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24/09/2020 | FRANCE | N°19/04132

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 24 septembre 2020, 19/04132


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 24/09/2020







N° de MINUTE : 20/362

N° RG 19/04132 - Jonction avec le RG : 19/6553 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SPTS



Offre Fiva du 05 Avril 2019







DEMANDERESSE



Madame [P] [E] veuve [B]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Michel Ledoux, avocat au barreau de P

aris substitué par Me Haas, avocat au barreau de Paris



DÉFENDEUR



Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représenté par Me Mario...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 24/09/2020

N° de MINUTE : 20/362

N° RG 19/04132 - Jonction avec le RG : 19/6553 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SPTS

Offre Fiva du 05 Avril 2019

DEMANDERESSE

Madame [P] [E] veuve [B]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Michel Ledoux, avocat au barreau de Paris substitué par Me Haas, avocat au barreau de Paris

DÉFENDEUR

Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Mario Califano, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 25 juin 2020 tenue par Guillaume Salomon et Claire Bertin, magistrats chargés d'instruire le dossier qui, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Sara Lamotte, conseiller

Claire Bertin, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

[Z] [B], né le [Date naissance 3] 1940, a été exposé aux poussières d'amiante au cours de son activité professionnelle.

L'existence d'un mésothéliome a été diagnostiquée le 28 avril 2011.

L'organisme social a reconnu le caractère professionnel de sa pathologie et a retenu un taux d'incapacité de 95% et une rente lui a été versée à compter du 20 juin 2011.

Il a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de ses préjudices, et celui-ci par lettre datée du 10 mars 2014, lui a notifié une offre d'indemnisation se décomposant comme suit :

- au titre du préjudice fonctionnel :

* préjudice d'incapacité (95% à compter du 28 avril 2011) : réservé,

- au titre des préjudices patrimoniaux :

* préjudice physique : 15 700 euros,

* préjudice moral : 48 900 euros,

* préjudice d'agrément : 16 400 euros,

* préjudice esthétique : 2 000 euros.

[Z] [B] a accepté cette offre d'indemnisation le 16 mars 2014 ; il est décédé des suites de sa pathologie le 24 juin 2014.

Le caractère professionnel de ce décès a été reconnu par l'organisme social et une rente de conjoint survivant a été versée à son épouse, Mme [P] [E], veuve [B].

Les ayants-droit de [Z] [B] ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par le défunt et d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices personnels.

Suivant courrier des 16 avril et 25 août 2015, le FIVA a proposé l'offre d'indemnisation suivante :

- au titre de l'action successorale :

* préjudice fonctionnel : 55 292,84 euros,

* remboursement des frais d'obsèques : 5 000 euros,

- à titre personnel :

* pour Mme [B] : 32 600 euros en réparation du préjudice moral et d'accompagnement,

* pour les quatre enfants de [Z] [B] : 8 700 euros chacun en réparation du préjudice moral et d'accompagnement,

* pour les sept petits-enfants de [Z] [B] : 3 300 euros chacun en réparation du préjudice moral et d'accompagnement.

Les ayants-droit de [Z] [B] ont accepté cette offre.

Par courrier du 12 octobre 2018, Mme [B] a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation complémentaire au titre du préjudice économique subi.

En l'absence de réponse de la part du FIVA dans le délai légal de six mois suivant la date de sa demande d'indemnisation, Mme [B] a saisi la cour d'appel de Douai le 17 juillet 2019 afin qu'il soit statué sur sa demande d'indemnisation.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 19/04132.

Par courrier du 16 octobre 2019, le FIVA a proposé de verser à Mme [B] la somme de 31 249,84 euros au titre du préjudice économique subi pour la période du 25 juin 2014 au 1er janvier 2017, puis une rente trimestrielle à compter du 1er janvier 2018.

Par courrier du 13 décembre 2019, Mme [B] a contesté cette offre et a sollicité la jonction de cette contestation avec celle enrôlée sous le numéro RG 19/04132.

