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28/05/2020 | FRANCE | N°17/00855

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 28 mai 2020, 17/00855


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 28/05/2020



****





N° de MINUTE : 20/

N° RG 17/00855 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QOBY



Jugement rendu le 15 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Lille







APPELANTE



SARL société des entrepôts de Thumeries prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son sièg

e social [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Jean-Luc Tigroudja, avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



SAS Allopneus prise en la personne de ses ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 28/05/2020

****

N° de MINUTE : 20/

N° RG 17/00855 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QOBY

Jugement rendu le 15 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

SARL société des entrepôts de Thumeries prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Jean-Luc Tigroudja, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SAS Allopneus prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Juliette Duquenne, avocat au barreau de Lille, substituée à l'audience par Me Aurélie Cousin, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil Me François Verdot, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Anne Molina, conseiller

Geneviève Créon, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel

DÉBATS à l'audience publique du 19 décembre 2019 après rapport oral de l'affaire par Anne Molina

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mai 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 19 mars 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 septembre 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 3 octobre 2007, la société des Entrepôts de Thumeries a donné à bail commercial à la société Pneus France Nord, aujourd'hui dénommée la société Allopneus, un bâtiment n°3 d'une superficie de 5000 m² et d'un parking de

3000 m² dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3].

Le bail était consenti pour une durée de neuf années du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2016, moyennant un loyer de 100 000 euros, hors taxe et hors charge par an.

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2008, la société des Entrepôts de Thumeries a consenti à la société Allopneus, un bail commercial dérogatoire, portant sur le bâtiment n°2 du même ensemble immobilier, de 5000 m² pour une période de 23 mois, du

1er octobre 2008 pour se terminer le 15 septembre 2010, moyennant un loyer de

100 000 euros hors taxe hors charge par an.

Suivant avenant n°1 du 11 mai 2009 à ce bail dérogatoire, la société des Entrepôts de Thumeries a donné à bail à la société Allopneus, le bâtiment 1 pour une surface de

2500 m² à compter du 1er avril 2009, moyennant un loyer de 60 000 euros.

Par acte d'huissier de justice du 25 mars 2010, la société Allopneus a délivré à la société des Entrepôts de Thumeries un congé au titre du bail commercial du 3 octobre 2007, à effet au 30 septembre 2010. La société Allopneus, n'a pas pu libérer les locaux à cette date.

C'est dans ce contexte que la société des Entrepôts de Thumeries, estimant que les contrats seraient toujours en cours, a fait assigner la société Allopneus afin d'obtenir, à titre principal, le paiement des loyers et charges dus devant le tribunal de commerce de Lille qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Lille.

Par jugement du 15 juillet 2013 le tribunal de grande instance de Lille a notamment :

- débouté la société Allopneus de sa demande relative à la nullité du contrat de bail commercial et du contrat de bail commercial dérogatoire,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande de condamnation de la société Allopneus à lui verser une quelconque somme à titre de loyers,

- condamné la société Allopneus, anciennement dénommée la société Pneus France Nord, à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 47 378, 40 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 3, avec intérêts au taux légal à compter du

6 février 2013,

- condamné la société Allopneus, anciennement dénommée la société Pneus France Nord, à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 75 892,18 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 17 janvier 2011 pour les bâtiments 1 et 2, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande relative au paiement de la taxe foncière 2011 et 2012, et dommages et intérêts pour préjudice financier,

- débouté la société des Entreprises de Thumeries de sa demande d'expertise concernant l'état de l'immeuble loué,

- dit que la société Allopneus est redevable vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries d'une somme de 65 000 euros au titre des travaux de remise en état,

- dit que la société Allopneus, est créancière vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries d'une somme de 65 000 euros au titre du dépôt de garantie,

- ordonné la compensation entre ces deux créances réciproques,

- débouté la société Allopneus de sa demande relative à la clause d'indexation,

- condamné la société Allopneus à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Allopneus au paiement des frais et dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société des Entrepôts de Thumeries a interjeté appel le 25 juillet 2013 et la société Allopneus le 26 juillet 2013.

Une ordonnance de jonction des procédures sous le numéro 13/04516 a été prononcée le 20 août 2013.

