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11/06/2020 | FRANCE | N°19/00526

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 juin 2020, 19/00526


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 11/06/2020



****





N° de MINUTE :

N° RG 19/00526 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SDXD



Jugement (N° 18/06005) rendu le 13 décembre 2018

par le tribunal de grande instance de Lille







APPELANTE



La SCI B 8 prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Adresse 2]



r

eprésentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille





INTIMÉE



La SAS Supermarchés Match prise en la personne de son repr...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/06/2020

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/00526 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SDXD

Jugement (N° 18/06005) rendu le 13 décembre 2018

par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

La SCI B 8 prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

La SAS Supermarchés Match prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, [Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée et assistée de Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Bolteau-Serre, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

DÉBATS à l'audience publique du 09 mars 2020 après rapport oral de l'affaire par Jean-François Le Pouliquen.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juin 2020 après prorogation du délibéré du 28 mai 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président, et Sylvie Hurbain, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 février 2020

****

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 13 décembre 2018 ;

Vu la déclaration d'appel de la SCI B 8 reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 24 janvier 2019 ;

Vu les conclusions de la Sci B8 déposées le 05 septembre 2019 ;

Vu les conclusions de la société Supermarchés match déposées le 03 février 2020 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 17 février 2020

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique 02 février 1990, la société Fraismarché Gro a vendu à la société Caf'casino un terrain à bâtir sis à [Adresse 5] figurant au cadastre de ladite commune :

-BC [Cadastre 1] pour 789 m2

-BC 615 pour 217 m2

-BC 594 pour 49m2

-BC 596 pour 49 m2

-BC 598 pour 51 m2

-BC 609 pour 28 m2

soit une contenance totale de 1 183m2.

Il était précisé audit acte que le vendeur était propriétaire ou assurait l'exploitation d'un centre commercial sur des fonds contigus à celui vendu, en sorte que notamment, les fonds concernés par la vente devaient être soumis ' à des prescriptions particulières destinées à en faciliter l'utilisation conformément à leur conception et leur destination. ' (page 5 de l'acte de vente).

Les parties sont ainsi convenues de 'matérialiser ces prescriptions sous forme de servitudes grevant ou profitant selon le cas' au terrain vendu ou au terrain resté la propriété du vendeur (même page).

Dans ce cadre, il a été décidé que le bien vendu serait affecté à titre de servitude, pendant une durée de 25 années 'au profit du fonds dominant, d'une servitude limitant l'usage à celui exclusivement de restauration de masse.' (même page)

Les fonds appartenant aux sociétés Fraismarché Gro et Caf'casino ont également été grevés, notamment, d'une servitude réciproque de non concurrence, d'une durée de 25 ans, selon laquelle, le fonds vendu à la société Caf'casino était grevé d'une servitude interdisant l'exercice de tout commerce de distribution alimentaire, à l'exclusion de la restauration de masse, tandis que le fonds appartenant à la société Fraismarché gro était grevé d'une servitude interdisant toute activité de restauration de masse ( page 6).

En outre, il était convenu que le fonds vendu à la société Caf'casino ne pourrait être détenu que par un propriétaire ou locataire unique et ne pourrait donc faire l'objet d'aucune division en propriété ou en jouissance (page 7).

Enfin, était notamment interdit sur le fonds vendu, 'sans limitation de durée (') tout déballage, emballage, exposition de marchandises, installation de points de vente, de machines distributrices, kiosques ou autres installations, distribution de prospectus, vente à la criée etc...'. (page 8)

Le 28 septembre 2000, la Sci B8 a acquis l'ensemble immobilier d'une surface de 1183 m2, les parcelles étant réunies sous le numéro 677, auprès de la société Immobilière groupe Casino, venue aux droits de la société Caf'casino.

Les servitudes, interdictions, prohibitions et prescriptions figurant à l'acte du 2 février 1990, étaient rappelées audit acte.

