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04/06/2020 | FRANCE | N°19/01159

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 04 juin 2020, 19/01159


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 04/06/2020





****





N° de MINUTE :20/

N° RG 19/01159 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SFZR



Jugement (N° 2018015693) rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

Arrêt avant dire droit rendu le 17 octobre 2019 par la Cour d'appel de Douai







APPELANTES



Mme [N] [B]

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SAS Akens agissant aux poursuites et diligences de sa présidente, Mme [N] [B], domiciliée en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]



représentées par Me David...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/06/2020

****

N° de MINUTE :20/

N° RG 19/01159 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SFZR

Jugement (N° 2018015693) rendu le 17 janvier 2019 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

Arrêt avant dire droit rendu le 17 octobre 2019 par la Cour d'appel de Douai

APPELANTES

Mme [N] [B]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

SAS Akens agissant aux poursuites et diligences de sa présidente, Mme [N] [B], domiciliée en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentées par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Philippe Mathot, avocat au barreau de Douai

INTIMÉE

SA Francelog prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Grégory Lefebvre, de la SELARL Vauban société d'avocats, avocat au barreau de Compiègne

DÉBATS à l'audience publique du 17 décembre 2019 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juin 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 05 mars 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Audrey Cerisier, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 septembre 2019

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Francelog conçoit et réalise des produits électroniques spécifiques dans le domaine industriel (conception, fabrication et négoce de composants et équipements électriques et électroniques et d'automatisme).

Mme [N] [B] a été embauchée par Francelog en 1990. De formation comptable, elle a été promue en 2000 responsable administratif et financier de la société Francelog.

En 2016, M. [P] [U], principal actionnaire et dirigeant de la société Francelog a décidé de céder son entreprise.

L'offre de Mme [B], associée à M. [H] [O], responsable du bureau d`études de la société Francelog, candidats à la reprise de l'entreprise, n'a pas prospéré.

Le groupe TEC Automatismes, dirigé par M. [G] [W] a été finalement retenu.

Mme [B] ayant fait l'objet d'un licenciement économique par la société Francelog le 30 mars 2017, elle a créé avec M. [S] [M], également licencié économique de la dite société, la société Akens, immatriculée le 21 mars 2018, dont elle est présidente, et M. [M] le directeur général, cette société développant une activité de conception de systèmes.

Les relations entre Mme [B] et [S] [M] au sein de la société Akens se sont détériorées rapidement et ce dernier, suite à une sommation interpellative délivrée le

11 juillet 2018 par la société Francelog, soupçonnant des actes de concurrence déloyale de la part de la société Akens, a notamment dénoncé l'actionnariat occulte de Monsieur [H] [O], responsable du bureau étude et salarié de la société Francelog au sein de la société Akens.

Le 17 juillet 2018, la société Francelog a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce de Lille Métropole afin de désigner un huissier accompagné d'un expert informatique pour recueillir toutes informations susceptibles d'identifier l'ampleur des actes de concurrence déloyale et de saisir tous documents de nature à établir les actes frauduleux et déloyaux accomplis par la société Akens, au siège de la dite société et aux domiciles de Mme [B] et de M. [O].

Suivant ordonnance du 23 juillet 2018, rectifiée par ordonnance du 10 septembre 2018, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a autorisé les mesures sollicitées.

Elles ont été mises en 'uvre le 18 septembre 2018 aux domiciles de Mme [B], de M. [O] et au siège de la société Prestocab où est domiciliée la société Akens.

La société Akens et Mme [B] ont, par acte du 15 octobre 2018, saisi le président du tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de rétractation de l'ordonnance du

23 juillet 2018 et d'annulation des mesures d'instruction subséquentes.

Par ordonnance contradictoire du 17 janvier 2019, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a :

Au principal,

- renvoyé les parties à se pourvoir,

Au provisoire,

- débouté la SAS AKENS et Mme [B] de leur demande visant à la rétractation des ordonnances rendues le 23 juillet 2018 et le 10 septembre 2018,

- condamné solidairement la SAS AKENS et Mme [B] à payer à la SA FRANCELOG la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la SAS AKENS et Mme [B] aux dépens.

