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12/05/2022 | FRANCE | N°21/05622

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 12 mai 2022, 21/05622


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 12/05/2022





****





N° de MINUTE : 22/203

N° RG 21/05622 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6A6



Ordonnance (N° 21/00174) rendue le 29 septembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Bethune





APPELANT



Monsieur [C] [D]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 9]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représenté par Me Mélanie Pas, avocat au barreau de Bethune



INTIMÉS



Monsieur [E] [V]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 11]

de nationalité française

Centre Hospitalier De[Localité 8], [...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 12/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/203

N° RG 21/05622 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6A6

Ordonnance (N° 21/00174) rendue le 29 septembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Bethune

APPELANT

Monsieur [C] [D]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 9]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Mélanie Pas, avocat au barreau de Bethune

INTIMÉS

Monsieur [E] [V]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 11]

de nationalité française

Centre Hospitalier De[Localité 8], [Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai et Me Georges Lacoeuilhe, avocat au barreau de Paris substitué par Me Isabelle Fuch-Drapier, avocat au barreau de Paris

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 30 mars 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un accident survenu le 7 août 2014 lui ayant causé un traumatisme du genou gauche, M. [C] [D] a consulté en secteur libéral M. [E] [V], chirurgien orthopédique, avant que ce praticien ne procède en secteur public à une méniscectomie sous arthroscopie le 23 septembre 2014 au sein du centre hospitalier de [Localité 8], étant précisé qu'il avait déjà été opéré deux fois auparavant d'une méniscectomie interne du genou gauche.

Son état de santé s'étant compliqué, M. [D] a été réhospitalisé à plusieurs reprises au cours des mois suivants, alors qu'une antibiothérapie lui a été prescrite à la suite de la découverte d'une infection à streptococcus pneumoniae à l'occasion d'une nouvelle intervention chirurgicale réalisée le 27 septembre 2014 par un autre praticien hospitalier. En définitive, des lésions internes sur le cartilage ont été objectivées, alors qu'était constaté un pincement fémoro-tibial associé à une gêne importante.

Le 19 août 2015, M. [D] a saisi la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales du Nord-Pas-de-Calais (la CRCI) en mettant en cause M. [V] et le centre hospitalier de [Localité 8].

La CRCI a désigné M. [S] en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 22 février 2016, dans lequel il conclut que «'le dommage réside dans une arthrite septique à pneumocoque d'origine nosocomiale secondaire à une arthroscopie méniscectomie non justifiée au moment de sa réalisation [le 23 septembre 2014]. Le traitement de cette arthrite a été conduit conformément aux règles de l'art et peut être considérée comme guérie. Les troubles actuels ne sont pas d'origine infectieuse'».

Par avis du 17 mars 2016, la CRCI a rejeté la demande d'indemnisation de M. [D], dès lors que ce dernier ne justifiait pas remplir le critère de gravité requis par la loi pour la prise en charge des conséquences dommageables d'une infection nosocomiale par la solidarité nationale.

Par requête du 5 décembre 2017, M. [D] a saisi le tribunal administratif de Lille aux fins de condamnation du centre hospitalier de [Localité 8] à l'indemniser de ses préjudices.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de [Localité 8] à payer à M. [D] une somme de 9 864,79 euros en réparation de ses préjudices et celle de 44 691,44 euros à la caisse primaire d'assurance-maladie au titre des débours qu'elle a exposés.

M. [D] ayant à nouveau saisi la CRCI d'une demande d'expertise en invoquant une aggravation de ses séquelles, M. [L] a été désigné pour y procéder. Dans son rapport, cet expert a d'une part estimé que l'indication initiale d'une athroscopie méniscectomie était justifiée, et d'autre part que l'intervention chirurgicale, puis le suivi réalisés par M. [V] ont été menés dans le respect des règles de l'art.

Par avis du 24 novembre 2021, la CRCI a rejeté la demande d'indemnisation de M. [D].

Par acte du 7 juin 2021, M. [D] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune aux fins d'expertise judiciaire au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 29 septembre 2021, le juge des référés a débouté M. [D] de sa demande d'expertise, débouté les parties de leurs plus amples demandes, dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [D] aux dépens.

