contrat d'assurance et ainsi garantir l'incapacité totale temporaire de M. [Y] ;

- en conséquence, dire et juger que les échéances du prêt seront prises en charge conformément aux conditions générales et particulières du contrat d'assurance en couverture du prêt ;

=$gt; à titre subsidiaire :

- déclarer recevable la demande subsidiaire formulée en cause d'appel ;

- constater que la Crama, la Cnp et Predica ont manqué à leur obligation de conseil envers M. [Y] en ne le faisant pas souscrire une assurance couvrant le risque ITT ;

- en conséquence, les condamner solidairement à payer à M. [Y] la somme de

211 100,58 euros correspondant à la perte de chance née de l'absence de souscription par M. [Y] d'une assurance couvrant le risque ITT ;

=$gt; en tout état de cause :

- les condamner solidairement aux dépens et à payer 5 090 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

- à défaut de produire le contrat de coassurance, la preuve d'un mandat accordé à la Cnp pour représenter Predica en qualité d'apériteur n'est pas rapportée. Le mandat de représentation n'emporte pas nécessairement mandat de substitution dans l'exécution des obligations de chacun des co-assureurs. La condamnation solidaire des deux assureurs est par conséquent nécessaire pour éviter le renvoi de responsabilité entre les co-assureurs.

- la demande au titre d'un manquement à l'obligation de conseil tend aux mêmes fins indemnitaires que celle présentée en première instance, de sorte qu'elle n'est pas nouvelle en cause d'appel, alors que le premier juge a d'ailleurs souligné une telle complémentarité entre les demandes.

- le courrier de confirmation de l'adhésion indique expressément que Cnp et Predica ont accepté l'adhésion de M. [Y] pour le risque ITT, étant précisé que ce courrier scelle la formation du contrat. La circonstance qu'une erreur ait été commise par la Crama ne fait pas obstacle à l'obligation indemnitaire des assureurs, alors que M. [Y] est un consommateur. La Crama est intermédiaire d'assurance et agit par conséquent comme mandataire des assureurs.

- l'article L. 112-4 du code des assurances exige que les exclusions de garantie soient rédigées en termes très apparents, ce qui fait défaut sur le formulaire de demande d'adhésion.

- l'erreur commise par la Crama est confirmée par la circonstance que la garantie ITT a été cochée au titre de l'assurance par M. [Y] couvrant deux autres prêts également consentis à la SCI.

- l'acte authentique de vente immobilière ne se confond pas avec le contrat d'assurance.

- le contrat doit être exécuté de bonne foi. L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui exclut que les intimées puissent simultanément invoquer la renonciation de M. [Y] à la garantie ITT et confirmer dans un courrier ultérieur que ce risque était couvert.

- M. [Y] n'est pas un cocontractant éclairé, dès lors qu'il n'est pas un professionnel du financement.

- M. [Y] remplit les conditions de la garantie ITT.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2021, la Cnp et Predica demandent à la cour de confirmer le jugement critiqué :

=$gt; en ce qui concerne Predica : considérant que la Cnp est organisme apériteur du contrat désigné, déclarer Predica hors de cause de la présente procédure.

=$gt; en ce qui concerne la Cnp :

* à titre principal,

- constater que M. [Y] a expressément renoncé de façon définitive à la garantie de l'incapacité temporaire totale.

- débouter en conséquence M. [Y] et la SCI de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, tant principales que subsidiaires.

* à titre subsidiaire : constater que M. [Y] ne justifie pas des conditions de la garantie incapacité temporaire de travail ;

* en tout état de cause,

- dire et juger que la Cnp ne peut être tenue que dans les termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur.

- condamner solidairement M. [Y] et la SCI au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, avec distraction prononcée au profit de la SCP Wable Trunecek Tachon Aubron.

A l'appui de leurs prétentions, elles font valoir que :

- la fonction d'apériteur que remplit la Cnp dans la co-assurance des risques implique qu'elle représente la co-assurance dans les litiges, de sorte qu'il convient de mettre hors de cause Predica.

- M. [Y] a renoncé, dans sa demande d'adhésion, à la garantie ITT, alors que le contrat attire son attention sur une telle renonciation. Le taux de cotisation au titre de l'assurance, figurant dans l'acte de vente immobilière, confirme que cette garantie n'a pas été retenue par M. [Y]. Ce dernier a en revanche adhéré à cette garantie dans deux autres prêts, qui ont fait l'objet d'une prise en charge à ce titre.

- les dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances ne s'appliquent pas à une renonciation, alors qu'au surplus l'attention du candidat à l'adhésion a été attirée par les mentions du formulaire.