Suivant déclaration du 22 février 2019, la SAS Akens et Mme [B] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées voie électronique le 24 avril 2019, elles ont demandé à la cour de :

- juger l'appel bien fondé,

- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 17 janvier 2019 ;

Statuant à nouveau ;

- rejeter des débats les pièces adverses n° 7, 10 à 15, 17 à 28 ;

- rétracter l'ordonnance rendue le 23 juillet 2018 et l'ordonnance rectificative du 10 septembre 2018 ;

- rejeter la requête,

- juger que les mesures d'investigation effectuées sont nulles et de nul effet ;

- ordonner à ces huissiers de restituer à la S.A. AKENS et Mme [B] tous documents, renseignements, copies de fichiers, ou autres, prélevés lors de l'exécution de leurs diligences ;

- ordonner à la société FRANCELOG de restituer à la société AKENS et Mme [B] tous documents, renseignements, copies de fichiers, ou autres, prélevés par les huissiers lors de l'exécution de leurs diligences ;

- interdire à la société FRANCELOG de faire état, produire et utiliser des documents et renseignements recueillis à l'occasion des diligences accomplies par les huissiers commis dans quelque circonstance que ce soit, en particulier à l'occasion d'une éventuelle instance judiciaire ;

- condamner la société FRANCELOG à payer à la société AKENS et à Mme [B], pris indivisément, la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la société FRANCELOG aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2019, la société Francelog a demandé à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée,

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- condamner solidairement Mme [B] et la société AKENS au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement Mme [B] et la société AKENS aux entiers dépens.

Suivant arrêt avant dire droit du 17 octobre 2019, cette cour, après avoir indiqué dans les motifs de sa décision que le juge de la rétractation puis la cour à qui le litige est dévolu, ne peuvent en aucun cas juger de l'existence du motif légitime de la requête sur la base d'éléments recueillis en exécution de la mesure dont le fondement est discuté devant eux a :

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 17 décembre 2019,

- ordonné la production par les parties de l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce de Lille le 23 juillet 2018 ainsi que l'ordonnance rectificative de la précédente, en date du 10 septembre 2018,

- ordonné à la société Francelog de verser en outre aux débats l'ensemble des pièces ayant été produites au soutien de la requête ainsi que toute pièce qu'elle jugera utile, sous réserve des indications contenues dans les motifs de la présente décision, les pièces obtenues en exécution de la mesure d'instruction ordonnée ne pouvant en aucune cas être retenues par la cour pour trancher le présent litige,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et réservé les dépens.

Suite à cet arrêt, et par conclusions du 11 décembre 2019, les appelants demandent à la cour :

- de juger irrecevables les conclusions et pièces adverses déposées et notifiées après l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,

- à défaut, d'écarter les pièces adverses 47 et 48,

- de rejeter des débats des pièces adverses 7, 10 à 15, 17 à 28,

- d'infirmer l'ordonnance du 17 janvier 2019,

- de rétracter l'ordonnance du 23 juillet 2018 et l'ordonnance rectificative du 10 septembre 2018,

- de rejeter la requête présentée par la société Francelog le 17 juillet 2018,

- de juger que les mesures d'investigations effectuées sont nulles et de nul effet,

- d'ordonner aux huissiers et à Francelog de restituer aux appelants tous documents, renseignements, copies de fichiers ou autres prélevés lors de l'exécution de leurs diligences,

- d'interdire à la société Francelog de faire état, produire et utiliser des documents et renseignements recueillis à l'occasion des diligences accomplies par les huissiers commis dans quelque circonstance que ce soit, en particulier à l'occasion d'une éventuelle instance judiciaire,

- de condamner la société Francelog à payer à la société Akens et Mme [B] pris indivisément la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Francelog aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 6 décembre 2019, la société Francelog demande à la cour :

- de la dire recevable et bien fondée,

- de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il est dit que :

* les pièces versées au débat sont licites et recevables,

* le tribunal de commerce de Lille Métropole est compétent,

* la société Francelog avait un motif légitime quant à sa requête,

* les circonstances imposaient un recours à une procédure non contradictoire,

* les mesures ordonnées sont légalement admissibles,

- de dire n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces régulièrement communiquées par la société Francelog postérieurement à la requête,

- de condamner solidairement Mme [B] et la société Akens au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de porcédure civile,

- de les condamner aux dépens.

SUR CE

La cour constate que, conformément à l'article 444 du code de procédure civile, les parties, dans leurs écritures postérieures à l'arrêt avant dire droit du 17 octobre 2019 de cette cour, ont repris les moyens et prétentions développés dans leurs écritures antérieures, sans les modifier, et y ajoutant, débattu contradictoirement des éléments de fait et de droit induits par les conséquence de la réouverture des débats ordonnée dans le dit arrêt.

