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12/05/2022 | FRANCE | N°21/04174

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 12 mai 2022, 21/04174


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ORDONNANCE DU 12/05/2022



*

* *



N° de MINUTE :22/206

N° RG 21/04174 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYRF



Jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille en date du 27 Mai 2021



DEMANDERESSE À L'INCIDENT



SAMCV Matmut

[Adresse 8]

[Localité 9]



Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille



DÉFENDEURS Ã

€ L'INCIDENT



Monsieur [D] [E]

né le [Date naissance 4] 1996 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représenté par Me Clément Fournier, avocat au barreau de Lille



Monsieur [D] [S]

né le [Date naissance...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ORDONNANCE DU 12/05/2022

*

* *

N° de MINUTE :22/206

N° RG 21/04174 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYRF

Jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille en date du 27 Mai 2021

DEMANDERESSE À L'INCIDENT

SAMCV Matmut

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille

DÉFENDEURS À L'INCIDENT

Monsieur [D] [E]

né le [Date naissance 4] 1996 à [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Clément Fournier, avocat au barreau de Lille

Monsieur [D] [S]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Jean-philippe Deveyer, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 11] [Localité 6] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

A laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 6 octobre 2021 à personne habilitée

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Guillaume Salomon

GREFFIER : Gaëlle Przedlacki lors de l'audience, Harmony Poyteau lors du délibéré

DÉBATS : à l'audience du 30 mars 2022

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 12/05/2022

***

EXPOSE :

Le 7 novembre 2018, M. [D] [E] a été victime de brûlures, alors qu'il travaillait au sein de la cuisine d'un restaurant dont M. [D] [S] était le gérant.

Ayant été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Lille pour avoir commis des violences volontaires à l'encontre de M. [E], M. [S] a été condamné pénalement selon jugement correctionnel du 31 janvier 2019.

Par arrêt du 21 janvier 2020, la cour d'appel a toutefois relaxé M. [S] des faits qui lui étaient ainsi reprochés.

Par acte du 21 mars 2019, M. [E] a assigné M. [S] devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'indemnisation des préjudices corporels résultant des violences qu'il imputait à ce dernier. M. [S] a assigné la Matmut, son assureur, aux fins d'être garanti de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lille a principalement débouté M. [E] de sa demande indemnitaire.

M. [E] a formé appel de ce jugement par déclaration du 28 juillet 2021.

Par conclusions d'incident notifiées le 22 janvier 2022, la Matmut demande au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [E] au visa de l'article 1355 du code civil et de condamner ce dernier aux dépens, dont distraction au profit de son conseil.

A l'appui de ses prétentions, la Matmut fait valoir que l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 rend irrecevable la demande d'indemnité présentée devant la juridiction civile, dès lors qu'il résulte de cet arrêt correctionnel qu'aucun comportement fautif n'a été retenu à l'encontre de M. [S].

Par conclusions d'incident du 28 mars 2022, M. [S] demande également au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre par M. [E], de débouter en conséquence ce dernier de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il adopte un argumentaire similaire à celui de son assureur.

Par conclusions d'incident du 9 mars 2022, M. [E] demande au conseiller de la mise en état de débouter la Matmut de l'ensemble de ses demandes et de condamner tout succombant à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

- il ne s'est pas constitué partie civile devant la chambre des appels correctionnels, conservant ainsi une telle possibilité d'agir ultérieurement devant la juridiction civile ;

- l'arrêt correctionnel n'a aucune autorité de chose jugée et ne lie pas la juridiction civile ;

- M. [S] est à l'origine de ses brûlures, en l'ayant poussé alors qu'il manipulait une casserole d'eau brûlante ;

- l'article 4-1 du code de procédure pénale permet de considérer que son appel est recevable.

La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 11]-[Localité 6] n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des demandes formulées par M. [E] au titre de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil :

A titre liminaire, l'argumentaire invoqué par M. [E] au titre d'une absence de constitution de partie civile devant la chambre des appels correctionnels est d'une part indifférent, alors que M. [S] et la Matmut n'invoquent pas la question de l'option procédurale entre les voies civile et pénale pour obtenir la réparation civile de son préjudice telle que réglementée par l'article 4 du code de procédure pénale, mais soutiennent que la relaxe prononcée par l'arrêt pénal statuant sur l'action publique s'impose au juge civil.