Par déclaration du 5 novembre 2021, M. [D] a formé appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2022, M. [D] demande à la cour de réformer intégralement l'ordonnance critiquée et, statuant à nouveau d'ordonner la désignation d'un expert judiciaire pour se prononcer notamment sur la pertinence des soins et actes chirurgicaux réalisés par M. [V] à son égard, de condamner M. [V] aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir qu'il établit l'existence d'un motif légitime de solliciter l'expertise, dès lors que :

- la cour dispose du rapport de l'expert [L] déposé le 24 septembre 2021, soit postérieurement à l'audience de plaidoirie devant le juge des référés. Cet expert n'examine que la seule question de la responsabilité du centre hospitalier de [Localité 8] sur les conséquences d'une infection nosocomiale, et non la responsabilité de M. [V]. Ce même rapport estime toutefois que l'indication initiale d'intervention chirurgicale était justifiée, à l'inverse du rapport établi par M. [S]. Pour autant, une telle conclusion est incompatible avec l'aggravation de son état de santé, dès lors qu'il a été reconnu invalide et qu'il souffre de façon importante. Plus globalement, l'expertise ordonnée par la CRCI n'a pas vocation à éclairer une juridiction sur la responsabilité de M. [V], alors que son objet est l'indemnisation d'une infection nosocomiale. L'objet de l'expertise judiciaire sollicitée est à l'inverse de rechercher si un préjudice distinct de celui résultant de l'infection nosocomiale pourrait être identifié et imputé à M. [V].

- outre qu'ils n'ont pas été rédigés contradictoirement à l'égard de la caisse primaire d'assurance-maladie, les rapports rédigés par les experts désignés par la CRCI sont insuffisants pour permettre à une juridiction de statuer sur la responsabilité de M. [V].

* d'une part, le rapport de l'expert [S] n'a pas chiffré le dommage en lien avec la seule intervention chirurgicale non justifiée, alors qu'aucune répartition des responsabilités entre le centre hospitalier et M. [V] n'y est proposée. Seules les conséquences préjudiciables de l'arthrite septique ont été abordées, et non celles résultant de l'intervention chirurgicale inappropriée.

* d'autre part, le renvoi à une réunion ultérieure de la CRCI lui a été refusé, alors qu'il avait été destinataire des conclusions écrites de M. [V] le matin même, de sorte qu'il a été statué sur le rapport de l'expert [L] sans qu'il soit assisté et en quasi-violation du principe du contradictoire.

- il ne lui appartient pas de critiquer le rapport de l'expert [S] en ce qu'il a retenu le caractère non justifié de l'indication chirurgicale par M. [V], alors que d'autres éléments médicaux sont en outre produits aux débats ; en revanche, il conteste le rapport de l'expert [L] en ce qu'elle valide l'indication d'une telle intervention.

- la jurisprudence du Conseil d'Etat invoquée par M. [V] n'est pas transposable à l'espèce, alors qu'elle ne concerne que la question du recueil du consentement et l'information post-opératoire du patient. En outre, seule l'indication de l'intervention est injustifiée, alors que les modalités de sa réalisation ne sont pas critiquées.

- son intérêt à agir persiste en dépit de l'indemnisation de ses préjudices par le tribunal administratif, dès lors que cette juridiction n'a consacré que la responsabilité de plein droit du centre hospitalier sans examiner la faute commise par M. [V] et qu'il n'a en outre pas perçu l'intégralité de l'indemnisation ainsi fixée.

- la mise en cause du centre hospitalier n'est pas justifiée, alors qu'il a engagé devant le tribunal administratif une instance ayant abouti à la condamnation de cet établissement. La responsabilité du centre hospitalier sera examinée dans le cadre de l'appel formé à l'encontre du jugement du tribunal administratif. Enfin, une telle mise en cause pourrait intervenir en cours d'expertise.

- les pièces qu'il a communiquées n'ont pas vocation à être écartées des débats.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2022, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois demande à la cour d'infirmer l'ordonnance critiquée et statuant à nouveau, d'ordonner une expertise médicale sur la qualité des soins et l'indication opératoire, d'étendre la mission de l'expert à l'évaluation des débours en lien de causalité avec les éventuels manquements de M. [V], et condamner ce dernier aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- l'indication opératoire a été critiquée par l'expert [S], de sorte que la responsabilité de M. [V] pourrait être retenue au titre de toutes les conséquences dommageables liées à une telle intervention sans indication ;

- M. [V] n'est pas le préposé du centre hospitalier et le tribunal administratif n'a retenu que le seul dommage né de l'infection nosocomiale, et non de l'opération indiquée par ce chirurgien, de sorte que seule une partie de sa demande en paiement au titre de ses débours lui a été allouée par la juridiction administrative.

