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19/05/2022 | FRANCE | N°16/05984

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 19 mai 2022, 16/05984


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 19/05/2022





****

N° de MINUTE : 22/224

N° RG 16/05984 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QEBN



Jugement (N° 16/01104) rendu le 30 août 2016 par le tribunal de grande instance de Cambrai





APPELANTES



Madame [E] [N] (décedée)



Madame [O] [U] tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de [E] [B] épouse [N]

née le [Date nai

ssance 3] 1977 à [Localité 21] ([Localité 12])

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 20]



Représentée Par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille



INTIMÉS



Madame [C] [F]

de ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 19/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/224

N° RG 16/05984 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QEBN

Jugement (N° 16/01104) rendu le 30 août 2016 par le tribunal de grande instance de Cambrai

APPELANTES

Madame [E] [N] (décedée)

Madame [O] [U] tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de [E] [B] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 21] ([Localité 12])

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 20]

Représentée Par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Madame [C] [F]

de nationalité française

[Adresse 19]

[Localité 11]

Représentée par Me Elsa Demailly, avocat au barreau de Cambrai et Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille

Etablissement CNRACL gérée par la Caisse des Dépots et Consignations, établissement spécial, agissant poursuites et diligences de son directeur général, domicilié en cette qualité audit siège, ci après dénonmmé la CDC dont le siège social est situé [Adresse 25]

[Adresse 10]

[Localité 16]

Représenté par Me Raphaël Thery, avocat au barreau de Douai

Madame [Y] [U]

de nationalité française

[Adresse 14]

[Localité 13]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 19 août 2020 à étude

Monsieur [P] [U]

de nationalité française

[Adresse 9]

[Localité 20]

Auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 20 août 2020 à étude

Monsieur [H] [U]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 15]

Auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 20 août 2020 à étude

SNC Sofaxis anciennement dénommée Neeria agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de mandataire express de la commune de [Localité 22] St Remy prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

intervenante volontairement

[Adresse 24]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai et Me Alain Tanton, avocat au barreau de Bourges

Société GMF

[Adresse 2]

[Localité 18]

Représentée par Me Elsa Demailly, avocat au barreau de Cambrai et Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille

SA CNP Assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

(mise hors de cause par arrêt du 16.11.2017)

[Adresse 8]

[Localité 17]

Représentée par Me Raphaël Thery, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l'audience publique du 02 mars 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 février 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

[E] [B] veuve [N] ([E] [N]), circulant le [Date mariage 5] 2012 à [Localité 22]-Saint-Rémi (59) sur son cyclomoteur, a été percutée par l'avant droit du véhicule automobile de Mme [C] [F], assurée auprès de la société GMF assurances (GMF), laquelle sortait du parking du stade de football et traversait la piste réservée aux piétons et cyclistes pour gagner le rond-point situé à proximité.

[E] [N] a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance, un traumatisme de l'épaule gauche avec suspicion de lésion du plexus brachial, une plaie de l'index droit avec section complète du fléchisseur profond, enfin une fracture à grand déplacement du tibia et du péroné gauches.

Par exploits d'huissier du 15 juin 2015, [E] [N] a fait assigner Mme [F] et son assureur, la GMF, ainsi que la société CNP assurances devant le tribunal de grande instance de Cambrai aux fins notamment d'obtenir une mesure d'expertise médicale judiciaire, une provision de 20'000 euros à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel, outre la réparation de son préjudice matériel.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 30 août 2016, le tribunal de grande instance de Cambrai a a rejeté les demandes indemnitaires formulées par [E] [N], et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance considérant, sur le fondement de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, qu'elle avait commis une faute exclusive de son droit à indemnisation.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 30 septembre 2016, [E] [N] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l'intégralité du dispositif de ce jugement.

4. La procédure d'appel :

Par arrêt du 16 novembre 2017, la cour d'appel de Douai a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, prononçant à nouveau, a notamment':

- mis la société CNP assurances hors de cause';

- dit que le droit de [E] [N] à réparation de ses préjudices à la suite de l'accident dont elle avait été victime le 3 juin 2012 à [Localité 22]-Saint-Rémi devait être limité à 50%';

- condamné in solidum Mme [F] et son assureur, la GMF, à payer à [E] [N] la somme de 375 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, et celle de 20'000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel';

- ordonné une mesure d'expertise médicale judiciaire de [E] [N]';

- condamné solidairement Mme [F] et la GMF à verser à [E] [N] une indemnité de procédure de 1'500 euros, les débiteurs de cette somme étant eux-mêmes déboutés de leur demande indemnitaire à cette fin';

- condamné [E] [N] à verser à la société CNP assurances une indemnité de procédure de 750 euros';

- condamné solidairement Mme [F] et la GMF aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP d'avocats Toulet-Delbar-Bondue-Fischer, conseils de [E] [N], et Me [A], conseil de la société CNP assurances, le tout conformément à l'article 699 du code de procédure civile';

- renvoyé le cause et les parties, à l'exception de la société CNP assurances mise hors de cause, à une audience de mise en état.

Par acte du 16 avril 2018, [E] [N] a fait assigner en intervention forcée devant la cour d'appel de Douai la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en tant que gérante et représentante de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) afin de lui voir déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable.

Le docteur [I], expert judiciaire, après s'être adjoint un sapiteur neurologue en la personne du docteur [L], a déposé au greffe son rapport d'expertise judiciaire du 15 octobre 2019.

Par conclusions du 16 décembre 2019, [E] [N] a demandé à la cour la condamnation de Mme [F] et de la GMF à l'indemniser de ses préjudices corporels.

[E] [N] est décédée le [Date décès 7] 2019 en cours d'instance, laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Mme [Y] [U], M.'[P] [U], Mme [O] [U], et M.'[H] [U].

Par ordonnance du 26 mai 2020, le magistrat de la cour chargé de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance par le décès de [E] [B] veuve [N].

Suivant conclusions notifiées le 17 août 2020, l'instance a été reprise par Mme [O] [U] agissant tant en qualité d'ayant droit de la défunte qu'à titre personnel.

Par ordonnance d'incident du 3 décembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a confié à l'expert [I] une nouvelle mesure d'expertise médicale sur pièces afin de déterminer la ou les causes du décès de la victime et de rechercher si celui-ci présentait un lien de causalité avec l'accident subi le 3 juillet 2012.

Le 14 avril 2021, la SNC Sofaxis a déposé des conclusions d'intervention volontaire à l'instance.

L'expert judiciaire [I] a déposé son second rapport d'expertise médicale du 21 juin 2021, retenant pour l'essentiel que le décès de [E] [N] était bien imputable aux troubles de l'équilibre directement à l'origine de sa chute mortelle, lesquels résultaient de l'accident survenu le 3 juillet 2012.

5. Les prétentions et moyens des parties :

5. 1. Aux termes de ses conclusions récapitulatives après dépôt du rapport d'expertise et reprise d'instance notifiées le 5 janvier 2022, Mme [O] [U] agissant en qualité d'ayant droit de [E] [N] et en son nom personnel, appelante principale, demande à la cour, au visa de l'arrêt du 16 novembre 2017 et du rapport d'expertise médicale de M. [I], de :

- fixer l'indemnisation des préjudices de [E] [N], après application de la réduction de son droit à indemnisation, recours des tiers payeurs et application du droit de préférence de la victime, comme suit :

mémoire au titre des dépenses de santé actuelles ;

14'441,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

1'500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

20'000 euros au titre des souffrances endurées ;

5'902,47 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels';

51'800 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

10'528 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

1'200 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

800 euros au titre du préjudice d'agrément ;

13'116,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

8'000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

22'276,30 euros, ou à titre subsidiaire 21'774,80 euros, au titre de l'assistance permanente par une tierce personne';

4'483,50 euros au titre des frais de logement adapté ;

mémoire au titre des dépenses de santé futures ;

soit un total de 154'047,52 euros ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à verser à Mme [O] [U] en sa qualité d'ayant droit de [E] [N] la somme de 154'047,52 euros en réparation du préjudice ;

- constater l'absence de règlement de la provision mise in solidum à la charge de Mme [F] et de la GMF, et en conséquence ne pas la déduire ;

- dire que la somme qui sera versée en réparation du préjudice de [E] [N] portera intérêts au double du taux d'intérêt légal à compter du 4 mars 2013';

- dire que les intérêts échus porteront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil';

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à verser à Mme [O] [U] la somme de 15'000 euros en réparation de son préjudice moral';

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF au paiement de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des honoraires de l'expert judiciaire et du sapiteur.

