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05/05/2022 | FRANCE | N°20/03852

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 05 mai 2022, 20/03852


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 05/05/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 20/03852 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGXC



Jugement (N° 19/00361)

rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTE



La société Téréos France

agissant en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[

Adresse 1]



représentée par Me Zélie Henriot, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Marc Brocardi, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Celse Alexandre, avocat au barreau de Paris





INTIMÉE



L...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 05/05/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03852 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGXC

Jugement (N° 19/00361)

rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

La société Téréos France

agissant en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Zélie Henriot, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Marc Brocardi, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Celse Alexandre, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

La direction régionale des douanes et des droits indirects

prise en la personne de son directeur régional

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Anne-Claire Moyen, membre de la SELARL Urbino Associés, avocat au barreau de Paris, substituée à l'audience par Me Nicolas Nezendent, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 22 février 2022 tenue par Jean-François Le Pouliquen magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Bolteau-Serre, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 décembre 2021

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque du 31 août 2020 ;

Vu la déclaration d'appel de la société Téréos France reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 29 septembre 2020 ;

Vu les conclusions de la société Téréos France déposées le 04 juin 2021 ;

Vu les conclusions de la direction régionale des Douanes et des droits indirects de Dunkerque déposées le 19 mars 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 décembre 2021.

EXPOSE DU LITIGE

La société Téréos France (ci-après Téréos) est spécialisée dans les opérations de transformation de la betterave pour la production de sucre, d'alcool et de bioéthanol.

La fabrication de ces produits nécessite une grande quantité de combustible notamment du charbon, pour les processus de dilution. fermentation distillation et déshydratation mis en 'uvre.

En 2013, la société Téréos a absorbé la société SICA Pulpes de [Localité 3] laquelle bénéficiait d'une exonération de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TlCC) pour ses achats de charbon en raison de son activité de valorisation de biomasse.

Indiquant que pour des raisons administratives liées à la réorganisation de l'entreprise elle s'était acquittée à compter de 2014 de la TICC sur la totalité de ses achats de charbon mais qu'elle s'était interrogée sur la possibilité de bénéficier de l'exonération de la TICC acquittée par la société au titre de l'ensemble de ses activités ; qu'elle avait rencontré la direction générale des douanes le 7 mars 2017 pour solliciter une position écrite de sa part ; que, par un courrier en date du 27 juillet 2017, elle a présenté la méthodologie de calcul appliqué pour ses demandes de remboursement de la TICC acquittée ; que par courrier du 24 novembre 2017, la direction générale des douanes avait considéré que seule la TICC acquittée pour l'activité de valorisation de biomasse pouvait en bénéficier, à l'exclusion des activités liées à la production du sucre ; qu'elle avait pris en compte cette position de l'administration et déposé, le 10 avril 2018 deux demandes de remboursement de TICC acquittée par ses différents sites pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2014 pour la partie déshydratation et entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016 pour cette même partie ; que la direction régionale de [Localité 4] a initié un contrôle de régularité le 30 novembre 2018, sans avoir encore pris position ; que, par courrier du 15 novembre 2018, sa demande de remboursement portant sur l'année 2014 a été rejetée et que, par courrier du 14 février 2019, celle de remboursement pour l'année 2016 l'a également été par la direction régionale de Dunkerque, la société Téréos a, par actes d'huissier des 14 février 2019 et du 18 avril 2019, fait assigner la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins de contester les décisions de rejet des 15 novembre 2018 et 14 février 2019.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction le 3 juin 2019.

Par jugement du 31 août 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

-annulé pour défaut de motivation la décision de rejet de la direction des douanes et droits indirects de Dunkerque du 14 février 2019 ;

-rejeté la demande d'annulation de la décision de rejet de la direction des douanes et droits indirects de Dunkerque du 15 novembre 2018 ;

-débouté la société Téréos France de ses demandes de remboursement ;

-constaté l'absence de dépens ;

-débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Téréos France a formé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :

-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 31 août 2020 en ce qu'il a annulé pour défaut de motivation la décision de rejet du 14 février 2019.

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 31 août 2020 en ce qu'il :

-considère que le chiffre d'affaires à prendre en compte, pour l'application des dispositions de l'article 266 quinquies B du code des douanes est celui de l'entreprise et non celui lié uniquement à l'activité de valorisation de la biomasse de l'entreprise ;

-rejette la demande d'annulation de la décision de rejet du 15 novembre 2018 de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque ;

-déboute la société de ses demandes de remboursements ;

-déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-déclarer que la société aurait dû bénéficier de l'exonération valorisation de la biomasse prévue au paragraphe 5 point 4° de l'article 266 quinquies B du CDN pour ses achats de produits énergétiques utilisés pour la valorisation de biomasse sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et la période du 1 er janvier au 31 décembre 2016.

