La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2022 | FRANCE | N°20/00922

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 27 mai 2022, 20/00922


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 850/22



N° RG 20/00922 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4Q2



MD/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT OMER

en date du

31 Décembre 2019

(RG 19/182 -section 5)






































>



GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [M] [X]

Chez Mme [F] [XD]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI





INTIMÉE :



S.A.R.L. TECHNI TOIT ISOLATION

...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 850/22

N° RG 20/00922 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4Q2

MD/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT OMER

en date du

31 Décembre 2019

(RG 19/182 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [M] [X]

Chez Mme [F] [XD]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE :

S.A.R.L. TECHNI TOIT ISOLATION

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nathalie EROUART, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l'audience publique du 15 Mars 2022

Tenue par Monique DOUXAMI

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 Mars 2022

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Madame [M] [X] a été embauchée par la SARL Techni Toit Isolation en qualité de responsable développement activité amiante par contrat à durée indéterminée à compter du 7 septembre 2015.

La convention collective nationale des ETAM du bâtiment est applicable à la relation de travail.

Par lettre du 12 janvier 2017, Madame [M] [X] s'est vu notifier un avertissement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2017, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête réceptionnée par le greffe le 14 octobre 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Omer aux fins de voir attribuer à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL Techni Toit Isolation au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 31 décembre 2019, la juridiction prud'homale a :

-dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission ;

-condamné la SARL Techni Toit Isolation au paiement, outre des dépens, des sommes suivantes à Madame [M] [X] :

*1070,66 euros à titre de rappel de commissions et 107,06 euros au titre des congés payés y afférents,

*1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la SARL Techni Toit Isolation à établir et faire parvenir à Madame [M] [X] une fiche de paie et une attestation Pôle emploi conformes au jugement ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 31 janvier 2020, Madame [M] [X] a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 22 février 2022, elle demande à la cour de :

-réformer le jugement déféré ;

-annuler l'avertissement du 12 janvier 2017 ;

-dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamner la SARL Techni Toit Isolation au paiement, outre des dépens de première instance et d'appel, des sommes suivantes :

*300 euros au titre du préjudice subi du fait du retard dans la déclaration à la CPAM de la rémunération d'octobre 2016 et du retard consécutif dans le versement des indemnités journalières,

*1070,66 euros à titre de rappel de commissions et 107,07 euros au titre des congés payés y afférents,

*1600 euros au titre des frais de repas,

*800 euros en réparation du préjudice subi du fait des retards de paiement de salaire,

*424,12 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2016, et 42,41 euros au titre des congés payés y afférents,

*38,97 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2017 et 3,89 euros au titre des congés payés y afférents,

*83,77 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à avril 2017 et 8,37 euros au titre des congés payés y afférents,

*799,43 euros au titre des sommes indûment prélevées au titre de la mutuelle,

*5000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

*94,57 euros au titre de rappel de salaire pour la journée du 2 janvier 2019 et la privation d'une journée de congés payés,

*3000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité de l'avertissement,

*4124 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 412,40 euros au titre des congés payés y afférents,

*1031 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

*10.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; -enjoindre à la SARL Techni Toit Isolation de lui remettre dans les 10 jours de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document :

*un relevé intégral des ventes qu'elle a opérées,

*les bons de commande et factures relatifs aux ventes qu'elle a opérées,

*une attestation de salaire destinée à la caisse des congés et des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir ;

-surseoir à statuer sur la demande de rappel de salaire au titre des ventes effectuées dans l'attente de la production par l'employeur des éléments demandés.

Elle soutient en substance que :

-la SARL Techni Toit Isolation a commis de nombreux manquements en matière de rémunération dont peu ont été régularisés :

*la SARL Techni Toit Isolation n'a pas déclaré sa rémunération du mois d'octobre 2016 à la CPAM de sorte qu'elle n'a pas pu percevoir les indemnités journalières au titre de son arrêt maladie. La situation n'a été régularisée qu'en octobre 2017. Elle a subi un préjudice financier lié au fait qu'elle a du se passer de la somme correspondant au maintien de salaire pendant une année ;