A l'appui de ses prétentions, Mme [O] [U], agissant ès qualités et en personne, fait valoir que :

- Mme [F] et la GMF n'ont toujours pas réglé les condamnations mises à leur charge par l'arrêt du 16 novembre 2017, de sorte que les somme portent intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2017, date de signification de l'arrêt ;

- selon l'expert judiciaire, l'accident de la circulation du 3 juillet 2012 a entraîné pour [E] [N] un traumatisme crânien associant une hémorragie sous-durale temporo-pariétale droite ainsi qu'une hémorragie méningée et ventriculaire un hématome para-vertébral gauche, une lésion du plaxus brachial gauche, une fracture tibio-péronière déplacée de la jambe gauche, et une section du tendon fléchisseur profond de l'index droit ;

- l'expert [I] fixait la date de consolidation de la victime au 1er octobre 2016, et lui accordait un déficit fonctionnel permanent de 47% ;

- dans son second rapport du 21 juin 2021, l'expert retient que le décès de [E] [N] présente un lien de causalité avec l'accident subi le 3 juillet 2012, car les troubles de l'équilibre directement à l'origine de sa chute mortelle sont une séquelle neurologique du traumatisme crânien initialement subi, les investigations neurologiques réalisées de son vivant n'ayant pas révélé d'autre cause que l'accident à ces troubles de l'équilibre.

5.2 Aux termes de leurs conclusions n°2 notifiées le 17 janvier 2022, Mme [F] et la GMF, intimées, demandent à la cour, au visa des dispositions de la loi n°85-577 du 5 juillet 1985, de :

- juger que Mme [O] [U] ne peut percevoir que le quart des sommes dues au titre de la réparation du préjudice corporel de [E] [N] ;

- en conséquence, limiter les sommes dues à Mme [O] [U] au titre du préjudice corporel subi par [E] [N] comme suit :

3'008,62 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

3'125 euros au titre des souffrances endurées ;

9'065 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

125 euros au titre du préjudice esthétique ;

2'305,62 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;

soit un total de 17'629,24 euros ;

- limiter le préjudice moral de Mme [O] [U] à la somme de 10'000 euros ;

- déduire des sommes ci-dessus la somme de 5'000 euros correspondant à la quote-part de Mme [O] [U] au titre de la provision déjà versée à [E] [N] ;

- débouter Mme [O] [U] en toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

- statuer sur les dépens comme de droit.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [F] et la GMF font valoir que :

- Mme [O] [U], ayant trois frères et s'ur, ne peut percevoir l'intégralité de l'indemnisation due à sa mère décédée, mais seulement le quart des sommes dues en réparation du préjudice corporel de cette dernière ;

- la GMF n'a versé aucune provision à [E] [N] dans les suites de l'accident, car elle estimait cette dernière seule responsable de l'accident, et contestait entièrement son obligation indemnitaire ;

- par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 décembre 2017, le conseil de la GMF a transmis les fonds de 21'875 euros au conseil de [E] [N], procédant ainsi au règlement des sommes mises à sa charge par l'arrêt du 16 novembre 2017 ;

- il conviendra de déduire des sommes susceptibles d'être versées à Mme [O] [U] la provision de 20'000 euros allouée à la victime en tenant compte du prorata avec ses frères et s'ur.

5.3Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 5 janvier 2022, la Caisse des dépôts et consignations, assignée en intervention forcée, demande, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et de l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 modifiée, de :

- fixer sa créance à la somme de 27'648,57 euros ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à lui payer la somme de 27'648,57 euros ;

- dire que l'indemnité allouée sera majorée des intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt ;

- débouter Mme [F] et la GMF de toutes leurs prétentions contraires ou plus amples ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à lui payer la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux dépens dont distraction au profit de Me Raphaël Théry, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

5.4Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2021, la SNC Sofaxis, anciennement dénommée Neeria, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire exprès de la commune de [Localité 23], intervenante volontaire en cause d'appel, demande à la cour de :

- déclarer recevable son intervention volontaire tant en son nom personnel qu'en sa qualité de mandataire de la commune de [Localité 23] ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer les sommes suivantes :

à la SNC Sofaxis en son nom personnel :

30'815,20 euros en remboursement des frais médicaux, cette somme s'imputant sur le poste des dépenses de santé actuelles ;

à la SNC Sofaxis en qualité de mandataire de la commune de [Localité 23] :

33'336,74 euros en remboursement des salaires maintenus à [E] [N] du 3 juillet 2012 au 30 juin 2016 durant son indisponibilité au travail, cette somme s'imputant sur le poste pertes de gains professionnels actuels ;

15'691,18 euros en remboursement des charges patronales afférentes aux salaires maintenus à la victime durant son indisponibilité au travail, et ce en dehors de toute imputation sur l'indemnisation du préjudice de la victime ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF à lui payer la somme de 1'098 euros en application de l'article 3 du décret du 31 mars 1998 ;

- condamner in solidum Mme [F] et la GMF aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement à son profit d'une somme de 3'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la SNC Sofaxis fait valoir que :

- en sa qualité d'organisme gestionnaire du régime d'assurances sociales obligatoires pour les accidents du travail, elle a été tenue de prendre en charge le paiement de l'ensemble des dépenses de santé et frais médicaux nécessité par l'état de santé de [E] [N] des suites de l'accident ;

- de même, la commune de [Localité 23] prise en sa qualité d'employeur a été tenue de maintenir les salaires de la victime pendant la durée de son indisponibilité au travail ;

- la commune de [Localité 23] lui a donné mandat de recouvrer en son nom et pour son compte le montant des salaires ainsi maintenus à la victime.

5.5. Appelés en intervention forcée, Mme [Y] [U], M.'[P] [U], et M.'[H] [U] n'ont pas constitué avocat devant la cour d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 7 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

I - Sur l'intervention volontaire de la SNC Sofaxis à l'instance d'appel

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, la SNC Sofaxis a déposé le 14 avril 2021 des conclusions d'intervention volontaire à l'instance tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de la commune de [Localité 23].

La SNC Sofaxis, laquelle agit en qualité de tiers payeur ayant versé des prestations de santé à la victime et en qualité de mandataire exprès de l'employeur, est un tiers qui présente bien un intérêt à agir en raison du lien suffisant existant entre ses demandes et les prétentions originaires des parties à l'instance.

Son intervention volontaire en cause d'appel est déclarée recevable.

II - Sur l'action successorale poursuivie par un seul héritier

Aux termes de l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Dès lors que la victime directe fait naître, en perdant la vie, une créance dans son patrimoine que recueille sa succession, l'action en réparation de son préjudice qu'elle avait engagée de son vivant se transmet à ses héritiers.

Investi de l'universalité de la succession, chacun des héritiers, saisi de plein droit de l'action du défunt, a qualité pour la poursuivre seul, et n'a nul besoin de du consentement des cohéritiers pour poursuivre l'action initiée par la défunte.

En l'espèce, Mme [O] [U] produit un acte de notoriété dressé le 29 mai 2020 par Maître [W], notaire à [Localité 20], lequel expose que [E] [B] veuve [N] est décédée le [Date décès 7] 2019 laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Mme [Y] [U], M.'[P] [U], Mme [O] [U] et M. [H] [U].

Si Mme [O] [U] a seule repris l'action en réparation du préjudice corporel subi par sa mère décédée en cours d'instance sans que n'interviennent ses frères et s'ur, elle verse au débat une promesse régularisée le 16 janvier 2020 en vertu de laquelle elle se porte fort et caution au nom des autres cohéritiers et déclare «'accepter de toucher et recevoir toutes les sommes qui peuvent revenir et appartenir à la succession'» de'sa mère défunte.

Il s'ensuit qu'en application de l'article 724 précité, Mme [O] [U] agissant en qualité d'ayant droit de [E] [N] est fondée, même sans le concours des trois autres indivisaires, à exercer seule l'action de son auteur, sans que puisse lui être opposé le droit commun de l'indivision.

