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29/04/2022 | FRANCE | N°19/02309

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 29 avril 2022, 19/02309


ARRÊT DU

29 Avril 2022







N° 648/22



N° RG 19/02309 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWSM



MD/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

31 Octobre 2019

(RG 18/00332 -section )





































GROSSE

:



aux avocats



le 29 Avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANTE :



Mme [C] [F]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉES :



SARL PROCOM en liquidation judiciaire



SELURL DEPREUX SEBASTIEN es...

ARRÊT DU

29 Avril 2022

N° 648/22

N° RG 19/02309 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWSM

MD/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

31 Octobre 2019

(RG 18/00332 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [C] [F]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

SARL PROCOM en liquidation judiciaire

SELURL DEPREUX SEBASTIEN es qualité de liquidateur judiciaire de la société PROCOM,

[Adresse 3]

représentée par Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de LILLE

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE LILLE

[Adresse 2]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS :à l'audience publique du 01 Février 2022

Tenue par Monique DOUXAMI

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt est prorogé du 25 mars 2022 au 29 avril 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 janvier 2022

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Madame [C] [F] a été embauchée par la SARL Procom en qualité de conceptrice-rédactrice à partir du 16 octobre 1989.

La convention collective applicable est celle des agences de publicité.

Madame [C] [F] a été placée en arrêt de travail à compter du 12 novembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 2018, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête réceptionnée par le greffe le 20 décembre 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing aux fins d'obtenir la condamnation de la SARL Procom au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 13 mai 2019, le tribunal de commerce de Lille a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Procom et a désigné la SELURL Depreux Sébastien en qualité de liquidateur.

Par jugement rendu le 31 octobre 2019, la juridiction prud'homale a :

-dit que la prise d'acte du contrat de travail produisait les effets d'une démission ;

-débouté Madame [C] [F] de ses demandes ;

-condamné Madame [C] [F] au paiement de la somme de 500 euros à la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 21 novembre 2019, Madame [C] [F] a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 21 septembre 2020, elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement déféré ;

-fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Procom aux sommes suivantes :

*36.604,70 euros et à titre subsidiaire 33.672,90 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*10.263 euros et à titre subsidiaire 9441 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1026,30 euros et à titre subsidiaire 944,10 euros au titre des congés payés y afférents,

*22.408 euros et à titre subsidiaire 15.536,44 euros à titre de rappel de salaire et 2.340,80 et à titre subsidiaire 1653,54 euros au titre des congés payés y afférents,

*100.500 euros ou 92.500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire 68.420 euros ou 62.940 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

*5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

*5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

*5000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

-déclarer la décision opposable à l'Unédic délégation AGS CGEA de Lille ;

-condamner la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, à lui payer la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-ordonner la délivrance d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte rectificatifs dans le délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

-juger que les condamnations produiront des intérêts légaux, avec capitalisation des intérêts, à compter de la convocation devant le conseil de prud'hommes ;

-débouter la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, et le CGEA de l'intégralité de leurs demandes.

Elle soutient en substance que :

-la prise d'acte est justifiée par des manquements graves de la SARL Procom : manquement à l'obligation de paiement du salaire, diminution unilatérale du salaire, manquement à l'obligation de fournir du travail, harcèlement moral, discrimination et manquement à l'obligation de sécurité ;

-compte tenu de ses fonctions ayant consisté à prendre en charge la conception rédactionnelle des rapports d'activité d'entreprises cotées en bourse, de son ancienneté, de son bilan de compétence de 2010 et des excellents retours clients dont l'un relève son autonomie ce qui est une qualité de cadre, elle doit bénéficier de la classification du niveau minimum 3.3 voire 3.4 de la convention collective. Elle peut consécutivement prétendre à un rappel de salaire, des congés payés y afférents et des indemnités de rupture calculés en fonction de cette classification dont elle aurait du bénéficier.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 23 novembre 2020, la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Madame [C] [F] à lui payer la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

*à titre principal, en débouter Madame [C] [F],

*à titre subsidiaire, minorer le montant de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et ramener le montant de dommages-intérêts au minimum légal en cas de licenciement nul et au minimum du barème en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-sur les autres demandes, en débouter Madame [C] [F] et subsidiairement les ramener à de plus justes proportions ;

-condamner Madame [C] [F] au paiement de la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

-les griefs invoqués par Madame [C] [F] ne sont pas établis ou sont anciens et n'ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission ;

-subsidiairement, Madame [C] [F] n'était pas cadre et occupait un poste de concepteur rédacteur donnant droit à une classification agent de maîtrise niveau 2.4. Dès lors ses demandes au titre de la rupture doivent être examinées en prenant en compte le salaire correspondant à cette classification.

