République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 28/05/2020
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N° de MINUTE :20/
N° RG 19/04581 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQ6T
Ordonnance (N° 2019-00614) rendue le 30 juillet 2019 par le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer
APPELANTS
M. [M] [X]
né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 11], de nationalité française
demeurant [Adresse 5]
M. [F] [U]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 11], de nationalité française
demeurant [Adresse 4]
SAS les Autres Bières prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 5]
représentés par Me Thomas Demessines, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Hadrien Debacker, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SAS Brasserie [K] prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
ayant son siège social [Adresse 3]
représentée par Me Arthur Andrieux, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer
DÉBATS à l'audience publique du 15 janvier 2020 tenue par Geneviève Créon magistrat chargé d'instruire le dossier.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Stéphanie Hurtrel
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Renard, présidente de chambre
Anne Molina, conseiller
Geneviève Créon, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mai 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 19 mars 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 janvier 2020
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FAITS ET PROCÉDURE
Vu l'ordonnance de référé du 30 juillet 2019 prise par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer qui a :
- débouté la société Les Autres Bières, Monsieur [X] et Monsieur [U] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer le 18 janvier 2018 ; la confirmer dans toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- ordonné le séquestre en l'étude de maître [J] et maître [A] des éléments (documents, pièces, matériel, données informatiques...) que ce soit en original ou en copie ;
- autorisé la société Brasserie [K] à faire usage ou état des données filtrées portées à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par les huissiers et experts désignés dans l'ordonnance rendue le 18 janvier 2018 par le président de la juridiction de céans ;
- condamné solidairement la société Les Autres Bières, Monsieur [X] et Monsieur [U] au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles ;
- condamné solidairement la société Les Autres Bières, Monsieur [X] et Monsieur [U] aux dépens exposés par la société Brasserie [K] dans le cadre de la présente procédure ;
Vu l'appel formé le 9 août 2019 par la SAS Les Autres Bières, M. [X] et
M. [U],
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 janvier 2020 par la société Les Autres Bières, et MM. [M] [X] et [F] [U] qui demandent à la cour d'appel de :
- juger irrecevable la mesure de mise sous séquestre ordonnée par monsieur le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 30 juillet 2019 ;
- réformer l'ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de
Boulogne sur Mer du 30 juillet 2019, en toutes ses dispositions et en conséquence :
- rétracter l'ordonnance sur requête rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de céans le 18 janvier 2018, en toutes ses dispositions ;
- annuler l'ensemble des opérations de constat et rapports d'expertises afférents diligentées à la requête de la société Brasserie [K] et effectuées en exécution de ladite ordonnance ;
- ordonner la restitution, immédiate et sans délai à la société Les Autres Bières, de l'ensemble des éléments (documents, pièces, matériel, données informatiques...) pris en originaux et la destruction de toute copie détenue par :
- les huissiers maître [N] [R], maître [D] [A] et maître Frédéric Razoazanany ;
- les experts MM. [S] [P] et ses collaborateurs ;
- la requérante la société Brasserie [K] ;
à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que de l'ensemble des procès-verbaux dressés par les huissiers à cette occasion et des rapports d'expertise afférents, ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jour suivant le prononcé de la décision à intervenir ;
- ordonner l'interdiction à la société Brasserie [K], de faire usage ou état, pour quelque raison que ce soit et à quelque titre que ce soit, de toute information qui aurait pu être portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par les huissiers et experts désignés par l'ordonnance rétractée ;
- condamner la société Brasserie [K] à verser à la société Les Autres Bières une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles ;
- la condamner à prendre en charge l'ensemble des dépens exposés par les demandeurs dans le cadre de la présente instance ;
- juger qu'elle conservera à sa charge l'ensemb1e des frais exposés par elle dans le cadre des opérations de constat qu'elle a requises ;
- dire que sa décision sera exécutoire sur simple présentation de la minute de sa décision, ou à tout le moins, qu'il rappelle que sa décision est exécutoire par provision ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 décembre 2019 par la société Brasserie [K] qui demande à la cour d'appel de :
- confirmer en tous ses points l'ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer le 30 juillet 2019 ;
Statuant de nouveau,
- condamner la société Les Autres Bières à régler à titre d'indemnité pour frais irrépétibles en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société Brasserie [K] la somme de 6 000 euros ;
- condamner la société Les Autres Bières aux entiers dépens exposés en cause
d'appel ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 janvier 2020,
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Brasserie [K] a une activité de distribution au détail et en gros de boissons.
