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12/05/2022 | FRANCE | N°20/01975

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 12 mai 2022, 20/01975


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 12/05/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/01975 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TANQ



Jugement (N° 19/07747)

rendu le 03 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



Madame [F] [G]

demeurant 18 rue Jean Bart

59110 La Madeleine



représentée et assistée par Me Hadrien Debacker, avo

cat au barreau de Lille





INTIMÉE



La SARL Damien Clara Architecture (DCA)

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social 71 rue Pasteur

59110 La Madeleine



représentée et assistée de Me Véro...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 12/05/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/01975 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TANQ

Jugement (N° 19/07747)

rendu le 03 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [F] [G]

demeurant 18 rue Jean Bart

59110 La Madeleine

représentée et assistée par Me Hadrien Debacker, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

La SARL Damien Clara Architecture (DCA)

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social 71 rue Pasteur

59110 La Madeleine

représentée et assistée de Me Véronique Ducloy, membre du cabinet Véronique Ducloy Marine Gobillot, avocat au barreau de Lille, substituée à l'audience par Me Murielle Fontaine-Chabbert, avocat au barrreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 08 mars 2022 tenue par Sophie Tuffreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Bolteau-Serre, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 février 2022

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 3 mars 2020 ;

Vu la déclaration d'appel de Madame [F] [G] reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 4 juin 2020 ;

Vu les conclusions de Madame [G] déposées au greffe le 26 février 2022 ;

Vu les conclusions de la société Damien Clara architecture déposées au greffe le 17 février 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture prise le 28 février 2022 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon convention du 24 octobre 2017, Madame [F] [G] a confié à la société Damien Clara architecture, ci-après la société DCA, une mission de maîtrise d''uvre dans le cadre de travaux sur existant dans son immeuble situé 18, rue Jean Bart à La Madeleine.

Par e-mail du 12 juin 2018, la société DCA a indiqué à Madame [G] qu'elle entendait mettre fin au contrat.

Par courrier recommandé du 26 juin 2018, revenu non proclamé, la société DCA a mis en demeure Madame [G] de lui régler la somme de 8100 euros TTC au titre des factures d'honoraires non honorées.

Par acte d'huissier du 4 octobre 2019, la société DCA a fait citer Madame [G] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :

'8100 euros TTC au titre des honoraires restant dus, augmentés des indemnités de retard et intérêts moratoires, soit 3,5 % par an :

-à compter du 2 mars 2018 sur la somme de 1 998 euros TTC

-à compter du 12 mai 2018 sur la somme de 3 672 euros TTC

-à compter du 8 juin 2018 sur la somme de 2 430 euros

avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2018

'3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire

'1 255 euros au titre de l'indemnité de résiliation égale à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue

'4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 3 mars 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

'condamné Madame [G] à payer à la société DCA architecture la somme de 7 182 euros au titre des honoraires impayés, avec intérêts au taux de 3,5 % l'an :

-à compter du 2 mars 2018 sur la somme de 1998 euros

-à compter du 12 mai 2018 sur la somme de 3 672 euros

-à compter du 8 juin 2018 sur la somme de 1 512 euros

'débouté la société DCA architecture de sa demande d'application de l'intérêt au taux légal

'débouté la société DCA architecture de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire

'débouté la société DCA architecture de sa demande d'indemnité de résiliation

'condamné Madame [G] à payer à la société DCA architecture la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

'ordonné l'exécution provisoire de la décision

'condamné Madame [G] aux dépens

'débouté la société DCA architecture de ses autres demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 4 juin 2020, Madame [G] a interjeté appel des chefs du jugement entrepris ayant :

'condamné Madame [G] à payer à la société DCA architecture la somme de 7 182 euros au titre des honoraires impayés, avec intérêts au taux de 3,5 % l'an :

'condamné Madame [G] aux dépens.