- les expertises ordonnées par la CRCI ne sont pas contradictoires à son égard, alors qu'en sa qualité de tiers-payeur, elle a un intérêt légitime à demander également une telle expertise judiciaire.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 février 2022, M. [V], intimé et appelant incident, demande à la cour :

=$gt; à titre liminaire, d'infirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

et statuant à nouveau, de constater l'absence d'intérêt à agir de M. [D] et de la caisse primaire d'assurance-maladie depuis la décision du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Lille ;

=$gt; à titre principal, de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir au fond, débouté M. [D] de sa demande d'expertise et condamner ce dernier aux dépens ; et de l'infirmer en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de leurs demandes à ce titre, et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

et statuant à nouveau, de :

- écarter des débats les pièces n'ayant pas fait l'objet d'une communication avec bordereau dédié et détaillé ;

-débouter M. [D] et la caisse primaire d'assurance-maladie de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

-condamner M. [D] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [D] aux dépens.

=$gt; à titre subsidiaire, de lui donner acte de ses protestations et réserves sur le principe de sa responsabilité et sur la mesure d'instruction sollicitée ; de désigner un collège d'experts compétent en chirurgie orthopédique, de débouter M. [D] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens, lesquels incluent les frais d'expertise et qu'il convient de condamner M. [D] à supporter en sa qualité de demandeur à la mesure probatoire.

A l'appui de ses prétentions, M. [V] fait valoir que :

- M. [D] ne justifie pas l'existence d'un intérêt à agir, dès lors qu'il a été intégralement indemnisé de ses préjudices par le tribunal administratif, alors que la circonstance qu'il n'ait perçu qu'une partie de cette indemnisation est indifférente. L'absence de distinction par l'expert [S] entre les dommages en lien avec l'infection nosocomiale et ceux en lien avec l'intervention chirurgicale considérée comme non justifiée se justifie par leur identité, dès lors que la seule conséquence dommageable de l'indication chirurgicale est la survenue de l'infection.

- M. [D] ne justifie pas l'existence d'un motif légitime à solliciter une expertise, dès lors qu'il dispose d'une expertise ordonnée par la CRCI qui présente d'une part un caractère contradictoire et sérieux et qui n'est d'autre part pas contestée par des éléments médicaux et scientifiques ; à l'inverse, M. [D] n'apporte aucun élément pour contester le déroulement des opérations d'expertise, alors qu'il disposait de l'assistance d'un médecin-conseil lors des réunions, que la mission était complète et que la qualité technique des experts est garantie par leurs compétences professionnelles. Le caractère oral de la procédure devant la CRCI dispense des conclusions, de sorte que les écritures qu'il a déposées devant la commission étaient facultatives, alors que M. [D] a en outre disposé de l'assistance de la présidente d'une association ayant présenté pour son compte des observations au cours des débats. La validation de l'indication chirurgicale par M. [L] repose sur une analyse argumentée que M. [D] ne propose pas de contredire par la production de pièces complémentaires. La seule discordance entre les deux experts sur la validité de cette indication chirurgicale ne suffit pas à justifier une troisième expertise. L'allégation d'une algoneurodystrophie par M. [L] n'est pas davantage de nature à justifier une telle expertise, alors que cet expert a précisé qu'elle ne résulterait que de l'infection nosocomiale. La critique d'une intervention chirurgicale ultérieure réalisée par un autre praticien est enfin sans incidence. L'existence même d'une aggravation de son état n'est pas démontrée, selon le rapport établi par l'expert [L].

- l'existence d'une procédure administrative parallèle est indifférente, alors qu'il appartiendra au centre hospitalier d'exercer une action récursoire à son encontre s'il estime qu'une faute a été commise dans le cadre d'une consultation en secteur privé et qu'en tout état de cause, sa responsabilité personnelle ne peut être mise en cause dans la mesure où une telle consultation pré-opératoire est considérée comme accomplie dans le même cadre que l'opération chirurgicale à laquelle ils se rapportent, de sorte qu'une telle faute serait accompli en réalité à l'occasion de sa fonction publique. Le tribunal administratif de Lille a d'ailleurs rejeté la demande de nouvelle expertise présentée par M. [D].

- la mise en cause du centre hospitalier de [Localité 8] est justifiée, dès lors qu'en vertu d'une décision du Tribunal des conflits du 7 juillet 2014, lorsqu'une demande ne tend qu'à voir ordonner une mesure d'instruction et que le litige est susceptible de relever, au moins pour partie, de l'ordre de la juridiction devant lequel cette demande a été présentée, le juge des référés se trouve valablement saisi de celle-ci.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la communication des pièces :

D'une part, M. [V] ne désigne pas dans le dispositif de ses conclusions les pièces qu'il estime devoir être écartées, alors qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer à une partie pour déterminer l'objet de sa demande.