Elle embauchait, à compter du 1er avril 2012, M. [F] [U], en qualité de responsable informatique, et à compter du 1er octobre 2012, M. [M] [X], en qualité d'attaché commercial.
Le contrat de travail de M. [U] était rompu au titre d'une rupture conventionnelle avec effet au 28 avril 2017.
De son côté, le 26 avril 2017, M. [X] démissionnait de son poste d'attaché commercial, avec un préavis d'un mois.
Dès lors, il se consacrait au développement commercial de la société Les Autres Bières, spécialisée dans la commercialisation de boissons au détail, qu'il avait créée le
24 septembre 2014, dont il était l'actionnaire majoritaire et le président, et dont le siège était fixé à son domicile.
La société Brasserie [K], suspectant le piratage informatique de ses données commerciales par M. [X], aidé pour ce faire par l'ancien responsable informatique,
M. [U], au bénéfice du développement de l'activité de la société Les Autres Bières, sollicitait par requête, auprès du président du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la désignation de trois huissiers de justice, avec chacun pour mission de se rendre concomitamment, accompagnés d'experts informaticiens, aux domiciles de MM. [X] et [U], et au siège social de la société Les Autres Bières, afin de constater l'existence éventuelle de documents susceptibles de caractériser des agissements fautifs et d'en saisir une copie.
Le président du tribunal faisait droit à la demande par ordonnance du 18 janvier 2018, et désignait la SCP [R] et Fisher, huissier de justice à Saint Omer, maître [V] [J], huissier de Justice à Boulogne sur Mer et maître [D] [A], huissier de justice à Samer, afin de se rendre simultanément au siège social de la société Les Autres Bières, coïncidant avec le domicile personnel de M. [X], aux entrepôts de celle-ci, ainsi qu'au domicile personnel de M. [U].
Le 20 février 2018, les opérations autorisées étaient diligentées et donnaient lieu à la saisie de nombreux documents remis à l'expert M. [P] pour exploitation.
Le 21 septembre 2018 la société Brasserie [K] assignait devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer la société Les Autres Bières, MM. [X] et [U], afin de les faire reconnaître auteurs d'actes de concurrence déloyale et obtenir réparation du préjudice subi.
Le 4 février 2019, la société Les Autres Bières, M. [X], et M. [U] saisissaient le juge des référés d'une demande de rétraction de l'ordonnance sur requête du 18 janvier 2018, d'annulation des opérations de constats et rapports d'expertises afférents, et de restitution de l'ensemble des documents pris en originaux, ainsi que la destruction de leur copie.
C'est dans ce contexte qu'est intervenue la décision dont appel.
La société Les Autres Bières, MM. [X] et [U] font valoir au soutien de leurs demandes que :
- confondant deux notions distinctes, le juge des référés a recherché, à tort, pour autoriser les saisies, l'existence d'un intérêt légitime de la société Brasserie [K] à chercher à se constituer des preuves d'actes de concurrence déloyale du fait des consorts [X] et [U] et de la société Les Autres Bières, intérêt qui par nature existe, au lieu de rechercher s'il existait des motifs légitimes tels que requis par l'article 145 du code de procédure civile, par nature factuels et objectifs, et reposant sur des éléments de preuve, pour ordonner une mesure d'instruction; il a pris en compte des éléments qui lui étaient soumis par la société Brasserie [K], qui étaient mensongers; il n'avait aucun motif sérieux d'autoriser des saisies au domicile de M. [U] ;
- il ressort des analyses de M. [L], expert ayant analysé les données établies par l'expert informatique M. [P], que les motifs présentés par la société Brasserie [K] pour obtenir une mesure d'instruction, reposaient sur des éléments faux, tronqués ou dissimulés, portant notamment sur la question de la redirection des mails de la boîte professionnelle de M. [X], [Courriel 9] vers une boîte personnelle [Courriel 10], son existence, son paramètrage ;
- le juge de la rétractation a pris une nouvelle mesure en désignant deux huissiers séquestres des données saisies, accueillant une demande de la société Begague qui était irrecevable, n'ayant pas été initialement ordonnée ;
- la dérogation au principe du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite de justifier quels sont les motifs légitimes qui permettent d'agir par surprise, inexistants en l'espèce ;
- les dispositions de l'ordonnance relatives au séquestre par l'huissier des données saisies n'ont pas été respectées, en ce que l'expert a conservé 5 des disques durs ;
- ces saisies constituent une atteinte au secret des affaires, en ce que l'ordinateur de
Mme [Z], épouse de M. [X], qui contenait des données confidentielles relatives à la société Sodiboisson, société concurrente, de la société Brasserie [K], a été exploité, et les données n'ont pas été placées sous séquestre ;
- la rétractation de l'ordonnance du 18 janvier 2018, privant les constats réalisés et les rapports d'experts de MM. [P] et [C] afférents aux procès-verbaux de leur fondement juridique, emporte nécessairement leur nullité.