Par ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 27 mars 2020, l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille demande à la cour de confirmer le jugement déféré, débouter Madame [C] [F] de l'ensemble de ses demandes et statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle expose que :

-les faits invoqués par Madame [C] [F] ne sont pas établis ou sont, en tout état de cause, anciens et n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission ;

-Madame [C] [F] ne précise ni ne justifie des tâches qui lui ont été réellement confiées dans l'exécution de son contrat de travail et la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, démontre qu'elle peut prétendre au niveau 2.4. Les demandes indemnitaires sur la rupture n'ont pas été établies à tort sur la base de cette classification. Madame [C] [F] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un préjudice à l'appui de sa demande de licenciement nul ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle entend aussi obtenir la réparation d'un même préjudice au travers tant des dommages-intérêts formulés au titre du licenciement que ceux formulés au titre du harcèlement, du manquement à l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail. Enfin, la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, prouve que Madame [C] [F] a suivi de nombreuses formations et aucun préjudice n'est à nouveau justifié.

Elle rappelle également les conditions et limites de sa garantie.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat.

Les juges doivent examiner l'ensemble des manquements invoqués, sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de rupture. Le salarié doit en rapporter la preuve. En cas de doute sur la réalité des faits allégués, il profite à l'employeur. La rupture n'est justifiée qu'en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en cas de harcèlement ou de discrimination. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

Dans son courrier de prise d'acte du 30 novembre 2018 et ses conclusions, Madame [C] [F] reproche à la SARL Procom les manquements suivants :

1) des manquements relatifs au salaire : la diminution unilatérale de la rémunération (suppression du maintien du salaire correspondant au passage aux 35 heures, diminution consécutive de la prime d'ancienneté, suppression de la prime du 13 ème mois à partir de 2014), non paiement des salaires échus au 30 novembre 2018, retard et fractionnement du paiement du salaire et remboursement tardif des chèques déjeuner non distribués

En premier lieu, les bulletins de paie font apparaître que :

-en décembre 2001, Madame [C] [F] a été payée pour 169 heures de travail au taux normal de 11,726 euros/ heure ;

-en janvier 2002, elle a été payée pour 151,67 heures de travail au taux normal de 11,726 euros/heure, 12,99 heures complémentaires au taux majoré de 12,899 euros/heure et 50, 89 euros au titre de « ARTT ».

Il s'en déduit, qu'en l'absence de tout accord collectif encadrant le passage aux 35 heures au sein de la SARL Procom, qui employait 3 salariés, la diminution de la durée légale du travail à partir du 1er janvier 2002 s'est traduite par de nouvelles modalités de rémunération consistant dans le paiement de 151,67 heures de travail au taux normal, d'une somme forfaitaire au titre de « ARTT » et de 3 heures « complémentaires » entre 35 et 38 heures par semaine au taux majoré de 10%.

Madame [C] [F] ne soutient pas avoir systématiquement accompli 3 heures de travail au delà de 35 heures par semaine de sorte qu'elle est mal fondée à en reprocher le non paiement à la SARL Procom sous couvert d'une suppression du maintien du salaire correspondant aux 35 heures et à invoquer la diminution consécutive de la prime d'ancienneté.

En deuxième lieu, les éléments produits aux débats font apparaître que :

-la SARL Procom a payé à Madame [C] [F] une « prime annuelle » puis « prime de 13 mois » correspondant à 1 mois de salaire chaque année entre 1991 et 2003 puis en 2006 et 2007, 3/4 de mois de salaire en 2005, la moitié d'un mois de salaire en 2009, 2010 et 2012 et 1/4 de mois de salaire en 2011 et 2014 ;

-la SARL Procom n'a pas payé cette prime à Madame [C] [F] en 2004 et 2013 et à partir d'août 2014.