D'autre part, si M. [V] indique dans le corps de ses conclusions qu'il sollicite le «'rejet de deux fichiers de 171 et 151 pages respectivement comportant des pièces médicales pêle-mêle sans bordereau de communication de pièces et ne correspondant pas au listing figurant dans ses conclusions'», la pièce n°6 qu'a communiquée M. [D] figure dans le bordereau des pièces produites devant le juge des référés, puis devant la cour, sous l'intitulé «'pièces produites devant le tribunal administratif et le bordereau de pièce devant cette juridiction'». Ainsi, ce dernier bordereau daté du 13 avril 2020 permet d'identifier l'ensemble des documents sous-numérotés de 3 à 110 sous un intitulé parfaitement clair, et d'offrir ainsi à M. [V] la faculté de s'assurer de la conformité des pièces produites devant la cour avec celles qui lui ont été communiquées. Aucune violation du principe contradictoire dans la communication des pièces n'est ainsi démontrée.

Enfin et au surplus, les pièces figurant dans ce bordereau ne figurent pas parmi celles visées dans les conclusions de M. [D] pour justifier sa demande d'expertise judiciaire, de sorte qu'aucun grief n'est démontré, alors que leur communication résulte de la propre demande formulée par M. [V] dans ses conclusions antérieures devant le tribunal judiciaire.

L'ordonnance critiquée est confirmée en ce qu'elle a dit n'y a pas lieu d'écarter la pièce n°6 des débats.

Sur l'intérêt à agir de M. [D] et de la CPAM :

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la circonstance que le tribunal administratif a indemnisé M. [D] des conséquences d'une infection nosocomiale n'exclut pas que ce dernier puisse solliciter parallèlement l'indemnisation d'autres préjudices résultant d'une faute qu'aurait commise M. [V] au titre de son activité libérale. À cet égard, outre le préjudice moral que ce patient serait susceptible d'invoquer au titre d'une indication injustifiée de l'intervention chirurgicale au cours de laquelle il a contracté une infection nosocomiale, M. [D] pourrait également invoquer la perte de chance d'échapper à une telle infection.

Il en résulte que M. [D] pourrait valablement solliciter une indemnisation complémentaire à celle ayant d'ores et déjà fixée par le tribunal administratif et ayant indemnisé les seules conséquences de l'infection nosocomiale qu'il a subi, de sorte qu'il justifie d'un intérêt né, actuel et personnel d'agir en référé pour solliciter une expertise.

La recevabilité de l'action n'étant toutefois pas subordonnée à la démonstration du bien-fondé des demandes formulées, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [D] est par conséquent rejetée.

La caisse primaire d'Assurance maladie dispose d'un intérêt à solliciter le paiement des débours qui ont pu résulter de la faute recherchée par M. [D]

Sur l'absence de mise en cause du centre hospitalier de [Localité 8] :

Indépendamment de la question d'un bloc de compétence au profit du juge des référés judiciaire pour ordonner une mesure d'instruction commune à un médecin exerçant à titre libéral et à un établissement public hospitalier, aucune conséquence procédurale ne s'attache à une absence de mise en cause d'un tiers à l'instance en référé-expertise. Outre qu'une telle mise en cause n'incombe pas nécessairement au seul demandeur à la mesure d'instruction, elle est susceptible d'intervenir au cours des opérations d'expertise, notamment sur les observations et sur la proposition de l'expert.

Il en résulte en particulier que l'absence de mise en cause du centre hospitalier de [Localité 8] n'est pas de nature à justifier en soi le rejet de la demande d'expertise présentée par M. [D].

La nécessité alléguée par M. [V] d'une mise en cause du centre hospitalier devant le juge judiciaire est en outre contradictoire avec sa propre prétention selon laquelle l'intégralité du contentieux relèverait en réalité de la compétence de la juridiction administrative, dans la mesure où la consultation au cours de laquelle ce chirurgien a fourni en qualité de médecin libéral l'indication opératoire critiquée serait l'accessoire de l'intervention elle-même pour n'engager que la seule responsabilité du centre hospitalier au sein duquel cette chirurgie a été réalisée, et non celle du chirurgien lui-même.