La société Brasserie [K] oppose que :
- l'ordonnance du 18 janvier 2018 ordonne des mesures proportionnées au droit légitime de la société Brasserie [K] d'établir la preuve d'actes de concurrence déloyale du fait de MM. [X] et [U], qu'elle avait des raisons légitimes de soupçonner d'être les auteurs d'un piratage informatique, soupçons confirmés par les mesures pratiquées sur ordonnance qui ont révélé le détournement d'un grand nombre d'informations confidentielles ;
- les mesures d'instruction qui ont été ordonnées sont proportionnelles à la préservation du secret des affaires de la société Les Autres Bières et de nature à le garantir ;
- le risque de destruction des preuves recherchées par la mesure d'instruction imposait de recourir à une mesure autorisée par une décision prise dans le cadre d'un débat non contradictoire ;
Sur l'existence de motifs légitimes pour ordonner une mesure d'instruction:
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l'espèce, le 11 janvier 2018, la société Brasserie [K] présentait au président du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer une requête aux fins de:
- 'voir autoriser la SCP [R] et Fisher, huissier de justice à Saint Omer, maître [V] [J], huissier de Justice à Boulogne sur Mer et maître [D] [A], huissier de justice à Samer, à se rendre de manière simultanée :
- au siège social de la société Les Autres Bières, coïncidant avec le domicile personnel de M. [M] [X], [Adresse 5] ;
- à l'entrepôt de la société les Autres Bières à [Localité 7] ;
- au domicile personnel de M. [F] [U], [Adresse 4] ;
- à se faire assister par M. [P], expert en informatique auprès de la cour d'appel de Douai, et tous collègues ou informaticiens qu'il lui plaira de solliciter ;
- à avoir accès à tout support numérique (ordinateur, serveur local ou distant, disque dur externe, clé USB, smartphone, tablette,...) et aux archives papier se trouvant dans ces lieux ou dans les véhicules utilisés par Messieurs [U] et [X] se trouvant stationnés dans les environs, afin de prendre copie complète au format papier ou dématérialisé des factures et bons de livraison émis par la société LES AUTRES BIERES depuis le 1er janvier 2017, des correspondances électroniques et papiers entre la société LES AUTRES BIERES (ou tout membre de cette société) et des tiers ainsi que du fichier client de la société LES AUTRES BIERES, contenant des informations ou références qui se trouvent dans un lien listant 261 clients annexé à la présente requête en pièce n° 16 ('pièce n°16-Portefeuille clients géré par M. [X] en 2016 et 2017") depuis le
1er janvier 2017 ;
- mettre en évidence toute donnée susceptible de provenir de la requérante (factures, devis, documents internes,..)
- à avoir accès aux ordinateurs et aux archives papiers se trouvant dans ces lieux ou dans les véhicules utilisés par Messieurs [U] et [X] se trouvant stationnés dans les environs, afin de prendre copie complète au format papier ou dématérialisé des bilans d'exercice comptable 2015 et 2016, et de toute trace d'utilisation depuis le 26 avril 2017 du compte [Courriel 10] sur les logiciels de messagerie et logiciels de navigation Internet ainsi que des chiffres d'affaires mensuels réalisés par la société LES AUTRES BIÈRES ;
- en cas d'opposition ou d'impossibilité d'accès aux supports numériques et/ou aux logiciels professionnels utilisés pour les besoins de l'activité de la société LES AUTRES BIÈRES et/ou d'extraction des données, à se faire remettre par les éditeurs de ces logiciels professionnels ou par le prestataire en informatique de la société Les AUTRES BIÈRES ou par tout membre de la société LES AUTRES BIÈRES ou par Messieurs [X] et [U], les codes permettant l'accès aux ordinateurs et logiciels professionnels utilisés par Messieurs [X] et [U] ainsi que par tout membre de la société LES AUTRES BIÈRES,
- en cas d'opposition ou de difficulté d'accès ou d'extraction des données informatiques de la société LES AUTRES BIÈRES, réaliser une copie intégrale des supports informatiques de la société LES AUTRES BIÈRES , réaliser une copie intégrale des supports visés qui sera placée entre les mains de maître [V] [J], huissier de Justice à [Localité 8], désigné expressément en qualité de séquestre, et ce dans le but d'un tri ultérieur par l'expert informatique;
- à défaut de pouvoir prendre des copies, à se faire remettre les pièces en original avec obligation de les restituer dans les 72 heures ,
- à prendre des clichés photographiques ;
- du tout dresser constat pour faire valoir ce que de droit.