Au soutien de leurs demandes, les appelantes après avoir rappelé le principe de libre concurrence qui doit prévaloir pour l'examen du bien fondé de la requête, contestent les éléments de preuve produits par l'intimée au soutien de la requête et postérieurement, pour en déduire qu'il n'existe aucun motif légitime de nature à justifier la mesure d'instruction ordonnée.

Elles considèrent que la requête ne rentrait pas dans les limites de la compétence du président du tribunal de commerce, que la dérogation au principe de la contradiction n'est pas justifiée en l'espèce, que la condition d'urgence n'est pas caractérisée, et qu'il a été en l'espèce, par la nature et l'étendue des mesures ordonnées, porté atteinte au principe de proportionnalité.

Le dispositif des écritures des appelantes ne fait aucune référence à une quelconque incompétence du président du tribunal de commerce de sorte que la cour n'est saisie d'aucune exception d'incompétence de ce chef.

Selon l'article 145 du code de procédure civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est tenu d'apprécier, au jour où il statue, sur les mérites de la requête ; il doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la dite mesure probatoire, au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la dite requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

L'article 875 du code de procédure civile prévoit pour sa part que le tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elle ne soient pas prises contradictoirement.

Ainsi, les mesures d'instruction prévues à l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

L'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 ; l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Il résulte enfin de l'article 145 que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure 'in futurum' est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles les griefs allégués, les différents éléments recueillis au cours de la mesure d'instruction autorisée par le juge ne pouvant justifier a posteriori, devant le juge de la rétractation puis devant la cour d'appel, saisie du litige relatif au bien fondé de la mesure d'instruction, du bien fondé de la requête.

***

C'est en application de ces principes que la cour, dans son arrêt du 17 octobre 2019, a demandé à Francelog de procéder à une distinction entre les pièces versées au soutien de la requête, les pièces éventuellement versées ultérieurement devant le juge de la rétractation pour en justifier du bien fondé, et les pièces obtenues en exécution de la mesure d'exécution.

Postérieurement au dit arrêt, la société Francelog a versé aux débats la requête et l'ordonnance sur requête objet du présent litige ainsi que l'ordonnance rectificative de la précédente.

Cette dernière a modifié une simple erreur matérielle qui faisait référence, de manière erronée, à la société 'Prestocable' au lieu de la société Prestocab France.

S'agissant plus spécifiquement des pièces du débat, elle a procédé dans son bordereau de communication de pièces à une distinction entre :

- les 'pièces jointes à la requête initiale' (pièces 1 à 9),

-les 'pièces produites postérieurement au dépôt de la requête' (pièces 15, 16 et 17, 26,29, 30 à 49),

-les pièces 'issues des mesures d'instruction' (pièces 10 à 14, 18 à 25, 27,28),

- et les 'pièces communiquées suite à l'arrêt avant dire droit' : il s'agit des pièces 44 à 49 déjà visées dans les 'pièces produites postérieurement au dépôt de la requête'.

Les pièces issues des mesures d'instruction seront écartées des débats au vu des développements qui précèdent et de l'arrêt avant dire droit de cette cour du 17 octobre 2019, dès lors que la société Francelog ne peut justifier a posteriori du bien fondé de la mesure d'instruction ordonnée par la production de pièces dont elle est issue.

Les pièces jointes à la requête initiale ayant donné lieu à l'ordonnance sur requête critiquée, dont le récapitulatif n'est pas contesté par les appelantes en la présente instance, seront en revanche examinées par la cour pour juger du bien fondé de la dite ordonnance sur requête.

Les pièces 'produites postérieurement au dépôt de la requête'incluent certaines pièces communiquées suite à l'arrêt de réouverture des débats, lesquelles ne sont pas irrecevables en elles-mêmes, pourvu qu'elles respectent les dispositions du dit arrêt selon la distinction à opérer relativement à la production des pièces.

De ce chef sont contestées par les appelantes le versement à la procédure des pièces

n° 15,17, 47 48 et 49.

S'agissant des pièces 47,48 et 49, il convient d'observer que Francelog, qui n'apporte aucune précision quant à leur origine, ne conteste pas les affirmations des appelantes selon lesquelles ces pièces n'ont été à sa disposition qu'après les saisies ordonnées. Elles seront en conséquence écartées des débats.

S'agissant des pièces n°15 et 17, la société Francelog soutient qu'elle ne sont pas issues des mesures d'instruction tandis que les appelantes soutiennent que Francelog n'en a disposé qu'après les saisies.

Faute de pouvoir établir leur origine et notamment le fait qu'elles ne sont pas issues de la mesure d'instruction ordonnée, elles seront en conséquence également écartées des débats.

