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12/05/2022 | FRANCE | N°20/05006

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 12 mai 2022, 20/05006


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 12/05/2022





****





N° de MINUTE :22/211

N° RG 20/05006 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKIK



Jugement (N° 18/01024) rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Valenciennes







APPELANTS



Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Local

ité 4]



Madame [P] [G]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 4]



Représentés par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes



INTIMÉE



SARL Le Cercle

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 12/05/2022

****

N° de MINUTE :22/211

N° RG 20/05006 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKIK

Jugement (N° 18/01024) rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTS

Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [P] [G]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentés par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

SARL Le Cercle

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Céline Level, avocat au barreau de Valenciennes

DÉBATS à l'audience publique du 10 mars 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 après prorogation du délibéré en date du 05 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 mars 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Valenciennes auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits et de la procédure :

-1. ayant débouté M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] (les époux [M]) de l'ensemble de leurs demandes ;

-2. les ayant condamnés à payer à la Sarl Le cercle la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-3. ayant ordonné l'exécution provisoire de son dispositif ;

-4. ayant débouté les parties de toutes autres demandes ;

-5. ayant condamné les époux [M] aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise ordonnée en référé.

Vu la déclaration d'appel formée le 5 décembre 2020 par laquelle les époux [M] ont formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 2 et 5 ;

Vu les conclusions notifiées le 13 janvier 2022 par les époux [M], par lesquelles ils demandent à la cour, au visa de l'ancien article 1382 devenu 1240 du Code civil, et du rapport de l'expert [T], d'infirmer le jugement entrepris et de :

- ordonner à la Sarl Le cercle de réaliser les travaux prescrits par l'expert c'est-à-dire :

* réfectionner le défaut d'étanchéité de joint d'embase du conduit ;

* supprimer le chapeau pare-pluie ;

* mettre en 'uvre un caisson de filtration à charbon actif, statique ou motorisé, en sortie de hotte de cuisine ;

* remplacer l'extracteur existant en pied de conduit par un extracteur acoustique plus puissant en tête de conduit de cheminée, équipé d'un kit de rejet vertical pare-pluie, pour compenser les pertes de charges et accroître son efficacité ;

* dans les 3 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et qu'à défaut de ce faire, il conviendra de fixer une astreinte provisoire dont le montant devra être déterminé par la cour ;

- condamner la Sarl Le cercle à leur payer une indemnité de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi ;

- la condamner au paiement d'une indemnité de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- la condamner aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Courtin-Ruol & associés.

Vu l'ordonnance rendu le 16 décembre 2021 par le conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 2 juillet 2021 par la Sarl Le cercle ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la Sarl Le cercle :

La cour observe que la demande n'est pas fondée sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage, qui ne requiert pas la démonstration d'une faute et conduit exclusivement à apprécier l'intensité du préjudice effectivement subi pour en caractériser le caractère anormal par référence aux troubles que tout voisin doit en principe supporter en provenance des propriétés situées dans son environnement proche.

Les époux [M] fondent en effet expressément leur demande indemnitaire sur la responsabilité délictuelle de la Sarl Le cercle sur le fondement exclusif de l'article 1382 du code civil, lequel nécessite dès lors que ces derniers prouvent de façon cumulative l'existence d'une faute imputable à celui auquel est réclamée l'indemnisation, d'un préjudice qu'ils subissent et d'un lien de causalité entre ces deux premiers éléments constitutifs.

=$gt; A l'appui de leurs prétentions, les époux [M] contestent en premier lieu la conformité de l'installation d'évacuation d'air par la cheminée équipant le mur pignon des locaux dans lesquels la Sarl Le cercle exploite un restaurant, au seul motif qu'un respect de la législation applicable impliquerait à l'inverse l'inexistence des nuisances olfactiques qu'ils invoquent.

Pourtant, la conformité de l'évacuation d'air pollué par la cheminée litigieuse ne se mesure pas à l'aune des effets produits par ce dispositif, mais en considération de son respect des normes dûment justifiée en matière de hauteur et de géométrie.

Ainsi, la seule circonstance qu'un préjudice de nuisance soit établi ne suffit pas à démontrer l'existence d'une faute à l'origine de ce préjudice.