- la demande au titre d'un manquement à l'obligation de conseil des assureurs et du prêteur est irrecevable, dès lors qu'elle est nouvelle en appel, par application de l'article 564 du code de procédure civile. Elle est en outre mal fondée, dès lors que la Cnp n'était pas présente lors des opérations de souscription, de sorte qu'il ne peut lui être reproché un tel manquement.

- les conditions de la garantie ITT ne sont pas remplies, à défaut pour M. [Y] de réunir les trois conditions cumulatives prévues par le contrat, dès lors qu'il ne produit pas les pièces justificatives prévues par l'article 6-2 de la notice d'information.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 décembre 2021, la Crama, demande à la cour de ;

=$gt; à titre principal :

- déclarer irrecevables les appelants en leur demande nouvelle en appel,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SCI et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

=$gt; à titre subsidiaire, débouter la SCI et M. [Y], faute de justifier des conditions du bénéfice de la garantie ITT.

=$gt; en tout état de cause, condamner la SCI et M. [Y] in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'eux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, la Crama adopte un argumentaire proche de celui développé par la Cnp et Predica.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par message RPVA du 24 mai 2022, la cour a invité les parties à transmettre leurs observations sur les faits adventices suivants, résultant de l'examen de l'article 2 des conditions générales du contrat litigieux et concernant le fait :

- d'une part, que la coassurance ne semble pas concerner le risque ITT dont la SCI et M. [Y] demandent la prise en charge

- d'autre part, qu'une société Cnp Iam est l'assureur du risque ITT': cette société semblant avoir été radiée, il convient de disposer des éléments établissant les modalités de la fusion permettant de considérer que la société Cnp Assurances vient aux droits et obligations de cette société.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise hors de cause de Predica :

L'article 2 des conditions générales du contrat d'assurance de groupe auquel a adhéré M. [Y] stipule que «'les risques décès/perte totale et irréversible d'autonomie sont garantis en coassurance par Cnp Assurance apériteur et Predica SA, les risques invalidité totale et définitive et incapacité temporaire totale étant assurés par Cnp Iam'».

La convention de coassurance conclue le 21 février 1996 entre Predica et Cnp Assurance / Cnp Iam confirme que son objet ne porte que sur les risques «'décès'» et «'invalidité permanente absolue'», sans s'étendre au risque «'incapacité temporaire totale'».

Seule une partie des risques garantis au sein du contrat de groupe auquel qu'a souscrit la Crama et auquel a adhéré M. [Y] relève par conséquent de la coassurance.

S'il est admis que l'apériteur d'un contrat de coassurance est présumé bénéficier d'un mandat des autres co-assureurs si ces derniers ne le contestent pas, il résulte toutefois des dispositions contractuelles précitées que Predica n'est pas en l'espèce l'assureur du risque «'incapacité temporaire totale'», dont M. [Y] sollicite exclusivement la prise en charge dans le cadre de la présente instance : la coassurance est par conséquent étrangère à la gestion de ce risque spécifique, qui relève exclusivement du contrat souscrit par la Crama auprès de la seule «'Cnp Iam'», aux droits et obligations de laquelle vient la Cnp assurances par l'effet d'un traité de fusion. Il en résulte que l'argumentaire des parties sur la qualité d'apériteur et sur les obligations en résultant dans l'indemnisation du sinistre n'est en définitive pas applicable à l'espèce.

Le jugement ayant mis hors de cause Predica est par conséquent confirmé, par substitution de motifs.

Sur la recevabilité de la demande au titre d'une perte de chance de conclure :

L'article 565 du code de procédure civile dispose que «'les prétentions ne sont pas nouvelles dès qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'».

En l'espèce, subsidiairement à l'exécution forcée du contrat d'assurance ou à l'engagement d'une responsabilité contractuelle fondée sur la mauvaise foi, la SCI et M. [Y] invoquent pour la première fois devant la cour le fondement d'une perte de chance de souscrire un contrat d'assurance garantissant le risque incapacité temporaire totale.

Un tel fondement, que les appelants n'avaient pas invoqué en première instance et que le tribunal judiciaire les avait invité à envisager par une observation incidente, vise la même fin d'obtenir l'indemnisation du sinistre subi que les demandes présentées devant le premier juge. Il ne s'agit par conséquent pas d'une demande nouvelle, de sorte qu'elle est recevable en application des dispositions précitées.

Sur l'obligation contractuelle de garantir le risque incapacité totale de travail :

La preuve du contenu du contrat d'assurance de groupe auquel il a adhéré repose sur l'adhérent qui en demande l'exécution à l'assureur.

Il appartient par conséquent à M. [Y] de prouver l'étendue de la garantie dont il bénéficie en application du contrat litigieux.