-constater que la méthodologie de calcul appliquée par la société retenant comme base le seul chiffre d'affaires de l'activité de déshydratation des pulpes de betteraves et le montant de ses achats de combustibles consommés dans le cadre de cette activité est conforme à l'article 266 quinquies B du code des douanes.

-en conséquence,

-condamner la direction régionale des douanes de Dunkerque au paiement de :

-316 670,76 euros au titre de l'année 2014 et les intérêts de retard afférents ;

-156 477 euros au titre de l'année 2016 et les intérêts de retard afférents ;

-condamner la direction régionale des douanes de Dunkerque à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la Direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque demande à la cour d'appel de :

-infirmer le jugement rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a :

-annulé pour défaut de motivation la décision de rejet du 14 février 2019,

-débouté l'administration des douanes de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-confirmer le jugement pour le surplus,

-en conséquence,

-débouter la société Téréos France de l'ensemble de ses demandes,

-confirmer la validité et le bien-fondé de la décision de rejet du 15 novembre 2018 et de la décision de rejet du 14 février 2019,

-condamner la société Téréos France à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur la demande tendant à voir annuler la décision du 15 novembre 2018

La société Téréos a formé appel du chef du jugement ayant rejeté sa demande tendant à voir annuler la décision du 15 novembre 2018.

Aux termes de ses conclusions, elle demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 31 août 2020 en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la décision de rejet du 15 novembre 2018 de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque.

Cependant, dans le dispositif de ses conclusions, elle ne demande pas à la cour d'appel d'annuler la décision de rejet du 15 novembre 2018.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.

II) Sur la demande tendant à voir annuler la décision du 14 février 2019

Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...)

6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) »

Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. »

En l'espèce la direction régionale des douanes de Dunkerque a rejeté la demande de restitution de la TICC acquittée du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 au motif que « Pour bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions, il faut d'une part valoriser la biomasse et d'autre part que les achats de combustibles utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3% du chiffre d'affaire de l'entreprise. En l'état et en référence des chiffres que vous avancez, ce seuil n'est pas atteint. »

Il ne peut être reproché à la direction régionale des douanes de Dunkerque de ne pas citer la référence du texte législatif sur lequel elle fonde sa décision alors que la demande de la société Téréos est expressément fondée sur les dispositions de l'article L. 266 quinquies B du code des Douanes, seul texte applicable à la demande dont la direction régionale de Dunkerque rappelle les dispositions .

La décision est motivée en fait en indiquant « qu'en l'état et en référence des chiffres que vous avancez, ce seuil n'est pas atteint ». Il ne peut être reproché à la direction régionale de douanes de Dunkerque de ne pas reprendre les chiffres auxquelles elle fait référence dans sa décision alors que la société Téréos ne cite que deux chiffres : 15 728 467 euros pour l'année 2016 au titre de la facture énergétique de la société pour le gaz et le charbon utilisé dans le processus de déshydratation et la somme de 52 298 115 euros pour l'année 2016 au titre du chiffre d'affaire de la société pour la vente des pulpes déshydratées.

Il en résulte que pour la direction des Douanes ces chiffres ne permettent pas d'établir que les achats de combustibles utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % du chiffre d'affaire de l'entreprise. Il s'en déduit que la direction des Douanes estime que le chiffre d'affaire dont il doit être tenu compte est le chiffre global de l'entreprise et non pas le chiffre d'affaire relatif à la seule valorisation de la biomasse.

Il convient en conséquence de débouter la société Téréos de sa demande d'annulation de la décision du 14 février 2019.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

III) Sur les demandes de remboursement

Aux termes des dispositions de l'article 266 quinquies B du code des Douanes dans sa rédaction applicable au litige :

« 1. Les houilles, les lignites et les cokes repris aux codes NC 2701,2702 et 2704 et destinés à être utilisés comme combustible sont soumis à une taxe intérieure de consommation (')

5. Les produits mentionnés au 1 sont exonérés de la taxe intérieure de consommation lorsqu'ils sont utilisés : (...)

4° Par les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d'affaires, sous réserve qu'elles soient soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu aux articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement ou qu'elles appliquent des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre permettant d'atteindre des objectifs environnementaux équivalents ou d'accroître leur rendement énergétique. (...) »

L'article 266 quinquies B du code des Douanes résulte de la transposition de la directive 2003/96/CE du conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

Aux termes des dispositions de l'article 17 de la directive 2003/96/CE du conseil du 27 octobre 2003 :

1. Pour autant que les niveaux minima communautaires de taxation prévus par la présente directive soient respectés en moyenne pour chaque entreprise, les États membres pourront appliquer des réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques utilisés pour le chauffage ou pour les besoins prévus à l'article 8, paragraphe 2, points b) et c), et d'électricité dans les cas suivants :

a) en faveur des entreprises grandes consommatrices d'énergie.