*le contrat de travail prévoyait que les commissions se calculaient sur le chiffre d'affaires réalisé aux conditions et tarifs de la société mais dans les faits le dirigeant décidait unilatéralement des commissions payées. Elle n'a pas perçu la commission pour le client [R]. A supposer que le prix convenu avec le client ne corresponde pas au tarif, ce qui n'est pas établi, il s'agit d'une sanction pécuniaire prohibée, ayant été sanctionnée par un avertissement le 12 janvier 2017 (au motif que le tarif de la SARL Techni Toit Isolation n'aurait pas été respecté sur ce chantier) doublé du non-paiement de la commission. Elle demande de manière plus générale qu'il soit fait injonction à la SARL Techni Toit Isolation de lui remettre les justificatifs de l'ensemble des chantiers sur lesquels elle a travaillé et de justifier sur pièces de la rémunération variable servie ;

*selon un usage dans l'entreprise, les repas étaient pris en charge même lorsque les salariés les prenaient au bureau. Elle en a bénéficié jusqu'en septembre 2016 puis ses demandes de remboursement de frais ont toutes été refusées contrairement à celles des autres salariés ;

*en dépit des dispositions de l'article L.3242-1 du code du travail, elle n'a pas perçu sa rémunération du mois N, entre le 31 de N et le 3 de N+1 mais entre le 6 de N et le 10 de N+1, lui occasionnant un préjudice ;

*ses fiches de paie présentent de nombreuses insuffisances lui ayant nécessairement causé un préjudice ;

*les règles relatives au maintien de salaire en cas de maladie n'ont pas été respectées pour les mois d'octobre 2016 et de février 2017 ;

*le paiement du salaire minimum conventionnel n'a pas toujours été respecté ;

*les fiches de paie mettent en évidence une fluctuation du montant des prélèvements mutuelle sur laquelle elle n'a pas obtenu d'explications ;

*la SARL Techni Toit Isolation est tenue de déclarer les salaires à la caisse des congés payés du bâtiment de façon à ce que l'indemnité de congés payés soit établie en conformité avec les salaires perçus. Or, elle n'a pas déclaré les commissions qu'elle a perçues pendant la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 ;

-elle a subi un harcèlement moral (surcharge de travail, exécution de tâches qui n'entraient pas dans ses fonctions, atteinte à son image et «traitement discriminatoire») qui a eu des conséquences considérables sur sa santé ;

-l'avertissement notifié le 12 janvier 2017 est infondé et abusif ;

-les manquements de la SARL Techni Toit Isolation, dont peu ont été régularisés et dont certains, au premier rang desquels figure le harcèlement moral, rendent pris isolément impossible la continuation du contrat de travail même durant un préavis. A fortiori, les manquements pris dans leur ensemble justifiaient la prise d'acte de la rupture.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 21 juillet 2020, la SARL Techni Toit Isolation demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission et débouté Madame [M] [X] de ses autres demandes ;

-l'infirmer sur le surplus ;

-débouter Madame [M] [X] de l'ensemble de ses demandes ;

-condamner Madame [M] [X] au paiement de la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

-elle a régularisé au plus vite, en octobre 2017, la déclaration à la CPAM et Madame [M] [X] ne justifie pas d'un préjudice. Ce grief n'a pas empêché la poursuite de la relation de travail d'octobre 2016 à la date de la rupture ;

-la commission pour le chantier [R] n'a pas été payée à Madame [M] [X] car elle n'a pas respecté le prix de vente, manquant à ses obligations contractuelles. S'agissant de la demande d'injonction, Madame [M] [X] connaît exactement le montant du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé mensuellement et a en sa possession tous les justificatifs. Elle n'a d'ailleurs jamais émis de demande de ce chef avant la saisine du conseil de prud'hommes ;

-le refus de remboursement des repas pris sur place n'est qu'une stricte application du contrat et il n'est pas démontré qu'il n'a concerné que Madame [X] ;

-la loi est muette sur la date de versement du salaire. Les salaires, dont les virements sont globalisés pour l'entreprise, ont été versés entre le 31 du mois précédent et le 8 du mois suivant, parfois même deux fois le même mois pour éviter des retards liés aux congés, ces délais étant parfaitement raisonnables. Madame [M] [X] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ;

-les incohérences et invraisemblances sur les fiches de paie ne sont ni précisées ni justifiées. Elle sous-traite la réalisation des bulletins de paie à un cabinet d'expertise comptable. Madame [M] [X] ne démontre aucun préjudice ;

-s'agissant du rappel de salaire pour février et du rappel conventionnel, le delta en faveur de Madame [M] [X] après régularisation intervenue est de 0,04 euros de tel sorte qu'il ne saurait en résulter un manquement grave justifiant la prise d'acte ;