Dans ses conclusions récapitulatives numéro deux reçues au greffe de la cour le 19 juin 2020, et développées à l'audience par son conseil, Mme [B] demande de :

' ordonner la jonction de la contestation de l'offre du 16 octobre 2019 avec celle introduite le 17 juillet 2019 dans un souci de bonne administration de la justice ;

' dire que les sommes proposées par le FIVA dans son offre du 16 octobre 2019 au titre de son préjudice économique sont insuffisantes ;

' donner acte au FIVA de sa proposition formulée dans ses dernières écritures ;

' constater que le quantum de ce poste de préjudice demeure contesté ;

' dire qu'il convient de retenir une part de consommation de 67% ;

' dire qu'il convient de retenir un revenu de référence du foyer de 37 509 euros pour l'année 2013 ;

' constater l'accord des parties sur le montant de revenu de référence ;

' dire qu'il sera revalorisé chaque année selon l'indice INSEE des prix à la consommation 'ensemble des ménages hors tabac' selon la formule suivante :

revenu de référence x indice de revalorisation (n)

indice (n-1)

' dire qu'il convient d'intégrer dans le calcul du préjudice économique de Mme [B] le montant de la rente FIVA en vigueur à la date du recours, soit 19 263 euros en 2019 ;

' dire qu'il convient de capitaliser le préjudice économique en fonction de l'espérance de vie de la victime et en application de la table de capitalisation du FIVA ;

en conséquence,

' fixer à la somme de 46 099,76 euros l'indemnisation de son préjudice économique subi du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 ;

' fixer à la somme de 95 658,79 euros l'indemnisation de son préjudice économique à compter du 1er janvier 2019 ;

' dire que les somme allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,

' condamner le FIVA au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées le jour de l'audience, et développées par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

' sur le préjudice économique subi par Mme [B] du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 :

sur le revenu de référence,

* prendre acte de l'accord des parties sur l'année à retenir pour le calcul du revenu annuel de référence des époux [B], à savoir l'année 2013 ;

* prendre acte de l'accord des parties sur la méthode de revalorisation du revenu selon l'indice des prix à la consommation établi sur une série dont le chef du ménage est ouvrier ou employé hors tabac ;

* prendre acte de l'accord des parties sur le montant du revenu de référence retenu pour l'année 2013, à savoir 28 667 euros pour [Z] [B] et 8 842 euros pour Mme [B] ;

sur le coefficient du foyer,

* dire qu'il convient de retenir les coefficient OCDE pour déterminer la part de consommation de Mme [B]

* en conséquence, confirmer le coefficient de 1,5 attribué au foyer de Mme [B] ;

sur l'intégration de la rente FIVA,

* constater que M. [B] présentait un taux d'incapacité de 95% au jour de son décès,

* en conséquence, confirmer que le montant de la rente viagère à intégrer au calcul du préjudice économique est la valeur de la rente à 95%, soit 17 519 euros (valeur avril 2015), montant qui sera revalorisé pour chaque année de calcul ;

sur les revenus effectifs à prendre en considération,

* prendre acte de ce que Mme [B] ne s'oppose pas à la déduction des revenus déclarés au titre du régime de l'impôt sur le revenu (retraite personnelle et retraite de réversion), de ceux perçus au titre de la rente d'ayant-droit versée par son organisme social ;

* confirmer que le montant de la rente d'ayant-droit doit être revalorisé chaque année selon les dispositions de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ;

sur le quantum du préjudice,

* confirmer son offre établie dans les présentes écritures à hauteur de la somm de 40 156,12 euros en réparation du préjudice économique subi par Mme [B] pour la période du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 ;

' sur le préjudice économique subi par Mme [B] à compter du 1er janvier 2019

à titre principal,

* prendre acte de l'accord des parties de ce que le préjudice de Mme [B] doit être calculé en fonction de l'espérance de vie de [Z] [B] ;

* confirmer que le préjudice économique de Mme [B] doit être calculé en fonction de l'espérance de vie de son défunt époux au moment du décès ;