Sur ce dernier point, la jurisprudence du Conseil d'Etat que cite M. [V] ne concerne toutefois que les modalités de mise en 'uvre de l'intervention chirurgicale sous l'angle du consentement du patient et de son information sur les risques présentés par sa réalisation, pour envisager qu'ils s'agrègent à l'acte chirurgical lui-même et relèvent par conséquent du service public médical.

En l'espèce, outre que l'incompétence de l'ordre judiciaire n'est pas invoquée par M. [V] dans le dispositif de ses conclusions, la faute reprochée par M. [D] au titre d'une indication injustifiée de l'opération chirurgicale s'inscrit dans un cadre autonome, dès lors qu'une telle indication par ce chirurgien exerçant à titre libéral constitue un acte de diagnostic ou de soins qui n'entretient aucun caractère accessoire avec la réalisation ultérieure de cette intervention en milieu hospitalier.

Sur la mesure d'instruction':

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.

Aucune condition relative à l'urgence ou à l'absence de contestation sérieuse n'est requise en la matière. Si les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne sont par ailleurs pas applicables au référé-expertise, il appartient cependant au demandeur d'établir l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction sollicitée, même en présence d'un motif légitime.

L'appréciation du motif légitime de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'instruction doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée qui ne doit pasmanifestementêtre vouée à l'échec.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé aux fins d'expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

Sur les modalités d'exécution des expertises ordonnées par la CRCI :

La circonstance qu'une demande de renvoi ait été refusée à M. [D] par la CRCI et que le conseil de M. [D] n'ait pu assister son client pour formuler ses observations à l'occasion de sa réunion du 24 novembre 2021 est étrangère à l'appréciation du respect du contradictoire dans le cadre de l'exécution de la mission d'expertise elle-même.

À cet égard, le déroulement des expertises ordonnées par la CRCI garantit le respect du contradictoire et autorise les parties à être assistées par un avocat ou par un médecin-conseil, alors que les compétences professionnelles des experts désignés résultent de leurs titres universitaires et des fonctions qu'ils exercent dans leurs spécialités respectives.

En l'espèce, les opérations d'expertise ont été réalisées dans des conditions permettant à M. [D] d'être notamment accompagné de Mme [Z], se présentant comme présidente d'une association de défense des victimes devant l'expert [L] et d'être assisté d'un médecin-conseil devant l'expert [S].

Seule la caisse primaire d'assurance-maladie fait valablement observer qu'elle n'est en revanche pas partie prenante à une expertise ordonnée par la CRCI et qu'elle ne peut par conséquent formuler devant l'expert désigné ses propres observations.

Sur le contenu des rapports d'expertise :

Alors que M. [V] était partie à ces expertises non seulement en sa qualité de chirurgien ayant réalisé une intervention dans un cadre hospitalier mais aussi comme médecin libéral, la mission confiée par la CRCI ne se limite pas à la seule recherche d'une infection nosocomiale, mais vise notamment à déterminer :

- d'une part, si «'le dommage est directement imputable, exclusivement ou partiellement à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins'».

- d'autre part, si «'le comportement de l'équipe médicale ou de chaque professionnel de santé mis en cause a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science'».

De fait, la coexistence d'une faute et d'une infection nosocomiale constitue une hypothèse à examiner pour permettre à la CRCI de déterminer tant l'existence d'un fait générateur justifiant la prise en charge par la solidarité nationale que l'évaluation des seuls préjudices en relation causale avec une telle infection pour en déterminer le degré de gravité.

Contrairement aux allégations de M. [D], la question de la faute du praticien libéral figure dans la mission des experts désignés par la CRCI et a ainsi été examinée en l'espèce par ces derniers.

En revanche, l'expertise ordonnée par la CRCI ne présentant par nature aucun caractère judiciaire, la mesure sollicitée par M. [D] ne s'analyse pas comme une contre-expertise, qui requérait qu'il démontre les insuffisances, les erreurs ou les contradictions du rapport établi par l'expert [L] dont il conteste les conclusions.

La preuve de l'existence d'une aggravation ne présente en outre d'intérêt qu'au titre de l'indemnisation de l'infection nosocomiale par la solidarité nationale, qui nécessite la démonstration du seuil de gravité des préjudices autorisant une telle prise en charge publique.

A l'inverse, la seule justification initiale des séquelles que présente M. [D] suffit à lui permettre d'invoquer valablement un préjudice devant le juge des référés, indépendamment de la démonstration d'une telle aggravation ultérieure au premier rejet de sa demande indemnitaire par la CRCI.