Sur ce point, le bulletin d'adhésion au contrat signé le 28 mai 2008 par M. [Y] et visant les conditions générales CG ADI 01.2002 pour la couverture d'un prêt de 320 000 euros, comporte la mention suivante :

«'Je, soussigné(e) demande mon admission au présent contrat et accepte d'être assuré(e) pour le financement et pour les garanties désignées ci-dessus [dans un encart situé en haut à droite et indiquant «'couverture du décès, de la perte totale et irréversible d'autonomie et de l'incapacité temporaire totale'»] suivant les modalités détaillées dans les conditions générales et particulières jointes.

Puis y figure dans un encart la mention suivante : «'Par dérogation à l'alinéa précédent et après avoir été informé(e) des conséquences de mon choix, je demande mon admission dans l'assurance pour les seules garanties décès et PTIA et renonce définitivement à la garantie de l'incapacité temporaire totale.

La présente renonciation est ouverte aux demandes d'assurance pour :

' prêts professionnels des professions libérales

' prêts professionnels aux investisseurs immobiliers

' prêts pour investissements immobilier à caractère locatif

' autres à préciser'»

En vis-à-vis de cette dernière liste, figure enfin une case surmontée de la mention «'attention : ne signez qu'en cas de renonciation à l'ITT'».

Une signature figure dans cette case, que M. [Y] ne conteste pas être la sienne.

=$gt; Le bulletin d'adhésion ne constitue pas le contrat applicable entre les parties, dès lors qu'il s'analyse exclusivement comme l'expression de volonté unilatérale par le candidat à l'assurance d'adhérer au contrat collectif et s'inscrit par conséquent dans la phase pré-contractuelle.

Tant que l'adhésion n'est pas acceptée dans son principe et ses modalités par l'assureur de groupe, le contrat n'est pas parfaitement formé et le bulletin d'adhésion ne définit ainsi pas les garanties dont bénéficie l'adhérent, mais les risques qu'il demande à l'assureur d'accepter de garantir : à cet égard, l'article 4 des conditions générales rappelle que «'parmi les garanties suivantes, seules les garanties précisées aux conditions particulières et, le cas échéant, au courrier notifiant la décision de l'assureur, vous sont applicables'».

Pour ce même motif, l'article L. 112-4 du code des assurances n'a pas vocation à s'appliquer à une mention figurant sur une telle demande d'adhésion, alors que ses dispositions concernent les clauses figurant dans la police d'assurance. En outre, la mention d'une telle renonciation à l'une des garanties ne s'analyse pas comme une exclusion de garantie, qui est définie comme celle qui prive l'assuré du bénéfice de l'assurance en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, mais comme la détermination de l'objet du contrat par une limitation émanant du candidat à l'assurance des garanties dans lesquelles il demande à être accepté par l'assureur. À cet égard, il convient de relever que :

- d'une part, le courrier d'acceptation par l'assureur de l'adhésion de M. [Y] au contrat d'assurance de groupe ne comporte pas une exclusion ou un refus de garantie au titre de l'incapacité temporaire totale, mais vise au contraire une garantie non sollicitée par la demande d'adhésion ;

- d'autre part, seule une renonciation émanant de M. [Y] lui-même lors de sa demande d'adhésion est opposée par l'assureur pour refuser la prise en charge d'un tel risque.

=$gt; S'agissant des conditions particulières du contrat, la SCI et M. [Y] produisent aux débats une pièce n°6 dont les références correspondent aux conditions générales applicables au contrat litigieux. Pour autant, la SCI et M. [Y] ne produisent pas l'intégralité des conditions particulières qu'ils invoquent et n'établissent pas qu'elles sont applicables au contrat dont ils sollicitent l'exécution : à cet égard, alors que leur pièce n°6 ne fait figurer l'incapacité temporaire totale parmi «'les risques assurables'» que «'sous réserve de l'acceptation par l'assureur et des cas d'exclusion'», elle ne comporte qu'une première page et ne permet ainsi pas de déterminer les garanties effectivement acceptées par l'assureur. Cette pièce ne permet pas davantage de s'assurer que ces conditions particulières sont celles spécifiquement applicables au contrat litigieux n°9914466305, alors qu'il est établi que deux autres contrats n°99144665488 et 99140726520 ont également été signés par M. [Y] et ont donné lieu à la prise en charge de la garantie incapacité temporaire totale de travail à compter du 7 mai 2015 (pièce n°18 SCI).

=$gt; s'agissant de l'acceptation de l'adhésion de M. [Y] par le «'service souscription de l'assureur'», la SCI et M. [Y] produisent un courrier daté du 7 novembre 2008, adressé à ce dernier par la Crama, dont il résulte que :

- son adhésion a été acceptée «'pour les risques suivants : le décès ; la perte totale et irréversible d'autonomie (') ; l'incapacité temporaire totale (ITT)'» ;

- «'en outre, le coût annuel de cette assurance correspond à 0,420% du montant du capital emprunté (taux annuel'».