Les appelants conviennent dans leurs écritures que 'les autres pièces produites postérieurement au dépôt de la requête' que celles qui viennent d'être examinées, étaient en possession de la société Francelog avant les saisies ordonnées.

Elles ne seront donc pas écartées des débats et examinées par la cour pour juger du bien fondé de l'ordonnance sur requête.

***

Pour justifier du bien fondé de sa requête, Francelog soutient que les pratiques de la société Akens et de Mme [B] constituent des actes de concurrence déloyale graves dès lors qu'elles ont tenté, avec M. [O], de s'approprier de manière illégitime les savoir-faire et la clientèle de la société Francelog, dont le fonds de commerce a été repris alors qu'elle était en grande difficulté.

Elle verse aux débats (pièces n°1 à 6), son extrait K-bis, le contrat de travail de

Mme [B] au sein de la société ainsi que l'avenant ultérieur au dit contrat, le curriculum vitae de cette dernière, la lettre de licenciement économique dont elle a fait l'objet par la société Francelog, le reçu pour solde de tout compte de Mme [B], l'extrait K-bis de la société Akens, qui fait apparaître que la dite société a pour activité la conception de systèmes, leur réalisation étant faite en sous traitance et chez les clients, que sa présidente est Mme [B] et son directeur général M. [S] [M], ainsi que l'extrait K-bis de la société Prestocab, lequel fait apparaître qu'elle exerce une activité de câblage électrique, de fabrication et de négoce d'ensembles et composants (pièce n°9).

Sont en outre versées les fiches de fonctions de Mme [B] et de M. [M] au sein de la société Francelog (pièces 32 et 33).

Francelog produit également (pièce n°7) une sommation interpellative datée du 11 juillet 2018, réalisée à son initiative, auprès de Monsieur [M].

Cet acte d'huissier, comporte la mention suivante : ' la société Francelog a eu connaissance de faits graves laissant à penser l'existence d'une concurrence déloyale de grande ampleur, émanant de salariés et d'anciens salariés.

Elle entend dans ce contexte, vérifier la véracité des informations portées à sa connaissance au moyen de la présente sommation interpellative.'

Figure ensuite l'indication selon laquelle l'huissier précise 'En conséquence je vous fais sommation d'avoir à répondre immédiatement et sans délai au questions suivantes:'

Dans ses déclarations, M. [M] indique, répondant aux questions qui lui sont

posées :

- qu'il est actionnaire et directeur général de la société Akens qui a une activité concurrente de la société Francelog,

- que trois clients de la société Francelog ont été démarchés par la société Akens,

- que la dite société est hébergée par Prestocab à [Localité 4].

Les questions 11, 12 et 15 sont ainsi respectivement libellées :

'Pouvez vous nous indiquez si M. [O] joue un rôle actif au quotidien et si oui, nous détailler ses missions pour le compte de la société Akens''

'D'après vos constatations personnelles, est ce que M. [O] utilise pour le compte de la société Akens, ses outils, procédés ou procédures, fichiers ou autres supports qui appartiennent ou proviennent de la société Francelog''

'M. [O] est-t-il en relation avec les fournisseurs de la société Francelog pour ses activités développées au sein de la société Akens''

M. [M] précise, en réponse à ces questions, que M. [O] est chargé de la veille technologique et de l'étude des produits et des relations commerciales, qu'il procède à l'extraction des nomenclatures issues de la base Francelog, des procédures de test et des outils de tests et de programmation, et qu'il est en relation avec les fournisseurs de Francelog.

C'est vainement que les appelantes font valoir que cette sommation interpellative doit être écartée des débats dès lors qu'elle constitue le recueil des déclarations d'une personne qui n'a pas prêté serment ou rempli une attestation en bonne et due forme et que les huissiers ne peuvent recueillir les déclarations de tiers et les enregistrer.

En effet, la dite pièce est soumise au débat contradictoire des parties devant le juge de la rétractation comme devant la cour et il appartient à cette dernière de dire si cette pièce, comme les autres pièces versées aux débats, rapportent la preuve de l'existence d'un motif légitime de nature à justifier la mesure d'instruction dont le bien fondé lui est soumis.