A l'inverse, M. [D] invoque valablement la contrariété entre les conclusions fournies par les rapports respectifs des experts [L] et [S] sur l'existence d'une faute imputable à M. [V] au titre de l'indication opératoire.

Le rapport d'expertise établi par l'expert [S] indique en effet que «'le 21 août 2014, une arthroscopie méniscectomie a été proposée par le docteur [V] (consultation en secteur libéral, intervention en secteur public). Cette intervention n'apparaît pas justifiée au vue des recommandations en vigueur concernant la chirurgie méniscale'», avec un renvoi à un lien hypertexte vers des recommandations établies par la Haute autorité de la santé portant sur les lésions méniscales et du ligament croisé antérieur. Au titre du comportement du médecin mis en cause, cet expert précise que «'seule l'indication initiale de la méniscectomie n'apparaît pas justifiée par la situation clinique rapportée (clinique et imagerie non concordantes)'». Il estime enfin que «'le dommage réside dans une arthrite septique à pneumoncoque d'origine nosocomiale secondaire à une arthroscopie méniscectomie non justifiée au moment de sa réalisation'».

Sans qu'il appartienne au juge des référés d'arbitrer une telle divergence entre les avis respectifs des experts successivement désignés par la CRCI, la circonstance que l'expert [S] retienne une faute imputable à M. [V] constitue un motif légitime pour M. [D] de solliciter une mesure d'instruction.

Enfin, les rapports d'expertise ordonnés par la CRCI se sont essentiellement focalisés sur les préjudices résultant de la seule infection nosocomiale. Pourtant, en cas de faute établie à l'encontre de ce chirurgien, il est notamment nécessaire de déterminer si l'évolution normalement prévisible de la situation de M. [D] pour traiter les lésions diagnostiquées et ayant conduit à l'intervention litigieuse aurait été plus favorable dans l'hypothèse contrefactuelle où M. [V] aurait opté pour une autre indication que l'arthroscopie méniscectomie, selon des modalités qu'un expert estimerait conforme aux données de la science.

En définitive, alors que la demande d'indemnisation à l'encontre de M. [V] n'est pas manifestement vouée à l'échec, M. [D] justifie l'existence d'un motif légitime de solliciter une expertise judiciaire.

L'ordonnance critiquée est par conséquent réformée, en ce qu'elle a débouté M. [C] [D] de sa demande d'expertise.

En l'état, alors que l'Oniam n'est pas partie à l'instance, il n'y a lieu de prévoir la recherche d'une infection nosocomiale par l'expert qu'au titre de la détermination de la part causale directement imputable à une faute qu'il relèverait à l'encontre du praticien libéral, sans qu'il y ait lieu notamment de lui confier la mission de statuer sur la gravité du préjudice qui en résulte par référence à l'article L 1142-1 II alinéa 1 et 2 du code de la santé publique.

Le niveau de complexité de l'expertise ordonnée ne requiert pas la désignation d'un collège d'experts, étant toutefois rappelé que l'expert désigné dispose de la faculté de solliciter, de sa propre initiative et sans qu'il soit nécessaire que la juridiction l'ordonne ou que le juge chargé du contrôle des expertises ne l'y autorise, un sapiteur d'une spécialité différente de la sienne.

En application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée par le présent arrêt est confié au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance de référé ainsi réformée.

Sur les dépens en matière de mesure d'instruction «'in futurum'» :

Le présent arrêt mettant fin à l'instance et dessaisissant la juridiction, il convient de statuer sur les dépens dans les conditions fixées au dispositif. La charge des dépens est cependant susceptible d'être ultérieurement modifiée, dans le cadre d'une éventuelle instance au fond qu'une des parties diligenterait sur la base des conclusions expertales.

La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).

Le sens du présent arrêt conduit dès lors à infirmer l'ordonnance sur ses dispositions relatives aux dépens et à laisser à chacune des parties ses propres dépens, tant de première instance que d'appel.