Dans ces conditions, Mme [F] et la GMF seront déboutées de leur demande tendant à juger que Mme [O] [U] ne puisse percevoir que le quart des sommes dues au titre de la réparation du préjudice corporel de [E] [N].

III - Sur l'indemnisation du préjudice corporel de la victime directe

A - Sur l'évaluation des préjudices

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1° - Sur les dépenses de santés actuelles

Mme [O] [U] ès qualités ne justifie d'aucune dépense de santé actuelle restée à la charge de sa mère.

La SNC Sofaxis sollicite le remboursement d'une somme de 30'815,20 euros au titre des dépenses de santé actuelles exposées pour [E] [N], et ce après limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, indiquant que :

- elle a déboursé une somme de 61'630,41 euros en remboursement des dépenses de santé actuelles exposées pour celle-ci ;

- la fille de cette dernière ne sollicite aucune somme à ce titre.

Mme [F] et la GMF constatent que l'appelante ne sollicite aucune somme au titre des dépenses de santé actuelles, et ne forment aucune observation sur les demandes du tiers payeur.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Les créances alléguées par la SNC Sofaxis sont imputables à l'accident corporel ; celle-ci produit un décompte d'honoraires médicaux arrêté au 23 juin 2021 dont il ressort qu'elle a remboursé entre le 3 juillet 2012 et le 5 décembre 2015 des frais médicaux, pharmaceutiques, infirmiers, radiographiques, d'hospitalisation, de transport, de kinésithérapie pour un montant total de 61'630,41 euros.

Ce décompte n'est pas contesté par les parties.

Il y a lieu de fixer le poste des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable à la somme de 61'630,41 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge du tiers responsable s'élève à la somme de 30'815,20 euros (soit 61'630,41 euros x 50%).

En conséquence, en l'absence de dépenses de santé restées à la charge financière de la victime, il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à la SNC Sofaxis agissant en son nom personnel la somme de 30'815,20 euros en remboursement des dépenses de santé actuelles.

2° - Sur les pertes de gains professionnels actuels

L'appelante sollicite une indemnisation de 7'343,37 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, faisant valoir que :

- sa mère travaillait comme employée à la cantine scolaire, salariée de la commune de [Localité 23] en qualité d'adjoint technique 2ème classe de catégorie C ;

- celle-ci a été placée en congé pour accident de service du 3 juillet au 2 octobre 2012, prolongé jusqu'au 31 décembre 2015, période durant laquelle son salaire a été maintenu ;

- déclarée inapte à tout travail dès le 29 janvier 2015, puis révoquée de son emploi de fonctionnaire, [E] [N] a bénéficié d'une retraite anticipée à compter du 31 décembre 2015 ;

- elle a subi une perte de gains professionnels actuels du 31 décembre 2015 au 1er octobre 2016 à hauteur de 815,93 euros par mois, soit un total de 7'343,37 euros ;

- il convient de fixer l'indemnisation due au titre des pertes de gains professionnels actuels à la somme de 5'902,47 euros après limitation du droit à indemnisation de la victime, recours du tiers payeur, et application du droit de préférence de la victime.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande adverse, exposant que :

- l'appelante se fonde pour chiffrer le préjudice subi par sa mère sur les bulletins de salaire d'avril à juin 2012, sans produire l'avis d'imposition pour les revenus 2011 ;

- il n'est pas justifié du montant des pertes de revenus subies avant consolidation ;

- l'appelante ne déduit pas des prétendues pertes de revenus le montant des prestations sociales versées par l'organisme tiers payeur.

La SNC Sofaxis agissant en qualité de mandataire de l'employeur demande à la cour de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer la somme de 33'336,74 euros en remboursement des salaires maintenus à [E] [N] du 3 juillet 2012 au 30 juin 2016 durant son indisponibilité au travail, cette somme s'imputant sur le poste pertes de gains professionnels actuels, et à payer la somme de 15'691,18 euros en remboursement des charges patronales afférentes aux salaires maintenus à la victime durant son indisponibilité au travail, et ce en dehors de toute imputation sur l'indemnisation du préjudice de la victime.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'employeur est fondé à exercer son recours sur la période du 3 juillet 2012 au [Date décès 7] 2015, période durant laquelle il a maintenu les salaires pour indisponibilité au travail pour un montant cumulé de 66 673,49 euros ;

- la Caisse des dépôts et consignations est ensuite en mesure, pour la pension de retraite versée, d'exercer son recours sur les pertes de gains professionnels actuels à compter de la mise en retraite anticipée du 1er juillet au 1er octobre 2016, date de consolidation ;

- l'employeur est également fondé à obtenir le remboursement des charges patronales afférentes au maintien des salaires pour un montant de 31'382,36 euros sur la même période.

Sur ce, la cour rappelle que les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation.

La cour rappelle encore que l'indemnisation des pertes de gains professionnels étant égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

Dans son rapport du 15 octobre 2019, l'expert [I] relève qu'il y a eu arrêt d'activité de travail professionnel médicalement prescrit, au titre d'accident de service, pour toute la période s'étendant du 3 juillet 2012 jusqu'au 31 décembre 2015. Il existe, selon lui, une disqualification professionnelle en lien direct et exclusif avec l'accident, rendant impossible la reprise de l'activité professionnelle antérieure et ceci dès le 29 janvier 2015, avant même la date de consolidation fixée au 1er octobre 2016.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante produit trois bulletins de salaire de sa mère d'avril à juin 2012, dont il résulte que celle-ci percevait en 2012, avant le fait dommageable, un salaire mensuel net moyen de 1'311,66 euros. L'examen de ses bulletins de paie montre qu'elle travaillait en qualité d'adjoint technique territorial pour la collectivité depuis le 1er janvier 2007, de sorte que la stabilité et la pérennité de son emploi salarié est suffisamment démontrée, et qu'il importe peu qu'elle ne produise pas son avis d'imposition pour l'année 2011.

Les parties ne contestent pas qu'à compter du 31 décembre 2015, l'employeur a cessé de maintenir le paiement des salaires de [E] [N], et que celle-ci a perçu de façon anticipée de la CNRACL une somme mensuelle de 497,73 euros (soit 4'461,57 euros perçus pour la période du 1er janvier au 1er octobre 2016).

Sur la période du 3 juillet 2012 au 31 décembre 2015 :

Sur cette période de 42 mois, la commune de [Localité 23] représentée par la SNC Sofaxis est fondée à exercer son recours subrogatoire contre la responsable du fait dommageable et l'assureur de celle-ci pour obtenir paiement des salaires maintenus, y incluant les charges sociales.

Dans ses écritures, l'appelante admet que durant cette période, sa mère a perçu l'intégralité de ses salaires et n'a donc subi aucune perte de gains professionnels actuels.

La SNC Sofaxis produit la copie de tous les bulletins de salaire versés à [E] [N] entre juillet 2012 et décembre 2015 durant son indisponibilité au travail, et justifie ainsi du montant de sa créance à hauteur de 66 673,49 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 33'336,74 euros (soit 66'673,49 x 50%).

En l'absence de préjudice allégué par la victime sur cette période, il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à la SNC Sofaxis, représentant l'employeur, la somme de 33'336,74 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels.

S'agissant des charges patronales afférentes aux salaires maintenus entre le 3 juillet 2012 et le 31 décembre 2015, la cour rappelle qu'aux termes de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, les employeurs sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci. [...]

Il s'ensuit que l'employeur représenté par la SNC Sofaxis dispose d'un recours direct, et non subrogatoire, contre Mme [F] et la GMF pour le paiement des charges patronales réglées pendant l'arrêt de travail de la victime.

La SNC Sofaxis produit, outre la copie de tous les bulletins de salaire maintenus entre juillet 2012 et décembre 2015, un récapitulatif de calcul de sa créance dont il résulte une créance de 31'382,36 euros au titre des charges patronales réglées pendant cette période.

Le partage de responsabilité ne peut être opposé à l'employeur lorsqu'il demande, par la voie d'une action directe et en qualité de victime par ricochet, la réparation du préjudice propre que lui a causé le versement des charges patronales.

Pour autant, la cour ne peut statuer au-delà de la demande indemnitaire formée par le tiers payeur, qui ne sollicite son indemnisation qu'à hauteur de 15'691,18 euros à ce titre.