* dire qu'il convient d'appliquer la table de mortalité 2008-2010 de l'INSEE établie sur des projections arrêtées au 31 décembre 2011 au vue de la détermination de l'espérance de vie de la victime ;

* dire que le préjudice économique de Mme [B] doit être calculé en multipliant le préjudice calculé et obtenu sur le dernière année (2018) par le nombre d'années de vie théorique du défunt ;

* dire qu'il convient de déduire du nombre d'années de vie théorique du défunt le nombre d'années d'arriérés déjà indemnisés ;

* dire que le préjudice économique futur doit être versé sous forme de rente calculée selon l'espérance de vie de Mme [B] ;

* en conséquence, confirmer son offre à hauteur d'une rente trimestrielle de 1 298,83 euros en réparation du préjudice économique futur de Mme [B] à compter du 1er janvier 2019 ;

à titre subsidiaire,

* constater que Mme [B] retient la table de capitalisation appliquée par lui fondée sur une table de mortalité définitive INSEE 2012 France entière et un taux d'intérêt fixé à 1,29% ;

* dire que dans l'hypothèse où cette table devrait être appliquée pour le calcul du préjudice économique futur, il conviendrait de tenir compte des années d'ores et déjà indemnisées en l'occurrence, cinq ;

' en tout état de cause :

* déduire des sommes éventuellement allouées par la cour la provision amiable versée par le FIVA ;

* débouter la requérante de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs

A titre liminaire, il convient d'ordonner dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 19/04132 et 19/06553 sous le seul numéro RG 19/04132.

Sur le préjudice économique de Mme [B],

Le préjudice économique des ayants droit est calculé en comparant les revenus du ménage avant et après le décès de façon à compenser la perte de revenus des proches.

La cour constate que les parties ne discutent pas de la détermination du revenu de référence du foyer, ce qui comprend un mécanisme de revalorisation annuelle de ce revenu selon la formule INSEE des ménages urbains hors tabac, soit en l'espèce la somme de 37 509 euros pour l'année 2013, ni de la réintégration de la rente FIVA dans cette détermination du revenu de référence, la requérante et le FIVA ne s'opposant que sur le principe de la revalorisation de cette rente ainsi que sur le coefficient de la part revenant au conjoint survivant.

Sur la question de la rente FIVA à prendre en considération dans le revenu de référence du foyer, Mme [B] entend retenir la somme de 19 263 euros qui correspond à la valeur de cette rente en 2019 alors que le FIVA considère qu'il faut intégrer cette rente à sa valeur par année, pour un taux d'incapacité de 95%, dès lors que le bénéficiaire l'a perçue, et que l'actualisation doit être faite conformément au coefficient annuel de revalorisation prévu à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale ; le FIVA retient ainsi une rente de 17 519 euros pour l'année 2015, à revaloriser chaque année à compter du 1er avril 2016.

Le préjudice économique subi par l'ayant droit d'une victime du fait du décès de celle-ci doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date et les juges du fond doivent procéder, si elle est demandée, à l'actualisation, au jour de leur décision, de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire, étant au surplus remarqué que la rente servie par le FIVA étant ajoutée aux autres revenus, lesquels ont fait l'objet d'une réactualisation.

Dans ces conditions, et sans que soit méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice économique subi par le conjoint survivant, la valeur 2019 de cette rente servie par le FIVA, telle que préconisée par Mme [B], est fondée afin de compenser les effets de l'érosion monétaire.

Comme le souligne néanmoins le FIVA, les ayants-droit de [Z] [B], en ce compris Mme [B], ont accepté, le 14 juin 2015, l'offre du fonds en date du 16 avril 2015 indemnisant le préjudice fonctionnel de [Z] [B] à hauteur de 55 292,84 euros pour un taux d'incapacité de 95%.

C'est donc la valeur de la rente FIVA 2019 pour un taux d'incapacité de 95% qui doit être retenue pour le présent calcul, soit 17 818 euros, et sans qu'il en résulte une surévaluation des revenus théoriques du foyer [B] de ce fait.