Par arrêt du 16 avril 2015 la cour d'appel de Douai a notamment :

- confirmé le jugement entrepris, sauf sur le quantum des sommes allouées au titre des travaux de remise en état et du dépôt de garantie et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

- dit que la société Allopneus est redevable vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries de la somme de 50 000 euros au titre des travaux de remise en état,

- dit que la société Allopneus est créancière vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries de la somme de 60 000 euros au titre du dépôt de garantie,

- ordonné la compensation entre ces deux créances réciproques,

En conséquence,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries à payer à la société Allopneus la somme de 10 000 euros,

Y ajoutant,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de ses demandes au titre de la taxe foncière pour les années 2013 et 2014,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de ses plus amples demandes,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et désagrément lié à l'instance, ainsi que de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries à payer à la société Allopneus la somme de 7 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries aux dépens d'appel.

Sur pourvoi formé par la société des Entrepôts de Thumeries, la Cour de cassation, par arrêt du 17 novembre 2016, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il déboute la société des entrepôts de Thumeries de sa demande de condamnation de la société Allopneus à lui verser une quelconque somme à titre de loyers, condamne la société Allopneus à lui payer la somme de 47 378,40 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 3 et la somme de 75 892,18 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 17 janvier 2011 pour les bâtiments 1 et 2, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013, l'arrêt rendu le 16 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

Au visa de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la Cour a dit que pour rejeter la demande de la société des entrepôts de Thumeries en paiement au titre des loyers et condamner la société Allopneus à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 3 et une certaine somme à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 17 janvier 2011 pour les bâtiments 1 et 2, l'arrêt retient que, le 7 janvier 2011, la société Allopneus a remis les clefs des locaux à l'huissier de justice qu'elle avait mandaté et qui, le 17 janvier 2011, s'est borné à informer la société bailleresse de ce qu'elle les détenait et les tenait à disposition en son étude et que cette dernière a, le même jour, refusé la restitution des clés ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que ni la société Allopneus ni l'huissier de justice mandaté par elle n'avaient tenté de remettre les clés en main propre au bailleur ou un mandataire habilité par lui à les recevoir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

La société des entrepôts de Thumeries a procédé à une déclaration de saisine de la cour de renvoi autrement composée le 3 février 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le

13 septembre 2019, la société des Entrepôts de Thumeries, sur le fondement des articles 1134 (devenus article 1103 et 1104), 1382 (devenu article 1240) et suivants du code civil, des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, et notamment de l'article L. 145-5 du code de commerce, demande à la cour d'appel, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 15 juillet 2013 en ce qu'il :

* l'a déboutée de ses demandes au titre de ses demandes d'indemnités d'occupation, et au titre des frais de remise en état des lieux loués,

* l'a déboutée de ses demandes au titre de la taxe foncière 2012, 2013 et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice,

- constater que la société Allopneus n'a pas restitué les lieux et qu'elle est dans ces conditions tenue au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges,

- en conséquence, condamner la société Allopneus à lui payer la somme de

1 460 363,21 euros à titre d'indemnité d'occupation, au titre de l'occupation du bâtiment n°3 de l'immeuble sis [Adresse 3], ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux et remise des clefs,

- constater que les lieux n'ont pas été restitués par la société Allopneus,

- par voie de conséquence, condamner la société Allopneus à lui payer la somme de

2 357 394,64 euros à titre d'indemnité d'occupation, au titre de l'occupation des bâtiments n°1 et 2 de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux et remise des clefs,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme 13 414,72 euros au titre de la régularisation du paiement de la taxe foncière 2011,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 13 955,68 euros à titre d'arriéré de la taxe foncière 2012,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 16 098,09 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2013,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 14 658,12 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2014,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 13 603,21 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2015,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 19 665,91 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2016,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 18 059,94 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2017,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 16 314,35 euros, à titre d'arriéré de la taxe foncière 2018,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et désagrément lié à l'instance,

- juger que la société Allopneus est responsable des dommages et dégradations affectant les lieux loués,

- condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 672 588,10 euros à titre de dommages et intérêts au titre des dommages affectant les lieux,

Très subsidiairement,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire à l'effet de déterminer les dommages et dégradations occasionnés aux trois bâtiments donnés en location à la société Allopneus, et décrire et évaluer les travaux de réfection à mettre en 'uvre,

- en l'état, condamner la société Allopneus à lui payer à titre de provision sur dommages et intérêts pour dégradation du bâtiment la somme de 100 000 euros,

- concernant la liquidation du préjudice subi à cet égard, ordonner le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert judiciaire,