Aucun élément n'est fourni sur les conditions ayant présidé à la décision ou aux décisions successives de paiement de cette prime. Celle-ci n'est ni constante ni fixe et il n'est pas allégué ni a fortiori justifié qu'elle est générale. Partant, elle s'analyse en une libéralité, la SARL Procom pouvant décider en toute liberté de son paiement et de son montant. Dès lors, Madame [C] [F] se prévaut vainement de sa suppression depuis 2014.

En troisième lieu, il ressort du dossier de la procédure que la SARL Procom a régulièrement payé les salaires en plusieurs fois et avec retard pendant la période allant du mois de janvier 2017 au 30 novembre 2018. Toutefois, Madame [C] [F] n'a formulé aucune réclamation avant les courriers qu'elle ne lui a adressés que les 7 septembre 2018 et 17 octobre 2018 en disant avoir « conscience des problèmes économiques que rencontre l'agence ».

En dernier lieu, l'écrit intitulé « renonciation aux chèques déjeuner » en date du 28 août 2015 et les bulletins de paie suffisent à démontrer que la SARL Procom a remboursé à Madame [C] [F] les chèques déjeuner non distribués selon les modalités convenues (200 euros par mois de septembre à décembre 2015). La salariée n'a d'ailleurs jamais formulé de réclamation à cet égard.

Il s'ensuit que seul le manquement tenant au retard de paiement des salaires est établi et il ne présente pas de gravité.

2) le manquement à l'obligation de fournir du travail

Madame [C] [F] fournit des factures Procom du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2018 et des analyses qu'elle en a réalisées. Ces éléments sont imprécis et ils sont contredits par les documents communiqués par la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, et notamment l'analyse établie par la SARL Procom sur la base

du temps de travail identifié par Madame [C] [F], les attestations des deux autres anciennes salariées non suspectes de partialité compte tenu de la rupture de la relation de travail, les notes professionnelles de Madame [C] [F] et les exemples de création. Dès lors, la réalité des allégations de Madame [C] [F] selon lesquelles elle n'a travaillé qu'une heure 30 par jour en moyenne durant les derniers mois de la relation de travail n'est pas démontrée.

3) le harcèlement moral et la discrimination

Selon l'article L.1152-1 à 3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, il appartient au juge, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, selon Madame [C] [F], les éléments constitutifs du harcèlement moral ressortent :

-des agissements du dirigeant qu'elle qualifie de brimades et de placardisation consistant à avoir cessé de lui fournir du travail et à ne pas avoir toujours valorisé son travail dans les factures, à avoir répondu à son courrier de prise d'acte en remettant en cause la dégradation de son état de santé et en critiquant son « style littéraire » et à lui reprocher oralement son coût élevé et son refus d'assumer des fonctions commerciales pour lesquelles elle n'avait pas été formée ;

-la dégradation de son état de santé.

En premier lieu, il résulte des développements qui précèdent que l'absence de fourniture du travail n'est pas établie. Il en est de même de l'absence de valorisation du travail de Madame [C] [F] dans les factures, celles-ci n'ayant pas pour objet de refléter le temps effectivement passé par chacun des salariés de la SARL Procom sur un dossier.

En deuxième lieu, la réponse du dirigeant au courrier de prise d'acte est postérieure à la rupture de la relation de travail et ne saurait constituer un fait de harcèlement se situant nécessairement avant cette rupture.

En troisième lieu, Madame [C] [F] ne fournit aucun élément venant confirmer ses allégations sur les reproches du dirigeant concernant son coût. Par ailleurs, le dirigeant confirme dans la lettre de réponse à la prise d'acte avoir exprimé sa déception quant à son refus de communiquer sur les réseaux sociaux. Toutefois, ce refus était infondé, s'agissant de permettre à la SARL Procom d'être plus visible sur les réseaux sociaux à l'utilisation desquels elle avait été formée.