Dire que les huissiers sus désignés pourront se faire assister de la force publique et d'un ou plusieurs serruriers,
Dire que l'ordonnance à intervenir devra être exécutée dans les deux mois de sa signature.'
Au soutien de sa demande, la société Brasserie [K] annexait 17 pièces :
- pièce n°1 - Extrait KBIS de la Brasserie [K]
- pièce n°2- Contrat de travail de M. [F] [U]
- pièce n°3- Contrat de travail de M. [M][X]
- pièce n°4- Justificatif de rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [F] [U]
- pièce n°5- courrier de démission de M. [M] [X]
- pièce n°6- Extrait KBIS LES AUTRES BIÈRES
- pièce n°7- PV d'AG du 13.11.2015 LES AUTRES BIÈRES
- pièce n°8 - courriel de la société CODIFRANCE
- pièce n°9- rapport de la société PROSERVIA du 23 juin 2017
- pièce n°10 - courriel de Monsieur P. [B] du 20 juillet 2017
- pièce n°11 - Justificatifs de création du compte 'OpenTextBusinessNetwork'au
21 juillet 2017
- pièce n°12 - Rapport technique de [S] [P] EXPERTS
- pièce n°13 - Procès-verbal de constat de Maître [V] [J]
- pièce n°14 - Factures émises par la société LES AUTRES BIÈRES
- pièce n°15 - Marges mensuelles cumulées pour l'année 2017
- pièce n°16 - Portefeuille clients gérés par M. [X] en 2016 et 2017
- pièce n°17 - Extrait KBIS de la société LES AUTRES BIÈRES
Il ressortait de l'exposé des faits et des pièces communiquées au président du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer que :
- le 26 avril 2017, M. [M] [X] remettait sa démission à M. [W] [K], avec un préavis d'un mois ;
- à compter de juin 2017, les marges mensuelles de la société Brasserie [K] présentaient une baisse caractérisée, notamment sur le canal' alimentaires-cavistes', ' particuliers', et 'associations' ;
- M. [M] [X], attaché commercial de la société Brasserie [K], avait disposé, pour recevoir les commandes et les réclamations de la clientèle, d'une adresse mail [Courriel 9] et d'un compte utilisateur doté d'un mot de passe personnel, qui était modifiable depuis le compte de l'administrateur seul, en la personne de M. [F] [U] ; ces deux salariés ont quitté la société les Autres Bières entre avril et mai 2017;
- dans le cadre d'une expertise amiable sollicitée par la société Brasserie [K] et ayant donné lieu à rapport du 6 septembre 2017, M. [S] [P], expert informatique auprès de la cour d'appel de Douai, par connexion au compte '[Courriel 6]' mettait en évidence qu'une règle de gestion particulière avait été mise en place concernant le compte de M. [X], intitulée 'Anti Spam', par laquelle tout courriel adressé à [Courriel 9] était envoyé en copie cachée à l'adresse personnelle [Courriel 10] ce renvoi avait fait l'objet d'un test le 25 avril 2017;
- par un courriel en date du 20 juillet 2017, M. [B], Pdg de la SAS Dommartin Distribution, indiquait à [T] [H], de la société Brasserie [K]: ' Je fais suite à votre mail ci dessous et à mon appel téléphonique de ce jour, pour vous préciser que nos commandes destinées à notre magasin spécialisé la Cave des Brasseurs ont effectivement basculé depuis environ 2 mois sur la société les Autres Bières, représentée par Mr [X], ce dernier nous ayant précisé que cette nouvelle structure commerciale était destinée à mieux approvisionner les activités cavistes' ;
- un compte était créé sur la plate-forme 'OpenTextBusinessNetwork' le 21 juillet 2017, par [M] [X], au nom de la société Brasserie Begague SAS, avec indication de l'adresse [Courriel 9] , alors qu'il n'appartenait plus à la société ;
Ces éléments constituaient des motifs légitimes de craindre que la société Brasserie [K] avait été victime d'une concurrence déloyale de la part de la société les Autres Bières sous la direction de M. [M] [X] et avec l'aide technique de M. [F] [U], permettant de justifier que des mesures d'instruction soient ordonnées pour la recherche de preuves susceptibles de confirmer ces soupçons, de façon non contradictoire pour éviter leur destruction, s'agissant notamment de fichiers informatiques, de courriers électroniques et données commerciales.
