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02/06/2022 | FRANCE | N°21/01005

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 02 juin 2022, 21/01005


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 02/06/2022



****



N° de MINUTE : 22/234

N° RG 21/01005 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TONH



Jugement (N° 18/03487) rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer



APPELANTE



SA MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 9]



Représentée par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer



I

NTIMÉS



Monsieur [D] [C]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]



Madame [B] [I] épouse [C]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 13]

de n...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 02/06/2022

****

N° de MINUTE : 22/234

N° RG 21/01005 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TONH

Jugement (N° 18/03487) rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTE

SA MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉS

Monsieur [D] [C]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 12]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Madame [B] [I] épouse [C]

née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 13]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentés par Me Tony Perard, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

SCI Gambetta

[Adresse 6]

[Localité 10]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 30 Juillet 2021 à l'étude

SCI ALES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer et Me Dominique Bordes, avocat au barreau de Paris

SA Generali Assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Jacques Sellier, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M.'[D] [C] et son épouse, Mme [B] [I], sont propriétaires d'un immeuble situé à [Adresse 7], voisin de l'immeuble situé au numéro [Adresse 5], appartenant à la SCI Gambetta.

M.'et Mme [C] ont déploré des dommages importants causés à leur immeuble en raison de l'état d'abandon et de ruine de l'immeuble appartenant à la SCI Gambetta, provoquant notamment des infiltrations d'eaux pluviales.

Contactée à plusieurs reprises, la SCI Gambetta n'a pas pris les mesures s'imposant pour remédier durablement à cette situation, et ce malgré une tentative de conciliation survenue le 15 octobre 2013.

Un rapport d'expertise amiable, établi le 16 avril 2014 par le cabinet Polyexpert, a mis en évidence l'état de délabrement de l'immeuble appartenant à la SCI Gambetta.

Selon acte authentique du 30 décembre 2014 dressé par Maître [H] notaire, la SCI Gambetta a vendu l'immeuble litigieux à la SCI Alès, qui n'a pris aucune mesure pour faire cesser les troubles.

M.'et Mme [C] ont fait assigner la SCI Gambetta, la SCI Alès et la société Generali assurances, en qualité d'assureur de leur propre immeuble, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer pour voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 24 février 2016.

A la suite du dépôt du rapport d'expertise du 7 décembre 2017, M.'et Mme [C] ont fait assigner en référé la SCI Alès pour qu'elle entreprenne les travaux préconisés par l'expert, à savoir la réfection de l'étanchéité de la descente d'eaux pluviales, le rejointoiement de la maçonnerie et de la souche de cheminée, la réfection de la couverture de l'immeuble afin d'éviter toute infiltration d'eau, la dépose d'une partie du plancher au niveau R+2, et le traitement contre les champignons lignivores des bois et maçonneries jouxtant leur immeuble sur toute sa hauteur.

Par ordonnance du 17 janvier 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a fait droit, sous astreinte, à leur demande.

Par actes d'huissier du 7, 9 et 16 août 2018, M.'et Mme [C] ont fait assigner la SCI Gambetta, la SCI Alès et la société Generali assurances (Generali) devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis du fait des infiltrations d'eau en provenance de l'immeuble voisin au titre des travaux de remise en état de leur propre immeuble, des troubles de jouissance subis, ainsi que de leur préjudice moral.

Par acte d'huissier du 14 décembre 2018, Generali a fait assigner la société Mutuelles du Mans Iard (les MMA) pour que celle-ci intervienne à l'instance et soit condamnée à la garantir de toute condamnation en principal, intérêts, et frais qui pourrait être prononcée à son encontre, avec exécution provisoire.

La jonction des instances a été ordonnée le 3 mai 2019.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :

1. constaté l'intervention volontaire de M.'[Y] [N] à l'instance';

2. rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Gambetta tirée du défaut d'intérêt à agir de M.'et Mme [C]';

3. rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Gambetta tirée de la prescription';

4. rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Generali s'agissant des demandes formées par les époux [C]';

5. rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de Generali';

6. condamné la SCI Gambetta à payer à M.'et Mme [C] la somme de 44'701 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT'01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement';

7. condamné la SCI Gambetta à payer à M.'et Mme [C] la somme de 13'600 euros en réparation de leur préjudice de jouissance';

8. condamné in solidum la SCI Alès et les MMA à payer à M.'et Mme [C] la somme de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT'01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement';

9. condamné in solidum la SCI Alès et les MMA à payer à M.'et Mme [C] la somme de 6'800 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi et 7'050 euros au titre du préjudice de jouissance à subir';

10. débouté M.'et Mme [C] de leur demande au titre du préjudice moral';

11. condamné Generali à payer à M.'et Mme [C]':

la somme de 44'701 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement in solidum avec la SCI Gambetta,

'la somme de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement in solidum avec la SCI Alès et les MMA,

'soit la somme totale de 66'120,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du présent jugement';

12. débouté la SCI Gambetta de sa demande de garantie à l'encontre de la SCI Alès';

13. débouté la SCI Alès de sa demande de garantie à l'encontre de la SCI Gambetta';

14. condamné les MMA à garantir la SCI Alès des condamnations prononcées à son encontre';

15. condamné la SCI Gambetta à garantir Generali de la somme de 9'299 euros réglée en 2011 et de la condamnation prononcée par le jugement à hauteur de la somme de 44'701 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement';

16. condamné in solidum la SCI Alès et les MMA à garantir Generali de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT'01 entre le 7 décembre 20 17 et la date du jugement';

17. condamné la SCI Alès à faire réaliser dans son immeuble situé [Adresse 5], l'intégralité des travaux préconisés par l'expert judiciaire pour faire cesser les désordres d'infiltrations dans l'immeuble appartenant à M.'et Mme [C], à savoir :

- réfection de l'étanchéité de la descente d'eaux pluviales,

- rejointoiement de la maçonnerie et de la souche de cheminée,

- réfection de la couverture de l'immeuble afin d'éviter toute infiltration d'eau,

- dépose d'une partie du plancher en R+2,

- traitement des champignons lignivores des bois et maçonnerie jouxtant l'immeuble au numéro [Adresse 7] sur toute la hauteur de l'ouvrage (cave, rez de chaussée, R+ l, R+2, grenier),

18. dit que ces travaux devaient être réalisés dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de quatre mois';

19. condamné la SCI Alès et la SCI Gambetta chacune à la moitié des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire';