Enfin, Madame [C] [F] communique des documents médicaux dont :

-une ordonnance du 4 octobre 2018 prescrivant une radiographie du genou et des feuilles de remboursement de la sécurité sociale faisant apparaître des actes de kinésithérapeute en octobre et novembre 2018, deux écrits de son médecin traitant du 10 décembre 2018 et 30 janvier 2019 et deux ordonnances des 12 novembre 2018 et 10 décembre 2018 lui prescrivant du seroxyl ;

-les éléments de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle qu'elle a initiée concernant la pathologie suivante : « troubles anxio dépressifs persistance de troubles anxieux, d'une asthénie et de douleurs rachidiennes et articulaires » et notamment le certificat médical initial du 26 novembre 2018, le certificat médical de prolongation du 10 décembre 2018, un courrier de refus de prise en charge du 19 juin 2019 en raison de l'absence de réception de l'avis du CRRMP et un courrier de notification de prise en charge après avis de CRRMP du 4 octobre 2019.

Il s'ensuit que Madame [C] [F] présente des éléments qui pour certains ne sont pas établis et pour ceux qui le sont ne permettent pas, pris dans leur ensemble, de laisser présumer un harcèlement moral.

Dès lors, ce manquement n'est pas établi.

En conséquence, Madame [C] [F] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

* * *

Selon l'article L 1l32-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle

que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa

situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de se convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

II résulte de l'article L 1134-1 du code du travail qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure d'établir que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Madame [C] [F] indique : « Les collègues de la demanderesse n'ont pas subi ces brimades et cette placardisation. Cette différence de traitement est discriminatoire ».

Ce faisant, elle n'invoque aucun des motifs de discrimination prohibés par les dispositions précitées.

Il s'ensuit que ce manquement n'est pas établi.

4) le manquement à l'obligation de sécurité

Il ressort de l'article R4624-16 du code du travail, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2017, que la visite d'information et de prévention est renouvelée périodiquement selon la périodicité fixée par le médecin du travail et qui ne peut excéder 5 ans.

En l'espèce, aucune visite médicale n'a été organisée dans le délai de 2 ans fixé par le médecin du travail lors de la visite du 21 septembre 2015. L'argumentation de la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, sur l'allongement du délai entre 2 visites à 5 ans depuis le 1er janvier 2017 est inopérante dès lors que le médecin du travail peut fixer une périodicité moins importante.

Il s'ensuit que le grief est établi. Toutefois, il procède d'une négligence qui n'a pas fait obstacle à la poursuite du contrat de travail jusqu'à sa rupture plus d'un an après par un courrier de prise d'acte n'en faisant pas état de telle sorte qu'il ne présente pas de gravité.

Par ailleurs, Madame [C] [F] ne démontre pas que la dégradation de son état de santé est en lien avec ce manquement. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Il résulte des développements qui précèdent que la majorité des manquements invoqués par Madame [C] [F] n'est pas établie et que la minorité qui l'est ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'une démission, Madame [C] [F] sera déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaire sur classification et les congés payés y afférents

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu'il assume de façon permanente dans le cadre de ses fonctions des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, les bulletins de salaire mentionnent que Madame [C] [F] exerce les fonctions de conceptrice rédactrice.

L'annexe D de l'avenant du 16 mars 2014 de la convention collective applicable relatif aux emplois repères classe, de manière indicative, les fonctions de concepteur-rédacteur dans la 3ème catégorie des cadres au niveaux 3-2 à 3-4. Il mentionne :

« Fonction

A partir du brief (exposé) de l'équipe commerciale, recommande avec le directeur artistique un ou plusieurs thèmes de campagne.

Conçoit et rédige tous les textes des messages publicitaires.

Coordonne avec le directeur artistique la réalisation de la campagne et en contrôle en particulier l'exécution sonore ou graphique.

3e Catégorie: Pourquoi'

La dominante de cette catégorie est la prise en charge d'activités de conception et d'élaboration. Peut s'accompagner d'une responsabilité hiérarchique ou fonctionnelle vis-à-vis de salariés du domaine de sa compétence.

Niveau 3-2 : Pourquoi'

Prise en charge des missions de conception faisant une part importante aux qualités personnelles et réclamant la maîtrise de la fonction sur des problématiques simples.

Niveau 3-3 : Pourquoi'

Possède une maîtrise de la fonction où d'un type de réflexion créative lui permettant d'intervenir sur des problématiques difficiles demandant une réflexion créative complexe.

