ARRÊT DU
29 mai 2020
N° 415/20
N° RG 17/03090 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q73Z
PS - ML
RO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
01 Juin 2017
(RG 15/00416 -section 2)
GROSSE :
aux avocats
le 29 mai 2020
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
S.A.R.L. ALDI MARCHÉ [Localité 2]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE, assistée de Me Anne MURGIER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me KABORÉ
INTIMÉE :
Mme [W] [I]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Maxime MOULIN, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS :à l'audience publique du 11 Février 2020
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 27 mars 2020 au 29 mai 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 mai 2020,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 décembre 2019.
LE LITIGE
En 1991 Mme [I] a été engagée par la société ALDI en qualité d'assistante (adjointe au directeur) pour son magasin d'[Localité 3]. Entre le 1er avril et le 14 juin 2014 elle a été affectée au magasin d'[Localité 4] en remplacement du directeur momentanément absent. Se plaignant de ne pas avoir été remplie de ses droits conventionnels au titre de ce remplacement Mme [I] a attrait son employeur devant le Conseil de Prud'hommes afin d'obtenir sa condamnation au paiement de salaires, remboursement de frais kilométriques et dommages-intérêts. Par décision ci-dessus référencée le Conseil de Prud'hommes a condamné la société ALDI à lui verser 1953,45 euros de rappel de salaires, 97,62 euros au titre des pauses, 528,92 euros correspondant au 13 eme mois versé au salarié remplacé et la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société ALDI a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 06/09/2017.
Dans ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 02/11/2018 elle conclut à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes adverses et réclame 3000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par conclusions récapitulatives d'appel incident déposées par voie électronique au Greffe le 27/02/2018 [I] prie la Cour de confirmer le jugement mais de condamner en sus la société ALDI au paiement des sommes suivantes:
remboursement de frais kilométriques : 860,40 euros
contrepartie indemnitaire liée au dépassement du temps normal de trajet : 2700 euros
dommages-intérêts pour tardiveté du paiement des salaires : 500 euros
dommages-intérêts pour résistance abusive : 1500 euros
frais non compris dans les dépens: 1200 euros
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance de fixation de l'affaire et de clôture
MOTIFS
Le rappel de salaires
Il résulte de l'article 4.4.3 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire applicable en la cause que les salariés remplaçant pendant au moins 4 semaines un collègue exerçant des fonctions d'un niveau hiérarchique supérieur ont droit, proportionnellement au temps passé, au salaire minimum garanti audit collègue. Il n'est pas contesté que pendant 4 semaines Mme [I] n'a perçu que son propre salaire et que pour le temps de remplacement restant elle a perçu, proportionnellement à son temps de travail, sa rémunération augmentée d'une fraction du salaire minimum conventionnel garanti au collègue remplacé. L'employeur soutient que le délai de carence devrait s'appliquer au titre des 4 premières semaines de remplacement mais un tel délai de carence, contraire à la volonté des partenaires sociaux d'assurer au remplaçant une rémunération conforme aux fonctions provisoirement exercées, ne figure pas dans la Convention collective. Le délai de 4 semaines y figurant porte sur le point de départ de l'obligation pour l'employeur d'assurer la contrepartie. Si elle ne l'oblige pas, avant 4 semaines de remplacement, à majorer la rémunération du remplaçant elle l'oblige au-delà de ce délai à verser la contrepartie précitée sans aucun délai de carence au titre des 4 premières semaines.
La salariée soutient pour sa part vainement que le différentiel devrait être calculé sur la base du salaire effectif perçu par la personne remplacée alors que la Convention collective, en sa disposition non contraire au principe d'égalité et à la règle à travail égal/salaire égal, prévoit le versement d'un différentiel fonction du salaire minimum conventionnel applicable au salarié remplacé et non du salaire effectivement versé à celui-ci, étant observé que la remplaçante n'est pas en l'espèce dans une situation identique à celle du salarié remplacé. Il se déduit des développements précédents, des versements effectués, de la rémunération conventionnelle garantie au salarié remplacé et de ses périodes de présence, qu'elle a droit à un rappel de salaires de 539,96 euros majoré de l'indemnité de congés payés. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fondé ses calculs sur le salaire du collègue remplacé y compris son 13 eme mois.
La rémunération des pauses
Le jugement n'est sur ce point pas motivé. La demande n'est pas explicitée, même sommairement, ni en fait ni en droit. Les éléments versés aux débats ne permettent pas d'y faire droit.
La demande de remboursement des frais de déplacement
Mme [I] soutient en substance que les versements d'indemnités kilométriques opérés par son employeur à l'occasion du remplacement ne l'ont pas remboursée de ses frais. Il appert cependant qu'il lui a versé des indemnités kilométriques au taux de 0,37 euros/km pour l'ensemble de ses déplacements et qu'il n'était pas tenu d'utiliser le barème fiscal dont la salariée invoque sans la démontrer l'application à deux autres salariés. Il appert que les versements effectués l'ont entièrement couverte de l'ensemble des frais dont elle a justifié de l'engagement sur ses fonds personnels. Sa demande sera rejetée par confirmation du jugement.
La demande d'indemnité au titre des temps anormaux de déplacement
Il ressort de l'article L 3121-4 du code du travail que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif sauf s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail auquel cas il donne lieu à une contrepartie soit financière soit sous forme de repos.
Il résulte du contrat de travail que la salariée était astreinte à une clause de mobilité et qu'à l'occasion du remplacement à [Localité 4] son temps quotidien de trajet depuis son domicile de [Localité 5] (Pas-de-Calais) a été allongé d'une quarantaine de minutes en moyenne par rapport à la situation antérieure. Il appert cependant que le temps de trajet automobile entre [Localité 5] et [Localité 4] n'est en moyenne que de 40 minutes ce qui dans l'agglomération de [Localité 6] et la région proche ne constitue pas un temps de déplacement anormal pour le trajet domicile/ lieu habituel de travail. La demande sera rejetée en application du texte susvisé.
Les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et refus de paiement des salaires
En réparation du préjudice moral et financier subi du fait du retard fautif apporté au paiement des sommes dues il sera en sus alloué à la salariée 1500 euros de dommages-intérêts réparant la totalité du préjudice invoqué en ses deux branches.Le surplus des demandes sera rejeté.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
INFIRME le jugement sauf en sa disposition ayant alloué à Mme [I] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
statuant à nouveau et y ajoutant
CONDAMNE complémentairement la société ALDI [Localité 2] à payer à Mme [I] les sommes suivantes:
'salaires : 539,96 euros
'indemnité de congés payés : 53,99 euros
'dommages-intérêts pour résistance abusive : 1500 euros
'frais non compris dans les dépens d'appel: 1200 euros
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
CONDAMNE la société ALDI [Localité 2] aux dépens d'appel et de première instance.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
V. COCKENPOTM. DOUXAMI