-le taux du prélèvement mutuelle appliqué correspond bien aux garanties et tarifs et taux de cotisation. Le montant du salaire variant d'un mois à l'autre, le pourcentage appliqué à la base salariale donne un montant de cotisation qui varie ;

-Madame [M] [X] n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer qu'elle a fait l'objet d'actes de harcèlement moral se contentant de procéder par voie d'affirmations ;

-l'avertissement notifié à Madame [M] [X] est parfaitement fondé et les griefs sont démontrés ;

-Madame [M] [X] ne démontre pas la réalité d'un manquement grave de sa part permettant de justifier sa prise d'acte.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat.

Les juges doivent examiner l'ensemble des manquements invoqués, sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de rupture. Le salarié doit en rapporter la preuve. En cas de doute sur la réalité des faits allégués, il profite à l'employeur. La rupture n'est justifiée qu'en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en cas de harcèlement ou de discrimination. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

Dans son courrier de prise d'acte du 14 septembre 2017 et ses conclusions, Madame [M] [X] reproche à la SARL Techni Toit Isolation les faits suivants :

1-le retard dans la déclaration à la CPAM de la rémunération due en octobre 2016

La SARL Techni Toit Isolation admet n'avoir déclaré à la CPAM la rémunération de Madame [M] [X], placée en arrêt maladie en octobre 2016, qu'en octobre 2017 de sorte que le manquement est établi. Toutefois, étant isolé et portant sur une période courte, il est sans gravité.

Par ailleurs, Madame [M] [X] ne démontre pas la réalité d'un préjudice qui en est résulté pour elle, le montant des indemnités journalières dont le paiement a consécutivement été retardé étant relativement faible.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

2-les commissions

En premier lieu, le contrat de travail prévoit dans son article 7 intitulé «rémunération» : «En rémunération de ses services et des responsabilités qui y sont attachées Mme [M] [X] percevra une rémunération brute fixe de 1550 euros par mois à laquelle s'ajoutera une commission sur le chiffre d'affaires net hors taxes réalisé par elle aux conditions et tarifs de la société.»

Il précise que :

-la commission est calculée sur le chiffre d'affaires moins une franchise de 8000 euros ;

-son montant est de 4% en cas de chiffre d'affaires vente pendant le mois inférieur ou égal à 40.000 euros et de 6% en cas de chiffre d'affaires vente pendant le mois d'un montant supérieur.

Madame [M] [X] n'a pas perçu les commissions pour le chantier du client [R].

Le témoignage du 14 mars 2019 de Madame [O] [V], assistante de direction de 2004 à 2016, est sujet à caution compte tenu du risque d'interférence sur son contenu de la part de Monsieur [T] [W], gérant de la SARL Techni Toit Isolation, au regard du mail qu'il lui a adressé le même jour.

L'attestation de Monsieur [C] [K], chef de chantier, ne saurait suffire à démontrer que, comme elle le mentionne, « le chantier Velu de [Localité 5] vendu par Mme [X] allait représenter une catastrophe financière pour l'entreprise que la liste des matériaux et de main d''uvre allait dépasser le montant de la commande » étant trop imprécise et non confirmée par des éléments chiffrés.

En outre, cette attestation et celle de Monsieur [N] [J], sont battues en brèche sur la validation des devis commerciaux par le gérant de la SARL Techni Toit Isolation par celle de Madame [U] [A], reprise par la SARL Techni Toit Isolation dans ses conclusions, selon laquelle : «Les devis des commerciaux sont validés par Monsieur [W]....Le calcul des marges était effectué par mes soins et soumis à Mr [W]. J'ai pu constater que les commissions étaient accordées à tous les commerciaux et dans certains cas même en cas de marge négative. En effet, un chantier négatif pouvait être compensé par un chantier positif et c'était Monsieur [W] qui tranchai ».

Dès lors, le manquement est établi mais étant isolé est portant sur une somme limitée, il est sans gravité.

Madame [M] [X] peut consécutivement prétendre aux commissions et congés payés qu'elle sollicite pour le chantier [R] dont les montants ne sont pas discutés.

En conséquence, la SARL Techni Toit Isolation sera condamnée au paiement de ces sommes et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

En second lieu, le jugement déféré mentionne que les justificatifs des chantiers sur lesquels Madame [M] [X] est intervenue ont été présentés en audience et joints au dossier.