Ce document confirme qu'il «'constitue, avec les conditions générales et particulières déjà en votre possession, [le] certificat d'assurance'».

La rencontre des volontés entre les parties n'est toutefois pas concordante, dès lors que :

- la demande d'adhésion comporte une renonciation à la garantie incapacité totale de travail, alors que l'acceptation de cette demande intègre une telle garantie au contrat ;

- le taux de la prime d'assurance indiquée dans le contrat de vente daté du 19 décembre 2008, reprenant les garanties apportées au prêt ayant servi à l'acquisition immobilière, est de 0,30 %, et non de 0,42 %.

Une telle discordance entre la demande et l'acceptation de l'adhésion révèle l'absence d'accord des parties, au moins formel, alors le contrat doit nécessairement correspondre à la volonté commune des parties. Il en résulte que M. [Y] ne peut estimer que seul le courrier d'acceptation de son adhésion par l'assureur vaut contrat, alors que ce dernier courrier ne s'analyse pas comme une contre-offre que l'assureur aurait adressée à M. [Y] et qu'il aurait implicitement accepté en ne formulant aucune observation pour contester l'intégration de l'ITT parmi les risques assurés.

Au regard d'une telle discordance, il convient de rechercher la volonté réelle des parties.

À cet égard, si l'assurance collective est une opération à trois personnes, seule la volonté de l'assureur et du candidat à l'assurance doit être recherchée, et non celle de la Crama, pour déterminer le contenu du contrat individuel conclu en application du contrat-cadre collectif. Il ne s'agit en outre pas d'une interprétation des termes du contrat que commanderait l'ambiguïté de l'une de ses clauses pour en permettre l'exécution, mais de déterminer sur quels éléments a porté le consentement de chacune des parties lors de sa formation pour les intégrer au champ contractuel. Il en résulte que la notion d'interprétation favorable à l'assuré, que prévoit notamment l'article L. 133-2 du code de la consommation, est étrangère à une telle recherche de volonté.

Enfin, si le contrat d'assurance est consensuel, il résulte toutefois de l'article L. 112-3 du code des assurances que sa preuve est subordonnée à la rédaction d'un écrit. Ainsi, lorsqu'est notamment contesté le contenu du contrat, la preuve ne peut en être rapportée, selon le cas, que par le contrat ou un avenant signé des parties ou, à défaut, dans les conditions prévues par les articles 1347 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.

En l'espèce, la volonté réelle de M. [Y] lors de la formation du contrat litigieux est éclairée par deux éléments.

* En premier lieu, la circonstance que M. [Y] a signé une demande d'adhésion dans une case surmontée d'une mention l'informant de façon parfaitement claire qu'une telle signature comporte renonciation à la garantie de l'ITT, doit nécessairement être prise en compte dans l'appréciation de la volonté exprimée par ce candidat à l'assurance lors de son offre d'adhésion au contrat collectif. Si M. [Y] cherche à imputer une telle signature à une erreur commise par la Crama, et notamment aux consignes fournies par le conseiller bancaire lors de la rédaction du bulletin d'adhésion, il n'en apporte toutefois aucune démonstration. A l'inverse, la précision et la clarté de l'avertissement sur la renonciation à la garantie incapacité totale de travail sont exclusives d'une incompréhension par M. [Y] des conséquences de sa signature dans cet encart spécifique, même s'il n'est pas un professionnel de l'assurance. Une telle précision est notamment incompatible avec son argument selon lequel il a apposé sa signature sur le document «'sans prêter véritablement attention à ce qu'il remplissait'».

En outre, M. [Y] ne propose pas d'établir qu'une demande d'adhésion rectificative ait été ultérieurement adressée par ses soins à l'assureur pour solliciter que la garantie incapacité totale de travail intègre le champ contractuel.

* En second lieu, il résulte de l'acte de vente que seuls les risques décès et perte totale et irréversible d'autonomie y sont visés en page 15 : le taux de 0,30 % correspondant à la couverture de chacun des époux [Y] diffère ainsi de celui indiqué au titre de la couverture des trois risques visés par le courrier d'acceptation de M. [Y] dans l'assurance de groupe.

Le fait que l'assureur ne soit pas partie à l'acte de vente est indifférent, dès lors qu'il s'agit exclusivement de rechercher la volonté de M. [Y] de bénéficier ou non de la garantie incapacité totale de travail, en recourant à l'ensemble des éléments susceptibles d'éclairer sur cette volonté : à cet égard, il est manifeste que ce dernier a fourni au notaire en charge de rédiger l'acte de vente les éléments à y intégrer au titre des garanties apportés au financement de l'acquisition immobilière. Alors que l'acceptation de l'adhésion a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 novembre 2008, l'acte de vente a été dressé le 19 décembre 2008, de sorte que cette mention dans l'acte de vente signé postérieurement par M. [Y] tant en sa qualité de gérant de la SCI qu'en sa qualité de caution solidaire confirme clairement l'intention réelle de ce dernier de ne pas être garanti au titre de ce prêt contre le risque d'incapacité totale de travail.

