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25/06/2020 | FRANCE | N°19/02826

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 25 juin 2020, 19/02826


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 25/06/2020





****





N° de MINUTE : 20/212

N° RG 19/02826 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SLH7



Jugement (N° 18-003545) rendu le 12 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lille





APPELANTE



SA CNP Assurances agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5

]



Représentée par Me Patrick Dupont-Thieffry, avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



Madame [K] [R] [B]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 25/06/2020

****

N° de MINUTE : 20/212

N° RG 19/02826 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SLH7

Jugement (N° 18-003545) rendu le 12 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lille

APPELANTE

SA CNP Assurances agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Patrick Dupont-Thieffry, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Madame [K] [R] [B]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Daniel Zimmermann, avocat au barreau de Lille

DÉPÔT DE DOSSIERS le 6 mai 2020 en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020

Les parties ont été avisées par message RPVA du 14 avril 2020 que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe, la date de délibéré étant confirmée par message RPVA après réception des dossiers.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Château, première présidente de chambre

Sara Lamotte, conseillère

Claire Bertin, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 juin 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente et Harmony Poyteau, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 31 mars 2020

****

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Mme [B] a souscrit auprès du Crédit agricole un prêt immobilier d'un montant de 69 755 euros remboursable en 73 mensualités à compter du 10 octobre 2012. Elle a bénéficié d'un différé d'amortissement à compter de l'échéance du 10 mars 2017 jusqu'à l'échéance du 10 août 2017 incluse.

Dans ce cadre, Mme [B] a souscrit à l'assurance groupe du Crédit agricole auprès de la société CNP assurances pour la couverture à 100% des risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie, et incapacité totale de travail.

Par acte d'huissier du 12 septembre 2018, Mme [B] a fait assigner la société CNP assurances devant le tribunal d'instance de Lille aux fins de la voir condamner, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 6 580,24 euros, outre les dépens et une indemnité de procédure.

Par jugement du 12 avril 2019, le tribunal d'instance de Lille a :

- condamné la société CNP assurances à payer à Mme [B] la somme de 6 580,24 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société CNP assurances à payer à Mme [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société CNP assurances de toutes ses demandes,

- condamné la société CNP assurances aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 16 mai 2019, la société CNP assurances a interjeté appel du jugement querellé en toutes ses dispositions, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas critiquées.

Dans ses conclusions notifiées le 23 mars 2020, la société CNP assurances sollicite l'infirmation du jugement querellé. Elle demande à la cour de :

- enjoindre à Mme [B] de lui restituer la somme de 7 580,24 euros qu'elle a versée à son profit au titre de l'exécution provisoire du jugement et, au besoin, la condamner à lui payer la somme de 7 580,24 euros,

- débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

y ajoutant,

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

en tout état de cause,

- rejeter la demande de Mme [B] tendant à fixer sa créance et à la condamner à lui payer la somme de 6 756,58 euros en exécution du contrat ou, au besoin, à titre de dommages et intérêts.

Elle expose que Mme [B] a été placée en arrêt de travail à compter de mai 2015, qu'elle a accepté de prendre en charge son sinistre au titre de la garantie incapacité temporaire totale (ci-après ITT) jusqu'au 16 décembre 2016, date à laquelle Mme [B] a été reconnue apte à exercer une activité professionnelle à temps partiel. Elle indique que Mme [B] a alors contesté sa décision, et sollicité la mise en 'uvre d'une procédure de conciliation, au terme de laquelle elle a repris en charge les échéances de prêt au titre de la garantie ITT du 25 juillet 2017 jusqu'au 28 février 2018. Elle relate que par courrier du 27 avril 2018, elle a refusé de prendre en charge au delà du 28 février 2018 les échéances du prêt dont Mme [B] avait sollicité le report auprès de sa banque.

En premier lieu, elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité en cessant la prise en charge des mensualités du prêt de Mme [B], dès lors que le docteur [H] a constaté qu'à la date de la consolidation qu'il fixait au 16 novembre 2016, l'assurée était apte à exercer une activité professionnelle à temps partiel.

Elle indique que Mme [B], qui a demandé à la banque un report des échéances du prêt, ne peut lui faire supporter les conséquences de ses propres choix.

En deuxième lieu, elle fait valoir qu'elle n'a généré aux dépens de son assurée aucun préjudice de perte de chance auquel elle devrait répondre par l'octroi de dommages et intérêts à raison de la suspension momentanée de sa prise en charge du « 15 décembre 2017 au 25 juillet 2017 », ladite suspension résultant d'une disposition prévue au contrat.

Elle fait observer à cet égard qu'elle a rétabli sans réticence le paiement des mensualités du prêt dès l'issue de la procédure de conciliation.