20.condamné in solidum la SCI Alès et la SCI Gambetta à payer à M.'et Mme [C] la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

21.ordonné l'exécution provisoire de la décision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 12 février 2021, les MMA ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 8, 9, 14 et 16 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 mai 2021, les MMA,

appelante principale, demandent à la cour, au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances, de':

- déclarer leur appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement dont appel uniquement en ce qu'il :

les a condamnées in solidum avec la SCI Alès à payer à M.'et Mme [C] la somme de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement';

les a condamnées in solidum avec la SCI Alès à payer à M.'et Mme [C] la somme de 6'800 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi et 7'050 euros au titre du préjudice de jouissance à subir';

les a condamnées à garantir la SCI Alès des condamnations prononcées à son encontre';

les a condamnées in solidum avec la SCI Alès à garantir Generali de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 20 17 et la date du jugement';

- le confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau des chefs infirmés,

- dire n'y avoir lieu à une quelconque condamnation in solidum de leur part ;

- dire qu'elles ne sont pas tenues à garantir la SCI Alès ;

- condamner in solidum la SCI Alès, Generali et M.'et Mme [C] au paiement de la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SCI Alès, Generali et M.'et Mme [C] aux entiers dépens d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, les MMA font valoir que':

- la SCI Alès a bien accepté les conditions générales n°410n du contrat d'assurance n°A140766380 puisqu'elle vise ce numéro de contrat lorsqu'elle lui écrit qu'une action en justice est intentée contre elle, de sorte que les conditions générales n°410n sont parfaitement opposables à l'assurée ;

- la SCI Alès savait pertinemment que l'immeuble qu'elle avait acquis occasionnait des désordres à celui de ses voisins ;

- les dommages étaient connus dès le rapport d'expertise amiable du 21 février 2011 ;

- le rapport d'expertise Polyexpert du 16 avril 2014 mentionne que la construction sise au n°[Adresse 5] n'est plus entretenue depuis des années, que la végétation se développe sur la façade, que le bow-window en bois à proximité de l'immeuble voisin est totalement dégradé, que les chéneaux sont encombrés de végétation ;

- les co-gérants de la SCI Alès avaient une expérience certaine dans le domaine immobilier, et ne pouvaient ignorer, compte-tenu de la modicité du prix et de l'état de l'immeuble qu'ils ont acheté, l'état de délabrement du bien, outre la présence du mérule et les conséquences de sa prolifération dans l'immeuble voisin ;

- les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la SCI Alès excluent sa garantie, puisque le sinistre ne revêt aucun caractère accidentel ;

- le défaut d'entretien caractérisé fait disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque ;

- le procès-verbal de constat du 24 février 2018 montre que la SCI Alès n'a pas entrepris de travaux conservatoires pour remédier à l'urgence de la situation et aux désordres subis par l'immeuble voisin.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 juillet 2021, la SCI Alès,

intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 544 et 1240 du code civil, L.'113-1 du code des assurances, de :

A titre principal,

- juger que les désordres constatés dans l'immeuble des époux [C] sont apparus avant qu'elle n'acquiert l'immeuble situé [Adresse 5] ;

- juger que les désordres constatés dans l'immeuble des époux [C] sont uniquement imputables à l'inertie de la SCI Gambetta ;

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée :

'in solidum avec les MMA à payer à M. et Mme [C] la somme de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement ;

'in solidum avec les MMA à payer à M. et Mme [C] la somme de 6'800 euros en réparation du préjudice de jouissance subi et de 7'050 euros au titre du préjudice de jouissance à subir ;

'in solidum avec les MMA à garantir Generali de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement';

'avec la SCI Gambetta chacune à la moitié des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire';

'in solidum avec la SCI Gambetta à payer à M. et Mme [C] la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

statuant à nouveau,

- débouter les parties de toutes leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle';

A titre subsidiaire,

- juger qu'elle a seulement pu contribuer à la réalisation des désordres subis par l'immeuble des époux [C], lesquels sont apparus après la vente intervenue le 30 décembre 2014';

- juger que sa condamnation in solidum avec la SCI Gambetta et Generali doit être limitée envers les époux [C] à la somme totale et maximale de 19'219,45 euros';

- en conséquence, infirmer les mêmes chefs du dispositif du jugement ci-dessus rappelés, et en ce que le jugement l'a déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la SCI Gambetta';

statuant à nouveau,

- débouter les parties de toutes leurs demandes tendant à la voir condamner à une somme supérieure à 19'219,45 euros';

- condamner in solidum avec elle la SCI Gambetta';

- condamner la SCI Gambetta à supporter la charge définitive de la dette, en raison des fautes commises et de sa part contributive dans la survenance des dommages';

En tout état de cause,

- la juger recevable et bien fondée en son appel provoqué à l'encontre de la SCI Gambetta';

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

'condamné les MMA à la garantir des condamnations prononcées à son encontre';

'débouté M. et Mme [C] de leur demande au titre du préjudice moral';

'débouté la SCI Gambetta de sa demande de garantie à l'encontre d'elle';

- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle';

- condamner les MMA, appelante à titre principal, à lui verser la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la SCI Alès fait valoir que :

- l'état de délabrement de l'immeuble situé au n°[Adresse 5] et les désordres apparus dans l'immeuble des époux [C] ont été constatés dès 2009, et se sont aggravés en raison de l'inertie de la SCI Gambetta ;

- elle a fait l'acquisition d'un bien inoccupé depuis plusieurs années que la SCI Gambetta avait laissé à l'état d'abandon ;

- depuis l'apparition des désordres en 2009 jusqu'à l'expertise du 16 avril 2014, la SCI Gambetta n'a fait aucune démarche pour entretenir son immeuble, et n'a pas réalisé de travaux conservatoires pour répondre aux sollicitations des époux [C] ;

- lors de la cession, la SCI Gambetta lui a volontairement dissimulé la gravité de la situation en s'abstenant de l'informer de l'existence d'un litige en cours avec M. et Mme [C] et des résultats des premières expertises';

- dans l'acte de vente, la SCI Gambetta a déclaré que l'immeuble cédé ne faisait l'objet d'aucune injonction de travaux, ne présentait pas de trace de champignons lignivores, outre qu'il était assuré';

- dès l'acquisition, elle s'est empressée d'entreprendre les démarches de réhabilitation, de rénovation, d'obtention du permis de construire';

