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12/05/2022 | FRANCE | N°21/04621

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 12 mai 2022, 21/04621


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 12/05/2022





****





N° de MINUTE : 22/210

N° RG 21/04621 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2CC



Ordonnance (N° 21/00090) rendue le 10 août 2021 par le président du tribuanl judiciaire de Valenciennes





APPELANTE



SAS Aeris Sante Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représent

ée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai et Me Guillaume Graux, avocat au barreau d'Amiens



INTIMÉES



Madame [J] [E] Veuve [G]

née le [Date naissance 2] 1974 À [Localité 10] (algérie)

de nationalité fra...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 12/05/2022

****

N° de MINUTE : 22/210

N° RG 21/04621 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2CC

Ordonnance (N° 21/00090) rendue le 10 août 2021 par le président du tribuanl judiciaire de Valenciennes

APPELANTE

SAS Aeris Sante Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai et Me Guillaume Graux, avocat au barreau d'Amiens

INTIMÉES

Madame [J] [E] Veuve [G]

née le [Date naissance 2] 1974 À [Localité 10] (algérie)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du hainaut prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 11 octobre 2021 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 16 mars 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 février 2022

****

[W] [G], né le [Date naissance 9] 1959, est décédé à son domicile le [Date décès 1] 2020, à 22h40.

Le certificat médical dressé par le docteur [S] [V], médecin du SMUR de [Localité 5], indique notamment qu'il n'y a pas d'obstacle médico-légal à l'inhumation, ni nécessité de rechercher la cause du décès par prélèvement, examen ou autopsie médicale et qu'il existait au moment du décès une prothèse fonctionnant au moyen d'une pile.

Suivant courrier du 21 juillet 2020, Mme [J] [E] veuve [W] [G], informait la société Aeris santé de ce qu'elle entendait déposer une plainte pour homicide involontaire tenant cette entreprise pour responsable du décès de son époux pour ne pas les avoir avisés des risques, en cas de douleurs cardiaques ou d'apparition de vomissements, d'utilisation de l'appareil à pression positive de marque Res Med, fourni par cette société, dans le cadre d'un traitement du syndrome d'apnée obstructive du sommeil.

Par courrier du 10 août 2020, Mme [G] demandait au docteur [S] [V], médecin du SMUR de [Localité 5], de lui adresser le compte rendu de son intervention le dimanche [Date décès 1] 2020, afin que lui soit précisé si le décès de son mari était bien dû à une asphyxie liée au vomi qui a été poussé dans ses voies respiratoires,ou à une crise cardiaque, indiquant que son époux avait un Ravale (volter implant able) pour surveiller l'activité de son c'ur, ou à une autre cause.

N'ayant pas reçu de réponse à ses courriers, Mme [G] a, suivant actes d'huissier en date des 31 mars et 31 mai 2021, fait assigner devant le juge des référés de Valenciennes les société Aeris, Aeris Santé et la caisse primaire d'assurance-maladie du Hainaut afin d'obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile une mesure d'expertise judiciaire.

Suivant ordonnance en date du 10 août 2021, le président du tribunal judiciaire de Valenciennes statuant en référé :

- a mis hors de cause la société Aeris et a rejeté toutes les demandes dirigées contre elle,

- a ordonné une expertise confiée au docteur [N] [R], aux fins de retracer l'état de santé de [W] [G] avant son décès à partir du dossier médical complet, décrire en détail les lésions et les pathologies initiales, les modalités du traitement, en précisant, autant que possible, les durées exactes d'hospitalisation, la nature et le nom d'établissement, le les services concernés, la nature des soins, et les circonstances sorties en précisant toute éventuelle sortie contre avis médical, rechercher l'état médical de M. [G] au moment de son décès, sans néanmoins procéder à son exhumation, rechercher si l'appareil à pression positive délivré par la société Aeris Santé a eu un rôle causal dans la survenue du décès de [W] [G] et dans quelle proportion,

- a laissé les dépens à la charge de Mme [G],

- a débouté les demandes plus amples ou contraires des parties, précision étant faite que la société Aeris Santé demandait à titre principal le rejet des demandes de Mme [G], la condamnation de Mme [G] à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre subsidiaire que la mission d'expertise soit précisée, et que la caisse primaire d'assurance-maladie du Hainaut sollicitait la condamnation de la société Aeris à lui payer la somme de 3461 € correspondant à sa créance définitive outre celle de 1098 € au titre de l'indemnité forfaitaire des articles L376-1 et L454-1 du code de la sécurité sociale.

Suivant déclaration en date du 26 août 2021, la société Aeris Santé a formé appel tendant à l'annulation de l'ordonnance du 10 août 2021 ou à sa réformation :

- en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes,

- a ordonné une expertise et a commis pour y procéder le docteur [N] [R],

du chef de la mission de l'expert,

-du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 18 février 2022, la société Aeris Santé demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile :

- d'infirmer l'ordonnance du 10 août 2021 : en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes, en ce qu'elle a ordonné une expertise et a commis pour y procéder le docteur [N] [R], du chef de la mission de l'expert et du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau, débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens.

