République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 05/05/2022
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N° de MINUTE : 22/192
N° RG 20/05407 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLOW
Ordonnance rendue le 20 mai 2021 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai
DEMANDEUR AU DÉFÉRÉ
SA Gan Assurances
8/10 rue Astorg
75008 Paris 08
Représentée par Me Guy Lenoir, avocat au barreau de Saint-Omer
DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ
SA Lloyd's Insurance Company venants aux droits des souscripteurs du Lloyd's de Londres par suite d'une procédure de transfert dite part vii autorisée par la High Court of justice de Londres suivant ordonnance en date du 25 novembre 2020.
8/10 rue Lammenais
75008 Paris
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Maître Sarah Xerri Hanote, avocat au barreau de Paris
Monsieur [T] [L]
(appelant dans le rg 21/00082)
placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 1er juillet 2021 de St Omer
né le 12 septembre 1970 à Saint Quentin
de nationalité française
16 rue de Calais
62500 Saint Martin lez Tatinghem
SELARL. [K] [C] et Associes es qualité de mandataire de [T] [L]
assignée en reprise d'instance le 9 novembre 2021 à personne habilitée
257 rue Saint Julien
59501 Douai cedex
Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai constituée aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
SA Allianz Iard
1 cours Michelet - cs 30051
92076 Paris la Defense cedex
Représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai et Me Jean Billemont, avocat au barreau de Lille
S.A. Aviva Assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
13 rue du Moulin Bailly
92270 Bois Colombes
Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai et Me Julien Houyez, avocat au barreau de Lille
SAS Grave et Rufin prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
2 rue des Champs
zi du Fond Squin
62500 St Martin Lez Tatinghem
Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai et Maître Fabrice Chatelain, avocat au barreau de Lille
SA SMA prise en la personne de son représentant légal
8, rue Louis Armand
75015 Paris
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai et Me Catherine Raffin-Patrimonio, avocat au barreau de Paris
SELARL [K] [C] & Associes ès qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [T] [L]
257 rue Saint Julien cs 10026
59501 Douai cedex
Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 10 février 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Aurélien Camus
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Hélène Château, présidente de chambre
Claire Bertin, conseiller
Danielle Thébaud, conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
1. Les faits et la procédure antérieure :
La société Grave et Rufin exerçait son activité de mécanique générale et de chaudronnerie industrielle dans un local voisin de celui de la SCI Mesmacque, qui a entrepris des travaux d'extension de son bâtiment industriel.
Le 25 avril 2018, un mur coupe-feu érigé au cours de ces travaux, d'une longueur d'environ 36 mètres et de 7,50 mètres de hauteur, s'est effondré sur le bâtiment exploité par la société Grave et Rufin, éventrant sa façade ainsi qu'une grande partie de sa toiture, notamment composée de matériaux amiantés.
Par ordonnance du 27 août 2018, un expert judiciaire a été nommé suite au sinistre.
Afin de financer et de procéder aux mesures conservatoires indispensables, une somme de 174'129,98 euros a été versée par les sociétés Allianz iard et Aviva assurances et par Qualiconsult, et ce sans reconnaissance de responsabilité.
La société Grave et Rufin a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Saint-Omer, par actes d'huissier du 27, 29, 30 juillet, 4 et 7 août 2020, les sociétés Gan assurances, les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, Allianz iard, SMA, Aviva assurances, et M.'[T] [L], au visa de l'article 835 du code de procédure civile, notamment afin de les voir condamnés in solidum à lui payer une somme provisionnelle d'un million d'euros.
2. L'ordonnance dont appel :
Par ordonnance de référé rendue le 8 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Saint-Omer a, au visa de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile :
1. condamné in solidum les sociétés les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, Allianz iard, SMA, et M. [L] à payer à la société Grave et Rufin la somme de 755'472,32 euros, sous réserve des franchises applicables, à savoir 15'000 euros s'agissant de la société SMA, et 1'000 euros s'agissant de la société les Souscripteurs du Lloyd's de Londres';
2. débouté la société Grave et Rufin du surplus de ses demandes à leur encontre';
3. débouté la société Grave et Rufin de ses demandes à l'encontre des sociétés Aviva assurances et Gan assurances';
4. dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en garantie des sociétés les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, Allianz iard, SMA, et de M.'[L]';
5. débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraire';
6. condamné solidairement les sociétés les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, Allianz iard, SMA, et M.'[L] à payer à la société Grave et Rufin la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
7. débouté les autres parties de leurs demandes respectives de chef';
8. condamné solidairement les sociétés les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, Allianz iard, SMA, et M.'[L] aux entiers dépens.
3. Les déclarations d'appel :
Par déclaration du 30 décembre 2020, M.'[L] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en limitant la contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 4, 5, 6, 7, 8 ci-dessus.
Par déclaration du 31 décembre 2020, la société les Souscripteurs du Lloyd's de Londres a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de tous les chefs du dispositif numérotés 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 ci-dessus.
