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19/05/2022 | FRANCE | N°21/04776

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 19 mai 2022, 21/04776


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 19/05/2022





****





N° de MINUTE : 22/221

N° RG 21/04776 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2PI



Ordonnance (N° 21/00422)rendue le 20 août 2021 par le président du tribunal judiciaire de Lille





APPELANTE



Société Maif - Mutuelle Assurance des Instituteurs de France immatriculée sous le n° 775 709 702

[Adresse 4]

[Localité

7]



Représentée par Me Stéphane Robilliart, avocat au barreau de Lille



INTIMÉES



Madame [Z] [O]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

[Adresse 9]

[...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 19/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/221

N° RG 21/04776 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2PI

Ordonnance (N° 21/00422)rendue le 20 août 2021 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Société Maif - Mutuelle Assurance des Instituteurs de France immatriculée sous le n° 775 709 702

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Stéphane Robilliart, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Madame [Z] [O]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Marc-Antoine Zimmermann, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Roubaix-[Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 6]

À laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 13 octobre 2021 à étude

DÉBATS à l'audience publique du 03 mars 2022 tenue par Danielle Thébaud magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 février 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [Z] [O] (Mme [O]) a été victime d'un accident de la circulation survenu le 26 septembre 2017 imputable au conducteur du véhicule adverse assuré auprès de la société MAIF.

Dans le cadre de la convention IRCA, la société AXA, assureur du véhicule de Mme [O] a été mandatée pour indemniser son préjudice et a missionné le docteur [D], expert qui a déposé des conclusions provisoires.

Une seconde expertise s'est déroulée sans caractère contradictoire dans la mesure où Mme [O] a refusé que la société MAIF soit représentée par son médecin-conseil le docteur [G] puis par le docteur [X]. Un avis sapiteur a par ailleurs été demandé par le docteur [D] au docteur [P], psychiatre.

Le docteur [D] a déposé son rapport le 3 novembre 2020.

La société MAIF a présenté à Mme [O] une offre d'indemnisation définitive le 25 novembre 2020 sur la base du rapport du docteur [D] d'un montant global de 1'465,92 euros dont à déduire les provisions déjà versées pour une somme de 2'747,92 euros soit un solde à percevoir de 18 718 euros.

En désaccord avec les conclusions du docteur [D] et l'offre indemnitaire, suivant exploit en date du 14 avril 2021, Mme [O] a fait assigner la société MAIF devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins que soit organisée une expertise médicale, et que la société MAIF soit condamnée à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance rendue le 20 août 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

1- renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur le fond du litige,

2- ordonné une expertise médicale de Mme [O],

3- fixé à la somme de 1 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par Mme [O],

4- déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 6] ;

5- condamné la société MAIF à verser à Mme [O] la somme provisionnelle de 18'718 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;

6- condamné la société MAIF à verser à Mme [O] la somme provisionnelle de 2'000 euros à titre de provision ad litem ;

7- condamné la société MAIF à verser à Mme [O] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

8- condamné la société MAIF aux dépens ;

Par déclaration du 8 septembre 2021, la société MAIF a formé appel de cette ordonnance en limitant la critique de son dispositif aux seules dispositions numérotées 5, 6, 7 et 8 ci-dessus.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2021, la société MAIF, appelante, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance sur les points 5, 6, 7 et 8 rappelés ci-dessus et,

Statuant à nouveau de :

- débouter Mme [O] de sa demande de condamnation à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;

- subsidiairement, fixer le montant de la condamnation à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de Mme [O] à la somme de 5 000 euros ;

- la débouter de sa demande de condamnation à titre de provision ad litem ;

- la débouter de sa demande de condamnation aux frais et dépens de première instance et aux frais de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens d'appel ;

- la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la remise en cause des conclusions du docteur [D] rend le droit de créance de Mme [O] contestable quant à son quantum en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile,

- Mme [O] sollicite à titre de provision que lui soit en réalité allouée l'offre présentée par la MAIF qui avait le caractère d'une indemnisation définitive,

- le juge des référés ne peut accorder une provision en portant une appréciation sur le fond du litige, or il s'est fondé sur l'évaluation faite par le docteur [D] dont il a indiqué qu'elle n'était pas surévaluée,