En conséquence, Madame [M] [X] sera déboutée de ses demandes tendant d'une part, à ce qu'il soit enjoint à la SARL Techni Toit Isolation, sous astreinte de lui remettre un relevé intégral, les bons de commandes et les factures relatifs aux ventes qu'elle a opérées et d'autre part, à ce qu'il soit sursis à statuer sur la demande de rappel de salaire au titre des ventes effectuées dans l'attente de ces éléments et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

3-les frais de repas pris sur le lieu de travail

Le contrat de travail ne prévoit pas le remboursement des frais de repas pris sur le lieu de travail, indiquant dans son article 8 intitulé «remboursement de frais» dans la sous partie B concernant les frais de restaurant : « Indépendamment de ses frais de route, la technico-commerciale aura droit au remboursement de ses frais de restaurant exposés au cours de déplacement effectués pour le compte de la société. Ces frais de repas ne seront remboursés que si le déplacement a été effectué dans un rayon supérieur à 30 kilomètres du domicile et dans la limite de 17,00 € par repas. Le règlement aura lieu en même temps que le paiement du traitement fixe, sur présentation de notes de frais accompagnées des pièces justificatives.»

Par ailleurs, la seule attestation de Madame [U] [A], non corroborée par d'autres éléments, est insuffisante à établir la réalité d'un usage d'entreprise constant, fixe et général consistant dans le remboursement de frais de repas pris sur le lieu de travail dont Madame [M] [X] aurait été la seule salariée privée à partir d'une période indéterminée se situant fin 2016.

Dès lors, Madame [M] [X] ne peut prétendre au remboursement de ces frais.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

4-le retard de paiement des salaires

Selon l'article L3242-1 du code du travail, le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois.

L'employeur doit respecter cette règle, ce qui implique, pour les salariés mensualisés, que l'intervalle entre deux paies successives ne doit pas être supérieur à un mois.

En l'espèce, les relevés de compte fournis par Madame [M] [X] font apparaître que la SARL Techni Toit Isolation n'a pas respecté l'intervalle d'un mois entre deux paies mais de manière très limitée et, à chaque fois, pour un temps très court de sorte que le manquement est établi mais il est sans gravité.

Par ailleurs, Madame [M] [X] ne démontre pas la réalité d'un préjudice qui en serait résulté pour elle, l'existence de virements ou d'agios ne suffisant pas à établir qu'un retard de paiement du salaire en est la cause.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

5-les insuffisances des fiches de paie

Contrairement à ce que Madame [M] [X] soutient, la SARL Techni Toit Isolation a répondu par courrier du 22 juin 2016 à son courrier du 16 juin 2016 sollicitant des explications sur les rectifications apportées en février et mai 2017 à son salaire.

En revanche, les bulletins de paie contiennent effectivement des mentions erronées ou incomplètes concernant la convention collective applicable, le jour et le mode de paiement de la paie et le pourcentage de maintien du salaire en cas de placement en arrêt maladie.

Le manquement est établi mais il est sans gravité alors que le contrat de travail mentionne la convention collective applicable et que la contestation de Madame [M] [X] sur le maintien de sa rémunération pendant l'arrêt de travail du mois d'octobre 2016 démontre qu'elle était parfaitement informée de ses droits. D'ailleurs, elle n'invoque pas de préjudice qui en serait résulté pour elle.

Par ailleurs, selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Madame [M] [X] ne formulant pas de demande de dommages-intérêts dans le dispositif de ses dernières conclusions, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

6-le maintien du salaire lors des arrêts maladie

L'article 6.5 de la convention collective applicable prévoit qu'en cas d'arrêt de travail pour une maladie non professionnelle, l'Etam, justifiant d'au moins une année de présence dans l'entreprise, a droit aux prestations suivantes : pendant 90 jours à compter du jour de l'arrêt de travail, l'employeur lui maintiendra ses appointements mensuels dans les conditions de l'article 6-4.

L'article 6.4 de la même convention précise que sous réserve que l'Etam ait établi une subrogation en sa faveur, l'entreprise fait l'avance des prestations dues en cas de maladie. Le montant total des prestations visées à l'article 6.5 ne pourra avoir pour effet d'excéder la rémunération qui aurait été perçue par l'Etam s'il avait travaillé.