Suivant ordonnance du 28 janvier 2021, le président de la 3ème chambre civile de la cour a ordonné la jonction de la procédure enrôlée n° RG 21-00082 à la procédure enrôlée n° RG 20-05407.
4. La procédure de déféré :
Par ordonnance du 20 mai 2021, le président de la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai a, au visa des articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile, constatant que la société Gan assurances, intimée, n'avait pas conclu dans le délai imparti, déclaré irrecevables ses conclusions du 4 mai 2021, et toutes celles à venir postérieurement à cette date, puis réservé les dépens.
La société Gan assurances a déféré cette ordonnance à la cour par requête du 28 mai 2021, dans laquelle elle lui demande de :
- prononcer la nullité de l'ordonnance déférée ;
à titre subsidiaire,
- l'infirmer et juger recevables ses conclusions notifiées le 4 mai 2021.
Au soutien de son déféré, la société Gan assurances fait valoir que :
- dans un premier temps, les appelants à titre principal ne concluaient pas contre elle, seuls les intimés ont formé appel incident contre elle ;
- elle a notifié ses conclusions en sa qualité d'intimée le 4 mai 2021, répondant ainsi aux appels incidents ;
- le 6 mai 2021, le greffe de la cour a sollicité ses observations sur l'éventuelle irrecevabilité de ses conclusions lesquelles n'auraient pas été remises dans le délai d'un mois des écritures de l'appelante ;
- dès le 7 mai, elle a adressé ses observations au greffe et les a notifiées à l'ensemble des parties ;
- l'ordonnance déférée a manifestement été rendue le 20 mai 2021 sans que ses observations ne soient examinées ;
- le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, de sorte qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;
- en application de l'article 911-1 du code de procédure civile, une décision d'irrecevabilité des conclusions ne peut être prise qu'après recueil des observations écrites des parties ;
- la violation du principe de la contradiction est une cause de nullité de l'ordonnance déférée ;
- ce n'est que dans son jeu d'écritures signifié le 6 mai 2021 que la société les Souscripteurs du Lloyd's de Londres a demandé pour la première fois sa condamnation.
Dans ses conclusions en réponse sur déféré du 10 septembre 2021, la société Grave et Rufin s'en rapporte à la justice sur la requête en déféré, et demande à la cour de statuer ce que de droit sur les dépens.
Suivant messages RPVA du 10 et 14 septembre 2021, et 9 février 2022, les conseils respectifs des sociétés SMA, Allianz iard, la SELARL [K] [C] et associés en qualité de mandataire judiciaire de M. [L], indiquent qu'ils n'entendent pas conclure
sur la requête en déféré.
Les conseils des sociétés Aviva assurances et Lloyd's insurance company, venant aux droits de la société les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, n'ont pas conclu sur la requête en déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de l'ordonnance déférée
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Aux termes de l'article 911-1 alinéa 2 du code de procédure civile, la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908, ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties. L'ordonnance qui prononce la caducité ne peut être rapportée.
En l'espèce, les deux appelants principaux, la société les Souscripteurs du Lloyd's de Londres et M.'[L], ont notifié pour la première fois le 11 mars 2021 leurs conclusions d'appelants à la société Gan assurances intimée, sans toutefois présenter aucune demande à l'encontre de cette dernière.
Les premières demandes formées contre la société Gan assurances apparaissent dans les conclusions notifiées le 9 avril 2021 par la société Allianz iard, intimée et appelante incidente.
Le conseil de la société Gan assurances a remis au greffe de la cour ses conclusions au fond le 4 mai 2021.
Par message RPVA du 6 mai 2021, le greffe a invité la société Gan assurances à s'expliquer, avant le 10 mai 2021, sur une éventuelle irrecevabilité de ses conclusions.
Suivant message RPVA du 7 mai 2021, la société Gan assurances lui a adressé ses observations.
C'est dans ce contexte qu'a été rendue l'ordonnance déférée, qui prononce l'irrecevabilité des conclusions déposées le 4 mai 2021 en relevant l'absence d'observations écrites de l'avocat de l'intimée, alors qu'elles avaient été reçues le 7 mai, et en constatant que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai d'un mois qui lui était imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile.
De l'examen des pièces, il apparaît que le président a bien sollicité les observations écrites des parties avant de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de l'intimée, mais qu'il n'en a manifestement pas eu connaissance avant de statuer, puisqu'il n'y fait aucune référence et n'y répond pas dans son ordonnance.
En conséquence, en omettant de répondre aux observations que lui avait adressées dans le délai imparti la société Gan assurances qui s'expliquait sur le moyen de procédure qu'il entendait soulever d'office, le président a contrevenu au principe de la contradiction au sens de l'article 16 précité.
En conséquence, il convient de faire droit à la requête en déféré, et de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée.
Sur les dépens
Chaque partie conservera à sa charge les dépens du déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement,
Fait droit à la requête présentée par la société Gan assurances ;
Prononce la nullité de l'ordonnance déférée ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens du déféré.
La GreffièreLa Présidente
Harmony PoyteauHélène Château