Sur la question du coefficient de part revenant au conjoint survivant, le FIVA préconise la prise en compte du coefficient de 1,5 pour le foyer [B] selon l'échelle de l'OCDE, alors que Mme [B] applique dans ses développements le pourcentage de 67 % des revenus affectés au conjoint survivant.

Ces ratios sont assurément similaires, mais celui préconisé par la requérante lui étant légèrement plus favorable, il sera fait application des 67 % sollicités plutôt que de l'échelle OCDE.

En l'état de ces éléments, le préjudice économique de Mme [B] pour la période du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 sera calculé comme suit, les parties s'accordant sur ces dates :

Le revenu théorique du foyer [B] pour cette période doit donc être arrêté comme suit :

du 25 juin au 31 décembre 2014 :

37 509 euros (revenu de référence 2013) x 125,73/125,23 = 37 658,76 euros

(37 658,76 euros + 17 818 euros) x 67% x 189/365 jours = 19 246,63 euros

pour l'année 2015 :

37 658,76 euros x 125,79/125,73 = 37 676,73 euros

(37 676,73 euros + 17 818 euros) x 67% = 37 181,47 euros

pour l'année 2016 :

37 676,73 euros x 100,13/100 = 37 725,71 euros

(37 725,71 euros + 17 818 euros) x 67% = 37 214,28 euros

pour l'année 2017 :

37 725,71 euros x 101,05/100,13 = 38 072,34 euros

(38 072,34 euros + 17 818 euros) x 67% = 37 446,53 euros

pour l'année 2018 :

38 072,34 euros x 102,59/101,05 = 38 652,56 euros

(38 652,56 + 17 818 euros) x 67% = 37 835,27 euros

soit un revenu théorique total de : 168 924,18 euros.

Il convient de déduire de ce montant des revenus théoriques du foyer [B] ainsi calculés le montant des revenus effectivement perçus par Mme [B] au cours de la même période :

du 25 juin au 31 décembre 2014 :

rente invalidité au titre de conjoint survivant (du 1er juillet au 31 décembre 2014) = 4 626,90 euros (pièce n° 9 - Mme [B])

revenus déclarés : 6 916 euros, les parties étant d'accord sur cette somme

pour l'année 2015 :

rente invalidité au titre de conjoint survivant = 9 253,80 euros (pièce n° 9 - Mme [B])

revenus déclarés : 19 456 euros, les parties étant d'accord sur cette somme

pour l'année 2016 :

rente invalidité au titre de conjoint survivant = 9 253,80 euros (pièce n° 9 - Mme [B])

revenus déclarés : 20 300 euros, les parties étant d'accord sur cette somme

pour l'année 2017 :

rente invalidité au titre de conjoint survivant = 9 283,83 (pièce n° 9 - Mme [B])

revenus déclarés : 19 536 euros, les parties étant d'accord sur cette somme)

pour l'année 2018 :

rente invalidité au titre de conjoint survivant = 9 360,52 euros, les parties étant d'accord sur cette somme

revenus déclarés : 19 316 euros, les parties étant d'accord sur cette somme

soit un revenu effectif total de : 127 302,85 euros.

Il en résulte que le préjudice économique de Mme [B] suite au décès de son mari s'élève à la somme de 41 621,33 euros pour la période du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018.

Cette somme sera donc allouée à Mme [B].

Sur le préjudice économique futur de Mme [B], c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2019,

En premier lieu, la cour observe, d'une part, que la victime doit pouvoir choisir sous quelle forme elle souhaite recevoir l'indemnisation qui lui est due, et que le FIVA ne peut lui imposer une indemnisation sous forme de rente, alors que l'allocation d'un capital n'est pas contraire à ses intérêts.

Par conséquent, le FIVA sera débouté de sa demande principale tendant à l'octroi d'une rente trimestrielle à compter du 1er janvier 2019.

En deuxième lieu, est indemnisable le préjudice économique futur subi par le conjoint survivant lorsque la réalité d'un tel préjudice n'est pas sous la dépendance de revenus futurs à percevoir par la victime par ricochet, c'est-à-dire lorsque le montant de ces revenus n'est pas soumis à variation et qu'ils sont connus à la date à laquelle la cour statue.