On entend par «entreprise grande consommatrice d'énergie», une entreprise, telle que définie à l'article 11, dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou pour laquelle le montant total des taxes énergétiques nationales dues est d'au moins 0,5 % de la valeur ajoutée. Dans le cadre de cette définition, les États membres peuvent appliquer des critères plus restrictifs, tels que des définitions du chiffre d'affaires, du procédé et du secteur industriel.

On entend par «achats de produits énergétiques et d'électricité», le coût réel de l'énergie achetée ou produite dans l'entreprise. Il ne comprend que l'électricité, la chaleur et les produits énergétiques qui sont utilisés pour le chauffage ou aux fins prévues à l'article 8, paragraphe 2, points b) et c). Toutes les taxes sont comprises, à l'exception de la TVA déductible.

On entend par «valeur de la production», le chiffre d'affaires, y compris les subventions directement liées au prix du produit, corrigé de la variation des stocks de produits finis, les travaux en cours et les biens ou les services achetés à des fins de revente, diminué des acquisitions de biens et services destinés à la revente.

On entend par «valeur ajoutée», le chiffre d'affaires total soumis à la TVA, y compris les exportations, diminué de la totalité des achats soumis à la TVA, y compris les importations.

Les États membres qui appliquent actuellement des régimes nationaux de taxation de l'énergie définissant les entreprises grandes consommatrices d'énergie en fonction d'autres critères que le rapport coûts de l'énergie/valeur de la production et le rapport taxes énergétiques nationales dues/valeur ajoutée pourront bénéficier d'une période de transition ne dépassant pas le 1er janvier 2007 pour s'adapter à la définition figurant au point a), premier alinéa ; (...) »

Aux termes des dispositions de l'article L.211-2 du code de l'énergie dans sa rédaction applicable au litige : « Les sources d'énergies renouvelables sont les énergies éolienne, solaire, géothermique, aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz.
La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers. »

Aux termes de la circulaire du 12 avril 2016 relative à la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC) : « G) Le charbon utilisé par les entreprises de valorisation de la biomasse.

Les entreprise qui valorisent la biomasse peuvent prétendre à une exonération de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes qu'elles emploient comme combustibles dans leur procédé de fabrication sous certaines conditions.

Définition des entreprises concernées :

On entend par biomasse, la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers.

On entend par valorisation, le fait de transformer un produit de la biomasse.

Sont donc concernées par l'exonération, les entreprises qui fabriquent un produit final à partir d'un produit de la biomasse qu'elles transforment et qui utilisent les houilles, lignites et cokes comme combustible dans le procédé de transformation. Les entreprises qui produisent de la biomasse sans la transformer, ne sont donc pas concernées par l'exonération.

Conditions pour bénéficier de l'exonération

Les entreprises qui utilisent des houilles et cokes dans leur procédé de valorisation de la biomasse doivent répondre cumulativement à deux séries de conditions précisées ci-après

Conditions relatives au niveau de consommation d'énergie

Les entreprises valorisant la biomasse qui peuvent prétendre à l'exonération sont celles dont les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3% de leur chiffre d'affaires.

Conditions environnementales (') »

Le 27 juillet 2017, la société Téréos qui estimait pouvoir bénéficier de l'exonération de la TICC pour l'ensemble de son activité a sollicité une position écrite de la direction générale de Douanes.

La direction générales des Douanes a répondu par courrier 24 novembre 2017 :

« Le point 4° du 5 de l'article 266 quinquies B du code des douanes précise que sont exonérées de la taxe intérieure de consommation sur le charbon : les entreprises de valorisation de la biomasse dont les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d'affaires, sous réserve qu'elles soient soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu aux articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement ou qu'elles appliquent des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre permettant d'atteindre des objectifs environnementaux équivalents ou d'accroître leur rendement énergétique.

La société Téréos figure sur l'arrêté du 24 janvier 2014 fixant la liste des exploitants auxquels sont affectés des quotas d'émission de gaz à effet de serre et le montant des quotas affectés à titre gratuit pour la période 2013-2020.