À cet égard, alors que la réglementation impose à un restaurateur d'installer un système d'extraction d'air destiné à renouveler suffisamment l'air dans l'immeuble où son activité s'exerce dans des conditions fixées par le règlement sanitaire départemental, l'article 18 de l'arrêté du 22 octobre 1969 dispose que les orifices extérieurs des conduits doivent se situer au moins 0,4 mètres au-dessus de toute construction dans un rayon de huit mètres, afin de s'assurer que l'air extrait ne vienne pas s'introduire dans les immeubles voisins.

Au visa de ce texte, le tribunal de grande instance de Valenciennes a débouté par jugement du 25 février 2015 les époux [M] d'une demande de rehaussement du conduit de la cheminée équipant les locaux qui étaient à l'époque exploités par la Sarl L'adresse, et non par la Sarl Le cercle.

Alors que la réalisation des travaux de mise en conformité a été justifiée par la Sarl Le cercle au cours de l'expertise, l'expert a constaté à cet égard que l'installation litigieuse respecte désormais la législation visée par l'article 18 précité.

Une telle mise en conformité résulte ainsi d'une facture datée du 10 janvier 2016 et acquittée par la Sarl Le cercle.

Pour autant, antérieurement à ces travaux réalisés par la Sarl Le cercle, les nuisances olfactives étaient déjà constatées par un constat d'huissier dressé le 24 octobre 2014 (pièce n°8) ou attestées par des témoins (pièces n°15 et 4).

Alors qu'il n'incombe à la Sarl Le cercle de n'indemniser les époux [M] que des conséquences dommageables résultant des fautes qui lui sont personnelles, et non de celles imputables à la Sarl L'adresse, les époux [M] ne précisent pas la date à laquelle cette dernière a cédé l'exploitation du fonds de commerce de restauration à la Sarl Le cercle.

Le jugement rendu le 25 février 2015 par le tribunal de grande instance de Valenciennes permet toutefois de relever qu'à la date de son prononcé, la Sarl L'adresse restait la partie adverse des époux [M].

Il en résulte que le préjudice subi par les époux [M] et résultant exclusivement de l'absence fautive de rehaussement suffisant de la cheminée directement imputable à la Sarl Le cercle porte sur une durée inférieure à un an et s'achève en janvier 2016.

La responsabilité de la Sarl Le cercle étant engagée sur cette période, il convient d'indemniser les époux [M] du préjudice causé par une telle faute à hauteur de 2 000 euros, alors qu'il est valablement établi qu'ils ont subi les odeurs de friture tant dans leur jardin que dans l'intérieur de leur immeuble d'habitation lorsque les fenêtres étaient ouvertes, dans des conditions établissant un trouble de jouissance résultant de telles nuisances.

En revanche, dès lors qu'elles concernent des faits postérieurs à janvier 2016, les autres attestations ou constat d'huissier produits par les époux [M] ne concernent qu'un préjudice olfactif sans lien de causalité avec la seule faute imputable à la Sarl Le cercle antérieurement à l'intervention de cette mise en conformité.

Aucune faute postérieure à janvier 2016 n'est ainsi prouvée à l'encontre de la Sarl Le cercle.

=$gt; En deuxième lieu, l'expert estime que le dispositif est générateur de nuisances olfactives en considération de l'environnement dans lequel la cheminée litigieuse est implantée.

À cet égard, il mentionne d'une part «'la présence d'un chapeau pare-pluie qui crée un obstacle en sortie haute de conduit et rabat vers le sol l'air extrait, dans la zone dépressionnaire que constitue le jardin'». Pour autant, les époux [M] n'établissent pas l'existence d'une norme prohibant l'installation d'un tel dispositif anti-pluie à l'extrémité d'une cheminée respectant les normes de hauteur précédemment rappelées. De même, la nécessité de mettre en 'uvre un caisson de filtration à charbon actif en sortie de hotte de cuisine ou de remplacer l'extracteur existant en pied de conduit de la cheminée n'est justifiée par aucun texte imposant une telle installation ou transformation.