- à titre subsidiaire, elle propose de limiter cette demande de provision à la somme de

5 000 euros,

- sur la provision ad litem :

- d'une part, Mme [O] ne justifie pas de sa situation financière justifiant qu'il soit fait droit à une telle demande ; que le dossier de Mme [O] est pris en charge par une assurance de protection juridique de sorte qu'elle n'aura pas à financer les frais d'expertise et les frais de procédure,

- d'autre part, le principe de la créance des frais d'expertise et de médecin conseil, est sérieusement contestable car rien ne dit que le juge du fond qui sera appelé à statuer ultérieurement sur le litige mettra à la charge de la MAIF ces frais.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 22 octobre 2021, Mme [O], intimée, demande à la cour de :

- débouter la MAIF de ses entières demandes,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamné à lui payer :

- une somme provisionnelle de 18 718 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- une somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de provision ad litem,

- une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner la société MAIF à lui payer une somme complémentaire de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; outre les entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- La société MAIF a accepté les conclusions du Dr [D], proposant de les entériner par sa proposition indemnitaire,

- il est difficilement concevable que l'expert judiciaire puisse les estimer, quant à lui, sur-évaluées,

- l'offre de la société MAIF s'appuie sur des bases indemnitaires largement en deçà des usages admis,

- l'indemnisation de son préjudice ne pourra que se situer au-dessus de la proposition indemnitaire de la MAIF,

- il est établi que cette offre correspond à une partie des droits d'ores et déjà acquis de la victime, elle est donc parfaitement fondée à en solliciter le versement immédiat, s'agissant de l'exécution d'une obligation non sérieusement contestable,

- elle ne bénéficie ni de l'aide juridictionnelle, ni de l'assistance d'un quelconque assureur, et doit faire face elle-même aux dépenses du procès,

- elle a effectué la consignation destinée à garantir la rémunération de l'expert sur ses propres deniers, au moyen d'un chèque de banque pour en garantir l'encaissement.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de provision':

Aux termes de l'article 835 alinéa 3 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Les dispositions précitées exigent l'existence d'une obligation non sérieusement contestable comme condition à l'octroi d'une provision par le juge des référés.

La cour rappelle qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du requérant n'apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond ; qu'en conséquence, la contestation sérieuse est celle qui paraît susceptible de prospérer au fond.

En l'espèce, la société MAIF ne conteste pas devoir indemniser Mme [O] des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'accident de la circulation survenue le 26 septembre 2017. Le principe de l'obligation de payer incombant à la société MAIF n'est donc pas sérieusement contestable.

Seul le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée est de nature à limiter le quantum de la provision.

Mme [O] verse aux débats l'offre d'indemnisation formulée par la MAIF à la suite du rapport d'expertise du Docteur [D] du 18 novembre 2019. Sur la base de ce rapport, elle offrait le versement d'un montant de 18 718 euros, après déduction du versement de la provision de 2 747,92 euros versée à Mme [O].

Elle a refusé cette offre qu'elle considère sous-évaluée, et ne correspondant qu'à une partie de l'indemnisation de ses préjudices corporels, aux motifs notamment, que l'expert a fixé une date de consolidation prématurée, un taux de déficit fonctionnel permanent insuffisant, n'a pas pris en compte le retentissement professionnel, ni déterminé le poste relatif à l'incidence professionnelle et au préjudice esthétique.

Il résulte des éléments médicaux versés en pièces 6, 7, 8, qu'à la suite de l'accident dont elle a été victime, Mme [O] née le [Date naissance 2] 1989, a subi un traumatisme cervical, des contractures du trapèze gauche, des douleurs du muscle du grand dorsale gauche nécessitant une ITT de 10 jours, et des séances de rééducation, ainsi qu'un traitement antalgique et myorelaxant et le port d'un collier cervical ; qu'elle a subi une perte importante et diffuse de cheveux apparue dans les suites de l'accident nécessitant une prise en charge par un dermatologue, le docteur [V] en 2017 ; une hospitalisation du 15 au 20 novembre 2017 à l'hôpital de [Localité 5] dans le service de neurologie pour prise en charge d'une céphalée fébrile à bilan négatif ; des céphalées toujours présentes, une algie cervico-brachiale très invalidante avec contractures, nécessitant un consultation chez un rhumatologue, le docteur [Y], qui a diagnostiqué le 27 avril 2018, "[...]une entorse cervicale compliquée d'un syndrome subjectif des traumatisés du cou, laissant place au développement de céphalées cervico-géniques et de douleurs .diffuses chroniques[...]" ; le service de neurochirurgie du centre hospitalier de [Localité 8] concluant au décours d'une consultation le 25 juin 2019 à "[...] la patiente a donc un tableau de céphalées chroniques quotidiennes hémicraniennes droites intriquées à des céphalées de tension musculaire évoquant un tableau de migraine chronique post accident de la voie publique[...]".