La seule circonstance que M. [Y] n'ait pas adressé à la Crama ou à l'assureur un courrier pour lui demander de rectifier la mention de la garantie de l'ITT figurant dans le courrier d'adhésion importe peu, alors qu'il n'offre pas de démontrer par ailleurs que l'assureur aurait perçu des primes d'assurance correspond à un taux de 0,42 % et qu'il n'en aurait pas contesté la mise en 'uvre dans des conditions attestant un accord de volonté entre les parties sur l'intégration de l'ITT aux risques garantis.

De même, l'adhésion non contestée de M. [Y] à la garantie ITT dans deux autres contrats d'assurance collective couvrant d'autres prêts contemporains n'implique pas à elle-seule la volonté du candidat à l'assurance d'avoir également voulu en bénéficier au titre du contrat dont il sollicite la mise en 'uvre dans le cadre de la présente instance.

En définitive, le faisceau concordant d'indices, qui résulte des mentions portées tant sur la demande d'adhésion que sur le contrat de vente, exclut au contraire qu'un accord de volonté soit intervenu sur la garantie de l'ITT au titre de la couverture du prêt litigieux.

M. [Y] n'établissant pas que le contrat conclu avec la Cnp intègre le risque de l'ITT, cet assureur n'est pas tenu contractuellement de garantir le sinistre déclaré par M. [Y] à ce titre.

Enfin, l'argumentaire de la SCI et de M. [Y] étant obscur et procédant par accumulation de moyens mal articulés ou de fondements inadaptés, il convient d'ajouter, à toutes fins utiles, que la Crama n'est en tout état de cause pas assureur et qu'il ne lui incombe pas de prendre en charge le sinistre au titre de l'exécution du contrat.

Pour le surplus, la circonstance que des liens commerciaux existent entre Cnp, Predica et le Crédit agricole ou «'le fait que M. [Y] n'ait contracté en direct qu'avec Cnp assurance ou Predica ne peut être une cause d'exclusion de garantie'», qu'invoquent la SCI et M. [Y], sont des arguments dépourvus de toute pertinence juridique, la notion d'«'exclusion de garantie'» étant notamment totalement étrangère au litige. Le reproche adressé au premier juge d'une «'motivation capillotractée'» s'apprécie par conséquent au regard du propre argumentaire de M. [Y] et de la SCI.

Sur la responsabilité contractuelle :

=$gt; s''agissant de la Cnp :

La SCI et M. [Y] invoquent spécifiquement la qualité de mandataire de la Crama pour considérer que «'l'engagement pris par [elle] engage la compagnie d'assurance'» et que tant le banquier que l'assureur doivent « assumer (') les erreurs commises et leurs conséquences'» à leur encontre.

Outre que M. [Y] ne démontre pas «'l'erreur'» qu'il impute à la Crama et que le courrier d'acceptation ne constitue pas la commune intention des parties, le souscripteur d'un contrat d'assurance groupe n'est pas, en principe, à l'égard des tiers et des adhérents, le mandataire de l'entreprise d'assurance cocontractante.

Si l'article L. 141-6 alinéa 1 du code des assurances dispose par exception que « pour les contrats d'assurance de groupe au sens de l'article L. 141-1 (...) le souscripteur est tant pour les adhésions au contrat que pour l'exécution de celui-ci, réputé agir, à l'égard de l'adhérent, de l'assuré et du bénéficiaire, en tant que mandataire de l'entreprise d'assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit, à l'exception des actes dont l'adhérent a été préalablement informé, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie, que le souscripteur n'a pas le pouvoir d'accomplir (..)», son alinéa 2 exclut toutefois un tel mandat s'agissant notamment des contrats de groupe souscrits par un établissement de crédit, ayant pour objet la garantie de remboursement d'un emprunt.

Outre que la faute alléguée par M. [Y], qui résulterait d'une invitation erronée par le banquier à porter sa signature sur l'emplacement correspondant à la renonciation à la garantie ITT n'est pas établie, la Cnp ne peut en tout état de cause être tenue pour responsable d'un comportement personnel au souscripteur, qui ne la représente pas lors de la formation du contrat.

Enfin, aucune faute contractuelle ne peut être directement et personnellement imputée à la Cnp, dès lors qu'elle n'a pas directement participé aux opérations de formation du contrat, ainsi que M. [Y] l'admet lui-même.

=$gt; s'agissant de la Crama :

' au titre d'un manquement à l'obligation de bonne foi contractuelle :

Le «'principe d'Estoppel'», tel qu'invoqué par la SCI et M. [Y], diffère totalement de la présentation manifestement erronée qu'en proposent ces derniers, malgré les indications déjà valablement apportées sur ce point par le premier juge.