Sur l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile :

Dès lors qu'une condamnation à payer les frais irrépétibles suppose l'existence d'une partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, il convient de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir de M. [C] [D] et de la caise primaire d'Assurance Maladie de l'Artois ;

Confirme l'ordonnance rendue le 29 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune en ce qu'elle a;

- débouté les parties de leurs plus amples demandes, et dit à ce titre n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce figurant sous le numéro 6 du bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions de M. [C] [D] ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles ;

L'infirme en ce qu'elle a déboutée M. [C] [D] de sa demande aux fins d'expertise et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'instance ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Ordonne une expertise médicale de M. [C] [D], au contradictoire de l'ensemble des parties à la présente instance ;

Commet à cet effet M. [O] [I] [Y], [Adresse 10], expert inscrit sur la liste dressée par la cour d'appel de Douai ;

aux fins de procéder comme suit :

SUR LA MISSION D'EXPERTISE':

- entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus, ceci dans le strict respect des règles de déontologie médicale ou relative au secret professionnel ;

- recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs,à charge d'aviser le magistrat chargé du contrôle des expertises en cas de refus de lever le secret médical couvrant les documents concernés ;

- se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec le ou les faits dommageables ;

- recueillir au besoin, les déclarations de toutes les personnes informées, en précisant alors leurs nom, prénom, domicile et leurs liens de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté de vie avec l'une des parties ;

SUR LE FAIT GENERATEUR :

- rechercher l'état médical de M. [C] [D] avant l'acte ou les actes critiqués ;

- procéder à l'examen clinique de M. [C] [D] et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués ;

- rechercher si les actes médicaux réalisés étaient indiqués, si le diagnostic pouvait être établi avec certitude et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ; plus spécifiquement, se prononcer sur l'indication initiale de la méniscectomie par M. [E] [V] et indiquer si elle apparaît justifiée par la situation clinique rapportée et par les résultats de l'IRM pratiquée pour l'établir, au regard des données acquises de la science à la date de son intervention ;

- rechercher si le patient a reçu une information préalable et suffisante sur les risques que lui faisait courir l'intervention et si c'est en toute connaissance de cause qu'il s'est prêté à cette intervention ;

- analyser, le cas échéant, de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précaution nécessaires, négligences, pré, per ou postopératoires, maladresses ou autres défaillances de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué ;

- le cas échéant, indiquer si les lésions et séquelles sont imputables à une infection ; dans cette hypothèse préciser si celle-ci est de nature nosocomiale ou relève d'une cause extérieure et étrangère à l'hospitalisation ;

- En cas de concours de faits ayant concouru à la réalisation du préjudice subi par M. [C] [D], se prononcer sur l'imputabilité et sur la part causale de chacune de ces causes dans chaque poste de préjudice ;

SUR LES PREJUDICES SUBIS :

- fournir les éléments techniques permettant d'apprécier, de façon distincte s'il existe un tel concours de fautes, la perte de chance résultant :

* d'une part, d'un éventuel défaut d'information du patient sur un risque s'étant réalisé : proposer un pourcentage permettant de déterminer le degré de probabilité selon lequel le patient aurait refusé de procéder à l'acte médical litigieux, s'il n'avait pas été privé préalablement à cet acte d'une information loyale, claire et complète par le professionnel de santé sur les risques encourus, notamment en prenant en considération l'état de santé du patient ainsi que son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles des investigations ou des soins à risques lui sont proposés, ainsi que les caractéristiques de ces investigations, de ces soins et de ces risques, pour évaluer les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus ;

* d'autre part, d'une faute technique ou diagnostique commise par le professionnel de santé en relation causale avec les préjudices invoqués : proposer un pourcentage permettant de déterminer le degré de probabilité selon lequel le patient aurait pu éviter les conséquences dommageables qui ont résultées de cette faute ;

plus spécifiquement, dans l'appréciation d'une telle perte de chance, déterminer si une autre indication médicale aurait pu ou dû être posée par M. [V] au regard de la situation clinique de M. [D] ; dans l'affirmative, préciser si l'évolution normalement prévisible de la situation de M. [D] pour traiter les lésions diagnostiquées aurait été plus favorable dans l'hypothèse contrefactuelle où M. [V] aurait opté pour cette autre indication que l'arthroscopie méniscectomie ;

- déterminer les préjudices subis par M. [C] [D], en relation de causalité avec chacun des faits générateurs , selon la nomenclature suivante :

1) Préjudices avant consolidation

1-1) Préjudices patrimoniaux

1-1-1) Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Déterminer la durée de l'incapacité provisoire de travail, correspondant au délai normal d'arrêt ou de ralentissement d'activités ; dans le cas d'un déficit partiel, en préciser le taux,

1-1-2) Frais divers : Dire si du fait de son incapacité provisoire, la victime directe a été amenée à exposer des frais destinés à compenser des activités non professionnelles particulièresdurant sa maladie traumatique (notamment garde d'enfants, soins ménagers, frais d'adaptation temporaire d'un véhicule ou d'un logement, assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante - dans ce dernier cas, la décrire, et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d'autonomie)