Puis courant 2015, l'immeuble anciennement cadastré section BC n°[Cadastre 1] pour 789 m2 a été divisé en deux lots distincts, avant d'être donné à bail, d'une part, à la société JC Sport Marcq 59 pour 445 m2, d'autre part, à [H] [B], qui exerce son activité commerciale sous l'enseigne Easy Cash, pour 344 m2.

La société JC Sport Marcq 59 a ensuite souhaité céder son droit au bail à la société Naturalia, laquelle exerce une activité de distribution de produits alimentaires issus de l'agriculture biologique, et a sollicité l'accord de son bailleur à cet effet.

La SCI B8 a autorisé ladite cession par courrier en date du 23 janvier 2018, en conséquence de quoi une promesse synallagmatique de cession de droit au bail a été régularisée le 29 janvier 2018 entre les sociétés JC Sport Marcq 59 et Naturalia pour une signature prévue le 6 mars 2018.

Entre-temps et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 février 2018, la société Supermarchés match venant aux droits de la société Fraismarché Gro a indiqué s'opposer à ladite cession de droit au bail compte tenu de l'interdiction de diviser l'immeuble prévue à l'acte du 2 février 1990, ainsi que de l'interdiction de déballage, emballage etc...

Les parties ne sont pas parvenues à s'entendre. La société Naturalia a renoncé à prendre à bail l'immeuble. Les sociétés JC Sport Marcq 59 et B8 sont convenues d'une résiliation amiable du bail.

Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille du 12 juillet 2018, la SCI B8 a été autorisée à faire assigner à jour fixe la société Supermarchés Match devant le tribunal de Lille.

Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2018, la SCI B8 a fait délivrer assignation à la société Supermarchés Match.

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation auprès des services de la publicité foncière ;

- en conséquence,

- reçu la SCI B8 en sa demande ;

- débouté la SCI B8 de l'intégralité de ses demandes ;

- dit que l'obligation de non-division stipulée à l'acte authentique en date du 2 février 1990 entre la société Fraismarché Gro et la société Caf'casino, à la charge du fonds vendu à la société Caf'casino est constitutive d'une servitude et non d'une obligation personnelle de non division à durée perpétuelle ;

- déclaré ladite servitude, opposable à la SCI B8 ;

- condamné la SCI B8 à payer à la société Supermarchés matchs la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens

- condamné la SCI B8 aux entiers dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire ;

-rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires des parties.

La SCI B8 a formé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :

-réformer le jugement rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Lille en ce qu'il a :

-dit que l'obligation de non division stipulé à l'acte authentique en date du 2 février 1990 est

constitutive d'une servitude et non d'une obligation personnelle

-débouté la Sci B8 de toutes ses demandes,

-condamné la Sci B8 aux frais irrépétibles et dépens

- statuant à nouveau :

- sur la qualification de l'engagement de non division

-dire et juger que l'obligation de non division stipulée au titre de propriété du 2 février 1990 et rappelée dans le titre de propriété du 28 septembre 2000 est une obligation personnelle et non une servitude ;

- en conséquence,

- à titre principal,

- dire et juger que l'obligation personnelle ne se transmet pas à l'acquéreur de l'immeuble ;

- constater dire et juger que l'obligation personnelle de non division a pris fin avec la signature de l'acte de vente, entre Caf'casino et la Sci B8, le 28 septembre 2000 ;

- subsidiairement,

- constater, dire et juger que ladite obligation personnelle de non division est à durée perpétuelle ;

- dire et juger que l'obligation de non division est résiliable à tout moment ;

- constater dire et juger que la SCI B8 a exercé sa faculté de résiliation le 23 mars 2015, et au plus tard le 6 mars 2018 ;

-infiniment subsidiairement,

- constater, dire et juger que ladite obligation de non division est à durée indéterminée, résiliable à tout moment ;

- constater dire et juger que la SCI B8 a exercé sa faculté de résiliation le 23 mars 2015, et au plus tard le 6 mars 2018 ;