- débouter la société Allopneus de ses demandes reconventionnelles,

- débouter la société Allopneus de son appel incident et de sa demande en paiement de la somme de 16 605 euros,

- débouter la société Allopneus de sa demande de la condamner à hauteur de

100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la société Allopneus à lui payer la somme de 50 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les frais et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2019, la société Allopneus, sur le fondement des articles 1736 et 1240 du code civil et des articles L.145-1, L.145-4 et L.145-9 du code de commerce, demande à la cour d'appel, de :

- statuer uniquement sur les points ayant fait l'objet d'une cassation et annulation partielle par arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 17 novembre 2016, les autres points ayant été jugés par l'arrêt définitif de la 2ème Chambre Section 1 de la cour d'appel de céans du 16 avril 2015,

En conséquence :

- débouter la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande de la condamner à lui verser une quelconque somme à titre de loyers,

- confirmer le jugement rendu par la 1ère Chambre du tribunal de grande instance de Lille le 15 juillet 2013 en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 47 378,40 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 3, avec intérêt au taux légal à compter du 6 février 2013,

- confirmer le jugement rendu par la 1ère Chambre du tribunal de grande instance de Lille le 15 juillet 2013 en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 75 892,18 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 1 et 2, avec intérêt au taux légal à compter du 6 février 2013,

- débouter la société des Entrepôts de Thumeries du surplus de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer les dispositions de l'arrêt rendu par la 2ème Chambre Section 1 de la cour d'appel de céans du 16 avril 2015 qui n'ont été et annulées par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 novembre 2016,

Et statuant sur renvoi :

- condamner la société des Entrepôts de Thumeries à lui payer :

* la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance, d'appel et de cassation, et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP ATALLAH COLIN JOSLOVE MICHEL ET AUTRES, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Sur la demande de la société Allopneus tendant à voir débouter la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande au titre des loyers :

Il convient de relever que la société des Entrepôts de Thumeries ne sollicite aucune condamnation au titre des loyers mais seulement au titre d'indemnités d'occupation.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer sur ce chef non contesté par la société des Entrepôts de Thumeries.

Sur les demandes d'indemnités d'occupation :

La société des entrepôts de Thumeries soutient que :

- il n'y a pas eu libération des lieux, laquelle doit être totale, nonobstant la délivrance d'un congé, sans restitution des clés, le bailleur n'est pas autorisé à pénétrer dans les lieux,

- la résiliation des baux originels a pour conséquence de rendre recevables les demandes d'indemnités d'occupation des lieux, la société Allopneus s'est maintenue tant dans les lieux objet du bail commercial que dans les lieux objets du bail dérogatoire, elle en doit, outre l'indemnité d'occupation et les charges, les taxes foncières relatives aux immeubles occupés.

La société Allopneus fait valoir que :

- aucun des baux n'exigeait que soit établi un état des lieux contradictoire de sortie, pas plus qu'ils n'imposaient de formalités particulières pour restituer les clés ; si elle a maintes fois tenté de remettre les clés à la société propriétaire, de son côté la société des Entrepôts de Thumeries s'est évertuée à faire obstruction à toute tentative de remise de ses clés dans le seul but de faire courir des loyers (ou autres indemnités) injustement dus,

- si la libération des lieux doit résulter de la remise effective des clés, il en va tout autrement lorsque le bailleur refuse de les recevoir ou en rend impossible la restitution, entraînant la libération des lieux.

Il est acquis que la restitution d'un bien loué suppose que le propriétaire soit mis en mesure de reprendre possession des lieux concernés. En cas de litige, il appartient au preneur de prouver la correcte exécution de cette obligation par la remise effective des clés ou le refus du bailleur de les recevoir.

En l'espèce, la société des Entrepôts de Thumeries verse aux débats :

- une sommation interpellative à l'attention de la société Allopneus réalisée le

13 décembre 2011 à la demande de la société des Entrepôts de Thumeries, par maître [I] [F], huissier de justice de la SCP [J] à Aix-en-Provence, sur un document à entête de la SCP [V]-[V], huissiers de justice situés à Lille, dans laquelle il est indiqué 'En vertu d'un bail commercial sous seing privé en date du 03.10.2007, le requérant vous a donné à bail des bâtiments à usage d'entrepôts sis à [Adresse 3].

