La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2022 | FRANCE | N°21/05499

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 12 mai 2022, 21/05499


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 12/05/2022





****





N° de MINUTE : 22/207

N° RG 21/05499 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5TA



Ordonnance (N° 20/05587) rendue le 14 octobre 2021 par le juge de la mise en état de Lille





APPELANTES



SAMCV Matmut

[Adresse 10]

[Localité 12]



Organisme Bureau Central Francais

[Adresse 3]

[Localité 11

]



Représentées par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille





INTIMÉS



Madame [B] [N]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 18]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]



Monsieur [M] [F]

né l...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 12/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/207

N° RG 21/05499 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5TA

Ordonnance (N° 20/05587) rendue le 14 octobre 2021 par le juge de la mise en état de Lille

APPELANTES

SAMCV Matmut

[Adresse 10]

[Localité 12]

Organisme Bureau Central Francais

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentées par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Madame [B] [N]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 18]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 15]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Monsieur [Z] [C]

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 17]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 7] 1998 à [Localité 14]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Monsieur [U] [C]

né le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentés par Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 16]

[Adresse 6]

[Localité 8]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 10 décembre 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 30 mars 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 mars 2022

****

EXPOSE :

Mme [B] [N] a été victime d'un accident de la circulation causé en France par un véhicule immatriculé en Allemagne et assuré par une société d'assurance allemande HDI.

Par jugement définitif du 30 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Lille a condamné le Bureau central français d'assurance (le BCF) à indemniser les victimes directe et indirectes de l'accident.

Invoquant une aggravation situationnelle et fonctionnelle de son état, Mme [B] [N], M. [M] [F], et de MM. [Z], [M] et [U] [C] ont assigné en 2020 devant le tribunal judiciaire de Lille le BCF et la Matmut aux fins de condamnation du premier à payer une provision à Mme [N] et de condamnation de la seconde à payer des intérêts au double du taux légal sur la somme de 90 322,81 euros du 12 août 2008 jusqu'au jugement à intervenir.

Par ordonnance du 14 octobre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a notamment rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité de la Matmut pour défendre.

Par déclaration du 27 octobre 2021, la Matmut et l'association Bureau central français d'assurance (BCF) ont formé appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté une telle fin de non-recevoir.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 février 2022, la Matmut et le BCF demandent à la cour de réformer l'ordonnance critiquée pour dire que la Matmut sera mise hors de cause, et d'en confirmer les autres chefs. Ils demandent la condamnation de Mme [B] [N], M. [M] [F], et de MM. [Z], [M] et [U] [C] aux dépens, dont distraction au profit de leur conseil.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que':

- le BCF a pour mission la gestion et le règlement des sinistres de responsabilité civile automobile causés en France par des véhicules stationnés dans l'un des pays du Règlement général, qu'ils soient ou non assurés ;

-la Matmut représente exclusivement le BCF, qui peut seul être condamné à indemniser les préjudices subis par Mme [N] dans le cadre du système carte verte, alternativement à l'assureur allemand du véhicule, étant ainsi précisé que la Matmut n'est pas l'assureur de ce véhicule : la Matmut n'est qu'un simple «'sous-traitant'» qui a prêté ses services à la compagnie d'assurance allemande avec l'accord du BCF pour gérer le sinistre, mais sans en être le garant, de sorte que l'assignation n'a vocation à être dirigée qu'à l'encontre du BCF et de l'assureur allemand ;

- le doublement du taux des intérêts légaux sanctionnant un défaut d'offre indemnitaire par l'assureur n'est pas applicable à la Matmut, qui n'est pas l'assureur ou ne doit aucune garantie, étant observé que les intimés n'ont pas formé appel du jugement du tribunal de grande instance de Lille ayant énoncé le 30 novembre 2017 que le BCF n'était pas justiciable des dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances, de sorte qu'en sa qualité de mandataire du BCF, une telle sanction n'a pas davantage à s'appliquer à son encontre.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 24 février 2022, Mme [B] [N], M. [M] [F], et de MM. [Z], [M] et [U] [C] demandent à la cour de confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir respectivement tirées du défaut de qualité à agir à l'égard de la Matmut et de l'autorité de chose jugée et de condamner la Matmut aux dépens.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que':

- le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille en 2017 au titre de l'indemnisation initiale du préjudice résultant de l'accident subi par Mme [N] a relevé que la Matmut était «éventuellement tenue au regard des dispositions'» de l'article L. 211-13 du code des assurances, avant de constater qu'elle n'était toutefois pas partie à l'instance : dans ces conditions, la Matmut a été assignée dans le cadre de la nouvelle instance en aggravation sensationnelle et fonctionnelle de la victime ;

- aucune autorité de chose jugée tirée d'un «'principe de concentration des demandes et des moyens'» ne s'oppose à la mise en 'uvre du doublement des intérêts dans le cadre de l'indemnisation d'une aggravation, après que le préjudice corporel a été indemnisé au titre de l'état initial de la victime ;

- la Matmut a été désigné comme mandataire par le BCF, de sorte que les articles 1984 et suivants du code civil et la charte du correspondant en France doivent s'appliquer ; alors qu'ils ignorent les termes du mandat liant le BCF à la Matmut, même si cette dernière n'a pas régularisé un mandat ad litem, cet assureur reste responsable en sa qualité de mandataire des obligations issues de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, et doit notamment à ce titre présenter une offre d'indemnisation dans les conditions prévues par l'article 211-9 du code des assurances.

