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27/05/2022 | FRANCE | N°20/00802

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 27 mai 2022, 20/00802


ARRÊT DU

27 Mai 2022







N° 840/22



N° RG 20/00802 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3GD



MD/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

18 Décembre 2019

(RG F 18/00222 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [U] [C] épouse [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Elodie HANNOIR, avocat au barreau de BETHUNE





INTIMÉE :



Société EBS LE RELAIS NORD PAS DE CAL...

ARRÊT DU

27 Mai 2022

N° 840/22

N° RG 20/00802 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3GD

MD/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

18 Décembre 2019

(RG F 18/00222 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [U] [C] épouse [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Elodie HANNOIR, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMÉE :

Société EBS LE RELAIS NORD PAS DE CALAIS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe LOONIS, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l'audience publique du 22 Mars 2022

Tenue par Monique DOUXAMI

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 février 2022

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Madame [U] [C] épouse [H] (ci-après Madame [U] [H]) a été embauchée par la Scop SA Le Relais Nord Pas de Calais (ci-après la Scop SA Le Relais NPDC) en qualité d'agent d'exploitation à compter du 22 avril 2003.

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 6 janvier 2016 au 10 novembre 2016.

Le 2 décembre 2016, le médecin du travail a émis l'avis suivant : «une inaptitude est à prévoir ; à revoir dans 15 jours article R.4624-31 du code du travail. En attendant, ne peut effectuer aucune activité en temps complet avec port de charge de plus de 7 kg et avec les bras au-dessus du plan du c'ur. Peut effectuer une activité à temps partiel comme par exemple une activité de vente avec aménagement des conditions de travail.»

Le 16 décembre 2016, le médecin du travail a émis l'avis suivant : «inapte au poste, apte à un autre poste ; article R.4624-31 du code du travail. Étude de poste réalisée le 9 décembre 2016. Ne peut effectuer aucune activité à temps complet avec port de charge de plus de 7 kg avec les bras au-dessus du plan du c'ur. Peut effectuer une activité à temps partiel comme par exemple une activité de vente.»

Par courrier du 23 décembre 2016, Madame [U] [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour inaptitude.

Par courrier du 13 janvier 2017, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par demande réceptionnée par le greffe le 21 septembre 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune aux fins de contester son licenciement et d'obtenir la condamnation de la Scop SA Le Relais NPDC au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, dommages-intérêts pour licenciement abusif et frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 18 décembre 2019, la juridiction prud'homale l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a débouté la Scop SA Le Relais NPDC de sa demande relative aux frais irrépétibles et a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 17 janvier 2020, Madame [U] [H] a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 19 janvier 2021, elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement déféré ;

-condamner la Scop SA Le Relais NPDC au paiement, outre des dépens, des sommes suivantes :

*2860,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 286,04 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*15.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la Scop SA Le Relais NPDC à lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter du 1er jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

-débouter la Scop SA Le Relais NPDC de l'intégralité de ses demandes.

Elle soutient en substance que la Scop SA Le Relais NPDC n'a pas respecté son obligation de reclassement. Elle n'a été destinataire d'aucune proposition de reclassement alors que le médecin du travail a retenu une aptitude résiduelle relativement large, la société, qui compte plus de 800 salariés, dispose de multiples boutiques et fait partie d'un groupe implanté dans de nombreuses régions de France et à l'étranger. La recherche de reclassement est postérieure à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, l'information donnée aux entreprises est incomplète, le délai de réponse de celles-ci est très rapide, la procédure de licenciement a été engagée avant la réception de toutes les réponses, la Scop SA Le Relais du NPDC ne fournit pas le livre des entrées et des sorties et le seul document qu'elle communique fait apparaître des embauches concomitantes à l'engagement de la procédure de licenciement.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 19 octobre 2020, la Scop SA Le Relais NPDC demande à la cour de :

-débouter Madame [U] [H] de l'ensemble de ses demandes ;

-confirmer le jugement déféré ;

-subsidiairement, limiter dans de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités et qui ne sauraient excéder 6 mois de salaire et débouter Madame [U] [H] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-condamner Madame [U] [H] au paiement de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel qu'elle a recherché loyalement mais sans succès dès le 26 décembre 2016 le reclassement de Madame [U] [H] selon les préconisations du médecin du travail. L'ensemble des sociétés du groupe le Relais atteste avoir été régulièrement consulté et confirme l'absence de poste de reclassement. La lettre adressée à chaque structure est précise. Le registre du personnel versé aux débats établit qu'aucune embauche à un poste compatible avec les capacités restantes de Madame [U] [H] n'a été effectuée. Certaines sociétés du groupe ont une activité, une organisation ou un lieu d'exploitation ne permettant pas la permutation du personnel. Dans les sociétés du Relais, auxquelles la recherche devait être limitée, les lieux éloignés de ceux du travail de Madame [U] [H] ne permettaient pas une permutation, elles n'ont pas répondu pour indiquer qu'elles avaient un poste disponible compatible avec les capacités physiques restantes de Madame [U] [H] et elles l'ont ensuite confirmé par écrit.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Selon l'article Ll226-2 du code du travail, dans sa version applicable, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Selon l'article L1226-2-1 du même code, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre Il du titre III du présent livre.