*

* *

Dans ses conclusions déposées au greffe le 26 février 2022, Madame [F] [G] demande à la cour de :

In limine litis :

'déclarer nulle l'assignation délivrée à Madame [F] [G] le 4 octobre 2019 et par voie de conséquence la nullité des actes postérieurs et donc du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 3 mars 2020

'juger que l'action engagée par la société DCA à l'encontre de Madame [G] [est irrecevable] en l'absence de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes

À titre principal :

'juger que le contrat viole les dispositions d'ordre public du code de la consommation

'condamner la société DCA à lui rembourser la somme de 7 969,32 euros correspondant aux honoraires indûment versés

À titre subsidiaire :

'juger que la société DCA a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de Madame [G]

'réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [G] à verser à la société DCA la somme de 7 182 euros outre les intérêts

En tout état de cause :

'condamner la société DCA à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 17 février 2022, la société DCA demande à la cour de :

' confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

'déclarer Madame [G] irrecevable et en tout cas mal fondée en ses demandes à l'encontre de la société DCA architecture et l'en débouter

'rejeter les prétentions de Madame [G] notamment tendant à s'entendre dire entaché de nullité le contrat d'architecte

Subsidiairement,

'déclarer que la société DCA est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice pour l'utilisation de ses plans par Madame [G], ladite indemnité compensatrice étant équivalente à la somme de 7 969,32 euros au titre des honoraires versés, augmentée des honoraires restant dus, soit 7 182 euros, dont condamnation par le tribunal judiciaire de Lille

'condamner Madame [G] à lui payer la somme de 7 182 euros avec intérêts au taux de 3,5 % l'an :

-à compter du 2 mars 2018 sur la somme de 1 998 euros

-à compter du 12 mai 2018 sur la somme de 3 672 euros

-à compter du 8 juin 2018 sur la somme de 1 512 euros

'en tout état de cause, rejeter la demande de Madame [G] tendant à la restitution de la somme de 7 969,32 euros

'condamner Madame [G] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que qu'en tous les frais et dépens, avec distraction au profit de Me Ducloy.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été prise le 28 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les chefs de jugement suivants, dont la société DCA n'a pas interjeté appel, sont définitifs :

'débouté la société DCA architecture de sa demande d'application de l'intérêt au taux légal

'débouté la société DCA architecture de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire

'débouté la société DCA architecture de sa demande d'indemnité de résiliation

'débouté la société DCA architecture de ses autres demandes.

I'Sur la nullité de l'assignation

Madame [G] soulève la nullité de l'assignation, et de ce fait la nullité du jugement, en faisant valoir que la société DCA n'a pas fourni à l'huissier les informations dont elle disposait quant à son adresse, située au 18, rue Jean Bart à La Madeleine, de sorte qu'elle a été assignée à son ancienne adresse, ce qui lui a causé un grief dans la mesure où elle a été exclue de la procédure de première instance.

Il résulte des dispositions de l'article 656 du code de procédure civile que « si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. ».

En l'espèce, l'assignation par laquelle Madame [G] a été citée devant le tribunal de grande instance de Lille a été faite à l'adresse suivante : « 100, rue d'Halluin, 59960 Neuville en Ferrain ». Il est mentionné que l'assignation a été remise à l'étude le 4 octobre 2019 en raison de l'absence du destinataire et, au titre des vérifications, que le nom figure sur la boîte aux lettres et que le domicile est confirmé par les voisins.

Or, il ressort des pièces versées aux débats et des conclusions des parties que le contrat de maîtrise d''uvre portait sur la création d'un appartement en clos couvert et mise en conformité d'un cabinet d'orthophonie situés à la Madeleine, Madame [G] souhaitant y établir à la fois son domicile professionnel et son domicile personnel. Pendant la durée des travaux, Madame [G] vivait de manière effective avec son concubin à Neuville en Ferrain, 100, rue d'Halluin.

C'est par ailleurs cette adresse qu'elle a mentionnée dans les courriers qu'elle a adressés à la société DCA les 26 juin et 25 juillet 2018. Le courrier recommandé que lui a adressé la société DCA le 28 juin 2018 à l'adresse située à la Madeleine lui est ainsi revenu non réclamé.

Contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a jamais fait part à la société DCA d'un déménagement effectif, l'e-mail dont elle se prévaut, par ailleurs non daté, indique uniquement « nous tenons à emménager personnellement pour la rentrée scolaire de septembre ».

À l'appui de sa demande en nullité de l'assignation, Madame [G] fournit une attestation de son concubin, lequel précise que « en date du 30 juin 2019, nous avons résilié le bail et le 1er juillet 2019 Me [O], huissier de justice, a réalisé l'état des lieux de sortie avec la remise définitive des clés. Nous avons emménagé dans l'appartement libre au premier étage 18, rue Jean Bart à compter du 1er juillet 2019. »

Toutefois, ce déménagement à la date du mois de juillet 2019 n'est corroboré par aucune autre pièce que cette attestation. Ainsi, ni le courrier de résiliation envoyé au propriétaire, ni l'état des lieux de sortie ne sont versés aux débats.