En conséquence, il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à la SNC Sofaxis, représentant l'employeur, la somme de 15'691,18 euros en remboursement des charges patronales.

Sur la période du 1er janvier au 1er octobre 2016 :

Du 1er janvier 2016, date de sa mise en retraite anticipée, au 1er octobre 20016, date de consolidation, la victime a subi une perte de gains professionnels imputable au fait dommageable à hauteur de 7'343,37 euros [soit (1'311,66 - 495,73) x 9 mois].

[E] [N] a été mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er juillet 2016 et la CNRACL, dans son relevé de créance du 29 septembre 2020, indique qu'elle lui a versé des arrérages échus au titre d'une rente viagère d'invalidité du 1er juillet 2016 au [Date décès 7] 2019 pour un montant total cumulé de 27 648,57 euros, sans toutefois détailler le montant et la date des versements.

Du 1er janvier au 1er octobre 2016, l'appelante admet que sa mère a perçu de la CNRACL des prestations à hauteur de 4'461,57 euros, soit 495,73 euros par mois.

La créance au titre des pertes de gains professionnels actuels de la victime s'élèvent pour cette période à la somme totale de 11'804,94 euros (soit 1'311,66 x 9).

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 5'902,47 euros (soit 11'804,94 x 50%).

Le préjudice de la victime non indemnisé par la CNRACL s'élève à : 11 804,94 - (495,73 x 9 mois) = 7 343,37 euros, soit un montant supérieur à la limite indemnitaire à la charge du tiers responsable.

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

Il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à l'appelante la somme de 5'902,47 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels de sa mère, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la CNRACL après application du droit de préférence de la victime.

3 ° - Sur les frais divers : l'assistance par une tierce personne temporaire

L'appelante sollicite la fixation du préjudice à la somme de 103'600 euros sur la base d'un coût horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés.

Mme [F] et la GMF offrent une indemnisation de 72 520 euros au titre du besoin en aide humaine avant consolidation sur la base d'un coût horaire de 14 euros, et ce avant limitation du droit à indemnisation de la victime et partage en fonction du certificat d'hérédité, arguant que :

- le taux de 20 euros est excessif pour une aide ménagère familiale non soumise à cotisations sociales ni à déclaration fiscale ;

- le principe de la réparation intégrale implique que la victime ne doit pas tirer profit du fait dommageable.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale. L'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Selon le rapport de l'expert [I], l'état de la victime a nécessité l'intervention d'une tierce personne à domicile, en l'occurrence l'époux à raison de 3 heures 30 par jour, 7 jours sur 7, pendant les périodes suivantes :

- du 5 septembre 2012 au 11 novembre 2012,

- du 15 novembre 2012 au 8 décembre 2013,

- du 13 décembre 2013 au 30 septembre 2016.

Conformément à la demande, il convient d'évaluer le poste de préjudice assistance tierce personne temporaire sur une base horaire de 20 euros pour une aide active, en ce compris le coût des congés payés et des jours fériés.

Ce poste de préjudice sera donc calculé de la manière suivante :

- du 5 septembre au 11 novembre 2012 : 3,5 x 20 x 68 jours = 4'760 euros ;

- du 15 novembre 2012 au 8 décembre 2013 : 3,5 x 20 x 389 jours = 27 230 euros ;

- du 13 décembre 2013 au 30 septembre 2016 : 3,5 x 20 x 1023 jours = 71 610 euros ;

soit un total de 103'600 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, Mme [F] et la GMF seront condamnés in solidum à payer à l'appelante la somme de 51'800 euros (soit 103'600 x 50%) au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents

1° - Sur les dépenses de santé futures

L'appelante ne justifie d'aucune dépense de santé future restée à la charge de sa mère, mais explique que celle-ci a bénéficié de son vivant d'une kinésithérapie d'entretien et d'une aide à la marche à raison de quatre séances hebdomadaires.

Mme [F] et la GMF s'en rapportent sur ce chef de préjudice.

La cour observe que la SNC Sofaxis, anciennement dénommée Neeria, agissant en personne, ne forme aucune demande de ce chef, bien que l'expert judiciaire ait retenu, au titre des dépenses de soins futurs à prendre en charge au titre de l'accident, deux séances de kinésithérapie d'entretien par semaine, sans limite de temps et donc sans limite d'âge.

2° - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Mme [O] [U] ès qualités réclame la fixation de l'indemnité à la somme de 16'318,60 euros, faisant valoir que :

- sa mère aurait dû travailler jusqu'à l'âge légal de son départ en retraite à 62 ans, soit jusqu'au 30 mai 2018 ;

- il convient d'évaluer les pertes de gains professionnels futurs à hauteur de 815,93 euros par mois pendant 20 mois, du 1er octobre 2016 jusqu'au 30 mai 2018, date prévisible de'départ en retraite, soit une somme totale de 16'318,60 euros ;

- il convient de lui accorder au titre des pertes de gains professionnels futurs la somme de 13'116,60 euros après limitation du droit à indemnisation de la victime, recours du tiers payeur, et application du droit de préférence de la victime.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande de ce chef, considérant que :

- l'avis d'imposition sur les revenus 2011 n'est pas versé au débat ;

- en l'absence de reconstitution de carrière, rien ne vient justifier que [E] [N] devait prendre sa retraite le 30 mai 2018 ;

- la victime a perçu une rente qui est venue compenser le préjudice allégué ;

- il convient de déduire d'éventuelles pertes de gains professionnels futurs le solde des arrérages échus et du capital constitutif de la rente accident du travail.

La Caisse des dépôts et consignations demande la condamnation in solidum Mme [F] et la GMF à lui payer la somme de 27'648,57 euros, laquelle sera majorée des intérêts de droit à compter de l'arrêt. Au soutien de ses prétentions, elle expose que :

- la CNRACL a versé à [E] [N] des prestations à la suite de l'accident survenu le 3 juillet 2012, notamment une rente d'invalidité dont le capital représentatif au 1er avril 2018 s'élevait à 146'628,15 euros ;

- en application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, les tiers payeurs peuvent récupérer auprès du responsable ou de son assureur le remboursement des prestations qu'ils ont pris en charge au bénéfice d'une victime ;

- ce recours subrogatoire des tiers payeurs peut s'exercer sur le poste pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, et déficit fonctionnel permanent ;

- la rente d'invalidité versée en application de l'article 37 du décret 2003-1306 du 26 décembre 2003 n'aurait pas été servie à [E] [N] en l'absence d'accident ;

- s'agissant du calcul de la créance de la rente d'invalidité, le recours de la CNRACL n'est pas limité à la date de limite d'âge ;

- elle sollicite le remboursement des arrérages échus du 1er juillet 2016 jusqu'au [Date décès 7] 2019, date du décès de la victime, pour un montant de 27 648,57 euros.

Sur ce, il est rappelé que les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

Au moment de l'accident, [E] [N] était embauchée comme fonctionnaire, et a subi, selon l'expert judiciaire, une disqualification professionnelle en lien direct et exclusif avec l'accident rendant totalement impossible la reprise de son activité professionnelle antérieure compte tenu de ses lourdes séquelles.

Il en résulte que la perte de revenus futurs en lien de causalité avec le fait dommageable, laquelle est bien directe et certaine pour la victime, sera évaluée du 1er octobre 2016, date de la consolidation, au 31 mai 2018, date prévisible du départ à la retraite à l'âge de 62 ans si elle n'avait pas subi l'accident.

S'agissant des pertes de gains professionnels futurs échus du 1er octobre 2016 au 31 mai 2018 sur un période de 20 mois, la victime a subi une perte de gains professionnels imputable au fait dommageable à hauteur de 1 311,66 x 20 mois, soit 26 233,20 euros.

La créance au titre des pertes de gains professionnels futurs de la victime s'élèvent pour cette période à la somme totale de 26'233,20 euros (soit 1'311,66 x 20).

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 13'116,60 euros (soit 26'233,20 x 50%).

Durant cette période, elle expose avoir perçu de la CNRACL des prestations au titre de la rente invalidité pour un montant de 9'914,60 euros.

Il en résulte que la victime a subi un préjudice non indemnisé par ce tiers-payeur à hauteur de : 26 233,20 - 9 914,20 = 16 319 euros, soit un montant supérieur à la limite indemnitaire à la charge du tiers responsable.