La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 16] n'a pas constitué avocat devant la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de doublement du taux légal des intérêts à l'encontre de la Matmut :

A titre liminaire, la cour observe que les parties ne procèdent pas clairement à la qualification juridique du statut de la Matmut.

Pour autant, outre qu'aucune pièce versée à l'incident n'établit d'une part que la Matmut soit le «'représentant'» de la société d'assurance allemande, qui l'aurait investie en cette qualité en application de l'article 21 de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, une telle qualité n'est pas applicable en l'espèce, dès lors qu'un tel représentant a pour mission de traiter et régler les sinistre résultant d'un accident dans les cas visés à son article 20, § 1, c'est-à-dire pour l'indemnisation des personnes lésées à la suite d'un accident survenu dans un Etat membre autre que celui de leur résidence. En l'espèce, l'accident subi par Mme [N] étant survenu sur son propre Etat de résidence, ces dispositions ne sont pas applicables.

D'autre part, au sein des pays adhérents au système carte verte et en application du Règlement général élaboré par le Conseil des bureaux, les assureurs désignent des «'correspondants'» dans le pays où l'accident est survenu, qui peuvent être appelés à répondre aux demandes des victimes, sauf si celles-ci préfèrent s'adresser au bureau national d'assurance, à charge pour ce dernier de renvoyer le dossier au correspondant en application de l'article 3.2 de ce Règlement général.

En l'espèce, si aucune pièce n'établit l'existence d'un agrément par le BCF de la Matmut en qualité de correspondant de la société allemande HDI, les parties se réfèrent toutefois respectivement à la «'Charte du correspondant en France'», telle qu'elle est publiée par le BCF, alors que l'assignation de ce dernier par Mme [N] et ses proches aux fins de condamnation provisionnelle révèle leur volonté d'agir directement à l'encontre du bureau central.

En principe, le correspondant agréé agit à la fois, dans le traitement de l'indemnisation des personnes lésées et l'assurance automobile obligatoire, au nom du bureau qui l'a agréé et pour le compte de l'assureur qui a demandé son agrément, en application de l'article 4.4 du Règlement général, et ce conformément aux dispositions légales et réglementaires du pays du lieu de l'accident. À cet égard, en application de l'article 4.5. du Règlement général, le bureau qui l'a agréé reconnaît ce correspondant comme exclusivement compétent pour gérer et régler les réclamations au nom du bureau lui-même et pour le compte de l'assureur qui a demandé son agrément'; le bureau s'oblige à informer les personnes lésées de cette compétence exclusive et à faire suivre au correspondant toutes notifications relatives à ces réclamations.

Pour autant, ce même article 4.5 stipule in fine que le BCF peut se substituer au correspondant dans la gestion et le règlement d'une réclamation à tout moment et sans devoir en justifier.

Alors que le BCF intervient en l'espèce pour soutenir l'argumentaire de la Matmut et s'associe ainsi à la demande de mise hors de cause de cette dernière, il fonde toutefois une telle prétention sur une absence de 'mandat ad litem' qu'il aurait confié à la Matmut, notamment par référence à un courrier de réponse qu'il a adressé le 1er août 2014 au gestionnaire de cet assureur pour l'inviter à 'mandater un avocat afin qu'il se constitue pour [son] compte lors de l'audience qui se tiendra par devant le TGI de Lille', avant d'ajouter 'nous vous remercions également de lui demander de soulever votre défaut de qualité car en tant que correspondant, vous n'avez pas reçu de notre part de mandat ad litem'.

Pour autant, le seul agrément de la Matmut par le BCF en qualité de correspondant de l'assureur allemande, dont l'existence n'est pas contestée par les parties, suffit à investir ce correspondant de l'ensemble des prérogatives qui s'attachent à cette qualité, dans les conditions rappelées ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire qu'un mandat ad litem lui soit confié.

A l'inverse, le BCF ne justifie pas avoir fait application des stipulations lui permettant de se substituer à ce correspondant, pour assurer de façon directe la gestion et le réglement du sinistre dont Mme [N] et ses proches sollicitent l'indemnisation au titre d'une aggravation du préjudice initial.

A cet égard, le courrier du 1er août 2014 établit à l'inverse que le BCF n'a pas déchargé la Matmut de sa fonction de correspondant, qu'elle vise au contraire de façon expresse.

Alors que l'article 4.4. du Règlement général précise que le correspondant traite, conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables dans le pays de survenance de l'accident relative à la responsabilité, l'indemnisation des personnes lésées et l'asssurance automobile obligatoire, l'article 2.6.2. de la 'Charte du correspondant' précise à cet égard que le correspondant est tenu de présenter une offre d'indemnisation ou une réponse motivée aux éléments invoqués dans la réclamation à la victime, conformément aux dispositions de l'article L. 211-9 du code des assurances'.

Il en résulte clairement qu'indépendamment du bien-fondé de la demande présentée à son encontre, il appartenait à la Matmut d'assurer la gestion du sinistre et qu'il lui incombait à ce titre de présenter une offre à la victime dans les conditions de l'article L. 211-9 précité.

Dans ces conditions, la sanction du doublement du taux d'intérêt légal a vocation à concerner la Matmut, de sorte qu'elle a qualité à défendre dans la présente instance.

L'ordonnance critiquée est par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un tel défaut de qualité à défendre.

Sur les dépens :

Le sens du présent arrêt conduit à condamner le BCF et la Matmut aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 14 octobre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille, en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité de la Matmut pour défendre ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum l'association Bureau central français et la Matmut aux entiers dépens d'appel.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05499
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.05499 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award