- elle a pris en charge les travaux conservatoires ordonnés par le juge des référés suivant ordonnance du 17 janvier 2018, et a ainsi fait procéder à la réfection de l'étanchéité de la descente d'eaux pluviales par la pose d'une gouttière, de la couverture de l'immeuble par la pose d'isolants en toiture et le rejointoiement du chéneau limitrophe, et au traitement des bois et maçonneries par fongicide et produits contre les insectes xylophages sur l'ensemble des murs et sols de l'immeuble';

- l'ensemble des désordres constatés chez les époux [C] inhérents aux infiltrations d'eau et au mérule existait avant le 30 décembre 2014, de sorte que seule la SCI Gambetta doit être condamnée à indemniser les conséquences dommageables du trouble anormal de voisinage subi par les voisins';

- subsidiairement, elle ne peut être condamnée qu'à réparer les dommages qui se sont constitués après l'acquisition de l'immeuble sis au n°[Adresse 5]';

- en tout état de cause, les MMA doivent être condamnés à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

- la fiche de situation produite par les MMA montre qu'elle est bien assurée au titre de la «'responsabilité civile liée à l'habitation'» sise n°[Adresse 5]'; rien ne démontre cependant qu'elle a accepté les conditions générales avant la conclusion du contrat d'assurance ;

- la garantie «'responsabilités civiles liées à l'habitation'» a vocation à la garantir pour les dommages causés à autrui par les biens immobiliers dont elle est propriétaire ;

- la clause d'exclusion selon laquelle ne sont pas assurés les dommages dus à un défaut d'entretien caractérisé ou un manque de réparation indispensable incombant à l'assuré ou connu de lui, n'est pas définie avec précision ni limitée dans son étendue, de sorte qu'elle est contraire aux exigences de l'article L. 113-1 du code des assurances et partant, entachée de nullité absolue ;

- les évènements à l'origine des dommages sont bien accidentels pour M. et Mme [C] ; la garantie des MMA est due quelle que soit la nature de l'évènement à l'origine du dommage ;

- aucune faute dolosive ou intentionnelle ne peut être retenue à son encontre, dès lors qu'elle n'a jamais souhaité ni cherché délibérément le sinistre, qu'elle n'a reçu aucune information loyale de sa venderesse, qu'elle s'est efforcée de mettre fin à l'arrêté de péril, puis a entrepris les travaux conservatoires préconisés en référé.

4.3. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2021, M.'et

Mme [C], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 544, 1240 et suivants, 1103 et suivants du code civil, de :

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

'condamné in solidum la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement ;

'condamné in solidum la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 6'800 euros en réparation du préjudice de jouissance subi ;

'les a déboutés de leur demande au titre du préjudice moral ;

'les a déboutés de leurs demandes de condamnation à l'égard de Generali au titre du préjudice de jouissance à subir ;

'condamné la SCI Alès à la moitié des dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise ;

'les a déboutés de leur demande de condamnation de Generali aux dépens de référé, de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

- condamner in solidum la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 66'120,45 euros au titre des travaux à réaliser avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement ;

- condamner in solidum la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 20'400 euros en réparation du préjudice de jouissance subi ;

- condamner in solidum Generali avec la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 7'050 euros en réparation de leur préjudice de jouissance à subir (frais de déménagement, de relogement et de garde-meubles)';

- condamner in solidum la SCI Alès et les MMA à leur payer la somme de 15'000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- condamner in solidum la SCI Alès, son assureur les MMA et Generali à l'intégralité des dépens de première instance, de référé, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise ;

- confirmer le jugement de première instance en ses autres dispositions notamment en ce qu'il a condamné Generali à leur payer les sommes de 44'701 euros et 21'419,45 euros, soit la somme totale de 66'120,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et la date du jugement au titre des travaux de reprise ;

Y ajoutant,

- condamner in solidum les MMA, la SCI Alès et Generali à leur payer la somme de 5'000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de la procédure d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, M.'et Mme [C] font valoir que :

- l'expert judiciaire précise dans son rapport du 7 décembre 2017 que les dommages importants constatés dans leur habitation sont directement liés à l'état de délabrement notoire de l'immeuble situé au n°[Adresse 5] appartenant désormais à la SCI Alès';

- l'expert relève d'importantes infiltrations d'eau provenant du chéneau et de la couverture, l'absence d'étanchéité de la descente d'eaux pluviales en façade, et une souche de cheminée fuyarde'; ce dernier considère que ces infiltrations ont provoqué le développement de champignons lignivores dans les planchers, solives, murs mitoyens de l'immeuble n°[Adresse 7]';

- l'expert judiciaire a chiffré le coût des travaux de remise en état de leur immeuble à la somme de 57'419,45 euros, outre 18'000 euros de frais de maîtrise d''uvre et de bureau de contrôle';

- pour seule justification de l'exécution des travaux mis à sa charge par l'ordonnance de référé du 17 janvier 2018, la SCI Alès se contente de produire un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 24 février 2018, sans jamais produire de factures';

- en 2020 et 2021, de nouvelles traces d'humidité sont apparues dans leur immeuble au niveau du mur mitoyen du salon';

- l'anormalité des troubles de voisinage est caractérisée par la persistance des désordres subis, outre leur importance';

- chacune des SCI ayant par son refus d'entreprendre les travaux participé à la survenance des désordres, les conditions de leur condamnation in solidum sont réunies, les dommages affectant l'immeuble sis au n°[Adresse 7] étant imputables à l'état d'abandon de l'immeuble appartenant à la SCI Gambetta puis à la SCI Alès, et au comportement défaillant de celles-ci ayant concouru à la survenance des dommages';

- l'action pour trouble anormal de voisinage est une action réelle qui repose exclusivement sur la qualité de propriétaire de l'immeuble au moment où elle est engagée';

- chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage des responsabilités auquel il est procédé entre eux, et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée';

- sur la base de ce principe, ils sont en droit d'obtenir réparation de leur entier préjudice par l'actuel propriétaire au jour de leur demande d'indemnisation';

- il s'ensuit que la SCI Alès et les MMA doivent être condamnées in solidum, au même titre que Generali, à réparer l'intégralité des préjudices qu'ils ont subis';

- considérant que le tiers de leur habitation est devenu inexploitable, l'expert judiciaire évalue le préjudice de jouissance subi en raison des troubles occasionnés par les désordres à la somme annuelle de 3'400 euros';