Cette attestation est dès lors insuffisante à remettre en cause les constatations de l'huissier ayant signifié l'assignation à Neuville en Ferrain.

L'exception de procédure en nullité de l'assignation sera dès lors rejetée.

II'Sur la saisine du conseil régional de l'ordre des architectes

Madame [G] soulève l'irrecevabilité de l'action engagée par la société DCA faute pour cette dernière d'avoir saisi le conseil régional de l'ordre des architectes.

De son côté, la société DCA, qui soulève dans le dispositif de ses conclusions l'irrecevabilité des demandes formées par Madame [G], fait valoir qu'il appartenait à cette dernière qui entendait contester la qualité de ses prestations de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes.

En l'espèce, il résulte des dispositions de l'article G10 du cahier des clauses générales du contrat d'architecte que :

« En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le conseil régional peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend, soit organiser une procédure de règlement amiable.

En matière de recouvrement d'honoraires, la saisine du conseil régional est facultative. »

Cette article mentionne expressément que la saisine du conseil régional n'est que facultative en matière de recouvrement d'honoraires, ce qui est le cas en l'espèce. La fin de non-recevoir soulevée par Madame [G] sera dès lors rejetée.

Par ailleurs, Madame [G] justifie avoir saisi le conseil de l'ordre des architectes Hauts-de-France en produisant un e-mail du 18 septembre 2018, lequel porte notamment sur les conditions financières du contrat d'architecte et l'absence de signature des dispositions relatives à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier.

La fin de non-recevoir soulevée par la société DCA sera dès lors également rejetée.

III'Sur la demande de Madame [G] en remboursement des honoraires versés

Madame que [G] sollicite la condamnation de la société DCA à lui rembourser la somme de 7 969,32 euros correspondant aux honoraires qu'elle estime avoir indûment versés.

Elle considère ainsi que le contrat de maîtrise d''uvre doit être réputé avoir été conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt dans la mesure où aurait dû être annexé au contrat la déclaration sur les « Dispositions relatives à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier ». Elle en conclut que l'emprunt immobilier qu'elle a finalement obtenu au mois de janvier 2020 ne pouvait après plusieurs années intégrer les honoraires de l'architecte correspondant aux factures réclamées et que, la condition suspensive d'obtention de prêt n'ayant pas été réalisée, l'architecte ne pouvait percevoir des honoraires.

De son côté, la société DCA soutient que la faculté de rétractation n'est possible qu'en cas de démarchage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et qu'il était en tout état de cause mentionné dans les conditions générales du contrat d'architecte de ce qu'elle disposait d'un délai de 14 jours après la conclusion du contrat pour se rétracter. Elle ajoute que les dispositions du code de la consommation ne sont applicables que dans le cas d'un contrat conclu au domicile du consommateur et, par ailleurs, que Madame [G] ayant agi en qualité de professionnelle, elle ne peut s'en prévaloir. Elle ajoute que le document intitulé « annexe financière » du 24 octobre 2017 a fait l'objet d'une acceptation par Madame [G] et que les modalités de règlement des honoraires dus à l'architecte sont bien spécifiées dans le contrat et ne sont pas comprises dans l'enveloppe financière. Enfin, elle fait valoir que les sommes qui lui ont été réglées ne sont pas des avances sur honoraires mais la contrepartie du travail accompli par l'architecte.

Il sera toutefois relevé que Madame [G] ne se prévaut pas des règles relatives au délai de rétractation.

Il résulte des dispositions de l'article L. 313-1 du code de la consommation que :

« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent :

1° Aux contrats de crédit, définis au 6° de l'article L. 311-1, destinés à financer les opérations suivantes :

a) Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation :

-leur acquisition en propriété ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

-leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

-les dépenses relatives à leur construction ; ['] »

L'article L313-40 du même code dispose que :

« L'acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente acceptée et le contrat préliminaire prévu à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, ayant pour objet de constater l'une des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 313-1, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 5 du présent chapitre. »

À cet égard, il sera relevé que le contrat de maîtrise d''uvre souscrit entre Madame [G] et la société DCA porte sur la mise en conformité ADAP du cabinet d'orthophonie (agenda d'accessibilité programmée, permettant aux établissements recevant du public de se mettre en conformité avec les normes en mesure d'accessibilité) mais également sur la création d'une extension destinée à accueillir le logement personnel de Madame [G] et donc sur des dépenses relatives à la construction d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation, tel que requis par l'article L313-1 1° du code de la consommation.