Qu'à ce jour, vous n'occupez plus les lieux depuis début Janvier 2011, que ces derniers sont donc vides de toute occupation effective depuis lors et que le requérant n'est toujours pas en possession des clés de ces locaux.

Qu'une instance entre les parties est pendante devant le T.G.I de Lille à ce jour.

Que l'article XI dudit bail prévoit que 'le preneur s'engage à laisser le bailleur, ses représentants, architectes, entrepreneurs et ouvriers à pénétrer dans les lieux loués pour constater leur état, prendre toutes mesures conservatoires, réaliser tous travaux, les faire visiter en vue de leur location ou de leur vente'

Qu'il vous est donc (demander) de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de permettre au requérant d'user de ce droit de visite le :

Lundi 19 DECEMBRE 2011.

En conséquence, porteur de pièces et chargé de mission, JE VOUS FAIS SOMMATION, d'avoir à me faire connaître vos dires et observations sur les faits ci-dessus rappelées.

Ce à quoi il m'a été répondu : M. [U] [L] Directeur financier.

Nous sommes à la disposition du demandeur pour lui faire remettre les clefs à l'endroit et à l'heure qui lui conviendront, jour et ouvré et horaire de bureau.',

- un courrier qui lui a été adressé le 17 novembre 2011 par maître [R] [V], huissier de justice à Lille dans lequel ce dernier déclare : 'Par la présente, je vous indique avoir été requis par la société PNEUS FRANCE NORD, le 5 Janvier 2011 à l'effet de procéder à un état des lieux de sortie des locaux sis à : [Adresse 3] et d'effectuer la remise des clefs officielle au propriétaire.

Le RDV étant fixé au 7 Janvier 2011 à 15h30.

A cette date, je me suis présenté et j'ai rencontré Monsieur [N] [Q] avec lequel j'ai procédé, au constat des lieux.

A l'(issu) de celui-ci il m'a remis : deux jeux de clefs comprenant au total huit clefs plates et deux clefs de cellule à gorge dont une servant à l'ouverture de la porte du local électrique permettant l'accès aux compteurs, en me chargeant de les remettre au bailleur.

Le Mardi 11.0l, les services de l'étude (on) contacté les services de l'entrepôt de THUMERIES afin de leur indiquer que nous étions en possession des clefs des locaux et qu'elles étaient donc à leur disposition.

Le lundi 17.01, le représentant du bailleur nous a indiqué qu'il n'avait pas été prévenu de l'état des lieux de sortie et qu'il refusait la restitution des clefs.

En conséquence de quoi j'ai immédiatement prévenu, la société PNEUS FRANCE NORD (a) l'effet de venir rechercher les clefs que l'on m'avait remises.

C'est donc le 26.01 que Monsieur [Q] [N] est venu retirer les clefs qu'il m'avait (remise) le 07 Janvier 2011 contre reçu signé de sa main.

Il est évident qu'en aucune façon, je n'ai invité la société PNEUS FRANCE NORD à me remettre les clefs et que si j'ai accepté la restitution de celles-ci c'est uniquement en pensant qu'un accord avait été conclu entre les parties pour se faire.',

- un courrier adressé le 19 janvier 2011 à la société Allopneus par maître [R] [V], huissier de justice à Lille dans lequel ce dernier indique : 'Monsieur,

La présente pour vous informer des démarches effectuées dans cette affaire.

Le 05 Janvier 2011 :

' Appel de la Société PNEUS France NORD à la SCP [V] [V] Huissiers de Justice afin d'obtenir un rendez-vous pour dresser Procès Verbal de Constat d'Etat des lieux de Sortie des locaux, jusqu'alors occupés, sis [Adresse 3].

' Envoi d'un 'ordre de mission' par mail de la part de la Société PNEUS France Nord, par lequel elle précise nous solliciter pour : 'constater que la Société PNEUS France NORD a bien quitté et nettoyé les locaux de l'entrepôt de Thumerie, sis [Adresse 3]' et 'Effectuer la remise des clés officielle au propriétaire',

Rendez-vous fixé au 07 Janvier 2011 à 15h30 pour dresser Procès Verbal de Constat d'Etat des Lieux de Sortie.

Le 07 Janvier 2011 : Procès Verbal de Constat d'Etat des Lieux de Sortie effectué par Maître [R] [V] avec reprise des clefs comme demandé par la Société requérante.