En effet, ce principe ne renvoie pas à une bonne foi substantielle dans l'exécution du contrat, mais à une bonne foi procédurale qui interdit à une partie de présenter au cours d'une même instance une nouvelle demande différente de la première au point d'induire en erreur son adversaire.

L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui ne concerne ainsi pas la situation qu'invoquent la SCI et M. [Y] d'une contradiction entre un courrier antérieur à l'instance et indiquant que le risque incapacité totale de travail est couvert, d'une part, et le moyen tiré par l'assureur d'une renonciation par M. [Y] à adhérer à un tel risque pour refuser d'indemniser le sinistre invoqué, d'autre part.

En réalité, sous couvert d'un tel fondement, la SCI et M. [Y] invoquent la responsabilité contractuelle de la Crama, de la Cnp et de Predica au titre d'une violation de leur obligation de bonne foi contractuelle.

Pour autant, ils n'apportent aucune démonstration d'une faute contractuelle, soit dolosive, soit par négligence ou imprudence, commise au préjudice de M. [Y] par l'un de ses cocontractants. A nouveau, aucun élément ne prouve d'une part que la signature par M. [Y] de la case impliquant sa renonciation à la garantie ITT résulte d'un comportement fautif imputable au souscripteur, et a fortiori à l'assureur. D'autre part, alors qu'il a été à l'inverse démontré que l'assureur n'a aucune obligation de garantir un tel risque au titre de la formation du contrat, sa mauvaise foi ne peut par conséquent résulter du refus qu'il oppose valablement à la demande d'indemnisation formée de ce chef dans le cadre de son exécution.

Au surplus, alors que la solidarité ne peut résulter que d'une convention ou d'un texte législatif, M. [Y] et la SCI ne fournissent aucun fondement à cette modalité de condamnation à l'encontre de la banque et de l'assureur, qu'ils invoquent péremptoirement.

' au titre d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil :

Dans une assurance collective couvrant le remboursement d'un prêt, le débiteur des obligations d'information et de conseil est le souscripteur, c'est-à-dire l'établissement de crédit, et non l'assureur, dont il n'est pas le mandataire et dont la responsabilité ne peut donc être recherchée sur ce fondement.

Le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est ainsi tenu, sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

Le banquier souscripteur du contrat collectif doit rapporter la preuve de l'exécution de son obligation envers l'adhérent.

Alors que l'étendue du devoir tant d'information que de conseil du banquier doit s'apprécier au regard de l'attitude, des connaissances et des compétences du candidat à l'assurance, la cour observe que M. [Y] est profane en la matière. À cet égard, s'il a contracté avec la Crama dans le cadre d'un prêt professionnel, M. [Y] n'est en revanche pas qualifié en matière d'assurance couvrant un tel prêt, alors qu'il est établi qu'il gère à titre principal une société de menuiserie et d'ébénisterie.

Par son caractère générique et non circonstanciée, la seule mention figurant dans l'encart relatif à la renonciation à la garantie ITT selon laquelle M. [Y] a ainsi limité sa demande d'adhésion «'après avoir été informé(e) des conséquences de [son] choix'», ne suffit pas à établir la réalité d'une analyse personnalisée par le souscripteur de la situation du candidat à l'assurance pour l'éclairer concrètement sur l'adéquation des garanties dont il pourrait bénéficier. En particulier, aucune analyse de la situation professionnelle et personnelle de M. [Y] n'est présentée pour justifier que soit adaptée une telle renonciation à la garantie incapacité totale de travail.

Un tel manquement du banquier à son obligation d'information lors de l'adhésion à un contrat de groupe se résout en dommages et intérêts.

Le préjudice subi par M. [Y] s'analyse enfin en une perte de chance de ne pas avoir pu souscrire une telle garantie pour bénéficier d'une indemnisation du sinistre subi.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, dont le caractère certain doit être lui-même établi. Sa réparation ne peut ainsi être écartée que s'il peut être tenu pour certain que la faute n'a pas eu de conséquence sur une telle disparition.

La réparation d'une perte de chance doit être par ailleurs mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'indemnisation de la perte de chance doit nécessairement correspondre à une fraction du préjudice final. Cette notion conduit exclusivement à déterminer le taux de probabilité de survenance de l'évolution finalement constatée, en appréciant le degré de certitude du lien de causalité entre la faute et le préjudice final et en permettant de fixer la fraction indemnisable de chaque préjudice résultant de la faute elle-même. La demande de M. [Y] visant l'indemnisation de 100 % du montant des indemnités qu'il prétend que l'assureur lui aurait versées s'il avait bénéficié de la garantie ITT, méconnait par conséquent un tel principe.