Par ailleurs, les honoraires d'architecte relèvent des dispositions du code de la consommation sur le crédit immobilier, dès lors qu'ils sont inclus dans l'estimation globale du prix de la construction.

La société DCA fait alors valoir que ces dispositions ne sont pas applicables dans la mesure où le contrat de maîtrise d''uvre n'inclut pas les honoraires d'architecte dans l'estimation globale du prix de la construction.

En l'espèce, il est précisé dans le contrat de maîtrise d''uvre qu'au jour de la signature, le maître d'ouvrage dispose d'une enveloppe financière de « 0 € TTC ». Cette enveloppe financière correspond « à la somme affectée aux travaux déterminés par le maître d'ouvrage, y compris le montant des honoraires de l'architecte ». Au titre des dispositions particulières, il est mentionné que « le budget est à définir avec précision avec le maître d'ouvrage en fonction des postes éléments du programme ».

Toutefois, le maître d''uvre ne saurait échapper à l'application des dispositions du code de la consommation, protectrices du maître d'ouvrage, en omettant de faire figurer dans le contrat de maîtrise d''uvre le montant de l'enveloppe financière comprenant ses honoraires.

Les dispositions du code de la consommation sont donc applicables au contrat conclu entre Madame [G] et la société DCA.

Ainsi, l'article G2.1.4 du cahier des clauses générales intitulé « dispositions relatives à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier » stipule que :

« Conformément aux articles L312 -2 et suivants du code de la consommation [article L313 -1 depuis l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016], lorsque le maître d'ouvrage est un particulier faisant réaliser des travaux de construction pour un usage d'habitation ou un usage professionnel et d'habitation, il signe la déclaration mentionnée à l'annexe du contrat d'architecte ' Dispositions relatives à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier'. »

Ce document, lequel ne peut être assimilé à l'annexe financière portant uniquement sur les modalités de rémunération du maître d''uvre, n'a pas été annexé au contrat alors même qu'il ressort des échanges entre les parties que la société DCA avait connaissance de ce que Madame [G] devait recourir à un emprunt immobilier afin de financer les travaux. Madame [G] n'était par ailleurs pas en mesure de régler le montant des honoraires d'architecte, ce qui a conduit au présent litige.

Par ailleurs, l'article L313-42 du code de la consommation dispose qu'« en l'absence de l'indication prescrite à l'article L313-40 ou si la mention exigée au premier alinéa manque ou n'est pas de la main de l'acquéreur et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l'article L313-41. »

L'article L313-41 du même code précise presque ainsi que « lorsque l'acte mentionné à l'article L313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections I à V et de la section VII du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.

Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. »

Si Madame [G] a obtenu un prêt immobilier en 2020, ce n'est qu'après la résiliation du contrat d'architecte par la société DCA le 12 juin 2018, de sorte que la condition suspensive d'obtention de prêt immobilier n'a pas été réalisée.

La société DCA est donc tenue de rembourser à Madame [G] l'ensemble des sommes que celle-ci a versées au titre du contrat de maîtrise d''uvre. Il importe peu que ces sommes correspondent à des prestations déjà réalisées. La société DCA ne peut de ce fait réclamer le paiement du solde de ses honoraires ni une indemnité compensatrice équivalente au montant des honoraires versés et de ceux restant dus.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné Madame [G] à payer à la société DCA la somme de 7182 euros au titre des honoraires impayés. La société DCA sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

La société DCA sera condamnée à payer à Madame [G] la somme de 7 969,32 euros au titre des honoraires versés.

IV'Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

La société DCA, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [G] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Madame [F] [G] de sa demande en nullité de l'assignation et du jugement ;

Rejette les fins de non-recevoir tirées de l'absence de saisine du conseil régional de l'ordre des architectes ;

Condamne la société Damien Clara architecture à payer à Madame [F] [G] la somme de 7 969,32 euros au titre des honoraires versés ;

Déboute la société Damien Clara architecture de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la société Damien Clara architecture à payer à Madame [F] [G] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne la société Damien Clara architecture aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,Le président,

Anaïs Millescamps.Catherine Bolteau-Serre.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 20/01975
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.01975 ?
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