Le Mardi 11 Janvier 2011 :

' Appel de la collaboratrice de Maître [V] auprès de la Société des Entrepôts de Thumeries Bailleur, afin de l'informer que l'Etat des lieux de sortie de la Société PNEUS France NORD a été dressé le 07 Janvier dernier par Maître [V], que les clefs sont à disposition à l'(acceuil) au sein de la SCP [V] [V].

L'interlocutrice ne se présente pas mais dit laisser le message au Responsable qui la recontactera au plus vite.

Le Mercredi 12 Janvier 2011 :

' La collaboratrice de Maître [V], n'ayant pas eu de nouvelle de la Société des Entrepôts de Thumeries, envoie un mail à laude.emmanuel@9business.fr afin de lui rappeler les termes de la conversation téléphonique de la veille, le remerciant de contacter l'Etude pour prévoir le retrait des clefs.

Le Lundi 17 Janvier 2011 :

' La collaboratrice de Maître [V] appelle le XXXXXXXXXX (attribué à Michel [D]). L'homme ne se présente pas et, à l'écoute des explications de la collaboratrice de Maître [V], il indique : 'j'entends bien ce que vous dites, le minimum est de prévenir le Bailleur afin qu'il puisse venir au rendez-vous fixé pour l'état des lieux, n'étant pas prévenu, je considère que les locataires sont toujours dans les lieux et les clefs vous pouvez les garder'.

Vous en souhaitant bonne réception',

- un courrier qui lui a été adressé le 21 janvier 2012 par maître [R] [V], huissier de justice à Lille dans lequel ce dernier mentionne : 'Madame, Monsieur

Pour revenir sur cette affaire et notamment l'entretien téléphonique échangé avec

Mr [U] de la Sté PNEU S FRANCE NORD suite à la sommation interpellative qui lui avait été signifiée par mon confrère, je peux vous confirmer qu'à réception de cet acte, Mr [U] m'a appelé directement et qu'un rendez-vous avait été considéré comme possible, à l'origine, le 19.12.2011

vers 14 h sur le site de [Établissement 1] sous réserves de votre accord.',

- une attestation à entête de la SCP [V]-[V], huissiers à Lille, signée par maître [R] [V] lequel indique 'Je, soussigné, Me [R] [V], atteste par la présente avoir été sollicité exclusivement par la Sté PNEUS France NORD pour établir un constat à [Adresse 3] le 07.01.2011 à 15h30 suite à la libération des lieux qu'elle occupait jusqu'à cette date à cette adresse.

Je n'ai en aucun cas pu prévenir de ce constat la Sté des Entrepôts de Thumeries car je n'avais pas connaissance de leur existence.

Sur place j'ai rencontré Mr [U] [L] et je n'avais pas été informé au préalable du différend qui opposait bailleur et preneur si ce n'est qu'un congé avait été donné pour 09/2010.

Le 19.12.2011 à 14 h avait été proposé un rendez-vous sur place à cette même adresse auquel PNEUS France NORD avait été convoqué par sommation interpellative délivrée le 13.12.2011 par Me [F] Huissier de Justice à Aix en Provence mais personne ne s'étant présenté pour PNEUS France NORD, c'est la Sté des ENTREPOTS DE THUMERIES qui m'a requis le 27.12.2011 pour établir un PV de constat des dégradations extérieures du site et bâtiments.

Fait pour servir et valoir ce que de droit'.

La société Allopneus produit :

- un procès-verbal de constat d'état des lieux des locaux situés [Adresse 3], établi le 7 janvier 2011 par Maître [R] [V] membre de la SCP [R] [V] et [N] [V], huissiers de justice à Lille, dans lequel est mentionné en page 14 'Me sont rendues à l'instant par Monsieur [N] (qui me demande de les remettre au Bailleur) :

- 2 jeux de clefs comprenant au total huit clefs plates et deux clefs de cellule à gorge dont une servant à l'ouverture de la porte du local électrique permettant l'accès aux compteurs.',

- un courriel adressé par M. [L] [U], son directeur administratif et financier, le 19 décembre 2011 à 18h07 à la SCP [V]-[V] dont l'objet est 'Mise à disposition des clés de l'entrepôt de Thumeries' et mentionnant 'Maître,

Je fais suite à notre conversation téléphonique du 13/12/2011, et à ma discussion de ce jour avec votre assistante [W].

Voici un bref rappel des faits.