=$gt; Sur la certitude et l'actualité de la disparition de la probabilité de réalisation de l'évènement favorable en raison du fait générateur de responsabilité : la perte de chance n'est réparable que si la victime ne dispose pas de la faculté de pouvoir à nouveau bénéficier de l'éventualité favorable espérée. En l'espèce, alors que le sinistre est d'ores et déjà survenu, M. [Y] ne dispose plus de la faculté de bénéficier d'une garantie ITT lui permettant d'être indemnisé des conséquences de ce sinistre, dès lors qu'une telle adhésion serait dépourvu d'aléa.

=$gt; Sur le caractère sérieux de la chance de bénéficier d'une garantie ITT : la perte de chance n'est réparable que si la chance perdue est réelle et sérieuse, même si elle est faible. Le caractère sérieux s'apprécie au regard de la probabilité selon laquelle M. [Y] aurait sollicité son adhésion à une telle garantie et obtenu une indemnisation, s'il avait été valablement informé et conseillé par la Crama.

A cet égard, dans la situation contrefactuelle où la Crama aurait informé et conseillé valablement M. [Y] sur le choix des garanties, la probabilité que ce dernier aurait pu bénéficier de la garantie ITT pour obtenir la prise en charge du sinistre subi en 2015, aurait dépendu de :

- l'acceptation par l'assureur d'une telle garantie : sur ce point, il est acquis que le même assureur a admis M. [Y] dans une telle garantie au titre de deux autres contrats d'assurance couvrant des prêts non concernés par la présente instance. L'éventualité d'un refus de garantir ce risque aurait par conséquent été très faible.

- la capacité financière de M. [Y] à s'acquitter de la différence de taux de cotisation d'assurance liée à l'adjonction de la garantie du risque ITT : sur ce point, cette différence reste limitée à 0,12 %, de sorte qu'elle n'aurait pas été de nature à interférer de façon importante dans le choix de M. [Y].

- la réunion des conditions de la garantie dans le cadre du sinistre dont il demande la prise en charge : sur ce point, il convient de reconstituer fictivement les chances qu'aurait eu M. [Y] d'obtenir le versement d'une indemnisation au titre d'une telle garantie. À cet égard, l'article 4-3-1 des conditions générales du contrat exige que soient remplies trois conditions :

* la survenance d'une incapacité d'exercer une activité quelconque, même à titre partiel, professionnel ou non, résultant d'un accident : sur ce point, si l'origine accidentelle des lésions résulte des constatations mentionnées sur le certificat initial d'arrêt de travail daté du 6 février 2015 (chute dans son entreprise sur plaque verglas) et du compte-rendu d'hospitalisation, la fracture de l'humérus gauche ayant donné lieu à ostéosynthèse qu'a subi M. [Y] n'est pas nécessairement de nature à justifier une incapacité totale d'exercice d'une activité quelconque, étant observé que le médecin autorise ses sorties dès le 6 février 2015. Dans l'attestation médicale d'incapacité, renseignée le 28 avril 2015 sur un formulaire à en-tête de la Cnp (sa pièce 15), le médecin de M. [Y] indique exclusivement que «'l'assuré sera capable de reprendre son activité professionnelle totalement dans «'x mois, selon évolution'», de sorte qu'il n'établit pas clairement la date à laquelle une telle reprise sera en revanche possible partiellement. Un aléa sérieux sur l'admission d'une telle condition par l'assureur ou par une juridiction existe ainsi sur ce point.

* la persistance de l'incapacité au-delà la période de franchise est également discutable : dans l'hypothèse où M. [Y] aurait bénéficié de la garantie ITT, les conditions particulières du contrat litigieux auraient prévu une période de franchise de 90 jours. Pour autant, le certificat établi par le service d'orthopédie-traumatologie de l'hôpital [10] mentionne un arrêt de travail de 45 jours à compter de la survenance de l'accident intervenu le 5 février 2015, soit un terme bien antérieur à l'expiration de la période de franchise. La circonstance que l'arrêt de travail ait été prolongé jusqu'au 29 mai 2015 par le médecin traitant repose essentiellement sur une «'récupération difficile probablement liée à l'apparition d'une algodystrophie de l'épaule'» : outre que cette motivation est formulée de façon hypothétique, elle discorde de façon importante avec l'appréciation initiale de la durée d'incapacité, dans des conditions pouvant justifier que soit arbitrée une telle différence, notamment par le recours à une expertise amiable dans le cadre d'un contrôle par l'assureur ou à une expertise judiciaire. Un aléa sérieux entoure également la réalisation de cette condition.