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

Il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à l'appelante la somme de 13'116,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs de sa mère, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la CNRACL après application du droit de préférence de la victime.

3° - Sur l'incidence professionnelle

L'appelante demande la fixation de ce poste à la somme de 16'000 euros au prorata de la période de survie de sa mère, arguant que sa disqualification professionnelle totale était en lien de causalité direct et exclusif avec l'accident, et que son activité professionnelle constituait le seul lien social de celle-ci, d'autant qu'elle ne pratiquait aucune activité de loisirs spécifique.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande au titre de l'incidence professionnelle, faisant valoir que [E] [N], qui n'a jamais été en mesure de reprendre ni de rechercher un travail, n'a souffert d'aucune pénibilité ni fatigabilité au travail, ne peut se plaindre d'une dévalorisation sur le marché du travail ni d'une perte de chance d'évolution professionnelle favorable.

Sur ce, la cour rappelle que l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste. Il comprend également la perte de droits à la retraite que la victime va devoir supporter en raison de ses séquelles, c'est à dire le déficit de revenus futurs imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite à laquelle elle pourra prétendre.

L'incidence professionnelle s'entend également du dés'uvrement et de la désocialisation subie et non choisie par la victime du fait de son absence d'emploi. En effet, il n'est pas sérieusement contestable que l'exercice d'une activité professionnelle contribue à la constitution du lien social et à l'estime de soi de par la reconnaissance de son utilité sociale.

Il est suffisamment établi que [E] [N], déclarée inapte à la reprise de toute activité professionnelle après son accident, s'est trouvée du fait de ses séquelles privée de tout lien social et épanouissement personnel qu'elle pouvait trouver dans son emploi.

Compte tenu de son âge à la date de consolidation (60 ans) et de son âge prévisible de départ à la retraite à 62 ans, il lui sera alloué une indemnisation de 15'000 euros à ce titre.

Cependant il n'y a pas lieu de tenir compte de la période de survie de [E] [N], dès lors que son décès est survenu après l'âge prévisible de départ à la retraite.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 7'500 euros (soit 15'000 x 50%).

En application de l'article 31 de la loi n° 1985-677 du 5 juillet 1985, il convient d'allouer par priorité à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde éventuel au tiers payeur.

L'imputation des créances des tiers payeurs doit être est réalisée poste par poste, et non de façon globale. Dès lors qu'un poste de préjudice est indemnisé par la créance d'un tiers payeur, sans que ce dernier ne puisse recourir contre la dette du tiers responsable en raison du droit de préférence, il n'y a plus de reliquat pouvant s'imputer sur d'autres postes de préjudices. La créance de la caisse ayant été épuisée par un poste de préjudice, elle ne peut plus faire valoir la même créance sur d'autres postes sauf à contrevenir au droit de préférence.

D'après relevé de créance du 29 septembre 2020, la CNRACL a versé à la victime des arrérages échus au titre d'une rente viagère d'invalidité du 1er juillet 2016 au [Date décès 7] 2019 pour un montant total cumulé de 27 648,57 euros.

La créance résiduelle du du tiers payeur ayant vocation à s'imputer sur l'indemnisation du préjudice subi par la victime au titre de l'incidence professionnelle, s'élève à 27 648,57 euros - 9 914,60 euros (déjà pris en compte au titre de l'imputation au titre du poste des pertes de gains professionnels futurs), soit 17 733,97 euros.

Cependant, en vertu du droit de préférence de la victime, il ne revient à la caisse aucune somme au titre de l'incidence professionnelle, ce poste de préjudice étant entièrement absorbé par la créance de l'ayant droit de [E] [N] dans la limite de l'obligation indemnitaire du tiers responsable à hauteur de 7 500 euros.

Il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à Mme [O] [U] ès qualités la somme de 7'500 euros au titre de l'incidence professionnelle, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la la Caisse des dépôts et consignations représentant la CNRACL.

4° - Sur les frais de logement adapté

Mme [O] [U] ès qualités demande la fixation du préjudice à la somme de 8'967 euros pour les frais de logement adapté, arguant que sa mère vivait avant le fait dommageable dans une maison individuelle dont elle était propriétaire, qu'elle avait été contrainte après l'accident d'intégrer un foyer social de type béguinage, moyennant paiement d'un loyer mensuel de 427 euros pendant 21 mois, soit du 1er mai 2018 au 4 février 2020.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande à ce titre, arguant que l'orientation de [E] [N] en foyer-logement lui a permis de bénéficier de l'assistance par une tierce personne telle qu'évaluée par l'expert judiciaire, que les séquelles présentées par la victime ne rendaient pas impossible le maintien dans son domicile.

Sur ce, la cour rappelle que les frais de logement adapté concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap ; l'indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l'expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement'; il s'ensuit que ce poste d'indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, de sorte qu'il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice en fonction des besoins de la victime même si elle ne produit pas de factures mais uniquement des devis.

En l'espèce, s'il est constant que [E] [N] a intégré un foyer-logement moyennant paiement d'un loyer mensuel de 427 euros, la production d'un seul avis d'échéance du 30 novembre 2019 est manifestement insuffisant pour démontrer la date exacte à laquelle elle y est entrée. L'appelante n'établit pas que l'hébergement de sa mère dans un béguinage par suite du décès de son époux soit en lien de causalité direct et certain avec l'accident, et ce d'autant moins que l'expert judiciaire n'évoque dans son rapport aucun préjudice lié à la nécessité d'aménager le logement.

Il s'ensuit que l'appelante sera déboutée de sa demande à ce titre.

5° - Sur l'assistance permanente par une tierce personne

Mme [O] [U] ès qualité sollicite la fixation du préjudice à hauteur de 44'552,55 euros sur la base d'un coût horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés, se décomposant comme suit :

'1'806 euros pour la visite matinale de surveillance du 1er mai 2018 au 1er janvier 2020, ou à titre subsidiaire 779 euros indemnisant un forfait ménage de 20 euros par mois du 1er octobre 2016 au [Date décès 7] 2019 ;

'17 793,75 euros pour l'intervention quotidienne de l'infirmière ;

'13'503 euros pour l'aide familiale à raison de 4 heures par semaine ;

'10'134 euros pour l'aide ménagère de 13 heures par mois ;

'1'315,80 euros pour la livraison à domicile de 3 repas par semaine.

Mme [F] et la GMF offrent à ce titre la fixation du préjudice à la somme de 18'445 euros, avant limitation du droit à indemnisation de la victime et partage en fonction du certificat d'hérédité, se décomposant comme suit :

'760 euros au titre du forfait mensuel de 20 euros pour surveillance quotidienne retenu par l'expert du 1er octobre 2016 au [Date décès 7] 2019 ;

'néant au titre des soins infirmiers pris en charge par l'organisme de sécurité sociale ;

'7'605 euros pour 13 heures d'aide-ménagère par mois sur la base d'un coût horaire de 15 euros ;

'10'080 euros pour le besoin en aide familiale de quatre heures hebdomadaires sur la base d'un coût horaire de 15 euros du 1er octobre 2016 au [Date décès 7] 2019 ;

'néant pour la prise en charge de trois repas par semaine.

Sur ce, il est rappelé que le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d'autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Suivant l'expert [I], depuis le 1er octobre 2016 et donc depuis le décès de son époux, la victime bénéficie de l'intervention d'une aide-ménagère qui comprend':

- un forfait de 20 euros par mois pour la visite de surveillance du matin, effectuée par la responsable du béguinage ;

- une intervention de 45 minutes par jour, 7 jours sur 7, effectuée par l'infirmière pour la toilette du matin et l'habillage ;

- une aide-ménagère à raison de 13 heures par mois ;

- une aide familiale accomplie par les proches à raison de 4 heures par semaine ;

- une livraison à domicile de 3 repas principaux pour la semaine effectuée par un centre communal d'action sociale ;

l'ensemble de ces aides extérieures devant être prodiguées à vie à [E] [N], sans limite d'âge.

Sur la prestation de visite de surveillance matinale, Mme [O] [U] ès qualités produit une facture d'octobre 2019 pour des frais mensuels de prestation AMA d'un montant de 84 euros.