En l'espèce, les parties s'accordent sur la circonstance que les revenus de Mme [B], qui se trouve à la retraite, ne sont pas susceptibles d'évolution à l'avenir, ce dont il résulte que son préjudice économique futur n'est ni hypothétique, ni éventuel.

En troisième lieu, le principe de la réparation intégrale du préjudice implique, d'une part, d'indemniser la victime sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.

Le principe indemnitaire relatif au préjudice économique futur du conjoint survivant s'entend, d'autre part, d'une réparation d'un dommage subi par l'époux survivant suite au décès prématuré de son conjoint, ce préjudice n'ayant pas vocation à perdurer au-delà de l'espérance de vie de ce dernier.

En l'espèce, il s'observe que les parties sont d'accord sur le fait que le préjudice économique futur de Mme [B] doit être calculé selon l'espérance de vie de son époux, mais divergent quant à la date à retenir pour déterminer la date à compter de laquelle il faut se placer pour déterminer l'espérance de vie du défunt.

Contrairement à ce que soutient Mme [B] dans ses écritures, il convient de se placer non pas à la date du 1er janvier 2019 pour déterminer l'espérance de vie de son mari, celui-ci étant déjà décédé depuis plus de quatre années, mais à la date de son décès effectif, soit le 24 juin 2014 à l'âge de 74 ans.

En quatrième lieu, conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice actuel et certain, il appartient au juge de faire, dans l'exercice de son pouvoir souverain, application du barème de capitalisation le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à recueillir préalablement les observations des parties sur cette méthode de calcul.

En conséquence, si Mme [B] demande à ce qu'il soit fait application du barème de capitalisation du FIVA, force est de relever que celle-ci, pas plus que le FIVA, ne produisent aux débats ledit barème, ce dont il résulte qu'il sera fait application du barème de capitalisation 2018 publié à la Gazette du palais en 2017, celui-ci étant le plus à même à assurer la réparation intégrale du préjudice économique futur de la veuve lequel correspond au préjudice éprouvé par celle-ci au jour du décès de son mari du fait de l'inhalation de poussière d'amiante jusqu'à l'âge de la mort naturelle de ce dernier selon les tables de mortalité utilisées pour établir ce barème.

En l'état de ces constatations et énonciations, le préjudice économique futur de Mme [B] doit être indemnisé comme suit :

9 158,75 euros (préjudice économique de Mme [B] actualisé à l'année 2018 pour tenir compte de la dépréciation monétaire) x 11,345 (euro de rente viager pour un homme de 74 ans à la date de son décès, en l'espèce 2014) = 103 906,02 euros

103 906,01 euros ' 41 621,33 euros (préjudice économique correspondant à la période du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 précédemment indemnisée) = 62 284,69 euros.

Selon ce calcul, le préjudice économique futur de Mme [B] suite au décès de son mari s'élève à la somme de 62 284,69 euros.

Le FIVA ayant toutefois proposé d'indemniser ce poste à hauteur de 62 343,96 euros, il convient en définitive de retenir le montant ainsi offert en application du principe du dispositif.

Sur les dépens et les frais non répétibles,

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme [B] les frais irrépétibles non compris dans les dépens, et il y a lieu de lui allouer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement,

Ordonne dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 19/04132 et 19/06553 sous le seul numéro RG 19/04132 ;

Alloue à Mme [P], veuve [B], la somme de 41 621,33 en réparation de son préjudice économique pour la période du 25 juin 2014 au 31 décembre 2018 ;

Alloue à Mme [P], veuve [B], la somme de 62 343,96 euros en réparation de son préjudice économique futur à compter du 1er janvier 2019 ;

Alloue à Mme [P], veuve [B], la somme 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse les dépens à la charge du FIVA ;

La GreffièreLe Président

Harmony PoyteauGuillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 19/04132
Date de la décision : 24/09/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 03, arrêt n°19/04132 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-24;19.04132 ?
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