- l'expert retient que les travaux de remise en état de leur immeuble dureront trois mois et nécessiteront leur déménagement, leur relogement, outre le stockage de leur mobilier dans un garde-meubles, et chiffre leur préjudice de jouissance lié aux travaux de reprise à la somme de 7'050 euros';

- les conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de Generali couvrent, dans le cadre de la garantie dégât des eaux, le coût des travaux de remise en état, outre les frais de relogement pendant deux ans, les frais de déplacement et de replacement du mobilier, et les frais de gardiennage';

- ils ont indéniablement subi un préjudice moral lié aux tracasseries subies pendant de nombreuses années';

- sur l'appel principal des MMA, celles-ci ne versent pas les conditions particulières du contrat et n'établissent pas que les conditions générales n°410n ont été acceptées par la SCI Alès ;

- le sinistre relève bien de la garantie responsabilité civile qui ne fait aucune référence à un fait accidentel, et ne comporte aucune exclusion particulière liée à un défaut d'entretien ou à un manque de réparation ;

- rien n'établit que la SCI Alès savait que l'immeuble qu'elle venait d'acquérir occasionnait des désordres chez ses voisins, ni qu'elle avait connaissance du sinistre avant son acquisition, de sorte que les MMA ne peuvent soutenir l'absence d'aléa lors de la souscription du contrat d'assurance ;

- la clause d'exclusion figurant dans les conditions générales, invoquée par les MMA, outre qu'elle est inopposable à la SCI Alès pour n'avoir pas été valablement portée à sa connaissance, lui est également inopposable en raison de sa non-conformité aux dispositions de l'article L.'113-1 du code des assurances, dès lors qu'elle ne se réfère pas à des critères précis ni à des hypothèses limitativement énumérées';

- ils ne contestent pas avoir perçu de leur assureur Generali une indemnité provisionnelle immédiate de 9'299 euros le 15 décembre 2011 suite au premier rapport d'expertise, qui avait toutefois chiffré leur préjudice à 12'399 euros sous réserve d'aggravation';

- l'indemnité de 2'798,40 euros versée le 11 décembre 2015 par Generali est étrangère au présent litige comme résultant d'un sinistre lié à une tempête ayant provoqué un dégât des eaux ponctuel ;

- aux termes du contrat d'assurance souscrit, Generali doit indemniser l'entier préjudice qu'ils ont subi, trouvant sa cause dans les infiltrations d'eau ;

- l'évènement ouvrant droit à indemnisation est bien un désordre qui leur est extérieur puisque provenant de l'immeuble voisin, soudain et imprévu ;

4.4. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2021, la

société Generali assurances, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa de l'article L.'113-1 du code des assurances et de la théorie du trouble anormal de voisinage, de':

Sur l'appel principal des MMA,

- constater que les MMA ne justifient pas de l'acceptation par la SCI Alès de ses conditions générales';

- en conséquence, les déclarer inopposables';

- subsidiairement, constater que la clause invoquée n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.'113-1 précité et doit être annulée';

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a limité la condamnation in solidum de la SCI Alès et des MMA à la garantir de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de la seule somme de 21'419,45 euros';

- condamner les MMA à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre';

Sur son appel incident,

- constater que l'action a un caractère réel et que l'intégralité des conséquences dommageables doit être prise en charge par la SCI Alès, actuelle propriétaire de l'immeuble au moment de la décision et de la saisine du premier juge';

- infirmer donc la décision dont appel sur ce point en ce qu'elle a effectué un partage entre la SCI Gambetta et la SCI Alès';

- dire que la SCI Alès et les MMA seront tenues de l'intégralité du préjudice subi par les époux [C]';

- débouter la SCI de sa demande d'appel incident';

Sur sa mise en cause,

- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M.'et Mme [C]':

'44'701 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 7 décembre 2017 et le jugement,

'21'419,45 euros avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT01,

soit la somme totale de 66'120,45 euros';

- constater que les dommages survenus postérieurement à la prise en charge du sinistre selon rapport d'expertise du cabinet Polyexpert du 21 février 2011 ne constituent pas un élément accidentel nouveau susceptible d'entrainer l'application du contrat pour lequel aucune déclaration de sinistre n'a été faite';

- juger que la garantie ne peut jouer';

- en conséquence, débouter M.'et Mme [C] de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre';

- débouter M.'et Mme [C] de leur appel incident';

- à titre infiniment subsidiaire, juger que la condamnation ne peut dépasser la somme de 36'201 euros au regard de la clause du contrat limitant les frais de maîtrise d''uvre à 8% de l'indemnité et après déduction de l'expertise réalisée en 2011 pour un montant de 12'399 euros';

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu à sa charge les troubles de jouissance qui ne sont pas garantis par le contrat';

- condamner la SCI Alès et les MMA aux entiers frais et dépens de première instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la société Generali assurances fait valoir que :

- elle a curieusement reçu de ses assurés une assignation ayant pour objet d'obtenir sa condamnation au même titre que les responsables des désordres ;

- elle a satisfait à ses obligations contractuelles en procédant à l'indemnisation des époux [C] alors que les aggravations ultérieures résultant de l'absence de travaux à la charge de la SCI Alès ne constituent pas un accident au sens du contrat, et aucune demande complémentaire ne peut être présentée au titre des aggravations';

- les MMA n'établissent pas que leurs conditions générales ont été portées à la connaissance de la SCI Alès, ni que celle-ci les a expressément acceptées';

- les limitations d'exclusion des conditions générales sont radicalement inopposables';

- en outre, la clause d'exclusion invoquée par les MMA est de nullité absolue à raison de sa non-conformité aux dispositions de l'article L.'113-1 précité';

- les MMA s'abstiennent de produire les documents établis lors de la souscription de garantie, notamment le questionnaire seul susceptible de justifier d'une fausse déclaration';

- la SCI Alès, au regard du prix dérisoire d'acquisition de l'immeuble, avait connaissance des travaux qu'elle devait immédiatement réaliser pour faire cesser les infiltrations et les dommages à l'immeuble voisin';

- la SCI Alès, propriétaire actuel, est de plein droit responsable des dommages et troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage constatés sur le fonds voisin';

- l'action pour trouble anormal de voisinage est une action réelle qui repose uniquement sur la qualité de propriétaire de l'immeuble au moment où elle est engagée';

- la SCI Alès doit être condamnée à réparer l'intégralité des préjudices subis par M. et Mme [C] sans qu'il soit possible de procéder à une ventilation entre les désordres survenus avant le 30 décembre 2014, et ceux constatés ultérieurement';

