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19/05/2022 | FRANCE | N°21/03737

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 19 mai 2022, 21/03737


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 19/05/2022





****





N° de MINUTE : 22/215

N° RG 21/03737 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXJY



Ordonnance (N°20/03633 ) rendue le 20 mai 2021 par le juge de la mise en état de Lille





APPELANTE



SCI DON-JE

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Anthony Bertrand, avocat au barreau de Lille substitué par M

e Boidin, avocat au barreau de Lille



INTIMÉES



SCP Carre Desrousseaux Dubois Servent

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille substitué par Me Olivier Pl...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 19/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/215

N° RG 21/03737 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXJY

Ordonnance (N°20/03633 ) rendue le 20 mai 2021 par le juge de la mise en état de Lille

APPELANTE

SCI DON-JE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Anthony Bertrand, avocat au barreau de Lille substitué par Me Boidin, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

SCP Carre Desrousseaux Dubois Servent

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Véronique Vitse-Boeuf, avocat au barreau de Lille substitué par Me Olivier Playoust, avocat au barreau de Lille

Société Credit Agricole Nord de France prise en la personne de de Madame [N] [U], chef du service juridique

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 02 mars 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 février 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 27 mai 2021, la SCI Don-Je (la SCI) a contracté un prêt d'un montant de 155'000 euros auprès de l'agence Crédit agricole de [Localité 7] (le Crédit agricole) afin d'acquérir un bien immobilier. En 2015, la SCI a renégocié son prêt auprès de la Banque populaire du Nord et a contracté un nouveau prêt, suivant acte régularisé le 10 juin 2015 par l'étude de M. [C], notaire en charge de procéder aux formalités relatives au remboursement anticipé du prêt initial contracté auprès du Crédit agricole. Afin d'y procéder, M.'[C] a sollicité auprès du Crédit agricole le décompte actualisé des remboursements ainsi que son relevé d'identité bancaire (RIB) le 10 juin 2015. Le Crédit agricole a transmis le même jour le RIB de la SCI. Le 11 juin 2015, M. [C] a viré sur le compte de la SCI la somme de 139'876 euros pour procéder au remboursement du crédit souscrit auprès du Crédit agricole.

Or, la SCI déclare n'avoir découvert cette erreur qu'en 2020 lorsqu'elle a procédé à la vente de l'immeuble et constaté que la précédente inscription hypothécaire n'avait pas été levée par le notaire. Le Crédit agricole a ainsi continué à prélever les échéances en principal et en accessoires sur le compte de la SCI.

Les tentatives de résolution amiables ayant échoué, par acte du 12 juin 2020, la SCI a assigné devant le tribunal judiciaire de Lille la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du nord de France et la SCP [C] Desrousseaux Dubois Servent (la SCP notariale) aux fins de les voir condamnées au paiement de la somme de 26'975,21 euros à titre de dommages et intérêts.

Le Crédit agricole et la SCP notariale le notaire se sont opposés par voie d'incident à cette demande en invoquant l'acquisition de la prescription.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance d'incident rendue le 20 mai 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a :

'déclaré irrecevable l'action de la SCI Don-Je ;

'dit que l'incident mettait fin à l'instance ;

'dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la SCI Don-Je aux dépens de l'incident.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 7 juillet 2021, la SCI a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l'ordonnance d'incident rendue le 20 mai 2021.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2022, la SCI

demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de':

- réformer l'ordonnance du 20 mai 2021 ;

Statuant à nouveau ;

- déclarer non prescrite, recevable et bien fondée son action ;

- renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Lille afin qu'il soit statué sur le fond ;

- condamner le Crédit agricole et le notaire à lui payer une somme de 2'000 euros chacun ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- en matière bancaire, la jurisprudence retient comme point de départ du délai de prescription des actions en contestation de sommes indûment prélevées la date de réception des relevés bancaires ;

- le relevé bancaire de son compte a été arrêté et édité le 30 juin 2015 ;

- la convention de compte courant de la banque prévoit d'ailleurs comme point de départ du délai de prescription pour contester une opération la date du relevé et non la date de l'opération ;

- son action n'est cependant pas une action en contestation d'une opération figurant sur un relevé de compte devant relever du délai de prescription conventionnel prévu à l'article 2-4-2 de la convention de compte courant puisqu'il s'agit d'une action en responsabilité, soit une action relevant du délai de prescription de l'article 2224 du code civil ;

- le Crédit agricole ne démontre pas qu'elle a consulté son compte à la date du virement, à supposer que l'existence d'un accès à distance soit démontré ;

- au surplus, il n'existe aucune obligation de consultation ;

- la question n'est pas de savoir combien de temps elle a mis pour s'apercevoir de l'erreur commise le 11 juin 2015 mais à partir de quelle date elle aurait pu s'en apercevoir ;

- elle n'avait pas à vérifier la bonne exécution des missions confiées à des professionnelles en qui elle avait confiance et pensait légitimement qu'elle n'avait plus à intervenir dans cette opération ;