C'est à l'employeur de justifier tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel celle-ci appartient de recherches d'un autre emploi approprié au salarié en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail. Les recherches et propositions de reclassement doivent être sérieuses et loyales.

La méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident non professionnel prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la Scop SA Le Relais NPDC n'a adressé aucune proposition de reclassement à Madame [U] [H] dont les capacités résiduelles lui permettaient notamment d'exercer une activité de vente à temps partiel.

En premier lieu, la convocation à l'entretien préalable en vue d'une «éventuelle mesure de licenciement pour inaptitude» du 23 décembre 2016 a été adressée à Madame [U] [H] seulement 4 jours après l'avis d'inaptitude du 19 décembre 2016 et avant l'envoi le 26 décembre 2016 du courriel de recherche de reclassement aux autres établissements de la société et du groupe.

La brièveté du délai entre la constatation de l'inaptitude et l'engagement de la procédure de licenciement alliée à l'antériorité de celui-ci par rapport à la mise en 'uvre de la recherche de reclassement suffisent à démontrer l'absence de loyauté et de sérieux de cette recherche voire son caractère totalement fictif.

En second lieu, la Scop SA Le Relais NPDC communique un document numéro 10 ne comportant aucun élément permettant de l'identifier comme son registre du personnel pour la période du 2 novembre 2016 au 13 février 2017 et partant, de confirmer ses allégations selon lesquelles, elle ne disposait d'aucun poste disponible compatible avec les restrictions du médecin du travail.

En troisième lieu, la Scop SA Le Relais du NPDC, qui admet faire partie d'un groupe, se borne à produire :

-le courriel de recherche de reclassement qu'elle a adressé le 26 décembre 2016 à quarante trois structures de la société et du groupe,

-les courriels de réponse négative de trois de ces structures des 26 décembre 2016 et 27 décembre 2016,

-des attestations de neuf autres de ces structures non probantes comme étant sujettes à caution alors qu'elles ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, ont été rédigées pendant la procédure judiciaire (le 7 juin 2019 pour 8 d'entre elles et le 21 juin 2019 pour la dernière) et de manière stéréotypée (reprenant exactement les mêmes termes) ;

-des extraits des sites internet de 5 sociétés du groupe.

Ces éléments ne permettent pas d'avoir une connaissance exhaustive des contours de la société et du groupe auquel elle appartient et par-là même de démontrer que la Scop SA Le Relais NPDC a bien respecté le périmètre de reclassement en adressant sa recherche à l'ensemble des établissements de la société et des sociétés du groupe. Au demeurant, les extraits précités des sites internet de 5 sociétés sont insuffisants à démontrer, que comme la Scop SA Le Relais du NPDC le soutient, leur activité, leur organisation et leur lieu d'exploitation ne permettaient pas une permutation. De même, cette absence de possibilité de permutation au sein de la Scop SA Le Relais NPDC ne saurait résulter, comme elle le prétend également, du seul éloignement de certains établissements du lieu de travail de Madame [U] [H].

Dès lors que la Scop SA Le Relais NPDC ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié inapte dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement a droit à l'indemnité prévue par l'article L1234-5 du code du travail.

Madame [U] [H] peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents qu'elle sollicite dont les montants ne sont pas discutés.

Compte tenu des circonstances du licenciement, du salaire de référence de Madame [U] [H], de son ancienneté, de son âge et de sa capacité à retrouver un emploi, justifiant avoir été indemnisée par Pôle emploi en 2017 et avoir démarré une activité d'auto-entrepreneur en 2018, il lui sera alloué la somme de 11.000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Scop SA Le Relais NPDC sera condamnée au paiement de ces sommes et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur les autres demandes

La Scop SA le Relais NPDC sera condamnée à remettre à Madame [U] [H] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes au présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

La Scop SA Le Relais NPDC sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Madame [U] [H] la somme de 3000 euros sur ce même fondement.

La Scop SA Le Relais NPDC sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Le jugement déféré sera confirmé et complété en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Infirme le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Béthune en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la Scop SA Le Relais NPDC à payer à Madame [U] [H] les sommes suivantes :

-2860,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 286,04 euros au titre des congés payés y afférents,

-11.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Scop SA Le Relais NPDC à remettre à Madame [U] [H] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes au présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la Scop SA Le Relais NPDC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/00802
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;20.00802 ?
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