- il en résulte que la SCI Alès et les MMA doivent être condamnées in solidum à réparer l'intégralité des préjudices subis par M. et Mme [C], et qu'il y a lieu de faire droit à sa demande de garantie intégrale à l'encontre de la SCI Alès et des MMA';

- l'aggravation du sinistre, si elle reste extérieure aux époux [C], n'est pas soudaine ni imprévue puisqu'elle est la seule conséquence de l'absence de travaux de réfection dans l'immeuble voisin';

- dans le cadre de la police d'assurance souscrite par les époux [C], il existe une assurance protection juridique confiée à une autre compagnie permettant d'engager les mesures nécessaires pour mettre un terme aux infiltrations constatées'; ces différents procédures ont été prises en charge';

- M.'et Mme [C] n'ont fait qu'une seule déclaration de sinistre ayant donné lieu à une expertise et à une évaluation des dommages subis ;

- la conclusion de l'accord et le paiement de l'indemnité immédiate constituent le terme de la procédure d'indemnisation dans le cadre du sinistre déclaré';

- aucune demande complémentaire ne peut lui être présentée par les assurés au titre des aggravations dues à l'incurie de la SCI Alès';

- M.'et Mme [C] n'ont pas réalisé les travaux de réfection dans le délai de deux ans à compter de la survenance du sinistre et, partant, ne sont pas fondés à réclamer la valeur à neuf ;

- le dégât des eaux ayant donné lieu au rapport d'expertise au cabinet Polyexpert du 21 février 2011, c'est la somme de 12'399 euros qui doit être déduite, et non l'indemnité immédiate de 9'299 euros ;

- les frais de maîtrise d''uvre sont limités par le contrat à 8% de l'indemnité dommage aux bâtiments';

- le contrat prend en charge exclusivement les préjudices matériels, pas le trouble de jouissance';

- enfin, l'indemnité mise à sa charge ne peut faire l'objet d'une indexation';

- le préjudice moral des époux [C] n'est pas garanti par le contrat d'assurance qu'ils ont souscrit';

- les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la mise en demeure.

4.5. Régulièrement assignée en appel provoqué par la SCI Alès par acte

d'huissier du 30 juillet 2020, la SCI Gambetta, intimée, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

I - Sur l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.

'

Aux termes de l'article 651 du code civil, la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention.

'

Il en résulte que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage'; il appartient aux juges du fond de rechercher si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements, n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

'

S'agissant d'un régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d'un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en 'uvre du droit à réparation de la victime du dommage indépendamment de toute faute commise.

'

La cour rappelle que sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage le propriétaire de l'immeuble auteur des nuisances.

Sur l'existence des désordres et leur date d'apparition

M.'et Mme [C] sont propriétaires d'un immeuble situé [Adresse 7], voisin de l'immeuble situé au numéro [Adresse 5], appartenant à la SCI Gambetta, qui a vendu son immeuble à la SCI Alès suivant acte notarié du 30 décembre 2014.

Dans un rapport d'expertise amiable du 21 février 2011, le cabinet Polyexpert relève que depuis le 16 mai 2009, un défaut de collecte des eaux pluviales par engorgement de la descente d'eau pluviale par des détritus végétaux génère côté mitoyenneté d'importants ruissellements sur la façade des deux bâtiments accolés.

Les débordements et ruissellements d'eau sur la façade voisine génèrent une humidité à saturation sur le mur mitoyen et des dommages dans le séjour en rez-de-chaussée et une chambre à l'étage.

Le plancher bois du rez-de-chaussée est atteint de pourriture cubique. Les embellissements muraux papier peint du séjour et de la chambre sont sinistrés, ainsi que le plafond en staff mouluré du séjour, le soubassement bois des deux pièces, et le placard de la chambre à l'étage.

Les désordres ne sont pas réparés bien qu'une lettre recommandée eût été envoyée au gérant de la SCI Gambetta pour qu'il procède aux réparations d'urgence.

L'expert chiffre les dommages à la somme de 12'399 euros «'sous réserve d'aggravation, s'agissant d'une origine de sinistre non réparée et de l'absence de détection de champignon lignivore'».

Dans un second rapport d'expertise amiable du 16 avril 2014, le cabinet Polyexpert retient que l'immeuble appartenant à la SCI Gambetta est inoccupé depuis des années et en état de délabrement, sa façade faisant apparaître un développement de végétation et un état de ruine de la maçonnerie et du bois de façade. L'expert relève que l'état de délabrement de l'immeuble de la SCI Gambetta provoque des entrées d'eaux pluviales chez M.'et Mme [C], que le mur mitoyen est détrempé, que l'humidité a gagné les plafonds, les planchers, les menuiseries provoquant leur pourrissement et le développement de champignons.

Les travaux de reprise des désordres chez M.'et Mme [C] sont alors évalués à la somme de 45'000 euros.

Dans son rapport d'expertise judiciaire du 7 décembre 2017, M.'[M] rapporte que l'immeuble n°[Adresse 5] se trouve dans un état de délabrement notoire provoquant d'importants dégâts à l'intérieur de l'habitation de M.'et Mme [C] sise au n°[Adresse 7].

Il relève chez M. et Mme [C] d'importantes infiltrations d'eau provenant du chéneau et de la couverture, l'absence d'étanchéité de la descente d'eau pluviales en façade avant de l'immeuble n°[Adresse 5], et une souche de cheminée fuyarde.

Il ajoute que ces infiltrations d'eaux ont provoqué le développement de champignons lignivores sur les pièces de bois formant planchers et solives, et sur les murs mitoyens à l'immeuble n°5'; que la maçonnerie de briques a absorbé l'eau comme un buvard et provoqué le développement du champignon lignivore dans l'immeuble n°[Adresse 7]'; que les infiltrations d'eau sont consécutives au mauvais entretien du bâtiment n°[Adresse 5], notamment des chéneaux, couverture et descentes d'eaux pluviales fuyards.

L'expert [M] chiffre le coût des travaux de remise en état dans l'immeuble n°[Adresse 7] à la somme de 57'419,45 euros, outre la somme de 18'000 euros au titre des frais de maîtrise d''uvre.