Elle est bien fondée à obtenir une indemnisation calculée sur la base des dépenses réellement exposées du 1er mai 2018, date d'entrée de sa mère au béguinage, jusqu'au [Date décès 7] 2019, de la façon suivante : 84 euros x 20 mois = 1'680 euros.

Sur les frais infirmiers, l'appelante ne justifiant d'aucune dépense de soins infirmiers restée à sa charge sera déboutée de sa demande.

Sur l'aide ménagère à raison de 13 heures par mois, le préjudice sur la base d'un taux horaire de 20 euros pour une aide active, en ce compris le coût des congés payés et des jours fériés, est calculé comme suit : 20 euros x 13 heures x 39 mois = 10'140 euros.

Sur l'aide familiale de quatre heures hebdomadaires, le préjudice sur la base d'un taux horaire de 20 euros pour une aide active, en ce compris le coût des congés payés et des jours fériés, représente un besoin annuel de 4 160 euros (soit 20 euros x 4 heures x 52 semaines).

Le préjudice de la défunte peut être évalué prorata temporis à la somme de 13'520 euros (soit 4'160 euros x 39 mois / 12 mois).

Sur la livraison de repas à domicile, l'appelante justifie par la production d'un titre exécutoire émis par le centre communal d'action sociale de [Localité 23] en octobre 2019 de la facturation de douze repas mensuels au prix de 61,20 euros.

Du 1er mai 2018 au [Date décès 7] 20198, l'appelante est bien fondée à obtenir une indemnisation de 1'224 euros (soit 61,20 euros x 20 mois).

Considérant la demande de l'appelante dans ses écritures, le préjudice au titre de l'assistance par une tierce personne permanente sera fixé à la somme globale de 26 564 euros (soit 1'680 + 10'140 + 13'520 + 1'224 .

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, Mme [F] et la GMF seront condamnées in solidum à payer à Mme [O] [U] ès qualités la somme de 13'282 euros (soit 26'564 x 50%) au titre de l'assistance par une tierce personne permanente échue.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Mme [O] [U] ès qualités sollicite l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de sa mère sur la base d'une indemnité de 30 euros par jour.

Mme [F] et la GMF, avant limitation du droit à indemnisation de la victime et partage en fonction du certificat d'hérédité, offrent de fixer ce préjudice à la somme de 24'069 euros sur la base d'une indemnité de 25 euros par jour.

Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Dans son rapport du 15 octobre 2019, l'expert [I] retient trois périodes successives de déficit fonctionnel temporaire total :

- du 3 juillet 2012 au 4 septembre 2012,

- du 12 novembre 2012 jusqu'au 14 novembre 2012,

- du 9 décembre 2013 jusqu'au 12 décembre 2013.

ainsi que des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel :

- de 2/3 du 5 septembre 2012 jusqu'au 11 novembre 2012,

- de 3/4 du 15 novembre 2012 jusqu'au 18 décembre 2012,

- de 2/3 du 19 décembre 2012 au 8 décembre 2013,

- de 3/4 du 13 décembre 2013 au 27 février 2014,

- de 2/3 du 28 février 2014 au 14 janvier 2015,

- de 1/2 du 15 janvier 2015 au 30 septembre 2016,

puis il fixe la date de consolidation de [E] [N] au 1er octobre 2016.

Sur une base journalière de 25 euros par jour, conforme au principe de réparation intégrale, et non de 30 euros comme le propose l'appelante, après accord des parties sur le nombre de jours d'indemnisation, il convient d'évaluer ce préjudice comme suit':

- au titre du déficit fonctionnel temporaire total :

du 3 juillet au 4 septembre 2012 (64 jours), 25 x 64 = 1'600

du 12 au 14 novembre 2012 (3 jours), 25 x 3 = 75

du 9 au 12 décembre 2013 (4 jours), 25 x 4 = 100

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 3/4 :

du 15 novembre au 18 décembre 2012 (34 jours), 25 x 34 x 3/4 = 637,50

du 13 décembre 2013 au 27 février 2014 (77 jours), 25 x 77 x 3/4 = 1 443,75

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 2/3 :

du 5 septembre au 11 novembre 2012 (68 jours), 25 x 68 x 2/3 = 1'133,33

du 19 décembre 2012 au 8 décembre 2013 (355 jours), 25 x 355 x 2/3 = 5'917,67

du 28 février 2014 au 14 janvier 2015 (321 jours), 25 x 321 x 2/3 = 5'350

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 1/2 :

du 15 janvier 2015 au 30 septembre 2016 (625 jours), 25 x 625 x 1/2 = 7'812,50

soit un total de 24'068,75 euros, arrondi à 24'069 euros conformes à l'offre des intimés.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 50%, Mme [F] et la GMF seront condamnées in solidum à payer à l'appelante la somme de 12 034,50 euros (soit 24'069 x 50%) au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

2° - Sur les souffrances endurées

Mme [O] [U] ès qualités, invoquant les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, sollicite une indemnisation de 40'000 euros au titre des souffrances endurées par sa mère.

Mme [F] et la GMF offrent de fixer ce préjudice à la somme de 25'000 euros, avant limitation du droit à indemnisation de la victime et partage en fonction du certificat d'hérédité.

Sur ce, il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Selon l'expert [I], les souffrances endurées jusqu'à la consolidation sont fixées à 5/7, ce qui correspond à une intensité assez importante ; pour ce faire, il tient compte notamment :

- du traumatisme crânien avec hémorragie sous-durale et hémorragie méningée ;

- de l'hématome aigu rétro-laryngé et para-vertébral gauche de C5 à C7 ;

- de la lésion du plexus brachial gauche avec absence de contraction du deltoïde de l'épaule gauche'; - de la fracture tibiale de la jambe gauche et de son enclouage centro-médullaire';

- de la section profonde du tendon fléchisseur de l'index droit et de sa suture chirurgicale, puis de la contrainte d'une attelle à ce doigt pendant un mois';

- de l'intervention chirurgicale de neurolyse des racines C5 et C6 du plexus brachial gauche';

- de l'intervention de transfert au coude gauche du triceps sur le biceps brachial ;

- et enfin des efforts prodigués par la victime pendant une longue période de rééducation intensive du membre supérieur gauche.

Considérant la durée de la période de consolidation pendant plus de quatre années, la multiplicité et la gravité des lésions, la nécessité de suivre une rééducation intensive kinésithérapique et fonctionnelle, il convient d'allouer une indemnité de 35'000 euros pour réparer l'intégralité des souffrances endurées.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation, Mme [F] et la GMF seront condamnées in solidum à payer à Mme [O] [U] ès qualités la somme de 17'500 euros (soit 35'000 x 50%) en réparation des souffrances endurées.

3° - Sur le préjudice esthétique temporaire

Mme [O] [U] ès qualités sollicite la fixation de ce poste à hauteur de 3'000 euros, exposant que sa mère a subi de nombreux traumatismes, fractures et chirurgies.

Mme [F] et son assureur, la GMF, sollicitent le rejet de la demande au titre du préjudice esthétique temporaire, indiquant que l'expert écarte expressément ce préjudice, lequel correspond au préjudice esthétique particulièrement grave subis avant consolidation par les grands brûlés, les traumatisés de la face, ou les enfants.

Sur ce, la victime peut subir, pendant la maladie traumatique, et notamment pendant ses hospitalisations, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

Si l'expert [I] ne retient aucun préjudice esthétique temporaire, il reste que [E] [N] du fait de l'importance et de la durée de ses soins, de ses hospitalisations, et de ses cicatrices, a nécessairement subi un préjudice esthétique pendant la période de traitement et de convalescence longue de plus de quatre ans.

En réparation de ce poste, il convient de lui allouer une indemnisation de 3'000 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation, Mme [F] et la GMF seront condamnées in solidum à payer à Mme [O] [U] ès qualités la somme de 1'500 euros (soit 3'000 x 50%) en réparation du préjudice esthétique temporaire subi par sa mère.

b - Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

Mme [O] [U] ès qualités sollicite a fixation de ce poste à la somme de 21 056 euros, proposant de retenir une indemnisation à hauteur de 2'800 euros du point d'IPP pour une femme de 60 ans à la consolidation, et de l'évaluer au prorata des quatre années de survie au lieu d'une espérance de vie de 25 années.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande au titre du déficit fonctionnel permanent, arguant qu'elles proposent une valeur du point à 2'500 euros, et qu'il y a lieu de déduire de la somme de 18'800 euros, qui tient compte des quatre années de survie de la défunte, les arrérages échus et le capital constitutif de la rente accident du travail réglés pour un montant total de 143'372,83 euros par la Caisse des dépôts et consignations.