- sur la condamnation pécuniaire de Supermarchés Match :

- constater, dire et juger qu'en notifiant sa lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 février 2018, sans rétractation ultérieure, Supermarchés Match a causé un préjudice à la SCI B8, qu'elle est tenue de réparer ;

- condamner la société Supermarchés Match au règlement de la somme de 88 800 euros à la SCI B8 en réparation de son préjudice lié à l'immobilisation de l'immeuble ;

- sur la demande reconventionnelle de Supermarchés Match :

- constater que la demande de condamnation sous astreinte présentée par la société Supermarchés Match pour la première fois en cause d'appel est irrecevable comme constituant une demande nouvelle proscrite par l'article 564 du code de procédure civile

- déclarer la demande irrecevable

- en toute hypothèse :

- débouter la société Supermarchés Match de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Supermarchés Match au règlement de la somme de 10 000 euros à la SCI B8 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamner aux frais et dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Supermarchés Match demande à la cour d'appel de :

1/ constater qu'à hauteur d'appel, la SCI B8 ne justifie pas de l'effective et régulière publication de son assignation à l'encontre de Supermarchés match auprès des services de la publicité foncière,

En conséquence et faute de justification, la dire irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions.

2/ - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SCI B8 de l'intégralité de ses demandes, en ce qu'elle a dit que l'obligation de non division stipulée à l'acte du 2 février 1990 est constitutive d'une servitude et non d'une obligation personnelle de non division, servitude opposable à la SCI B8, et en ce qu'elle a condamné la SCI B8 à verser à la société Supermarchés Match une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 ainsi que les dépens.

-en tout état de cause, dire et juger que l'obligation de non division stipulée audit acte est constitutive d'une servitude et non d'une obligation personnelle de non division à durée perpétuelle.

3/-constater, dire et juger que la société Supermarchés Match n'a commis ni faute ni abus de droit à l'égard de la SCI B8 comme de tout tiers.

- constater en tant que de besoin que la SCI B8 ne justifie ni du bien-fondé ni du quantum du préjudice qu'elle allègue à tort.

4/ En conséquence débouter la SCI B8 de toutes ses demandes, fins et conclusions et de toutes prétentions contraires au présent dispositif.

-reconventionnellement :

-5/ - enjoindre à la SCI B8 de se conformer aux stipulations de l'article VI de l'acte notarié du 2 février 1990, et ce sous peine d'astreinte de 1 000 euros par jour d'infraction aux dites stipulations qui serait constaté,

6/ condamner la Sci B8 au versement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Supermarchés Match, ainsi qu'aux entiers dépens.

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation auprès des services de la publicité foncière

Aux termes des dispositions de l'article 30-5° du décret du 04 janvier 1955 : « Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont pas recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité. »

La SCI B8 justifie par la mention apposée sur l'assignation à jour fixe par le service de publicité foncière et de l'enregistrement (pièce 22) que l'assignation à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Lille a été publiée et enregistrée le 09 octobre 2018 au SPFE de Lille 3.

Il convient en conséquence de déclarer la demande recevable. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes de la SCI B8

Aux termes des dispositions de l'article 637 du code civil : « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

Aux termes des dispositions de l'article 686 du code civil : « Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public.

L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après. »

La Sci B8 fait valoir que l'obligation de non-division stipulée à l'acte authentique du 02 février 1990 entre la société Fraismarché Gro et la société Caf'casino constitue une obligation personnelle et non une servitude.

Une obligation de non-division, tout comme l'interdiction faite à l'acquéreur d'un fonds de l'affecter à un usage déterminé, peut constituer une charge pour un héritage au profit d'un autre et revêtir ainsi le caractère d'une servitude établie par le fait de l'homme.

En l'espèce, l'obligation de non-division est imposée à l'héritage appartenant à la SCI B8.

