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01/05/2022 | FRANCE | N°22/00733

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 01 mai 2022, 22/00733


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 22/00733 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UH7V

N° de Minute : 745/22







Ordonnance du dimanche 01 mai 2022





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [H] [E]

né le 15 Octobre 1978 à [Localité 1] (EX-YOUGOSLAVIE)

de nationalité Monténégrine

Actuellement retenu au Centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconfér

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assisté de Me Marie CUISINIER, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [I] [J] interprète assermenté en langue serbe, tout au long de la procédure devant la cou...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/00733 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UH7V

N° de Minute : 745/22

Ordonnance du dimanche 01 mai 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [H] [E]

né le 15 Octobre 1978 à [Localité 1] (EX-YOUGOSLAVIE)

de nationalité Monténégrine

Actuellement retenu au Centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Marie CUISINIER, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [I] [J] interprète assermenté en langue serbe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

M.LE PREFET DES VOSGES

dûment avisé, absent, représenté par Me Anissa CHERFI, avocat au barreau de Paris du Cabinet CENTAURE, avocats

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Guillaume SALOMON, président de chambre à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Gaëlle PRZEDLACKI, Greffière

DÉBATS : à l'audience publique du dimanche 01 mai 2022 à 14 h 30

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 01 mai 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;

Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;

Vu l'accord du magistrat délégué ;

Vu l'ordonnance rendue le 30 avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [H] [E] ;

Vu l'appel motivé interjeté par M. [H] [E] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 30 avril 2022 ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties ;

FAITS et PROCÉDURE

Vu l'arrêté de placement en rétention administrative de [H] [E], ressortissant montenegrin, pris le 28 avril 2022 à compter de 16 h 30, aux fins d'exécuter une mesure d'éloignement du territoire national prise à son encontre et notifiée le 13 juillet 2021 par le préfet des Vosges ;

Vu l'ordonnance rendue le 30 avril 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne sur mer, ordonnant le maintien en rétention de [H] [E] pour une durée de 28 jours ;

Vu la déclaration d'appel par [H] [E], formée le 30 avril 2022 à 13 h 25 ;

Vu le mémoire communiqué à la première présidence, par lequel [H] [E] sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise et sa mise en liberté, en invoquant :

- le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dès lors que n'est pas visée en droit la convention internationale relative aux droits de l'enfant et que ne sont pas détaillés en fait les éléments concernant la situation de ses enfants et l'exercice de son autorité parentale en dépit du placement de ces derniers auprès de l'aide sociale à l'enfance ;

- la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, protégeant le droit à la vie familiale ; à cet égard, il invoque une domiciliation stable à [Localité 3] où il reçoit son courrier, et notamment en relation avec l'octroi d'une aide médicale d'Etat, et où il vit en compagnie de son épouse.

- l'incompatibilité de son placement en rétention administrative avec sa comparution prévue devant une juridiction : à cet égard, il invoque sa convocation à une audience devant le juge des enfants prévue le 4 mai 2022.

A l'audience, l'avocat de [H] [E] développe oralement les moyens visés par son mémoire.

En réponse, l'avocat du préfet des Vosges fait valoir que :

- la motivation en droit et en fait est correcte ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la CEDH est irrecevable ; ses enfants sont placés et une plainte pour violences conjugales a été déposée ; le logement dont il dispose est partagé avec son épouse, qui est victime et n'a pas

- aucune pièce d'identité en cours de validité et il s'agit de la troisième mesure d'éloignement.- la convocation en justice pourra être respectée par la désignation d'un avocat pour le représenter.

MOTIVATION

A titre liminaire, il est observé qu'à l'occasion des débats devant le JLD, le propre avocat de [H] [E] a indiqué que les explications fournies par ce dernier ne sont pas cohérentes avec le recours exercé à l'encontre de son placement en rétention administrative.

Sur le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative :

La motivation en fait par le préfet de son arrêté de rétention administrative n'exige pas de faire état de l'ensemble de la situation de fait de l'étranger. Il suffit qu'elle retienne les éléments permettant de comprendre la situation retenue par l'administration et mentionner les éléments utiles.

Dans cette motivation, il n'appartient pas à l'administration d'énoncer, puis d'écarter les éléments favorables à une autre solution que la rétention administrative, mais d'expliciter de façon positive les éléments qu'elle a retenu à l'appui d'une telle mesure eu égard aux éléments portés à sa connaissance au moment de sa pris de décision.