D'autre part, l'expert relève la présence d'un mur pignon à environ deux mètres de l'axe du pignon et l'existence d'une zone dépressionnaire constituée par la présence du jardin appartenant aux époux [M]. A nouveau, aucune réglementation n'est invoquée ou prouvée pour établir que l'installation litigieuse serait non règlementaire en considération d'une telle circonstance.

Enfin, il mentionne l'orientation défavorable des vents dominants.

En définitive, les époux [M] ne prouvent en réalité aucune faute résultant de ces différentes circonstances ou configurations.

À cet égard, seul le régime objectif de responsabilité fondé sur le trouble anormal de voisinage autorise à indemniser une nuisance en fonction de sa seule existence et de son anormalité, même dans l'hypothèse où l'installation génératrice de cette nuisance est elle-même conforme à la réglementation.

Le premier juge a d'ailleurs débouté les époux [M] de leurs demandes non seulement en considération d'une absence de faute prouvée, mais également en considération de l'insuffisante démonstration des nuisances invoquées par ces derniers, en faisant usage des critères habituellement retenus pour statuer en matière de trouble anormal du voisinage, tels que leur intensité, leur fréquence, leur durée ou leur environnement. Ce faisant, le tribunal a retenu une motivation qui n'est pas pertinente au regard du fondement invoqué par les époux [M].

En effet, dès lors que les époux [M] ont choisi de fonder exclusivement leur action sur l'article 1382 du code civil, ils ne peuvent pas prétendre qu'en dépit d'une conformité règlementaire de l'installation depuis janvier 2016, l'environnement ou la configuration particulière de la cheminée permet d'indemniser les nuisances subies, étant précisé qu'il n'appartient pas à la cour de relever d'office un fondement alternatif en application de l'article 12 du code de procédure civile.

=$gt; En troisième lieu, l'expert relève toutefois qu'en dépit de la conformité de l'installation à la règlementation, des désordres affectent toutefois le conduit de cheminée. À cet égard, il résulte de son rapport, et notamment de la photographie n°4 annexée, que l'embase de la cheminée litigieuse présente un défaut d'étanchéité.

Il en résulte que la faute commise par la Sarl Le cercle n'est pas constituée par un défaut de respect de la réglementation applicable en matière de géométrie de la cheminée, mais par un défaut d'entretien d'un dispositif conforme.

Pour autant, ce moyen n'est pas invoqué par les époux [M], qui expose exclusivement que leur préjudice résulte d'une non-conformité ou d'une «'conformité [qui] n'est pas suffisante'», alors qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer à une partie pour argumenter au soutien de ses prétentions, en application de l'article 4 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, il convient de confirmer, par substitution de motifs, le jugement critiqué en ce qu'il a débouté les époux [M] de leur demande de travaux sous astreinte et de l'indemnisation des nuisances subies postérieurement à janvier 2016.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner la Sarl le Cercle aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise, outre aux dépens résultant de l'instance de référés ayant donné lieu à l'expertise judiciaire, avec distraction au profit de l'avocat des époux [M], et à payer à ces derniers une somme de

3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés tant en première instance que devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Valenciennes en ce qu'il a :

- débouté M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] de l'ensemble de leurs demandes ;

- les a condamnés à payer à la Sarl Le cercle la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamné, en ce compris le coût de l'expertise ordonnée en référé.

Statuant à nouveau,

Dit que la Sarl Le cercle a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] ;

Condamne la Sarl Le cercle à payer à M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] la somme de 2 000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice de jouissance subi jusqu'au 10 janvier 2016 ;

Déboute M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] du surplus de leur demande indemnitaire ;

Déboute M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] du surplus de leur demande aux fins d'enjoindre à la Sarl Le cercle de réaliser les travaux visés par le rapport d'expertise établi par M. [S] [T] ;

Y ajoutant':

Condamne la Sarl Le cercle aux dépens résultant de l'instance de référés (ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Valenciennes en date du 3 janvier 2017), de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise ordonnée par le juge des référés ;

Autorise la Scp Courtin-Ruol & associés à recouvrer directement contre la Sarl Le cercle les dépens ainsi énumérés dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision';

Condamne la Sarl le cercle à payer à M. [F] [M] et Mme [P] [G] épouse [M] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

F. DufosséG. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 20/05006
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.05006 ?
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