En troisième lieu, elle soutient que Mme [B] ne peut bénéficier d'aucune prise en charge pour la période du 10 mars au 10 août 2017 ni pour la période postérieure au 28 février 2018,

Elle relève qu'aux termes de l'article 6 de la notice contractuelle d'information, le prêteur est bénéficiaire acceptant des prestations garanties à concurrence des sommes qui lui sont dues, et que le tableau d'amortissement du prêt montre qu'aucune somme n'était due au prêteur au titre des échéances du 10 mars au 10 août 2017.

Elle rappelle que l'assureur ne peut être tenu au-delà des prestations déterminées par le contrat conformément aux dispositions de l'article L. 113-5 du code des assurances.

Elle expose que pour la période postérieure au 28 février 2018, Mme [B] ne rapporte pas la preuve qu'elle remplissait les conditions prévues par les stipulations contractuelles pour bénéficier de la garantie ITT, dès lors que son arrêt maladie a pris fin le 28 février 2018, et que la CPAM a cessé le versement des indemnités journalières à compter du 1er mars 2018.

Dans ses conclusions notifiées le 3 janvier 2020, Mme [B] sollicite la confirmation du jugement querellé. Elle demande à la cour, y ajoutant, de :

- fixer sa créance,

- condamner la société CNP assurances à lui payer la somme de 6 756,58 euros en exécution du contrat ou, au besoin, à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société CNP assurances à payer pour la procédure d'appel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens.

Elle expose que suite à sa contestation de l'avis du médecin-conseil de l'assureur, et à la durée prévisible de la procédure d'arbitrage, elle a demandé à sa banque de suspendre le remboursement des mensualités du prêt pendant six mois, de sorte que le règlement des mensualités du prêt a été suspendu de mars à août 2017 inclus.

Elle relève que les conclusions de l'arbitrage médical lui ayant été favorables, la société CNP assurances a finalement accepté, dans une lettre du 5 juillet 2017, de reprendre en charge les échéances du prêt à compter du 15 décembre 2016.

Elle soutient que l'assureur doit sa garantie de décembre 2016 à février 2018, et doit couvrir le paiement de 15 mensualités du prêt, alors qu'il s'est contenté de rembourser neuf mensualités, arguant de l'absence d'échéances exigibles entre mars et août 2017 en raison du report des échéances.

Elle expose qu'il est indifférent que la dette de garantie de l'assureur s'exécute postérieurement à la fin de la durée de l'incapacité totale de travail médicale, cette dette n'ayant pas pris naissance postérieurement au 28 février 2018 mais pendant la période garantie de mars à août 2017.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31mars 2020.

Compte tenu de la crise sanitaire, la première présidente de chambre, présidente de la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai, a proposé, par courriel du 14 avril 2020, aux avocats des parties de retenir cette affaire, sans plaidoirie, et de la mettre en délibéré au 25 juin 2020, dès lors que la cour était en possession de leurs dossiers respectifs.

Me Dupont-Thieffry, avocat de la société CNP assurances, a donné son accord par lettre du 14 avril 2020.

Me Zimmermann, avocat de Mme [B], a donné son accord par courriel du 20 avril 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Suivant demande d'adhésion du 27 juin 2012, Mme [B] a souscrit auprès de la société CNP assurances à une assurance groupe garantissant le paiement des mensualités du prêt immobilier consenti par le Crédit agricole Nord de France pour un capital de 69 755 euros, en cas de décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail.

Elle demandait son admission au contrat et acceptait d'être assurée pour le financement du prêt suivant les modalités détaillées dans la notice d'information référencée ADI 01.2008 et les dispositions particulières jointes, lesquelles indiquent que les prestations garanties au titre de l'ITT correspondent au montant de l'échéance du prêt.

L'article 4-3-1 de la notice d'information ADI 01-2008 indique qu'un assuré est en état d'ITT lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :

1. Il se trouve, à la suite d'un accident ou d'une maladie, dans l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel.

2. Cette incapacité est continue et persiste au-delà de la période de franchise. Par période de franchise, on entend une période d'interruption continue d'activité au titre de laquelle aucune prestation n'est due. Elle débute au premier jour de cette interruption et sa durée est indiquée aux dispositions particulières.

3. Cette incapacité doit être justifiée par la production des pièces prévues à l'article 6-2 « pièces justificatives à fournir ».

L'article 4-3-3 de ladite notice relatif aux prestations stipule que, tous prêts pris en charge confondus, l'assureur règle au prêteur, dans la limite d'un plafond mensuel fixé aux dispositions particulières, les échéances en capital et intérêts pour les prêts en cours d'amortissement. ['] La prise en charge s'effectue, après période de franchise, au prorata du nombre de jours d'incapacité, dûment justifiés, et acceptés par l'assureur. En outre, l'assureur est susceptible d'effectuer des contrôles médicaux pendant toute la durée de l'incapacité, dont la conséquence peut être la poursuite ou l'arrêt de l'indemnisation.