Si la SCI Alès prétend avoir pris en charge les travaux conservatoires ordonnés par l'ordonnance de référé du 17 janvier 2018, elle se contente à cet égard de produire deux procès-verbaux de constat d'huissier du 24 février 2018 et 2 mars 2021, dont il résulte dans l'immeuble n°[Adresse 5] la présence de produits fongicides avec des traces de coulée sur les murs et des auréoles sur les sols, la présence d'une gouttière métallique d'aspect récent, remplacée par la suite en partie basse par une gouttière en PVC, et la réfection d'une partie de la toiture avec pose d'isolants au niveau du chéneau et de la cheminée. L'huissier écrit que «'l'immeuble est en totale réfection. [...] [Ses] constatations sont rendues difficiles par l'état de l'immeuble, la saleté et l'encombrement des sols'».

La cour observe que l'huissier ne se prononce nullement sur la conformité des travaux entrepris aux règles de l'art, et que la SCI Alès ne produit aucun devis ni aucune facture des travaux qu'elle assure avoir exécutés.

A l'inverse, M.'et Mme [C] produisent deux procès-verbaux de constat d'huissier du 16 juin 2020 et du 11 janvier 2022, lesquels démontrent à l'évidence que d'importantes traces d'humidité et de moisissures perdurent à l'intérieur de leur habitation sur toute la hauteur de leur mur mitoyen, ainsi à l'extérieur que des traces de coulées blanchâtres, d'effritement de la peinture de leur corniche et de l'encadrement de leurs fenêtres situées à proximité immédiate de l'immeuble voisin, et la présence d'un arbuste qui pousse sur la façade du n°[Adresse 5].

De l'ensemble de ces pièces, constatations et énonciations, il apparaît que les désordres dans l'immeuble de M.'et Mme [C] sont apparus au cours de l'année 2009, qu'ils trouvent leur origine exclusive dans les infiltrations d'eaux pluviales provenant du fonds voisin totalement délabré et excèdent ainsi les inconvénients normaux du voisinage, qu'ils n'ont cessé depuis lors de s'aggraver, et que la SCI Alès ne démontre toujours pas avoir fait exécuter, selon les règles de l'art, les travaux de conservation et de réfection permettant d'y remédier de façon pérenne.

Sur la nature de l'action en responsabilité

La cour rappelle que l'action fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière comme le soutiennent à tort M.'et Mme [C] et leur assureur Generali, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui peut être dirigée contre tout voisin auteur des nuisances, quel que soit son titre d'occupation.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, il s'ensuit que la SCI Gambetta en sa qualité de propriétaire occupante est bien à l'origine du trouble anormal de voisinage, lié aux infiltrations d'eaux pluviales et au développement d'un champignon lignivore, subi par M.'et Mme [C] de 2009 au 30 décembre 2014, puis que la SCI Alès en sa qualité de nouvelle propriétaire est devenue seule responsable du trouble anormal de voisinage subi par ses voisins à partir du 30 décembre 2014, date à laquelle elle a acquis l'immeuble litigieux sans jamais par la suite entreprendre des travaux de remise en état de nature à remédier aux désordres.

En conséquence, la responsabilité de la SCI Gambetta pour la période de 2009 au 30 décembre 2014, puis celle de la SCI Alès à partir du 30 décembre 2014 se trouve engagée, sur le fondement des articles 544 et 651 précités, en raison des troubles anormaux de voisinage subis par M. et Mme [C].

II - Sur le recours en garantie de la SCI Alès contre son assureur, les MMA

En application de l'article L.'112-3 du code des assurances, la charge de la preuve de l'existence du contrat d'assurance, dont elle sollicite le bénéfice, repose sur l'assurée. Si cette dernière doit rapporter la preuve écrite de l'existence du contrat litigieux, et notamment la police d'assurance et la note de couverture qui constatent l'engagement réciproque des parties, celle-ci peut également se prévaloir d'une attestation d'assurance à laquelle s'attache une présomption simple de garantie que l'assureur peut combattre par tous moyens. Plus généralement, tout écrit peut être utilisé comme moyen de preuve pour établir l'existence d'un contrat d'assurance.

Si, s'agissant du contenu du contrat, il appartient à l'assurée d'établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie, il revient toujours à l'assureur de démontrer l'existence d'une exclusion ou d'une déchéance de garantie tant à l'égard de l'assurée que du tiers victime.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, la SCI Alès produit un courriel du 9 novembre 2018 par lequel les MMA l'informent de leur impossibilité de rééditer les conditions particulières du contrat, mais lui adresse une fiche de situation reprenant l'ensemble des caractéristiques du risque assuré et les garanties du contrat d'assurance habitation n°A140766380 pour la maison de 24 pièces principales sise [Adresse 5] «'en cours de construction par un professionnel'».

Elle verse également au débat des échanges de courriels du 12, 13 et 14 décembre 2017, par lesquels elle effectue une déclaration de sinistre auprès des MMA par suite de l'assignation en référé qui lui a été délivrée le 30 novembre 2017, et qui «'fait état de différents désordres que subiraient les époux [C] (propriétaires de l'immeuble mitoyen [']), qui seraient prétendument causés par [son] immeuble'[...]», et l'assureur répond qu'il a procédé à l'ouverture du sinistre sous le numéro 14729706692.

Si aucune des parties n'est en mesure de produire les conditions particulières du contrat souscrit, ces pièces suffisent à établir l'existence du contrat d'assurance au titre de la «'responsabilité civile liée à l'habitation'».

La cour rappelle qu'une clause d'un contrat d'assurance n'est opposable à l'assurée que si elle a été portée à sa connaissance au moment de l'adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement au sinistre. C'est à l'assureur qui se prévaut d'une stipulation contractuelle de démontrer qu'elle a été portée à la connaissance de sa cocontractante.

En l'espèce, les MMA viennent soutenir que la SCI Alès a parfaitement pris connaissance des conditions générales n°410n avant la souscription du contrat, et en veulent pour preuve une capture d'écran de leur logiciel interne de gestion client, laquelle indique que le contrat souscrit avec la SCI Alès se réfère aux conditions générales n°410n. Cependant, ce seul élément émanant de l'assureur ne permet pas de démontrer, en l'absence de toute signature manuscrite ou même électronique des conditions particulières et générales par l'assurée, que celle-ci a bien accepté les conditions générales que cherchent à lui opposer les MMA.

Il s'ensuit que les causes exclusives de garantie figurant dans les conditions générales du contrat sont déclarées inopposables à l'assurée, faute pour celle-ci de les avoir acceptées avant la survenance du sinistre.