Il appartient à la cour d'appel de rechercher si l'obligation de non-division a été stipulée au bénéfice de l'immeuble appartenant à la société Supermarchés Match ou du fonds de commerce qu'elle exploite.

A cet égard, il convient de constater que tant l'immeuble appartenant à la SCI B8 que celui appartenant à la société Supermarchés Match supportent des constructions destinées au commerce et des parkings. En conséquence, le bénéfice de l'immeuble s'entend du bénéfice apporté à un immeuble à vocation commerciale.

La clause litigieuse est insérée dans l'acte de vente, avec 8 autres clauses dans une partie intitulée « constitutions de servitudes ».

L'acte indique que : « Le vendeur est propriétaire ou assure l'exploitation d'un centre commercial sur les fonds contigus à celui présentement vendu.

Pour optimiser l'aspect et l'attrait de cette grande surface, il importe d'une part que le bien vendu et les constructions y édifiées s'intègrent dans l'urbanisme environnant et d'autre part, que les fonds concernés soient soumis à ces prescriptions particulières destinées à en faciliter l'utilisation conformément à leur conception et à leur destination.

Dans cet esprit, les parties sont convenues de matérialiser ces prescriptions sous forme de servitudes grevant ou profitant selon le cas aux fonds suivants :

article 1 : Le terrain présentement vendu

article 2 : Le terrain resté la propriété du vendeur, acquis suivant actes reçus par Maître [Y] [D], notaire associé à [Localité 1], le 19 mai 1988, publié au 2e bureau des hypothèques de [Localité 2], le 26 octobre 1988, volume 4650 n°21 et 22 ainsi qu'il est dit au paragraphe «origine de propriété ci-après.

Ledit terrain cadastré section BC numéros :

- 612 pour 62

- 599 pour 44 m2

- 597 pour 44 m2

- 595 pour 45 m2

- 607 pour 499 m2 »

Il résulte de la page 2 de l'acte de vente que la surface de la parcelle [Cadastre 2] est en fait de 1 033 m2. Les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 2] sont désormais cadastrées [Cadastre 7].

La clause VI indique : « Interdiction de division en propriété ou en jouissance : L'article 1 ne pourra être détenu que par un propriétaire unique ou un locataire unique et ne pourra donc faire l'objet d'aucune division en propriété ou en jouissance. »

La SCI B8 fait valoir que certaines des autres clauses insérées dans la partie intitulée « constitution de servitudes » ne constituent pas des servitudes et qu'en conséquence, il ne peut être déduit du fait que la clause litigieuse soit insérée dans cette partie, la volonté des parties d'en faire une servitude.

Au contraire, la lettre du contrat, reproduite ci-dessus, est claire sur le fait que les parties ont convenu que les articles insérés dans cette partie du contrat instituent des charges à chacun des fonds au bénéfice de l'autre fonds constituant des servitudes.

S'agissant des articles I : affectation du bien vendu et II servitudes réciproques de non concurrence, le texte de ces articles rappelle que les parties ont entendu en faire une servitude. Le fait que les charges soient imposées pour une durée de 25 ans ne discrédite pas la volonté des parties d'en faire des servitudes.

S'agissant de l'animation du centre commercial, il est exact que l'obligation est mise à la charge de l'acquéreur et non du fonds. Cependant, les parties ont convenu que cette obligation était attachée à la propriété du fonds et se transmettait aux ayants cause. Il en est de même des autres prohibitions et interdictions.

C'est la nature des charges imposées qui permet d'établir, pour chacun des articles, si elles constituent des servitudes. En l'espèce' comme il a été précédemment indiqué, une obligation de non division peut constituer une charge pour un héritage au profit d'un autre et revêtir ainsi le caractère d'une servitude établie par le fait de l'homme.