Madame [M] [X] indique dans ses écritures que l'absence de maintien de son salaire pour l'arrêt de travail du mois d'octobre 2016 a été régularisée de telle sorte qu'elle a été remplie de ses droits.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

En revanche, le bulletin de paie et l'attestation de paiement des indemnités journalières font apparaître que Madame [M] [X] n'a pas bénéficié du maintien de la totalité de son salaire pendant l'arrêt de travail du mois de février 2017.

Dès lors, le manquement est établi mais il est sans gravité compte tenu du montant des sommes impayées.

En conséquence, la SARL Techni Toit Isolation sera condamnée à payer à Madame [M] [X] les sommes qu'elle sollicite qui la remplissent de ses droits et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

7-le salaire conventionnel

Le salaire brut prévu par la grille des salaires Etam du bâtiment correspondant au coefficient de Madame [M] [X] s'est élevé à 2062 euros à partir du mois de février 2017.

Il ressort des bulletins de paie des mois de février, mars, avril et mai 2017 que le salaire de Madame [M] [X] a dépassé le salaire conventionnel lors du premier de ces quatre mois et que pour les 3 mois qui ont suivi, il a été complété par la SARL Techni Toit Isolation de manière à atteindre ce salaire conventionnel.

En conséquence, Madame [M] [X] sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

8-les prélèvements mutuelle

Les bulletins de paie et le document émanant de Pro BTP intitulé «vos garanties et tarifs prévoyance et santé 2016» suffisent à établir que la cotisation de mutuelle prélevée correspond à un pourcentage fixe du salaire de Madame [M] [X] et que partant, la fluctuation de son montant correspond à la variation du montant de ce salaire.

En conséquence, Madame [M] [X] sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

9-la journée du 2 janvier 2019 et la privation d'une journée de congés payés

Madame [M] [X] n'articule aucun moyen de droit et de fait à l'appui de la demande de sorte qu'elle ne peut qu'en être déboutée.

10-la déclaration des commissions et du complément de salaire pour le calcul des congés payés pendant la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.

La SARL Techni Toit Isolation produit aux débats le «livre détaillé par salarié» et les déclarations nominatives annuelles congés intempéries BTP qui établissent qu'elle a déclaré les commissions perçues par Madame [M] [X] pendant la période en cause pour un montant supérieur à celui qu'elle invoque.

N'ayant pas été payée, la commission du chantier [R] n'est pas incluse dans cette déclaration. Toutefois, la condamnation de la SARL Techni Toit Isolation au paiement des congés payés correspondant à cette commission remplit Madame [M] [X] de ses droits à congés payés.

En conséquence, Madame [M] [X] sera déboutée de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

11-le harcèlement moral

Selon l'article L.1152-1 à 3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, il appartient au juge, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, selon Madame [M] [X], les éléments constitutifs du harcèlement moral ressortent :

-des agissements de la SARL Techni Toit Isolation ayant consisté à la surcharger de travail, à lui faire exécuter des tâches n'entrant pas dans ses fonctions, à porter atteinte à son image et à lui faire subir un traitement discriminatoire ;

-de la dégradation de son état de santé qui en est résultée.

D'abord, Madame [M] [X] qui ne réclame pas le paiement d'heures supplémentaires, n'a pas établi de décompte de ses heures de travail et ne produit pas ses agendas aux débats. Elle se borne à rappeler les tâches énumérées dans son contrat de travail et à communiquer un échange de SMS, trois mails et l'attestation de Monsieur [Z] [I], ancien salarié de la SARL Techni Toit Isolation, démontrant qu'elle a été sollicitée dans la nuit du 19 mai 2017 par les clients d'un chantier qui ne sauraient suffire à établir la surcharge de travail alléguée.

Ensuite, Madame [M] [X] communique les témoignages de 2 anciens salariés, Messieurs [P] [S] et [P] [Y], privés de force probante compte tenu du fort risque de partialité de leurs auteurs qui ne cachent pas leur animosité envers le gérant de la SARL Techni Toit Isolation. Elle fournit également les attestations de deux autres anciens salariés, Messieurs [Z] [I], déjà cité, et [D] [E], qui mentionnent que sur le chantier ayant fait l'objet du sinistre dont il est fait état plus haut, elle a poussé des brouettes. Ce fait isolé ne saurait suffire à établir l'exercice d'autres fonctions que les siennes invoqué.