Les mesures d'instruction autorisées sont précises et en lien avec les éléments relevés susceptibles de conduire à rechercher la responsabilité civile de la société Les Autres Bières et de MM. [X] et [U], et ne sont pas disproportionnées au regard de la nécessité de la protection des affaires, garanties par ailleurs par la mise sous séquestre des données recueillies.
En conséquence, le rejet de la demande de rétraction de l'ordonnance sur requête rendue par M. le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer le 18 janvier 2018 doit être confirmé.
Sur l'irrecevabilité de la mesure de mise sous séquestre:
Les appelants sollicitent de voir 'juger irrecevable la mesure de mise sous séquestre ordonnée par M. le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 30 juillet 2019".
Aucune cause d'irrecevabilité au sens du code de procédure civile n'est invoquée ; la contestation apparaît porter en réalité sur le bien fondé de la mesure de séquestre décidée.
L'article 497 du code de procédure civile dispose que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Saisi d'une demande de rétraction de l'ordonnance du 18 janvier 2018 du président du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer formée par la société les Autres Bières et MM. [X] et [U], le juge, rejetant celle-ci, pouvait accueillir favorablement la demande reconventionnelle de la société Brasserie [K] de voir élargir la désignation des huissiers chargé du séquestre des données saisies.
Les appelant soulèvent que les dispositions de l'ordonnance relatives au séquestre par l'huissier des données saisies n'ont pas été respectées, en ce que l'expert a conservé 5 des disques durs ; cependant, cette observation n'est pas de nature à amener de conséquences juridiques dans le cadre des demandes qui ont été formées quant à la question de la désignation des huissiers chargés du séquestre des données saisies.
L'ordonnance dont appel sera confirmée sur ce point.
Sur l'autorisation d'utilisation des données recueillies lors des constats:
Les appelants sollicitent dans leurs écritures de voir prononcer 'l'interdiction à la société Brasserie [K], de faire usage ou état, pour quelque raison que ce soit et à quelque titre que ce soit, de toute information qui aurait pu être portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par les huissiers et experts désignés par l'ordonnance rétractée'.
Cette demande de portée générale est incompatible avec l'objet même des mesures d'instruction qui ont été ordonnées pour recueillir d'éventuels éléments de preuve que la société Brasserie [K] pourra utiliser et qui seront contradictoirement discutés dans le cadre de l'action judiciaire qu'elle a engagée au fond contre les appelants sur le fondement de la concurrence déloyale.
Par conséquent, l'autorisation donnée par le juge des référés dans son ordonnance du 30 juillet 2019 à la société Brasserie [K] 'à faire usage ou état des données filtrées portées à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par les huissiers et experts désignés dans l'ordonnance rendue le 18 janvier 2018 par le président de la juridiction de céans' est fondée et sera confirmée.
Sur les dépens et indemnités de procédure:
Les dispositions de l'ordonnance dont appel seront confirmées sur ces points.
Concernant l'instance d'appel, le sens du présent arrêt commande de condamner la société Les Autres Bières, MM. [X] et [U] à payer à la société Brasserie [K] une indemnité procédurale de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Les Autres Bières, MM. [X] et [U] seront condamnés aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer du 30 juillet 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Les Autres Bières, MM. [M] [X] et [F] [U] à payer à la société Brasserie [K] une indemnité procédurale de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Les Autres Bières, MM. [M] [X] et [F] [U] aux dépens de l'appel.
Le greffierLa présidente
Stéphanie HurtrelVéronique Renard