Francelog verse encore aux débats :

- le contrat de travail de M. [O], signé avec Francelog, ainsi qu'un bulletin de paie (pièces 8 et 8 bis),

- un mail reçu du président de la société TEC Automatismes le 9 novembre 2017 faisant part à M. [O] de son mécontentement quant à l'insuffisance de son travail, (pièce 30) ayant occasionné des retards de livraison de certains clients, et lui reprochant par ailleurs de passer beaucoup de temps avec M. [M],

- un courrier d'avertissement dont il a fait l'objet, le 19 février 2018, de la part de Francelog, (pièce n°16) dans lequel il lui est reproché ses insuffisances professionnelles et notamment le fait de faire des allers et retours à l'extérieur de l'entreprise pour des missions non professionnelles à des horaires d'absence anormaux, ainsi que des comportements ayant donné lieu à une dénonciation pour harcèlement moral,

- un rapport de télésurveillance (pièce n°31) qui démontre, selon l'intimée, que

M. [O] s'est introduit à des heures anormales, dans les locaux de l'entreprise, durant ses congés,

- un mail du 15 novembre 2017, adressé par le président de la société TEC Automatismes à deux de ses salariées, leur demandant d'établir un avoir d'un montant de 1650 euros à la société Etix en raison d'un retard de livraison,(pièce n°34),

- un accord de confidentialité signé entre M. [M] et le président de la société TEC Automatismes.

Les griefs invoqués par la société Francelog à l'encontre de la société Akens, via le comportement de M. [O], qu'elle considère comme étant l'animateur de la dite société, reposent pour l'essentiel sur la sommation interpellative et les déclarations de M. [M] qui y sont contenues, notamment en ce que celui-ci déclare, ainsi qu'il a été dit plus haut, que M. [O] est chargé, pour le compte de la société Akens, de la veille technologique, de l'étude des produits et des relations commerciales, qu'il procède à l'extraction des nomenclatures issues de la base Francelog des procédures de test et des outils de tests et de programmation et qu'il est en relation avec les fournisseurs de Francelog.

Toutefois ces affirmations émanent d'un individu dont il n'est contesté par aucune des parties qu'il entretient des relation conflictuelles avec la société Akens, M. [O] et Mme [B].

Elles ne sont confirmées par aucune des autres pièces sus mentionnées, ni le mail du

9 novembre 2017, ni la lettre d'avertissement notamment, ne comportant de référence aux faits rapportés.

Il en va de même des pièces 44,45 et 46 versées devant la cour.

Il n'est pas ailleurs pas contesté que Mme [B] ou M. [O] n'étaient ou ne sont liés par aucune clause de non concurrence avec la société Francelog.

Les déclarations de M. [M], insuffisamment précises dans leur contenu, sujettes à caution compte tenu du litige l'opposant à Mme [B], la société Akens, et

M. [O], et non corroborées par d'autres pièces régulièrement communiquées de la société Francelog, justifient, sans que la cour n'ait à examiner les autres moyens soulevés par les appelantes, l'infirmation de l'ordonnance dont appel, aucun motif légitime n'étant suffisamment démontré pour justifier du bien fondé de la mesure d'instruction ordonnée, et la rétractation de l'ordonnance du 17 juillet 2018 rectifiée par ordonnance du 10 septembre 2018.

Il convient en conséquence, d'annuler les mesures d'investigation effectuées en application de l'ordonnance sur requête du 17 juillet 2018 rectifiée, et d'ordonner que soient restitués aux appelantes l'ensemble des pièces, documents et données, quel qu'en soit le support, appréhendés à l'occasion de l'exécution de la dite ordonnance.

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer les dispositions de l'ordonnance dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

Statuant à nouveau de ce chef la cour condamne la société Francelog aux dépens de première instance et d'appel.

Elle la condamne en outre à payer la somme de 5 000,00 euros à Mme [B] et

5 000,00 euros à la société Akens au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt avant dire droit de cette cour du 17 octobre 2019,

Ecarte des débats les pièces n° 10 à 15, 17 à 25, 27,28, 47,48,49 ;

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Rétracte l'ordonnance du 17 juillet 2018 rectifiée par ordonnance du 10 septembre 2018 ;

Annule en conséquence les mesures d'investigation effectuées en application de la dit ordonnance rectifiée ;

Ordonne que soit restitué aux appelantes l'ensemble des pièces, documents et données, quel qu'en soit le support, appréhendés à l'occasion de l'exécution de la dite

ordonnance ;

Condamne la société Francelog aux dépens de première instance et d'appel ;

La condamne en outre à payer la somme de 5 000,00 euros à Mme [B] et

5 000,00 euros à la société Akens au titre des frais irrépétibles.

Le greffierLe président

Audrey CerisierLaurent Bedouet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 19/01159
Date de la décision : 04/06/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°19/01159 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-04;19.01159 ?
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