De manière surabondante, la cour constate que dans l'acte notarié de vente du 30 décembre 2014, il est prévu en page 7 que l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison des vices apparents et des vices cachés.

En page 14, le vendeur déclare ne pas avoir constaté l'existence de traces d'humidité, de moisissures, d'effritements ou de déformation du bois, de filaments blancs cotonneux, tous éléments de nature à révéler la présence d'un mérule.

Cet acte notarié ne fait nulle référence à un dégât des eaux précédemment survenu dans l'immeuble de M. et Mme [C], ni aux rapports d'expertise amiable Polyexpert du 21 février 2011 et 16 avril 2014.

Dans le courriel du 13 décembre 2017, la gérante de la SCI Alès répondait à son assureur, auprès duquel elle venait de régulariser la déclaration de sinistre, qu'elle avait acheté l'immeuble auprès de la SCI Gambetta le 30 décembre 2014, mais qu'elle ignorait à quelle date précise étaient apparus les désordres allégués par ses voisins.

De l'examen de ces pièces, il ressort contrairement aux allégations des MMA, et ce malgré la modicité du prix de cession et l'état de délabrement de l'immeuble, que la SCI Alès n'a pas reçu de la SCI Gambetta une information loyale quant au bien vendu. Dès lors, rien ne vient démontrer que la SCI Alès connaissait, de façon certaine au moment de la vente, l'existence du litige et des désordres occasionnés à ses voisins.

En conséquence, les MMA seront condamnées in solidum à garantir la SCI Alès de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige.

III - Sur l'appel en garantie de la SCI Alès contre la SCI Gambetta

S'il est constant que les désordres subis par M. et Mme [C] sont apparus en 2009 par suite du défaut d'entretien du fonds voisin par la SCI Gambetta, il reste pour autant que la SCI Alès est seule responsable des désordres survenus après le 30 décembre 2014, dès lors qu'elle a acheté en connaissance de cause un immeuble en état, parfaitement visible, de délabrement à un prix dérisoire, et ce afin d'y entreprendre des travaux de réhabilitation totale, et qu'elle s'est abstenue jusqu'à ce jour de faire procéder à des travaux de réfection d'ampleur par un homme de l'art pour garantir la protection et l'étanchéité de l'immeuble voisin. Depuis 2015, l'inertie de la SCI Alès a manifestement contribué à aggraver les désordres et troubles de jouissance subis par M.'et Mme [C].

Au demeurant, il n'est pas démontré que le gérant de la SCI Gambetta, alors qu'il était à l'époque absent aux opérations d'expertise, eût été rendu destinataire des rapports Polyexpert 2011 et 2014.

Il s'en déduit que la SCI Alès, qui a laissé perdurer les troubles pendant plus de six années, sera déclarée seule responsable des dommages survenus après le 30 décembre 2014, et déboutée de son appel en garantie dirigée contre la SCI Gambetta pour la période postérieure au 30 décembre 2014.

IV - Sur le recours en garantie de M.'et Mme [C] contre leur assureur Generali

M.'et Mme [C] versent au débat les conditions particulières de leur contrat d'assurance «'multirisque habitation domicile D2'» n°AH513637 à effet au 21 décembre 2006, outre un avenant à effet au 1er septembre 2017, souscrits auprès de Generali pour garantir leur résidence principale à usage d'habitation sise [Adresse 7], lesquels incluent notamment la garantie dégâts des eaux.

L'évènement unique donnant lieu à application des garanties souscrites est bien un désordre extérieur à M.'et Mme [C] puisque provenant de l'immeuble voisin, soudain et imprévu, lequel n'a cessé de s'aggraver au fil des années par suite de l'inertie de la SCI Gambetta puis de la SCI Alès. M.'et Mme [C] n'ont pu anticiper ni prévenir ni remédier aux infiltrations d'eaux et au développement du mérule provenant de l'immeuble voisin.

Si M.'[C] a accepté suivant «'lettre d'accord sur dommage'» régularisée le 15 mars 2011 de percevoir de Generali une indemnisation de 12'399 euros arrêtée lors des opérations d'expertise à la suite du dégât des eaux du 16 mai 2009, il n'a jamais renoncé à obtenir l'indemnisation pleine et entière de son préjudice.

En effet, il s'observe que le rapport d'expertise amiable Polyexpert du 21 février 2011 chiffrait la réparation du dégât des eaux à la somme de 12'399 euros, dont une indemnité immédiate de 9'299 euros et une indemnité différée de 3'100 euros, «'sous réserve d'aggravation s'agissant d'une origine de sinistre non réparée et de l'absence de détection de champignon lignivore'».

Generali n'a versé à ce jour à M.'et Mme [C] que l'indemnité immédiate de 9'299 euros, alors que ceux-ci n'ont jamais renoncé à obtenir l'indemnisation totale de leur préjudice résultant de l'aggravation des dommages.

Cependant, Generali n'est tenue de satisfaire à ses obligations légales et contractuelles vis à vis de ses assurés que dans les limites prévues par le contrat d'assurance.

En premier lieu, si M.'et Mme [C] n'ont pas procédé ni fait procéder à la réalisation de travaux de réfection de leur immeuble dans le délai de deux ans à compter de la survenance du sinistre, comme l'allègue Generali qui refuse de les indemniser en valeur à neuf, il reste pour autant qu'ils n'ont effectivement perçu à ce jour qu'une indemnité immédiate de 9'299 euros, et qu'ils ne pouvaient entreprendre des travaux de réfection alors que perdurait la cause du sinistre.

Il convient, conformément à leur demande, de déduire de leur indemnisation la somme de 9'299 euros qu'ils ont déjà reçue en réparation des dommages matériels au bâtiment après dépôt du rapport d'expertise amiable du 21 février 2011.

En deuxième lieu, les conditions générales PP5X21G du contrat, dont les assurés ne contestent pas l'opposabilité, prévoient au tableau des montants de garantie «'Dégâts des eaux - Gel'» que les honoraires de maîtrise d'ouvrage sont indemnisés dans la limite de 8% de l'indemnité «'dommages au bâtiment'».

L'expert judiciaire [M], dans son rapport du 7 décembre 2017, chiffre les travaux de remise en état de l'immeuble sis au n°[Adresse 7] à la somme de 57'419,45 euros, qui seule doit être prise en compte dans le calcul, outre des frais de maîtrise d''uvre et de bureau de contrôle à hauteur de 18'000 euros.