- c'est seulement le 8 octobre 2015, date à laquelle elle a reçu le décompte de l'étude notariale faisant ressortir les diligences effectuées par le notaire, qu'elle aurait pu se rendre compte de l'erreur commise.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 octobre 2021, la SCP notariale

([C] Desrousseaux Dubois Servent), intimée, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille le 20 mai 2021 en ce qu'elle a déclaré l'action de la SCI Don-Je à son encontre irrecevable, dit que l'incident mettait fin à l'instance et condamné la SCI Don-Je à supporter les dépens de l'instance';

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la SCI Don-Je à lui verser une somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;

Dans tous les cas,

- condamner la SCI Don-Je à lui verser la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;

- condamner la SCI Donc-Je aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- dès le 11 juin 2015, la SCI avait eu connaissance du fait que la somme qui lui avait été prêtée par la Banque populaire n'avait pas été virée directement sur le compte du Crédit agricole ;

- l'action en responsabilité initiée le 12 juin 2020, soit plus de 5 ans plus tard, est en conséquence irrecevable car prescrite ;

- par son importance, la mention d'une écriture de 139 876 euros sur le relevé d'un compte bancaire attire nécessairement l'attention de son titulaire.

4.3. Aux termes de ses conclusions notifiées le 5 octobre 2021, la Caisse régionale

de crédit agricole mutuel nord de France, intimée s'étant constituée, demande à la cour de :

- dire mal appelé et bien jugé ;

- confirmer en tous points l'ordonnance d'incident rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille le 20 mai 2021 ;

- condamner la SCI Don-Je à lui verser la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Donc-Je aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- après avoir rappelé les dispositions de l'article 2254 du code civil, la convention de compte courant prévoit à l'article 2-4-2 un délai de 15 jours à compter de la date du relevé pour contester une opération ;

- ainsi, l'action diligentée par la SCI est prescrite car le délai de prescription conventionnel a largement expiré ;

- concernant le délai de prescription légal prévu à l'article 2224 du code civil, l'assignation datant du 12 juin 2020, l'action est irrecevable car la SCI avait connaissance ou aurait dû connaître les faits dès le 11 juin 2015 ;

- elle rappelle que la SCI dispose d'un accès en ligne, de sorte que dès le 11 juin 2015, celle-ci pouvait prendre connaissance de l'opération ;

- les jurisprudences citées par la SCI concernent des faits d'espèce différents de ceux de la cause ;

- les associés de la SCI étaient présents chez le notaire le 10 juin 2015 et devaient s'enquérir de la bonne exécution de l'opération et tout contractant normalement diligent se serait immédiatement inquiété de la réception des fonds issus du prêt ;

- le juge de la mise en état a bien motivé sa décision qu'il convient de confirmer.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière bancaire, la date de réception des relevés bancaires constitue le point de départ du délai de prescription des actions au sens de l'article 2224 précité.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour rappelle que l'action intentée par la SCI étant une action en responsabilité et non une réclamation au sens de l'article 2-4-2 de la convention de compte courant, cette action est soumise au délai de prescription prévu à l'article 2224 du code civil et non au délai de prescription conventionnel comme le soutient le Crédit agricole.

La cour observe tout d'abord qu'il n'est pas contesté que les faits litigieux ont été réalisés le 11 juin 2015 et que le relevé bancaire faisant état du virement critiqué par la SCI date du 30 juin 2015.

Si le Crédit agricole et le notaire soutiennent que la SCI a pu ou aurait dû consulter son compte en ligne en se connectant sur son espace client et ce dès le 11 juin 2015, force est de constater qu'ils n'apportent pas la preuve que la SCI disposait bien d'un espace en ligne lui permettant de consulter son compte ni que la SCI s'est bien livrée à une telle consultation.

La cour constate de plus qu'il ne repose sur la SCI aucune obligation de consultation de ses comptes par l'intermédiaire d'un espace en ligne. Il convient au contraire de rappeler qu'en droit bancaire, le point de départ du délai de prescription court à compter de la date de réception des relevés bancaires dans lesquels figurent les faits permettant d'exercer l'action.

Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir à compter du 30 juin 2015, date de réception non contestée du relevé bancaire faisant état de l'opération litigieuse.

Or, l'assignation étant intervenue dans le délai prévu à l'article 2224 du code civil, il s'ensuit que l'action n'est pas prescrite et par conséquent est recevable.

L'ordonnance dont appel sera ainsi infirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance querellée sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole et le notaire qui succombent seront condamnés à payer à la SCI la somme de 1'500 euros chacun ainsi qu'aux entiers frais et dépens en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 mai 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de de la SCI Don-je à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du nord de France et de la SCP Carre Desrousseaux Dubois Servent ;

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel nord de France et la SCP [C] Desrousseaux Dubois Servent en première instance et en appel aux entiers dépens ;

Les condamne en outre à payer à la société SCI Don-Je la somme de 1 500 euros chacune au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03737
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.03737 ?
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