Placée en arrêt de travail à compter du mois de mai 2015, Mme [B] a bénéficié de la garantie de la société CNP assurances au titre de l'ITT jusqu'au 16 décembre 2016, l'assureur ayant dans l'intervalle, en application de l'article susvisé, sollicité un contrôle médical.

Suivant rapport d'expertise rédigé le 16 novembre 2016 à l'intention du médecin conseil de l'assureur, le docteur [H] a constaté que Mme [B] avait présenté un syndrome dépressif réactionnel à un conflit familial, que sa situation médicale était stabilisée évoluant sur le mode chronique à compter du 16 novembre 2016, et qu'à la date de consolidation, Mme [B] était apte à reprendre une activité professionnelle à temps partiel.

Le 16 février 2017, Mme [B] a engagé une procédure de conciliation auprès de son assureur laquelle a abouti favorablement dans la mesure où, par lettre du 25 juillet 2017, la société CNP assurances, suite au procès-verbal d'accord signé entre le médecin traitant, le docteur [S], et le docteur [H], acceptait de reprendre en charge les échéances « des prêts » à compter du 15 décembre 2016.

A compter du 25 juillet 2017, la société CNP assurances a repris sans délai le versement des échéances du prêt immobilier suivant le tableau d'amortissement établi par l'établissement bancaire.

Or il s'avère que pour pallier la suspension de la garantie par son assureur, Mme [B] s'était rapprochée de sa banque pour obtenir un report de six mois des échéances du prêt à la fin du plan d'amortissement et, dès lors, que plus aucune échéance en remboursement du prêt n'était due de mars à août 2017 inclus.

De l'ensemble de ces pièces, constatations et énonciations, il apparaît, en premier lieu, qu'en application de l'article L. 113-5 du code des assurances aux termes duquel lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà, les conditions de mise en 'uvre de la garantie ITT ne sont pas réunies en l'absence d'échéances à rembourser de mars à août 2017, étant ici précisé que Mme [B] ne peut faire supporter par l'assureur le choix qu'elle a elle-même opéré quant au report de remboursement des échéances du prêt.

En deuxième lieu, la cour considère qu'aucune faute contractuelle n'est démontrée de la part de l'assureur, lequel a souhaité procéder au contrôle de l'état de santé de son assurée au terme de plus de dix-huit mois de garantie, a suspendu sa garantie le 16 décembre 2016 en apprenant que cette dernière était apte à reprendre le travail à temps partiel, puis l'a rétablie sans aucune réticence à l'issue de la procédure de conciliation, reprenant alors la prise en charge des échéances du prêt à partir du 15 décembre 2016, comme il s'y était engagé dans sa lettre du 25 juillet 2017, jusqu'au 28 février 2018 conformément au tableau d'amortissement qui était produit, le report de six mois des échéances du prêt initié par Mme [B] ne lui étant pas directement imputable.

En troisième et dernier lieu, il s'observe que Mme [B] ne rapporte pas la preuve qu'elle remplissait pour la période postérieure au 28 février 2018 les conditions prévues au contrat pour bénéficier de la garantie ITT, étant remarqué qu'elle ne conteste pas que son arrêt maladie a pris fin à cette date, ni que la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix Tourcoing a cessé le règlement des indemnités journalières à partir du 1er mars 2018.

En conséquence, la cour juge que la société CNP assurances n'a commis aucune faute contractuelle de nature à voir engager sa responsabilité vis à vis de l'assurée, de sorte que Mme [B] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions.

S'agissant de la demande en restitution des sommes versées par l'assureur en exécution du jugement dont appel, la cour considère qu'elle n'est pas le juge de l'exécution de ses propres décisions ; la demande de la société CNP assurances à ce titre sera rejetée.

Mme [B] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme [B] sera déboutée, en première instance et en appel, de sa demande au titre des frais non répétibles.

L'équité commande de débouter la société CNP assurances de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lille,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [B] de sa demande de condamnation de la société CNP assurances en exécution du contrat d'assurance groupe souscrit le 27 juin 2012,

La déboute de sa demande à titre de dommages et intérêts,

Condamne Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les demandes de la société CNP assurances et de Mme [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société CNP assurances tendant à obtenir la restitution des sommes versées à Mme [B] en exécution du jugement dont appel.

La GreffièreLa Présidente

Harmony PoyteauHélène Château


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 19/02826
Date de la décision : 25/06/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 03, arrêt n°19/02826 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-25;19.02826 ?
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