COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 22/00834 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UI7G
N° de Minute : 846
Ordonnance du mercredi 18 mai 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [J] [P] [H] indiquant se nommer à l'audience [U] [J] [P] [B] et indiquant être de nationalité irakienne
né le 02 Juin 1992 à SLABIA
de nationalité Koweitienne
Actuellement en rétention administrative à [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Coline HUBERT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [C] [M] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
MONSIEUR LE PREFET DU PAS DE CALAIS
dûment avisé, absent , représenté par Me TERMEAU, avocat au barreau de Paris
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Christian BERQUET, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 18 mai 2022 à 08 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 18 mai 2022 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 15 mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [J] [P] [H] ;
Vu l'appel interjeté par M. [J] [P] [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 17 mai 2022 ;
Vu l'audition des parties ;
Exposé de la cause
M.[J] [P] [H], ressortissant koweitien, a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de police le 15 mars 2022.
Démuni de tout document d'identité, la consultation de la borne EURODAC révélait qu'il était connu en qualité de demandeur d'asile par les autorités germaniques le 20 février 2022.
Il a été placé en rétention administrative par arrêté de M. Le Préfet du Pas-de-Calais en date du 16 mars 2022, suite à une requête aux fins de reprise en charge par un état membre.
Par ordonnance en date du 18 mars 2022, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Lille a:
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
- ordonné la prolongation de la rétention de M.[J] [P] [H] pour une durée de 28 jours à compter du 18 mars 2022 à 15h10.
Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Douai le 20 mars 2022.
Par décision en date du 15 avril 2022, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Lille a:
- déclaré recevable la requête en prorogation de la rétention administrative,
- ordonné la prorogation de la rétention de M.[J] [P] [H] pour une durée de trente jours à compter du 15 avril 2022 à 15h10.
Par requête en date du 14 mai 2022, l'autorité administrative a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention de M.[J] [P] [H] pour une durée de quinze jours.
Par ordonnance en date du 15 mai 2022, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Lille a :
- déclaré recevable la requête en prorogation de la rétention administrative,
- ordonnné la prolongation de la rétention de M.[J] [P] [H] pour une durée de 15 jours à compter du 15 mai 2022 à 15h10.
M.[J] [P] [H] a interjeté appel de cette décision le 16 mai 2022
Devant la Cour, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et soutient l'absence de perspectives d'éloignement dans le délai de quinze jours en raison de son refus de se soumettre au test PCR.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L.742-5 du CESEDA dispose :
'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours:
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours. Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
Il importe de rappeler que le caractère exceptionnel posé par la Loi pour les troisième et quatrième prolongations du placement en rétention administrative impose de ne pas étendre les conditions limitativement fixées par l'article L 742-5 ci dessus rappelé.
Peu importe qu'il ne puisse être reproché à l'administration aucun manque de diligence pour organiser l'éloignement, dés lors qu'il n'est pas démontré un acte d'obstruction ou une demande de protection ou d'asile dilatoire du fait de l'étranger retenu, et ce dans les quinze dernier jours.
L'obstruction est constituée par tout acte matériel effectué par action ou par omission dans le seul but d'éviter l'exécution de l'éloignement.
Constitue une obstruction au sens de l'article L.742-5 1° du CESEDA le fait de refuser d'embarquer à destination du pays d'éloignement.
Si le fait d'accepter ou de refuser de subir un acte médical, tel un test PCR sur sa personne, relève du droit dont dispose chaque individu sur son propre corps, l'exercice de ce droit n'est pas exempt d'abus lorsque le refus du test n'est réellement motivé que par la volonté d'éviter une expulsion vers un pays imposant cette sécurité à toute personne rejoignant son territoire en cette période de pandémie.
Ainsi, nonobstant l'élément matériel du délit prévu par l'article L 824-9 du CESEDA, il ressort des dispositions de l'article L 742-5 1° du même code que l'ensemble des actes commis dans les quinze derniers jours dans le but unique d'éviter l'exécution de l'éloignement, en ce compris le refus du test PCR dans les conditions spécifiques reprises ci dessus, constituent des actes d'obstruction au sens de l'article L 742-5 1° précité et permettent d'ordonner une troisième ou une quatrième prolongation du placement en rétention administrative.
En l'espèce, il est constant et non contesté que M.[J] [P] [H] a refusé le test PCR en vue de l'embarquement dans le vol à destination de l'Allemagne le 08 avril 2022 (refus du 07 avril 2022).
Un nouveau vol a été réservé pour le 26 avril 2022 et a également été annulé pour le même motif (refus du 26 avril 2022).
Un troisième vol était prévu le 13 mai 2022 mais a été annulé toujours pour le même motif (refus du 12 mai 2022).
Un nouveau routing a été diligentée le 12 mai 2022.
La condition d'obstruction dans les 15 jours est donc réunie.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclare l'appel recevable ;
Confirme l'ordonnance entreprise.
Christian BERQUET, Greffier
Bertrand DUEZ, conseiller
N° RG 22/00834 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UI7G
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 18 Mai 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mercredi 18 mai 2022 :
- M. [J] [P] [H]
- l'interprète
- l'avocat de M. [J] [P] [H]
- l'avocat de MONSIEUR LE PREFET DU PAS DE CALAIS
- décision notifiée à M. [J] [P] [H] le mercredi 18 mai 2022
- décision transmise par courriel pour notification à MONSIEUR LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Coline HUBERT le mercredi 18 mai 2022
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mercredi 18 mai 2022
N° RG 22/00834 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UI7G