* la production des pièces prévues à l'article 6-2 des conditions particulières n'est pas pleinement justifiée par M. [Y]. Si l'attestation médicale d'incapacité initiale a été valablement établie et que des certificats médicaux précisent des périodes d'arrêt de travail, M. [Y] n'indique pas en revanche, alors qu'il précise dans l'attestation n'être pas indemnisé au titre du RSI, s'il bénéficie d'indemnités journalières versées au titre d'un régime de protection sociale facultatif. En outre, alors que l'article 6-2 des conditions générales stipulent que «'ces pièces doivent être fournies au rythme de leur renouvellement par l'organisme concerné, tous les trois mois pour le certificat médical et à la demande de l'assureur pour l'attestation médicale d'incapacité-invalidité'» et qu'«'à défaut de présentation de ces pièces, les prestations cessent d'être versées'», M. [Y] ne produit aucun certificat médical postérieur à celui établi le 24 avril 2015.

Au regard d'une telle reconstitution, le taux de perte de chance subi par M. [Y] est fixé à 10 %.

Par ailleurs, le préjudice final sur lequel doit s'appliquer ce taux de perte de chance n'est lui-même pas valablement prouvé, étant rappelé que M. [Y] sollicite une indemnisation correspondant à 81 échéances mensuelles à compter du 6 février 2015 :

* d'une part, le point de départ de l'indemnisation n'est pas prouvé avec certitude : sur ce point, alors que les conditions particulières prévoient que la date de début de prise en charge ne peut être antérieure à la date de réception des justificatifs, M. [Y] ne justifie pas avoir adressé ces différents documents à l'assureur, et ne prouve en tout état de cause pas la date à laquelle cet envoi est intervenu.

* d'autre part et surtout, si la prestation garantie par les conditions particulières correspond au «'montant de l'échéance'» du prêt et que l'article 4-3-3 des conditions générales en détaille la teneur, ce même article rappelle que «'la prise en charge s'effectue, après période de franchise, au prorata du nombre de jours d'incapacité, dûment justifiés, et acceptés par l'assureur. Le versement des prestations est donc subordonné à la présentation des justificatifs et au résultat du contrôle médical initié par l'assureur. En outre, l'assureur est susceptible d'effectuer des contrôles médicaux pendant toute la durée de l'incapacité, dont la conséquence peut être la poursuite ou l'arrêt de l'indemnisation. L'assureur n'est pas tenu de suivre les décisions de la sécurité sociale ou d'un organisme assimilé'».

À cet égard, M. [Y] est défaillant dans l'administration de la preuve de la période à indemniser. Outre que la Cnp n'a pas pu procéder à un quelconque contrôle médical, dès lors qu'elle estimait valablement ne pas être tenue d'indemniser le sinistre, M. [Y] ne justifie pas médicalement de son incapacité totale temporaire postérieurement au 29 mai 2015 (sa pièce n°14).

Il en résulte que l'assiette sur laquelle doit s'appliquer le taux de perte de chance est limitée à la période du 7 mai 2015 (à l'issue des 90 jours de franchise) au 29 mai 2015.

L'échéance mensuelle du prêt litigieux «'en capital et intérêts'» s'élevant au 19 mai 2015 à 2 606,18 euros, l'indemnisation dont M. [Y] justifie qu'il aurait pu obtenir le paiement en application des stipulations contractuelles, s'établit à hauteur de 2 606,18 euros x 23 jours / 31 jours, soit 1 933,62 euros.

Il en résulte que l'indemnisation de sa perte de chance s'évalue à 193,36 euros, après application du taux précédemment fixé à 10 % du préjudice final total.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, dès lors qu'en première instance, M. [Y] et la SCI n'ont invoqué aucun fondement susceptible de permettre une quelconque indemnisation ;

- et d'autre part, de laisser à la charge de chaque partie les dépens et les frais irrépétibles qu'elles ont respectivement exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en ce qu'il a :

- mis hors de cause la SA Predica ;

- condamné la SCI Le Cret et M. [O] [Y] aux dépens ;

L'infirme en ce qu'il a débouté la SCI Le Cret et M. [O] [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable la demande subsidiaire de condamnation de la Caisse régionale du crédit agricole Nord de France, la société Cnp Assurances et la société Predica à payer à M. [O] [Y] la somme de 211 100,58 euros correspondant à la perte de chance née de l'absence de souscription par M. [Y] d'une assurance couvrant le risque «'ITT'» ;

Déboute M. [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Cnp Assurances ;

Condamne la Caisse régionale du crédit agricole Nord de France à payer à M. [O] [Y] la somme de 193,36 euros au titre d'une perte de chance de ne pas avoir bénéficié d'une garantie «'ITT'» permettant l'indemnisation du sinistre survenu le 5 février 2015 ;

Déboute M. [O] [Y] du surplus de ses demandes formulées à l'encontre de Caisse régionale du crédit agricole Nord de France ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dépens et des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en appel.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01070
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.01070 ?
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