Les pièces médicales versées aux débats pour les années 2019 et 2020 (pièces [O] n°8, et 9) enseignent que Mme [O] présente à distance de l'accident des troubles persistants. Ainsi, son médecin traitant le docteur [W] indique dans un certificat médical en date du 26 novembre 2019 "[...] certifie que depuis son accident de voiture du 27 septembre 2017, la patiente présente des cervicalgies invalidantes diurnes et nocturnes ainsi que des dorsalgies invalidantes. Pour cette symptomatologie la patiente effectue régulièrement des séances de kinésithérapie. Les séances de kinésithérapie se poursuivent toujours actuellement (3 fois/semaine) car elles sont nécessaires. La patiente est également suivie en rhumatologie pour des douleurs de hanche qui sont également apparues dans les suites de son accident de la voie publique du 27 septembre 2017 . Elle a subi pour cela 2 infiltrations antalgiques [...]".

En outre, il résulte des pièces 9 et 10, versées par Mme [O], que depuis l'accident, elle bénéficie d'un suivi psychiatrique, assuré depuis septembre 2018 par le docteur [U], qui le 22 septembre 2020, indiquait au décours d'une consultation, qu'elle avait présenté un stress post-traumatique, avec des attaques de panique, et qu'elle présentait toujours, des troubles du sommeil, des reviviscences invalidantes de l'accident, qu'elle ne conduisait plus, et préconisait une thérapie et la continuité du traitement antidépresseur. Troubles toujours existant lors de la consultation du 2 février 2021.

Par ailleurs, au regard des blessures subies, des traitements endurés et de ceux qu'elle endure encore, il apparait que les souffrances endurées ne peuvent être quantifiées à un niveau moindre que modéré.

En fonction de l'ensemble de ces éléments, l'indemnisation des préjudices corporels de Mme [O] est non sérieusement contestable à hauteur de 18 718 euros, la provision accordée par le juge des référés n'apparait nullement excessive et elle sera donc confirmée, comme le demande Mme [O].

Sur la provision ad litem':

Aucune disposition ne limite ou n'exclut le pouvoir du juge des référés d'allouer une provision pour le procès, sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dès lors que l'obligation n'est pas sérieusement contestable. En outre, l'allocation d'une telle provision ad litem n'est pas subordonnée à la preuve de l'impécuniosité de la partie qui en sollicite l'attribution (C. Cass, Chambre civile 2, 02 juillet 2009, 08-17881).

En l'espèce, la MAIF ne conteste pas le principe d'une responsabilité et d'une garantie des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme [O], alors que l'expertise ordonnée n'a pour but que de déterminer le montant exact de la créance de cette victime.

Puisque l'existence de l'obligation d'indemnisation pesant sur la compagnie MAIF n'est pas sérieusement contestable, Mme [O], qui n'est pas tenue de poursuivre la voie amiable, est fondée à se voir octroyer une provision pour frais de procès, lesquels ne se limitent pas aux frais d'expertise, dont elle justifie avoir verser la consignation pour une somme de 1000 euros.

Outre le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, il convient d'intégrer également l'assistance d'un conseil au cours des opérations d'expertise pour fixer à 2 000 euros le montant non contestable de la provision ad litem dont doit bénéficier Mme [O]. Le premier juge ayant exactement fixé le montant de la provision réclamée, l'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner la MAIF, outre aux entiers dépens d'appel, à payer à Mme [O] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 20 août 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant':

Condamne la société MAIF Mutuelle assurances des instituteurs de France aux dépens d'appel ;

Condamne la société MAIF Mutuelle assurances des instituteurs de France à payer à Mme [Z] [O] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04776
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.04776 ?
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