1-2) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1-2-1) Déficit fonctionnel temporaire : Décrire et évaluer l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante)

1-2-2) Souffrances endurées avant consolidation : Décrire les souffrances endurées avant consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de sept degrés,

1-2-3) Préjudice esthétique temporaire : Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance, sur une échelle de sept degrés, d'un éventuel préjudice esthétique temporaire,

2) Consolidation

2-1) Proposer une date de consolidation des blessures, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire,

2-2) Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

2-3) Dans l'hypothèse où la consolidation ne serait pas acquise à l'issue du délai fixé par le présent arrêt pour l'exécution de l'expertise, faire rapport au juge chargé du contrôle des expertises pour déterminer l'opportunité d'une prorogation du délai ou d'un dépôt en l'état du rapport sur les seuls postes temporaires de préjudices';

3) Préjudices après consolidation

3-1) Préjudices patrimoniaux permanents

3-1-1) Dépenses de santé futures : décrire les frais hospitaliers, médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation

3-1-2) Frais de logement et de véhicule adapté : décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap,

3-1-3) assistance par une tierce personne : Se prononcer sur la nécessité d'une assistance par tierce personne; dans l'affirmative, préciser le nombre nécessaire d'heures par jour ou par semaine, et la nature de l'aide (spécialisée ou non); décrire les attributions précises de la tierce personne': aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l'extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc... ; donner toutes précisions utiles,

3-1-4) Perte de gains professionnels futurs : décrire les éléments permettant de dire si la victime subit une perte ou une diminution consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage (notamment perte d'emploi, temps partiel, changement de poste ou poste adapté)

3-1-5) incidence professionnelle : décrire l'incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l'emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)

3-1-6) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : dire si du fait de l'événement, la victime a subi un retard dans son parcours scolaire, universitaire ou de formation, et/ou a dû modifier son orientation, ou renoncer à une formation,

3-2) Préjudices extra-patrimoniaux

3-2-1) Déficit fonctionnel permanent : Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'événement, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties ;

Préciser le barème d'invalidité utilisé,

Dans l'hypothèse d'un état antérieur de la victime, préciser :

-si cet état était révélé mettrait en avant le fait dommageable (dansce cas, préciser

les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs) et s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident,

- s'il a été aggravé ou révélé ou décompensé par l'accident,

- si en l'absence d'accident, cet état antérieur aurait entrainé un déficitfonctionnel.Dans l'affirmative en déterminer le taux ;.

En toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;

3-2-2) Préjudice d'agrément : si la victime allègue l'impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d'agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,

3-2-3) Préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer sur une échelle de sept degrés,

3-2-4) Préjudice sexuel : dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction),

3-2-5) Préjudice d'établissement : dire si la victime présente un préjudice d'établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées,

Procéder de manière générale à toutes constatations ou conclusions utiles à la solution du litige,

SUR LES MODALITES D'ACCOMPLISSEMENT DE L'EXPERTISE :

Dit qu'en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle des opérations d'expertise sera assuré par le juge chargé des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Béthune, à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l'avis de consignation ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;

Fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Dit que l'expert pourra, sous réserve de l'accord par la victime de lever le secret médical s'y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise

Dit que l'expert remettra un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 6 mois à compter l'avis de consignation de la provision sur ses honoraires, et inviter les parties à formuler leurs observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce pré-rapport, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai';;

Dit que l'expert devra déposer au greffe du tribunal judiciaire de Béthune son rapport définitif, comportant notamment la prise en compte des observations formulées par les parties (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis), dans le délai de rigueur de 8 mois à compter l'avis de consignation de la provision sur ses honoraires (sauf prorogation dûment autorisée)'et communiquer ce rapport aux parties dans ce même délai ;

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l'expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception'; que la demande de rémunération mentionnera la date d'envoi aux parties de cette copie';

Rappelle que les parties disposeront d'un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l'expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités';

Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par M. [C] [D] qui devra consigner la somme de 800 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Béthune, dans un délai de 30 jours à compter de la présente ordonnance étant précisé que :

- la charge définitive de la rémunération de l'expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,

-à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, (sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime)

- chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l'autre en cas de carence ou de refus ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, tant de première instance que d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés devant la cour d'appel.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05622
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.05622 ?
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