La clause de non-division est étrangère aux clauses d'affectation du bien vendu et de servitude réciproque de non-concurrence. En effet, elle n'est, contrairement à ces deux clauses, pas limitée dans le temps. De plus ces clauses sont séparées dans le contrat par trois clauses portant sur la servitude réciproque de parking, la servitude réciproque de passage de canalisation et les règles relatives aux constructions et travaux.

Il n'est pas établi que l'obligation de non-division bénéficie uniquement au fonds de commerce et non à l'immeuble à vocation commerciale et de parking appartenant à la société Supermarchés match. Notamment, cette obligation de non-division n'est pas de nature à faire obstacle à l'implantation d'un commerce concurrent de celui exploité par la société Supermarché match s'il respecte l'obligation de non-division. L'immeuble tout comme le fonds de commerce peuvent avoir intérêt à limiter le nombre de cellules commerciales sur le fonds appartenant à la SCI B8. De plus, les immeubles sont tenus d'une servitude réciproque de parking et de canalisation de telle sorte que la division du fonds appartenant à la société SCI B8 est de nature à modifier la charge imposée au fonds appartenant à la société Supermarchés match.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'obligation de non-division stipulée à l'acte authentique en date du 2 février 1990 entre la société Fraismarché Gro et la société Caf'casino, à la charge du fonds vendu à la société Caf'casino est constitutive d'une servitude et non d'une obligation personnelle de non-division à durée perpétuelle et déclaré ladite servitude, opposable à la SCI B8.

La société Supermarchés Match n'a pas renoncé au bénéfice de la servitude. En effet, il n'est pas établi que la société Supermarché Match a donné son accord à la division de la jouissance de fonds servant en 2015. Le fait qu'il ne se soit pas opposé à l'implantation de deux fonds de commerce distincts ne vaut pas renonciation tacite.

En conséquence, la société Supermarché Match n'a pas commis de faute en notifiant sa lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 février 2018, sans rétractation ultérieure.

La SCI B8 sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef.

III) Sur la demande reconventionnelle de la société Supermarché Match

1) Sur la recevabilité de la demande

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile : « Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

Aux termes des dispositions de l'article 567 du code de procédure civile : Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Aux termes des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile : « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout. »

La société Supermarchés Match demande à la cour d'appel d'enjoindre à la SCI B8 de se conformer aux stipulations de l'article VI de l'acte notarié du 2 février 1990, et ce sous peine d'astreinte de 1000 euros par jour d'infraction aux dites stipulations qui serait constaté. Cette demande n'avait pas été formée en première instance.

La demande reconventionnelle formée par la société Supermarchés Match se rattache par un lien suffisant à la demande principale de la Sci B8 tendant à juger que l'obligation de non-division constitue une obligation personnelle éteinte.

Il convient en conséquence de déclarer la demande recevable.

2) Sur le bienfondé de la demande

La propriété du fonds appartenant à la SCI B8 n'a pas été divisée. Si la parcelle anciennement cadastrée BC [Cadastre 1] a été donnée à bail à deux preneurs distincts en 2015, les sociétés JC Sport Marcq 59 et B8 sont convenues d'une résiliation amiable du bail. En conséquence, seule la partie de la parcelle donnée à bail à M. [B] est exploitée. Cette situation n'est pas contraire à la clause de non-division qui n'impose pas que l'intégralité de l'immeuble soit exploitée.

La société Supermarchés Match sera en conséquence déboutée de sa demande.

IV) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Succombant à l'appel, la SCI B8 sera condamnée aux dépens et à payer à la société Supermarchés Match la somme de 2500 euros au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y ajoutant

- DECLARE recevable la demande reconventionnelle de la société Supermarchés Match

- DEBOUTE la société Supermarchés Match de sa demande

- CONDAMNE la SCI B8 à payer à la société Supermarchés Match la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

-DEBOUTE la SCI B8 de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNE la SCI B8 aux dépens d'appel

Le greffier Le président

Sylvie HurbainCatherine Bolteau-Serre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 19/00526
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°19/00526 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;19.00526 ?
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