Si le montant de l'indemnité prise en charge par Generali pour le remboursement des frais de maîtrise d''uvre est plafonné par le contrat à la somme de 4'593,56 euros (soit 57'419,45 x 8%), il n'est pas établi que les frais de bureau de contrôle, nécessairement rattachés au coût des travaux de reprise, soient limités par l'effet du contrat.

Il s'ensuit que les frais de bureau de contrôle s'ajoutent aux frais de maîtrise d''uvre, qui sont seuls plafonnés, et doivent être intégralement pris en charge par l'assureur.

En troisième lieu, le contrat indemnise exclusivement les dommages matériels aux bâtiments causés par les écoulements et infiltrations d'eau accidentels, à l'exclusion des troubles de jouissance ou autre préjudice moral.

En quatrième et dernier lieu, en application de l'article L.'121-1 du code des assurances, l'indemnité d'assurance versée par l'assureur peut faire l'objet d'une actualisation en fonction de l'évolution du coût de la construction entre la date de sa fixation et celle de son paiement, dès lors que cette actualisation vient compenser la dépréciation monétaire entre le jour où la créance est évaluée et le jour du paiement.

V - Sur le préjudice de M.'et Mme [C]

Sur le coût des travaux de réfection

Il est rappelé que l'expert judiciaire [M], dans son rapport du 7 décembre 2017, a chiffré les travaux de remise en état de l'immeuble sis au n°[Adresse 7] à la somme TTC de 57'419,45 euros, outre des frais de maîtrise d''uvre et de bureau de contrôle à hauteur de 18'000 euros TTC.

Or, il s'observe que dans son rapport du 16 avril 2014, le cabinet Polyexpert avait, en l'absence d'investigation sur une propagation éventuelle de mérule derrière les doublages, chiffré les travaux de reprise à la somme TTC de 45'000 euros au regard de l'importance des désordres affectant déjà l'immeuble et partant, des travaux de reprise à exécuter.

En outre, l'expert [M] a estimé qu'il était nécessaire de prévoir des frais de maîtrise d''uvre et de bureau de contrôle à hauteur de 18'000 euros, et ce afin de sécuriser le chantier et d'assurer l'exécution des travaux dans les règles de l'art.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a mis pour moitié ces frais à la charge de la SCI Gambetta et de la SCI Alès, considérant que l'inaction de chacune avait successivement contribué à parts égales aux troubles de voisinage subis.

Par conséquent, la SCI Gambetta est condamnée à payer à M.'et Mme [C] la somme de 44'701 euros (soit 45'000'+'9'000'-'9'299) au titre des travaux de reprise par suite des troubles anormaux du voisinage subis de 2009 au 30 décembre 2014.

La SCI Alès et les MMA sont condamnées in solidum à payer à M.'et Mme [C] la somme de 21'419,45 euros (soit 57'419,45 - 45'000 + 9'000) au titre des travaux de reprise par suite des troubles de voisinage subis depuis le 30 décembre 2014.

Ces sommes sont indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction entre le 7 décembre 2017, date du rapport d'expertise judiciaire, et la date du jugement, ainsi que le sollicitent M.'et Mme [C].

Sur le préjudice de jouissance

S'agissant du préjudice de jouissance subi, l'expert [M], dans son rapport du 7 décembre 2017, retient que les époux [C] ne peuvent jouir paisiblement du tiers de leur habitation depuis l'apparition des infiltrations courant 2009, et chiffre la valeur locative mensuelle de l'immeuble à 850 euros ; il en déduit un préjudice de jouissance annuel de 3'400 euros.

M. et Mme [C] limitent leur demande de réparation au titre du préjudice de jouissance subi à la somme de 20'400 euros, laquelle correspond à six années.

Par conséquent, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Gambetta à indemniser le préjudice de jouissance subi du 1er janvier 2010 au 30 décembre 2014 à hauteur de 13'600 euros, et la SCI Alès et les MMA le préjudice de jouissance subi depuis le 30 décembre 2014 à hauteur de 6'800 euros.

Il est rappelé que l'indemnisation des troubles de jouissance n'est pas garantie par le contrat d'assurance souscrit par les époux [C] auprès de Generali.

S'agissant du «'préjudice de jouissance à subir'», l'expert [M] considère que les travaux de remise en état de l'immeuble appartenant aux époux [C] dureront pendant trois mois et nécessiteront leur déménagement ; il chiffre le préjudice directement lié à ces travaux à la somme de 7'050 euros comprenant la privation du bien et le relogement pendant trois mois, les frais de déménagement, de réaménagement, et de garde-meubles.

Les conditions générales du contrat souscrit par M.'et Mme [C] auprès de Generali prévoient expressément, en cas de dégât des eaux, l'indemnisation des frais de relogement, de déplacement et replacement de mobilier, et de gardiennage.

Par conséquent, la SCI Alès et les MMA sont condamnées in solidum à payer à M.'et Mme [C] la somme de 7'050 euros en réparation du préjudice à subir lié au relogement, déménagement et gardiennage.

L'assureur Generali sera également condamné à garantir M. et Mme [C] du paiement de la somme de 7'050 euros au titre des frais de relogement à subir.

Sur le préjudice moral

M.'et Mme [C] considèrent qu'ils ont subi un important préjudice moral en raison des tracasseries rencontrées pendant de nombreuses années.

Cependant, ils ne versent au débat, hormis des documents techniques, aucune pièce, telle des certificats médicaux ou des témoignages, de nature à démontrer l'existence même du préjudice moral qu'ils allèguent.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande à ce titre.

VI - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La SCI Alès, les MMA, et Generali qui succombent seront condamnées aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de condamner in solidum la SCI Alès, les MMA et Generali à payer à M.'et Mme [C] une somme de 4'000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer ;

Y ajoutant,

Condamne la société Generali assurances à payer à M. [D] [C] et à son épouse, Mme [B] [I], la somme de 7'050 euros au titre des frais de relogement, déménagement, garde- meubles à subir ;

Condamne in solidum la SCI Alès et la société Mutuelles du Mans Iard à garantir la société Generali assurances de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 7'050 euros au titre des frais de relogement, déménagement, garde- meubles à subir ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum la SCI Alès, la société Mutuelles du Mans Iard, et la société Generali assurances aux entiers dépens d'appel ;

Condamne in solidum la SCI Alès, la société Mutuelles du Mans Iard, et la société Generali assurances à payer à M.'[D] [C] et Mme [B] [I] la somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/01005
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.01005 ?
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