Pour bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées, il faut que la société Téréos :

-valorise la biomasse : la biomasse est obtenue à partir des déchets de matière organique ;

-que les achats de combustible utilisés pour cette valorisation représentent au moins 3 % du chiffre d'affaires. Ce seuil de 3 % s'applique au chiffre d'affaire de l'entreprise dans son ensemble et non pas par établissement de référence.

Sauf erreur, seule la transformation des résidus du procédé de traitement des betteraves sucrières peut donner lieu à exonération de la TICC :

-pressage ou déshydratation des pulpes de betteraves issues de la diffusion des cossettes ;

-transformation des jus issus de l'égouttage en alcool et bioéthanol

Par contre, les différentes étapes de production du sucre ne constituent pas un processus de valorisation de la biomasse. »

La société Téréos demande à être exonérée de la taxe intérieure à la consommation sur les houilles, les lignites et les cokes utilisées pour la déshydratation des pulpes de betteraves pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.

L'exonération de l'article 266 quinquies B 5 4° du code de douanes dans sa rédaction applicable au litige constitue une application de l'article 17 de la directive 2003/96/CE permettant l'exonération des « entreprises grandes consommatrices d'énergie » dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production. Il applique des critères plus restrictifs que ceux de l'article 17 de la directive puisqu'alors que celui-ci permet une exonération de toutes les entreprises grandes consommatrices d'énergie, l'article 266 quinquies B 5 4° le limite aux entreprises de valorisation de la biomasse.

Le texte de l'article 266 quinquies B 5 4° fait état d'entreprise de valorisation de la biomasse. Il postule donc que la seule activité de l'entreprise est une activité de valorisation de la biomasse et, en conséquence, que l'intégralité des houilles lignites et cokes consommés par l'entreprise sont destinés à l'activité de valorisation de la biomasse et que l'intégralité du chiffre d'affaires de l'entreprise concerne l'activité de valorisation de la biomasse.

Cette interprétation est appuyée par la rédaction de l'article 266 quinquies B 5 4° dans sa version applicable du 1er janvier 2008 au 1er janvier 2009 : 5. Les produits mentionnés au 1 sont exonérés de la taxe intérieure de consommation lorsqu'ils sont utilisés : « Par les entreprises de valorisation de la biomasse, sous réserve qu'elles soient soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu aux articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement ou qu'elles appliquent des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre permettant d'atteindre des objectifs environnementaux équivalents ou d'accroître leur rendement énergétique. » En effet, ce texte ne pouvait pas avoir pour objet d'exonérer une entreprise de toute taxe sur les houilles, lignites et coke alors que son activité de valorisation de la biomasse ne serait pas sa seule activité voire ne serait qu'une activité mineure.

A ce titre l'exposé sommaire de l'amendement ayant introduit cette disposition dans la loi indiquait : « La taxe intérieure sur le charbon, les houilles et les lignites a été créée par l'article 23 du collectif budgétaire 2006, en application de la Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

Cette directive prévoit certaines exonérations ou réductions des niveaux de taxation en raison de considérations environnementales.

Les entreprises valorisant la biomasse contribuent à la diffusion de produits constituant des puits de carbone. La taxation de leur consommation de charbon, de houilles ou de lignites, devrait donc être calculée en net de la valeur de marché des quantités de gaz à effet de serre fixées par les cultures correspondantes.

La complexité des calculs correspondants et les modalités de recouvrement de la taxe pourraient conduire à proposer sa suppression pure et simple pour les activités susvisées. »

Il n'est pas contesté par la direction régionale des douanes qu'une entreprise n'ayant pas pour seule activité la valorisation de la biomasse peut bénéficier d'une exonération de la TICC sur les houilles, lignites et cokes consommés pour son activité de valorisation de la biomasse si les critères de l'article 266 quinquies B 5 4° sont réunis. Se pose la question de savoir, dans ces circonstances, si le chiffre d'affaire dont il doit être tenu compte est le chiffre d'affaire globale ou le chiffre d'affaire de l'entreprise relatif à l'activité de valorisation de la biomasse.

Considérer que le chiffre d'affaire de l'entreprise dont il doit être tenu compte est l'intégralité du chiffre d'affaires de l'entreprise et non le chiffre d'affaire de l'activité de revalorisation de la biomasse est en contradiction avec le fait que seuls les houilles lignites et cokes consommés par l'entreprise au titre de l'activité de valorisation de la biomasse peuvent être exonérés de la taxe et que le chiffre auquel doit être comparé ce chiffre d'affaire est celui des achats de combustibles et d'électricité utilisés pour cette valorisation. En effet, l'article 17 de la directive permet une exonération totale des entreprises dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production. Dès lors que l'article 266 quinquies B limite l'exonération aux activités de valorisation de la biomasse, le chiffre des achats de combustibles et d'électricité utilisés pour la valorisation de la biomasse doit être comparé au chiffre d'affaire de l'activité de revalorisation de la biomasse. Le raisonnement aurait été différent si le dépassement du ratio avait permis l'exonération de l'intégralité de la consommation des houilles lignites et cokes de l'entreprise.