De même, les attestations de Madame [U] [A] et de Monsieur [D] [E] sont trop imprécises pour rapporter la preuve du comportement dénigrant dénoncé. L'attestation de Monsieur [ZZ] [B] rapportent des faits plus précis mais ils sont concomitants et postérieurs à la rupture du contrat de travail et ne sauraient dès lors caractériser un harcèlement pendant la relation de travail.

Madame [M] [X] se borne également à reproduire dans ses conclusions le témoignage de Madame [U] [A] selon lequel elle a été la seule salariée à se voir opposer un refus à ses demandes de remboursement de repas pris sur le lieu de travail et Monsieur [T] [W] était systématiquement «sur son dos» car elle était fumeuse.

Ce faisant, elle n'invoque aucun des motifs de discrimination prohibés prévus par l'article L1132-1 du code du travail.

Enfin, Madame [M] [X] fournit des arrêts de travail et des ordonnances à partir du mois de mai 2017 ainsi qu'un écrit de la kinésithérapeute ne contenant pas de mention permettant de les relier aux conditions de travail.

Il s'ensuit que Madame [M] [X] présente des éléments qui pour certains ne sont pas établis et pour ceux qui le sont ne permettent pas, pris dans leur ensemble de laisser présumer un harcèlement moral.

Dès lors, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

12-l'avertissement

Selon l'article 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Au nombre des dites sanctions figure l'avertissement.

L'article 1333-1 du même code précise qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Dans la lettre de notification de l'avertissement du 12 janvier 2017, la SARL Techni Toit Isolation reproche à Madame [M] [X] :

-la non réalisation des objectifs 2016 ;

-un laxisme dans les horaires de travail (arrivée au bureau à 9 heures 30/9 heures 45 alors qu'elle n'a pas de rendez-vous et arrivée à 11 heures 20 le 3 janvier 2017) ;

-un insuffisance de rendez-vous par jour ;

-le non respect du tarif de la société sur le chantier [R] ayant entrainé une perte de 8313 euros pour elle ;

-l'absence de mise à jour du système amiante ;

-la circonstance que 3 audits ont du être repoussés en 2017 car elle avait indiqué au gérant qu'elle n'était pas prête.

Madame [M] [X] admet ne pas avoir atteint les objectifs en 2016. Il ne ressort pas du dossier de la procédure que ceux-ci étaient réalisables alors que Madame [M] [X] le conteste.

Pour les raisons déjà invoquées, l'attestation de Madame [O] [V] n'est pas probante et celle de Monsieur [C] [K] est insuffisante à établir le non respect du tarif de la société sur le chantier [R].

La seule attestation de Madame [H] [PS], ancienne salariée de la SARL Techni Toit Isolation, n'est pas suffisante à établir le laxisme dans les horaires et l'insuffisance des rendez-vous par jour reprochés. Il en est de même de la seule attestation de Madame [L] [G], prestation de conseil amiante, pour l'absence de mise à jour du système amiante.

Aucun élément n'est fourni sur le retard de réalisation des audits en 2017 et la raison invoquée par la SARL Techni Toit Isolation.

Dès lors que les faits reprochés à Madame [M] [X] ne sont établis, l'avertissement est injustifié.

En conséquence, il sera annulé et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

La SARL Techni Toit Isolation sera condamnée à payer à Madame [M] [X] la somme de 500 euros en réparation du préjudice résultant de cet avertissement injustifié.

Il résulte des développements qui précèdent que la majorité des manquements invoqués par Madame [M] [X] n'est pas établie et que la minorité qui l'est ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'une démission. Madame [M] [X] sera consécutivement déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes

La SARL Techni Toit Isolation sera condamnée à remettre à Madame [M] [X] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

La SARL Techni Toit Isolation sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée à payer à Madame [M] [X] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sa condamnation aux frais irrépétibles de première instance étant confirmée.

La SARL Techni Toit Isolation sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Confirme le jugement rendu le 31 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Saint Omer sauf en ses dispositions sur le maintien du salaire pendant l'arrêt de travail du mois de février 2017, les congés payés y afférents et les dommages-intérêts pour l'avertissement injustifié ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL Techni Toit Isolation à payer à Madame [M] [X] les sommes suivantes :

-38,97 euros au titre du maintien du salaire pendant l'arrêt maladie du mois de février 2017 et 3,89 euros au titre des congés payés y afférents,

-500 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

-1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SARL Techni Toit Isolation à remettre à Madame [M] [X] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte conformes au présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SARL Techni Toit Isolation aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/00922
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;20.00922 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award