Sur ce, le déficit fonctionnel permanent inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

L'expert [I] a fixé un taux de 47% décrivant une impossibilité d'utiliser le membre supérieur gauche en raison d'une paralysie de l'épaule gauche et d'une incapacité de flexion du coude gauche, une raideur de l'index droit, des douleurs diffuses du bars gauche.

Au regard du taux fixé par l'expert et de l'âge de la victime à la date de consolidation (60 ans), une indemnisation à hauteur de 2'800 euros du point sera retenue en sorte que le préjudice subi par sur ce poste a été exactement évalué à la somme de 131'600 euros.

Au titre de l'action successorale, il y a lieu de proratiser l'indemnisation en fonction de l'espérance de vie de la victime d'une part, et de la durée de sa survie réelle depuis la date de consolidation, d'autre part. Si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit en effet être faite par le juge au moment où il rend sa décision, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date.

Le décès de la victime éteint l'incapacité permanente partielle dont elle était atteinte et le préjudice personnel de celle-ci. L'ayant droit qui a repris l'instance n'est dès lors fondé à réclamer l'indemnisation de ce préjudice que pour la période écoulée jusqu'au décès de sa mère.

La proratisation est en conséquence justifiée à raison du décès de la victime survenu avant le présent arrêt.

Au prorata de sa survie du 1er octobre 2016 au [Date décès 7] 2019, le préjudice de [E] [N] sera ramené à la somme de 21'056 euros (soit 131'600 x 4 ans / 25 ans d'espérance de vie).

Compte tendu de la limitation de son droit à indemnisation, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 10 528 euros (soit 21 056 x 50%).

Le reliquat des sommes dues à la CNRACL et n'ayant pu être imputées sur les postes des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle doit s'imputer sur le poste déficit fonctionnel permanent.

Compte tenu du droit de préférence de la victime, il ne revient toutefois à la caisse aucune somme au titre du déficit fonctionnel permanent, ce poste de préjudice étant entièrement absorbé par la créance de l'ayant droit de [E] [N].

Il convient de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à Mme [O] [U] ès qualités la somme de 10 528 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, et de constater qu'aucune créance ne revient à ce titre à la la Caisse des dépôts et consignations représentant la CNRACL.

2° - Sur le préjudice esthétique permanent

L'appelante sollicite la fixation du préjudice esthétique permanent de sa mère à 2'400 euros tenant compte de ses quatre années de survie.

Mme [F] et la GMF proposent une indemnisation de 960 euros laquelle tient compte des années de survie, mais ce avant limitation du droit à indemnisation de la victime et partage en fonction du certificat d'hérédité.

Sur ce, la victime peut justifier après consolidation d'une altération définitive de son apparence physique justifiant son indemnisation.

L'expert [I] fixe le préjudice esthétique définitif de [E] [N] à trois sur une échelle de sept, le qualifiant ainsi de modéré, et décrit à cet égard':

- une longue cicatrice en Z étalée sur toute la hauteur de la face gauche du cou correspondant à l'intervention de neurolyse du plexus brachial';

- une longue cicatrice étendue sur le pli du coude gauche correspondant à l'intervention de transplantation du triceps sur le biceps brachial';

- une asymétrie du relief des épaules en raison d'un galbe de l'épaule gauche d'aspect amputé en marche d'escalier suite à une fonte amyotrophique du muscle deltoïde';

- un aspect enraidi en forme de « dos d'âne » au niveau de l'index droit';

- une marche précautionneuse à petits pas.

Considérant la visibilité des cicatrices présentées par la victime et l'atteinte portée à son aspect morphologique, ce poste sera exactement indemnisé par des dommages et intérêts arrêtés à la somme de 8'000 euros.

Au prorata de sa survie du 1er octobre 2016 au [Date décès 7] 2019, le préjudice de [E] [N] sera fixé à la somme de 1'280 euros (soit 8'000 x 4 ans / 25 ans d'espérance de vie).

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 640 euros (soit 1'280 x 50%).

3° - Sur le préjudice d'agrément

Mme [O] [U] ès qualités sollicite la fixation de ce poste à la somme de 1'600 euros arguant que sa mère a été privée de la pratique de la bicyclette et de la natation du fait de son impossibilité d'utiliser ses membres supérieurs.

Mme [F] et la GMF concluent au débouté de la demande au titre du préjudice d'agrément, dès lors que la victime avait expliqué à l'expert qu'elle ne pratiquait aucune activité de loisirs spécifique avant l'accident.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives, de bulletin d'adhésion à des associations, ou d'attestations, étant précisé que l'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur.

Selon l'expert [I], il n'y a pas de préjudice d'agrément.

En page 15 de ses écritures, Mme [O] [U] reconnaît elle-même que sa mère ne pratiquait aucune activité de loisirs spécifique avant l'accident, et ne produit aucune pièce à cet égard.

Il s'ensuit qu'elle n'établit pas le préjudice allégué, alors que la limitation ou l'impossibilité de poursuivre ses activités antérieures est déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

L'appelante sera purement et simplement déboutée de sa demande au titre du préjudice d'agrément.

B - Sur la liquidation des préjudices

Le recours subrogatoire des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales.

En ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers-payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

Si l'appelante conteste avoir reçu tout paiement provisionnel dans le cadre de la présente procédure, la GMF verse au débat la lettre-chèque de 21'875 euros émise en règlement du sinistre le 29 novembre 2017, outre la copie d'une lettre recommandée avec accusé de réception remis le 12 décembre 2017, adressée au conseil de [E] [N], à laquelle elle déclare joindre un chèque de 21 875 euros libellé à l'ordre de la CARPA en exécution de l'arrêt du 16 novembre 2017.

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [O] [U] ès qualité d'ayant droit de [E] [N], à la SNC Sofaxis agissant en son nom personnel et en qualité de mandataire de la commune de [Localité 23], et à la Caisse des dépôts et consignations représentant la CNRACL, après diminution du droit à indemnisation de la victime de 50% et application de son droit préférentiel, sauf à déduire la provision déjà allouée à hauteur de 20 000 euros, les sommes suivantes':

'30'815,20 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

dont aucune somme ne revenant à la victime,

dont 30'815,20 euros revenant à la SNC Sofaxis agissant en personne,

'33'336,74 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels du 3 juillet 2012 au 31 décembre 2015,

dont aucune somme ne revenant à la victime,

dont 33'336,74 euros revenant à la SNC Sofaxis agissant en qualité de mandataire de l'employeur,

'5'902,47 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels du 1er janvier au 1er octobre 2016,

dont 5'902,47 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revenant à la Caisse des dépôts et consignations,

'51'800 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

'13'116,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

dont 13'116,60 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revenant à la Caisse des dépôts et consignations,

'7'500 euros au titre de l'incidence professionnelle,

dont 7'500 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revenant à la Caisse des dépôts et consignations,

'13'282 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne,

'12'034,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

'17'500 euros au titre des souffrances endurées,

'1'500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

'10'538 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

dont 10'538 euros revenant à la victime,

dont aucune somme ne revenant à la Caisse des dépôts et consignations,

'640 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

En outre, Mme [F] et la GMF seront condamnées in solidum à payer à la SNC Sofaxis, représentant l'employeur, la somme de 15'691,18 euros en remboursement des charges patronales.

IV - Sur l'indemnisation du préjudice moral de la victime indirecte

Mme [O] [U] agissant en personne sollicite une indemnisation de 15'000 euros en réparation de son préjudice moral, tandis que Mme [F] et la GMF lui offrent une indemnisation à hauteur de 10'000 euros.

Sur ce, le préjudice d'affection répare le préjudice moral subi par un proche à la vue de la douleur et de la déchéance physique de la victime directe, et également du fait de son décès.