Niveau 3-4 : Pourquoi'

Haut niveau d'expertise et de responsabilité en matière créative éventuellement associé à la conduite d'une équipe. Participe à la validation des stratégies publicitaires. Apporte un support à une équipe de création junior et veille à la qualité créative de leurs propositions.

De manière générale, cet avenant définit les emplois de la 3ème catégorie comme des emplois de conception correspondant à la catégorie cadre.

Il indique : « La dominante d'ensemble: il s'agit des emplois de « cadres », où la fonction de conception/élaboration est la caractéristique essentielle. Ce niveau peut s'accompagner d'une responsabilité hiérarchique ou fonctionnelle vis-à-vis des collaborateurs relevant du domaine de leur compétence. »

Il précise :

« -niveau 3-2 caractéristiques : Prise en charge de missions à partir d'orientations: exigeant l'élaboration de solutions impliquant la définition de moyens à mettre en 'uvre, mettant en jeu une responsabilité de résultat, faisant une part importante aux qualités personnelles: créativité, autorité, décision, jugement .. (')

-niveau 3-3 caractéristiques : pleine maîtrise de la fonction, définie par référence aux caractéristiques du 2ème niveau et permettant de faire face à toute situation professionnelle.(...)

-niveau 3-4 caractéristiques : Haut niveau d'expertise, de responsabilité et d'exigence particulière d'innovation dans un domaine de compétence défini par l'autorité de direction de l'entreprise; de responsabilité particulière dans le choix, la formation et l'animation des collaborateurs, de délégation et contrôle de manière habituelle.

Point clés :Le haut niveau d'expertise et de responsabilité constitue la caractéristique distinctive essentielle entre les emplois des niveaux précédents et ceux du 4e niveau. II ne s'agit plus de fonctions impliquant la responsabilité de l'accomplissement d'une ou de missions définies dans le cadre d'orientations générales, mais de fonctions qui impliquent une responsabilité d'ensemble, exigeant une expertise et une capacité particulière d'innovation qui suppose en règle générale la constitution et la conduite d'une équipe, et la nécessité impérative d'organiser et de déléguer des missions particulières.

Les documents produits aux débats par les deux parties font apparaître que les projets gérés par la SARL Procom, micro structure de 3 salariés, étaient généralement de petite dimension et sans campagne complexe et les fonctions dominantes de Madame [C] [F] correspondaient, non pas à des tâches de création artistique, conception et élaboration, mais à des tâches d'exécution, relecture, contrôle et gestion des dossiers.

Ainsi, elle est mal fondée à revendiquer une appartenance à la catégorie cadre niveaux 3.3 ou 3.4 dont ses fonctions ne relevaient pas.

En conséquence, elle sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire sur cette classification et des congés payés y afférents et le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation

La SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, fournit des éléments qui suffisent à établir que Madame [C] [F] a suivi des formations « utiles » dont plusieurs (notamment utilisation des réseaux sociaux) par le biais d'un abonnement de formation permanent auquel la SARL Procom lui a donné accès (video2 brain). Le manquement de la SARL Procom n'est pas établi.

Par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier que Madame [C] [F] a bénéficié d'entretien professionnel, elle n'invoque ni a fortiori ne justifie d'un préjudice qui en serait résulté.

En conséquence, Madame [C] [F] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Quand bien même la SARL Procom aurait commis certains des manquements invoqués par Madame [C] [F], comme le retard-fractionnement du paiement du salaire, cette dernière ne justifie pas d'un préjudice qui en serait résulté.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement déféré sera confirmé.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille.

Madame [C] [F] sera déboutée de sa demande concernant la remise de documents rectifiés de fin de contrat et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Madame [C] [F] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée à payer à la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, sa condamnation aux frais irrépétibles de première instance étant confirmée.

Madame [C] [F] sera condamnée aux dépens d'appel, sa condamnation aux dépens de première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Confirme le jugement rendu le 31 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Tourcoing en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA de Lille ;

Condamne Madame [C] [F] à payer à la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Madame [C] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Monique DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 19/02309
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;19.02309 ?
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