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23/04/2022 | FRANCE | N°22/00691

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 23 avril 2022, 22/00691


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 22/00691 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHR3

N° de Minute : 703







Ordonnance du samedi 23 avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé,absent représenté, Me RHAMOUNI HEDI





INTIMÉ



M. [P] [U]

né le 28 Mai 1998 à [Localité 4] - ALGERIE (00000)

de nationalité Algérienne

Chez

Mme [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

absent, représenté par Me SALOMON Soizic, avocate de permanence

dûment avisé



M. le procureur général : non comparant







MAGISTRATE DELEGUEE : Sandrine PROVENSAL, Conseillère à l...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 22/00691 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHR3

N° de Minute : 703

Ordonnance du samedi 23 avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé,absent représenté, Me RHAMOUNI HEDI

INTIMÉ

M. [P] [U]

né le 28 Mai 1998 à [Localité 4] - ALGERIE (00000)

de nationalité Algérienne

Chez Mme [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

absent, représenté par Me SALOMON Soizic, avocate de permanence

dûment avisé

M. le procureur général : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Sandrine PROVENSAL, Conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Abbygaëlle CARRETTE, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du samedi 23 avril 2022 à 13 h 00

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai le samedi 23 avril 2022 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialemnt L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'ordonnance rendue le 21 avril 2022 par le Juge des libertés et de la détention de [Localité 3] qui a mis fin à la rétention administrative de de M. [P] [U] ;

Vu l'appel motivé interjeté par M. LE PREFET DU NORD par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 22 avril 2022 ;

Vu l'audition des parties ;

FAITS et PROCÉDURE

[P] [U], ressortissant algerien a été placé en rétention administrative par décision administrative du 19 avril 2022.

Par requête du 19 avril 2022, il a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contester la régularité de la décision de placement en retenue administrative.

Par requête du 20 avril 2022, l'autorité administrative a sollicité la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours.

Par ordonnance en date du 21 avril 2022,dont appel, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a déclaré irrégulier le placement en rétention de [P] [U] et dit n'y avoir lieu à prolongation du maintien en rétention.

Au titre des moyens soutenus en appel, la préfecture fait valoir que le juge des libertés et de la détention a considéré à tort qu'il existait une erreur d'appréciation sur les garanties de représentation de l'intéressé, alors qu'il ne disposait pas de domicile personnel, certain et sable, que sa fiche pénale justifie l'absence de garantie de représentation, qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 24 février 2022 qui lui a permis d'être entendu et de faire valoir les éléments qu'il souhaitait pour justifier de la permanence de la stabilité de son séjour. L'autorité administrative ajoute que le trouble à l'ordre public causé par l'intéressé récemment condamné pour apologie publique d'un acte de terrorisme et violence sur concubin suffit à justifier son placement en rétention. Enfin, l'appelante reproche au premier juge d'avoir commis un excès de pouvoir en évoquant l'existence d'un lien familial en référence à la mesure d'éloignement.

Le conseil de [P] [U] fait valoir dans ses écritures que le juge a justement procédé à un contrôle de proportionnalité et s'est interrogé sur le fait de savoir si une mesure coercitive n'aurait pas pu être décidée au moment du placement en rétention. Il observe que l'hébergement proposé chez la tante de l'intéressé n'est pas précaire, que ce dernier dispose bien d'une carte d'identité algérienne suffisante pour assurer son éloignement, que le préfet n'a pas visé l'ordre public dans le cadre de son arrêté de placement en rétention et que de plus cet élément, ne permet pas de justifier le risque de fuite au vu de l'article 611-3 du Ceseda. Sur la requête préfectorale, [P] [U] fait valoir l'incomplétude du dossier de la préfecture, notamment l'absence de justificatif sur la délégation de signature ainsi que l'absence de diligence de l'administration.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :

1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du CESEDA.

2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite 'DUBLIN III', il existe 'un risque non négligeable de fuite' tel que défini par l'article L 751-10 du CESEDA et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.

3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.

Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l'article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du CESEDA, que l'étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l'exécution de son éloignement.

Il convient de constater que l'intéressé n'a pas été auditionné lors de son placement en rétention administrative, ce qui à l'évidence ne permettait pas à l'administration d'avoir une connaissance précise de sa situation, comme peuvent le démontrer notamment les erreurs sur son adresse ou le nom de sa compagne, mère de son enfant. L'absence d'audition n'a ainsi pas permis à [P] [U] de faire valoir ses garanties de représentation. Ainsi l'administration a estimé qu'il ne disposait pas de garantie de représentation alors qu'il proposait un hébergement chez sa tante, sans qu'il soit par ailleurs nécessaire que ce logement soit personnel. La certitude sur son identité également aurait pu être constatée si [P] [U] avait été mis en mesure de déclarer qu'il possédait une carte d'identité et de la produire, les services administratifs étant déjà en possession de son acte de naissance et d'un passeport périmé. Le fait qu'il ait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 22 février 2022 ne justifie pas l'absence d'audition deux mois plus tard dans le cadre du placement en rétention, qui seule permettait d'obtenir des informations complètes et actualisées sur les garanties de représentation de l'intéressé.

Ces seuls éléments, sans qu'il soit nécessaire de se référer à la situation pénale de l'intéressé ou à l'intensité de son lien avec son enfant, suffisent à constater l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation sur les garanties de représentation de l'intéressé, résultant d'une absence d'audition et donc d'une absence d'information sur sa situation réelle.

L'irrégularité du placement en rétention administrative sera donc constatée. Il n'y a donc pas lieu à prolongation de la mesure.

La décision entreprise sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [P] [U], à son conseil le cas échéant et à l'autorité administrative.

Abbygaëlle CARRETTE, greffière

Sandrine PROVENSAL, Conseillère

N° RG 22/00691 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHR3

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 23 Avril 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

- décisision transmise par courriel pour notification à l'autorité administrative

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de [Localité 3]

Le greffier, le samedi 23 avril 2022

N° RG 22/00691 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHR3


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 22/00691
Date de la décision : 23/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-23;22.00691 ?
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