Dans son second rapport d'expertise du 21 juin 2021, l'expert [I] retient que le décès de [E] [N] survenu le [Date décès 7] 2019 trouve son origine dans un hématome crânien sous-dural bilatéral directement consécutif à une chute de sa hauteur, résultant d'un trouble de l'équilibre de majoration progressive depuis l'accident de la circulation du 3 juillet 2012. Il considère que la paralysie du bras gauche, séquelle directe de l'accident du 3 juillet 2012, avec un traitement anticoagulant prescrit pour un état antérieur, a pu contribuer à majorer l'hématome intra-crânien. Il en conclut que le décès lié aux troubles de l'équilibre présente un lien de causalité avec l'accident subi le 3 juillet 2012.

Dans ces conditions, le préjudice d'affection de la fille majeure, laquelle ne vivait plus de longue date au domicile de sa mère, sera exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10'000 euros de dommages et intérêts.

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 5'000 euros (soit 10'000 x 50%).

V - Sur les autres demandes

A - Sur le doublement des intérêts au taux légal

L'appelante demande à la cour de dire que la somme versée en réparation du préjudice de la défunte portera intérêts au double du taux d'intérêt légal à compter du 4 mars 2013.

Les intimées exposent que :

- la GMF n'a pas versé de provision dans le délai de huit mois à compter de l'accident dans la mesure où elle contestait entièrement l'obligation indemnitaire de son assurée, Mme [F] ;

- dès que la responsabilité de celle-ci a été retenue à hauteur de 50% par la cour d'appel, la GMF a adressé, par lettre du 29 novembre 2017, un chèque de 21'875 euros à son avocate en exécution de l'arrêt du 16 novembre 2017 ;

- par lettre recommandée avec accusé de réception remis le 12 décembre 2017, le conseil de la GMF a adressé ce paiement libellé au nom de la CARPA au conseil de [E] [N] ;

- à compter du dépôt du rapport d'expertise du docteur [I] le 15 octobre 2019, la GMF disposait d'un délai de cinq mois pour présenter son offre d'indemnisation ;

- elle a signifié ses premières conclusions d'intimée valant offre le 31 janvier 2020 dans le délai de cinq mois qui lui était imparti ;

- il convient d'écarter la demande de doublement des intérêts au taux légal.

Sur ce, il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances :

'tout d'abord, que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée ; lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande,

'ensuite, qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; en cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint ; l'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable,

'enfin, que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation,

'en tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Il résulte aussi de l'article L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

- Sur le point de départ des intérêts au double du taux légal

La GMF verse au débat la copie d'une lettre recommandée avec accusé de réception remis le 12 décembre 2017, adressée au conseil de [E] [N], à laquelle elle déclare joindre un chèque de 21 875 euros libellé à l'ordre de la CARPA en exécution de l'arrêt du 16 novembre 2017.

La cour rappelle toutefois que le versement d'une simple provision ne vaut pas offre d'indemnisation au sens de l'article L.211-9 précité. De plus, la contestation sérieuse élevée par l'assureur sur le principe du droit à indemnisation de la victime, qui a convaincu le premier juge, ne le dispense pas de faire, dans le délai requis, l'offre imposée par l'article L. 211-9.

Il appartenait à la GMF, même en cas de contestation de sa part sur la responsabilité de la conductrice, en l'absence de connaissance de la date de consolidation de la victime dans les trois mois de l'accident, de respecter son obligation de formuler une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l'accident, lequel expirait le 3 mars 2013.

L'assureur ne s'est pas exécuté dans le délai légal imparti.

Il s'ensuit que l'accident de la circulation s'étant produit le 3 juillet 2012, l'indemnité allouée produira intérêts au double du taux légal à compter du 4 mars 2013.

- Sur le point d'arrivée des intérêts au double du taux légal

Il ressort de la combinaison des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances que :

- une fois la date de consolidation fixée, une offre d'indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation,

- une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d'offre,

- une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d'offre.

A compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 15 octobre 2019, la GMF, qui disposait d'un délai de cinq mois pour présenter une offre, a signifié le 31 janvier 2020 ses premières conclusions d'intimée valant offre, de sorte qu'elle a respecté le délai qui lui était imparti jusqu'au 15 mars 2020.

Cette offre d'indemnisation, faite sur les bases du rapport du docteur [I], comprend les éléments indemnisables du préjudice tel que retenus par ce dernier pour un montant total de 131'777 euros, avant déduction de la provision et hors créances des tiers payeur, et apparaît manifestement suffisante au regard de l'indemnisation totale arbitrée par la cour.

Par conséquent, cette offre apparaît bien de nature à interrompre le cours de la pénalité.

Il s'ensuit que la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera à compter du 4 mars 2013 jusqu'au 31 janvier 2020.

- Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal

La cour rappelle qu'en cas d'offre d'indemnisation de l'assureur, l'assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l'assureur, tandis que la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l'assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

L'offre figurant dans les conclusions des intimées, notifiées le 31 janvier 2020, n'étant pas jugée manifestement insuffisante, l'assiette des intérêts de retard majorés portera sur le montant de cette offre, tardive mais tenue pour suffisante.

En conséquence, au vu de la présente décision, le doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera du 4 mars 2013 au 31 janvier 2020 dans la limite de la somme de 131'777 euros.

B - Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts échus étant de droit quand elle est demandée, elle sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

C - Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Le versement de l'indemnité visée par l'article L.'376-1 du code de la sécurité sociale ne relevant pas de la subrogation du tiers-payeur dans les droits de la victime et présentant un caractère forfaitaire, la SNC Sofaxis est fondée en sa demande tendant à voir condamner in solidum Mme [F] et la GMF à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, sans qu'il y ait lieu d'en réduire le montant en cas de limitation du droit à indemnisation de la victime.

D - Sur les dépens et les indemnités de procédure

Mme [F] et la GMF qui succombent seront condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des expertises judiciaires avec adjonction d'un sapiteur.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Raphaël Théry avocat à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'équité commande de condamner in solidum Mme [F] et la GMF à payer à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, :

'à Mme [O] [U], la somme de 3'000 euros ;

'à la SNC Sofaxis, la somme de 1'500 euros.

La Caisse des dépôts et consignations, qui succombe en son recours subrogatoire, sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Douai rendu le 16 novembre 2017,

Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de la SNC Sofaxis, anciennement dénommée Neeria, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire exprès de la commune de [Localité 23] ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances à payer à Mme [O] [U] agissant en qualité d'ayant droit de [E] [N], sauf à déduire la provision de 20'000 euros déjà allouée, les sommes suivantes':

'5'902,47 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels du 1er janvier au 1er octobre 2016,

'51'800 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne,

'13'116,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

'7'500 euros au titre de l'incidence professionnelle,

'13'282 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne,

'12'034,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

'17'500 euros au titre des souffrances endurées,

'1'500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

'10'538 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

'640 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Dit que les sommes ainsi allouées dans la limite de 131 777 euros porteront intérêts au double du taux légal à compter du 4 mars 2013 jusqu'au 31 janvier 2020 ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances à payer à la SNC Sofaxis agissant en personne la somme de 30'815,20 euros en remboursement des débours exposés au titre des dépenses de santé actuelles';

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances à payer à la SNC Sofaxis agissant en qualité de mandataire de la commune de [Localité 23] les sommes suivantes':

'33'336,74 euros en remboursement du maintien des salaires du 3 juillet 2012 au 31 décembre 2015,

'15'691,18 euros en remboursement des charges patronales ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances à payer à la SNC Sofaxis la somme de 1 098 euros à titre d'indemnité forfaitaire de gestion ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances à payer à Mme [O] [U] agissant en personne la somme de 5'000 euros en réparation de son préjudice moral et d'affection ;

Déboute la Caisse des dépôts et consignations de son recours subrogatoire ;

Déboute Mme [O] [U] ès qualités de sa demande en réparation des frais de logement adapté et du préjudice d'agrément ;

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GMF assurances aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des expertises judiciaires avec adjonction d'un sapiteur ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Raphaël Théry avocat recouvrera directement contre Mme [C] [F] et la société GMF assurances les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne in solidum Mme [C] [F] et la société GFM assurances à payer, à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3'000 euros à Mme [O] [U], et la somme de 1'500 euros à la SNC Sofaxis ;

Déboute la Caisse des dépôts et consignations de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 16/05984
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;16.05984 ?
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