La motivation en droit de l'arrêté exige que le préfet mentionne le ou les articles du Ceseda sur lesquels il a fondé sa décision, peu important, à ce stade, que cette motivation en droit soit pertinente ou non. Il doit mentionner les textes directement appliqués, mais il n'est pas utile de mentionner tous les textes applicables, notamment les textes internationaux relatifs aux droits des individus.

Il en résulte que l'absence de visa de la convention internationale des droits de l'enfants ne constitue pas un vice de forme de l'arrêté pris à l'égard de [H] [E].

En outre, la situation familiale de [H] [E] a été détaillée valablement dans cet arrêté, sans qu'il soit nécessaire d'en apporter une description plus détaillée pour apprécier la motivation de la mesure de rétention administrative..

Le moyen n'est pas fondé.

Sur la violation de son droit à une vie privée ou familiale :

L'intérêt supérieur des enfants de [H] [E] a justifié que soit ordonné leur placement provisoire auprès de l'aide sociale à l'enfance pour les protéger des violences qui lui sont imputées, et non en raison d'une taille insuffisante du logement d'urgence qu'il occupe depuis des années et lui ayant été attribué dans l'attente d'une demande d'asile qui a été en définitive rejetée.

Si [H] [E] justifie avoir bénéficié d'un droit de visite médiatisé en point-rencontre, en exécution d'un jugement rendu par le juge des enfants le 11 octobre 2021, il n'apporte aucune indication sur la mise en oeuvre effective d'un tel calendrier de visites ou sur le renouvellement d'un calendrier au-delà des seules dates figurant sur le document qu'il produit.

Par ailleurs, [H] [E] a été placé en garde à vue et entendu pour des violences psychologiques à l'encontre de son épouse. A cet égard, il a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour des violences à l'encontre de cette dernière, même si la victime a cherché à le dédouaner de toute responsabilité lors de son audition.

L'arrêté de placement en rétention administrative indique enfin que l'épouse de [H] [E] fait elle-même l'objet d'une obligation de quitter le territoire, de sorte qu'elle a vocation à rejoindre également son pays d'origine.

Il en résulte que la rétention ne constitue pas une mesure disproportionnée avec l'exercice de son droit d'entretenir des contacts avec ses enfants ou sa femme.

Sur la convocation devant le juge des enfants :

Si le fondement n'est pas clairement affirmé, [H] [E] fait valoir une violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

A cet égard, [H] [E] invoque exclusivement sa convocation devant le juge des enfants d'Epinal prévue le 5 mai 2022.

Sur ce point, les enfants de [H] [E] ont été placés judiciairement auprès de l'aide sociale à l'enfance, notamment au regard de la dénonciation par un membre de la fratrie de violences commises quotidiennement par leur père à leur encontre.

Cette convocation ne vise ainsi pas directement [H] [E], qui n'a pas vocation à être personnellement jugé, notamment pour des faits de nature pénale, dans des conditions nécessitant qu'il puisse être présent à l'audience le concernant.

D'une part, [H] [E] dispose de la faculté d'être représenté devant le juge des enfants pour faire valoir son point de vue.

D'autre part, et plus généralement, il ressort d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 06 juin 2007 que :

" si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ".

(CE : 06/06/2007 N° 292076 ; 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Il ressort de cet arrêt que l'étranger expulsé et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de cour séjour à cette fin.

Il s'en suit que l'exécution de l'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne prive pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une audience de CRPC en demandant un 'visa cour séjour' qui ne pourra lui être refusé.

En conséquence le placement en rétention administrative de [H] [E] ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 de la CEDH.

Ne disposant que d'un passeport périmé et n'ayant ainsi remis préalablement aucun justificatif d'identité valable à un service de police ou de gendarmerie, [H] [E] n'est pas éligible à une assignation à résidence, indépendamment de la question de l'opportunité d'une telle mesure au regard de ses relations conflictuelles avec son épouse.

Sur la notification de la décision à M. [H] [E]

En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.

Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.

En l'absence de M. [H] [E] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d'un interprète.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [H] [E] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative.

Gaëlle PRZEDLACKI, Greffière

Guillaume SALOMON, président de chambre

A l'attention du centre de rétention, le dimanche 01 mai 2022

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [I] [J]

Le greffier

N° RG 22/00733 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UH7V

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 01 Mai 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [H] [E]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [H] [E] le dimanche 01 mai 2022

- décision transmise par courriel pour notification à M.LE PREFET DES VOSGES et à Maître Marie CUISINIER le dimanche 01 mai 2022

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le dimanche 01 mai 2022

N° RG 22/00733 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UH7V


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 22/00733
Date de la décision : 01/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-01;22.00733 ?
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