De plus, considérer que le chiffre d'affaire dont il doit être tenu compte est l'intégralité du chiffre d'affaire de l'entreprise remet en cause l'objectif premier de l'exonération qui est de tenir compte du fait que les entreprises de valorisation de la biomasse contribueraient « à la diffusion de produits constituant des puits de carbone. »

En outre, cette solution créerait une inégalité entre deux entreprises exerçant une même activité de valorisation de la biomasse, ici la déshydratation des pulpes de betterave selon que cette activité soit sa seule activité ou une activité secondaire. Ainsi, il n'est pas contesté que les sociétés SICA PULPES DE [Localité 3], SICA Pulposec de Chevrières, SICA SODECA, absorbées par la société Téréos bénéficiaient d'une exonération de la taxe.

En conséquence, le chiffre d'affaire auquel doivent être comparés les achats de combustibles et d'électricité utilisés pour la valorisation de la biomasse est le chiffre d'affaire de l'entreprise relatif à l'activité de valorisation de la biomasse.

La direction régionale des Douanes fait valoir dans ses écritures que « le calcul du ratio pour déterminer le droit à exonération se fonde sur les achats de produits énergétiques utilisés pour l'ensemble des activités de valorisation de la biomasse et non pas uniquement la déshydratation des pulpes de betteraves.

Parmi ces activités de valorisation, il faut donc prendre en compte l'activité de déshydratation des pulpes mais également le pressage des pulpes, ainsi que la transformation des jus issus de l'égouttage. »

Elle ne tire aucune conséquence de cette affirmation.

En l'espèce, au titre de la demande du 10 avril 2018, la société fait valoir que la facture énergétique de la société pour le gaz et le charbon utilisé dans le processus de déshydratation des pulpes de betteraves est de 7 592 653,20 euros pour l'année 2014 et que le chiffre d'affaires de la société pour la vente de pulpes déshydratées est de 59 737,44 euros pour l'année 2014.

Elle demande le remboursement de la somme de : 189 462,28 euros pour le site de [Localité 3] et de 127 208,48 euros pour le site de [Localité 5].

Il sera fait droit à cette demande.

Au titre de sa demande du 20 décembre 2018, elle fait valoir que la facture énergétique de la société pour le gaz et le charbon utilisé dans le processus de déshydratation des pulpes de betteraves est de 15 728 467,16 euros pour l'année 2016 et que le chiffre d'affaires de la société pour la vente de pulpes déshydratées est de 52 298 115 euros pour l'année 2016.

Elle demande le remboursement de la somme de : 114 618 euros pour le site de [Localité 3] et de 41 859 euros pour le site de [Localité 5].

Il sera fait droit à cette demande.

III) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions de l'article 367 du code des Douanes sont abrogées à compter du 1er janvier 2020. En conséquence, elles étaient applicables en première instance mais ne le sont plus devant la cour d'appel, l'appel ayant été formé postérieurement à cette date.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Succombant à l'appel, la direction régionale des Douanes et des droits indirects de Dunkerque sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société Téréos France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

-INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision de rejet de la direction des douanes et droits indirects de Dunkerque du 15 novembre 2018 ; constaté l'absence de dépens et débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

-DÉBOUTE la société Téréos France de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la décision de la direction régionale de douanes et droits indirects de Dunkerque du 14 février 2019 ;

-CONDAMNE la direction régionale des douanes et droits indirects de Dunkerque à rembourser à la société Téréos France la somme de 189 462,28 euros pour le site de [Localité 3] et de 127 208,48 euros pour le site de [Localité 5] au titre de la taxe intérieure à la consommation pour l'année 2014 ;

-CONDAMNE la direction régionale des douanes et droits indirects de Dunkerque à rembourser à la société Téréos France la somme de 114 618 euros pour le site de [Localité 3] et de 41 859 euros pour le site de [Localité 5]. au titre de la taxe intérieure à la consommation pour l'année 2016 ;

-CONDAMNE la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque à payer à la société Téréos France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

-DÉBOUTE la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNE la direction régionale des douanes et des droits indirects de Dunkerque aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

Anaïs Millescamps.Catherine Bolteau-Serre.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 20/03852
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.03852 ?
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