À cet égard, le tribunal judiciaire de Lille a relevé dans son jugement du 27 mai 2021 qu'il n'avait pas été saisi d'une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil.

A l'identique d'une défense au fond, une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, en application de l'article 123 du code de procédure civile, de sorte que M. [S] et la Matmut sont recevables à invoquer un tel moyen devant la cour d'appel.

L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.

Cette autorité s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe.

L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et ne fait pas obstacle à ce que d'autres éléments étrangers à cette dernière soient soumis à l'appréciation de la juridiction civile.

En l'espèce, M. [S] a été poursuivi devant la juridiction pénale du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de 8 jours au préjudice de M. [E].

La relaxe de M. [S] est intervenue «'au bénéfice du doute'», au motif que le caractère intentionnel des violences alléguées par M. [E] n'est pas clairement établi, alors que les circonstances des brûlures subies par ce dernier sont en revanche compatibles avec l'hypothèse que ces brûlures soient intervenues dans le restaurant, mais en fin de service et «'postérieurement au passage de [S] [D]'», et qu'elles résultent en définitive d'une inattention de la part de ce salarié.

Alors que le bénéfice du doute ne permet pas au juge civil de considérer que les faits poursuivis ont été néanmoins commis par le prévenu relaxé, une telle relaxe est par conséquent intervenue sur la base des constatations suivantes par la chambre des appels correctionnels :

-caractère improbable de l'horaire auquel M. [E] prétend que les brûlures sont

intervenues (11 heures), alors qu'au regard de l'intensité des souffrances invoquées, la temporisation par la victime d'une admission aux urgences jusqu'à la fin de son service n'est pas crédible ;

- caractère vraisemblable de l'intervention de ces brûlures à un horaire auquel M. [S] n'était pas physiquement présent dans la cuisine.

Alors que la chambre des appels correctionnels ne peut relaxer le prévenu sans avoir préalablement envisager l'infraction sous ses différentes qualifications juridiques et qu'à cet égard cette juridiction pénale n'a pas envisagé de requalifier les faits en blessures involontaires, il en résulte qu'en définitive, la relaxe n'intervient pas exclusivement en considération de l'absence d'élément intentionnel de l'infraction reprochée, dans des conditions qui auraient notamment permis à M. [E] d'invoquer une faute non intentionnelle devant le juge civil, mais également en considération de l'absence de preuve d'une participation matérielle de M. [S] aux faits litigieux qu'invoque à nouveau M. [E] devant le juge civil.

L'article 4-1 du code de procédure pénale est enfin étranger à la solution du présent incident, en ce qu'il consacre l'absence d'unité entre fautes civile et pénale en matière d'infraction non intentionnelle, alors qu'en l'espèce, la relaxe prononcée par la chambre des appels correctionnels ne vise pas une absence de faute pénale non intentionnelle.

En définitive, l'autorité de chose jugée au pénal concernant en réalité une absence de participation matérielle de M. [S] aux faits litigieux s'impose à la juridiction civile, de sorte que M. [E] ne peut fonder une action indemnitaire devant cette dernière sur les mêmes faits en invoquant une telle imputabilité de ses blessures à un comportement fautif de M. [S].

Les demandes de M. [E] sont par conséquent irrecevables.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

L'incident mettant fin à l'instance, il convient de statuer non seulement sur les dépens liés à cet incident, mais également sur ceux afférent au fond, et notamment sur le coût du timbre fiscal.

La succombance de M. [E] justifie sa condamnation à payer ces dépens et d'autoriser le conseil de la Matmut à en recouvrer directement contre M. [E] ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Enfin, M. [E] est condamné à payer à M. [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a exposé dans le cadre de l'incident et du fond.

PAR CES MOTIFS,

Le conseiller de la mise en état

Déclare irrecevables les demandes formulées par M. [D] [E] à l'encontre de M. [D] [S] ;

Condamne M. [D] [E] aux dépens du présent incident, ainsi qu'aux dépens de l'instance au fond ;

Autorise la Scp Toulet-Delbar à recouvrer directement contre M. [D] [E] les dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [E] à payer à M. [D] [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreLe Magistrat chargé de la mise en état

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04174
Date de la décision : 12/05/2022
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.04174 ?
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