Elle fait valoir que les éléments de preuve fournis par Mme [G], à savoir le certificat médical de décès, sont notoirement insuffisants pour que la responsabilité de la société Aeris Santé puisse être jugé simplement envisageable et qu'il n'est justifié d'aucun motif légitime, le premier juge ayant retenu à tort qu'il était constant que [W] [G] était décédé d'une asphyxie provoquée par l'accumulation de ces régurgitations dans le masque qui aurait obstrué ses voies respiratoires et envahi ses poumons, cette allégation de Mme [G] ne résultant nullement du certificat médical de décès, lequel est la seule pièce médicale versée aux débats.

Elle ajoute que Mme [G] ne communique aucun élément sur la plainte pour homicide involontaire qu'elle a indiqué avoir déposée.

Enfin, elle indique que Mme [G] n'établit pas que la solution du litige dépendrait des faits et objet de la mesure, dès lors que Mme [G] allègue une perte de chance de survie liée au défaut d'information de la société Aeris Santé sur des effets indésirables du traitement, alors même que la société Aeris Santé met seulement en place des dispositifs médicaux conformément à une prescription médicale, son obligation se limitant à fournir des matériels homologués assortis de notices établies par le fabricant de ces matériels sur la base d'une prescription médicale qu'il ne lui appartient pas de modifier, d'expliquer au patient la manière de se servir de la machine conformément à la prescription médicale et de l'aider à observer le traitement prescrit par le médecin.

Suivant conclusions notifiées le 5 novembre 2021, Mme [G] demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile de déclarer la société Aeris Santé mal fondée en son appel, l'en débouter, confirmer en conséquence l'ordonnance attaquée et y ajoutant, condamner la société Aeris Santé à lui payer une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la société Aeris Santé aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Loïc Ruol, membre de la SCP Courtin Ruol et associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle indique qu'il est constant et non contesté que son époux portait le masque facial fourni par la société Aeris Santé au moment où il est décédé, qu'il est également constant qu'il est décédé d'une asphyxie provoquée par l'accumulation de ces régurgitations dans le masque, qui ont obstrué ses voies respiratoires, et envahi ses poumons et que de ce fait la mesure d'expertise est nécessaire pour savoir si le décès serait survenu dans l'hypothèse où son époux n'aurait pas été muni de masque.

La caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 11 octobre 2021 n'a pas constitué avocat, sa demande de condamnation de la société Aeris formée par courrier reçu le 25 octobre 2021 étant irrecevable.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mesure d'instruction':

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

Il n'est nullement contesté que la mesure d'expertise ordonnée est une mesure d'instruction légalement admissible.

Sur l'absence de tout procès :

La mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut avoir pour objet d'éclairer les faits nécessaires au succès de prétentions dont sont déjà saisis les juges du fond.

Si Mme [G] évoquait dans son courrier du 21 juillet 2020 qu'elle entendait déposer plainte, aucune pièce versée aux débats ne prouve qu'elle l'a fait et encore moins qu'un juge du fond a été saisi, de sorte que la première condition relative à l'absence de tout procès au fond est remplie.

Sur le motif légitime à solliciter l'expertise :

Aucune condition relative à l'urgence ou à l'absence de contestation sérieuse n'est requise en la matière. Si les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne sont par ailleurs pas applicables au référé-expertise, il appartient cependant au demandeur d'établir l'intérêt probatoire de la mesure d'instruction sollicitée, même en présence d'un motif légitime.

L'appréciation du motif légitime de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'instruction doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée qui ne doit pas manifestement être vouée à l'échec.

Si la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut avoir pour objet d'éclairer les faits nécessaires au succès de prétentions dont sont déjà saisis les juges du fonds, il appartient toutefois au juge des référés de déterminer si la mesure n'est pas utile pour la solution d'un litige distinct.

En l'espèce, Mme [G] expose qu'elle sollicite cette expertise médicale car elle cherche à établir la responsabilité de la société Aeris Santé à laquelle elle reproche de ne pas les avoir informés, elle et son époux, que le traitement par pression positive est contre-indiqué à l'apparition de vomissements ou de douleurs cardiaques, ces contre-indications ne figurant pas sur la liste de contre-indication figurant sur la notice explicative qui leur a été remise par la société Aeris Santé.

Dès lors et quand bien même, il n'est justifié par aucun élément versé aux débats que [W] [G] est décédé d'une asphyxie provoquée par l'accumulation de ces régurgitations dans le masque qui aurait obstrué ses voies respiratoires et envahi ses poumons, Mme [G] a un intérêt à obtenir une expertise médicale pour déterminer les causes de la mort de son époux et l'éventuel rôle du port du masque fourni par la société Aeris Santé, le juge des référés ne pouvant à ce stade préjuger de la responsabilité contractuelle de cette société.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer l'ordonnance attaquée sur les dépens et le rejet des demandes des parties formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner la société Aeris Santé partie perdante aux dépens d'appel, à rejeter sa demande en appel d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et à la condamner à payer à Mme [G] une somme de mille euros d'indemnité d'article 700 en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 10 août 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant':

Condamne la SAS Aeris Santé aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Loïc Ruol, membre de la SCP Courtin Ruol et associés,

Condamne la SAS Aeris Santé à payer à Mme [J] [E] veuve [W] [G] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04621
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.04621 ?
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