Nous avons quitté l'entrepôt de [Établissement 1] dont nous étions locataires le 7/01/2011 avec un procès verbal de constat établi par vos soins à la même date (état des lieux de sortie correspondant rappelé en pièce jointe).

Nous vous avons mandaté aux fins de remettre les clés de l'entrepôt au propriétaire des lieux, la Société des Entrepôts de Thumeries.

Dans un courrier du 19/01/2011 (cf. pièce jointe), vous concluez que :

Le Lundi 17 janvier 2011 :

' La collaboratrice de Maître [V] appelle le XXXXXXXXXX (attribué à Michel [D]).

L'homme ne se présente pas et, à l'écoute des explications de la collaboratrice de Maître [V], il indique :

'j'entends bien ce que vous dîtes, le minimum est de prévenir le Bailleur afin qu'il puisse venir au rendez-vous fixé pour l'état des lieux, n'étant pas prévenu, je considère que les locataires sont toujours dans les lieux et les clefs vous pouvez les garder'.

Le propriétaire refusant les clés, vous nous demandez de venir les récupérer en votre étude, ce que nous faisons.

Plusieurs mois plus tard, le 13/12/2011, nous recevons une sommation interpellative (cf. pièce jointe) délivrée par vos soins nous demandant :

Qu'il vous est donc (demander) de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de permettre au requérant d'user de ce droit de visite le :

Lundi 19 DECEMBRE 2011

Le même jour, je vous appelle pour vous proposer de faire déposer les clés du bâtiment à votre étude ; vous m'indiquez que vous allez contacter le propriétaire pour lui proposer ce modus operandi, et que vous reviendrez vers moi pour m'informer de la décision du propriétaire.

Sans nouvelle, nous prenons contact ce jour avec votre étude et votre assistante [W] nous fait savoir que votre étude refuse d'être dépositaire desdites clés.

Je vous propose alors de dépêcher un salarié à une date et heure à convenir, puisque dans la sommation interpellative aucun horaire n'est indiqué.

J'attends votre réponse sur ce point.

Je renouvelle notre proposition de remettre les clés au propriétaire de l'entrepôt, la Société des Entrepôts de Thumeries.

Je vous remercie de m'informer des suites de ce dossier et de la décision du propriétaire.

[...]'.

Elle justifie de la lecture de ce courriel par son destinataire le 21 décembre 2011 à 9h05 par la production du courriel d'accusé de lecture,

- un courriel envoyé le 5 janvier 2011 à 18h11 par M. [L] [U] à la SCP [V]-[V] 'Chère Madame,

Je fais suite à notre discussion téléphonique de ce soir dans le cadre du dossier en objet.

Nous vous sollicitions pour :

' Constater que notre société PNEUS FRANCE NORD a bien quitté et nettoyé les locaux de l'entrepôt de Thumeries, sis [Adresse 3]

' Effectuer la remise des clés officielle au propriétaire

Voici les éléments de contexte principaux concernant ce dossier :

' PNEUS FRANCE NORD utilise ces locaux en qualité de locataire, le bailleur étant la SOCIETE DES ENTREPOTS DE THUMERIES

' Ces locaux se composent de 3 cellules, qui font l'objet de 3 contrats de bail distincts joints au présent courriel

' Les échéances de ces baux sont fixées au 15/09/2010 et 30/09/2010, et nous sommes 'occupants sans titre' de ces locaux depuis ces dates, notre date de déménagement ayant été décalée

' Pour votre information, une indemnité d'occupation a été proposée au propriétaire, qui l'a refusée, et qui a assigné en justice PNEUS FRANCE NORD pour obtenir le paiement du loyer du 4ème trimestre 2010

Vous trouverez en pièces jointes :

' Extrait KBISde notre société PNEUS FRANCE NORD

' Dernière facture de loyer avec les coordonnées du propriétaire (téléphone mobile du propriétaire : Michel [D] au 06 80 32 73 10)

' Copie des 3 baux commerciaux

Etes vous disponible à cette date, et pouvez vous svp me confirmer que vous avez l'ensemble des informations requises '

Je reste à votre disposition pour toute précision complémentaire (vous pouvez me joindre sur mon mobile au 06 08 54 72 83).

Merci - Bien à vous'.

Il ressort de ces éléments que le bailleur reconnaît que les lieux ont été libérés dès le mois de janvier 2011 puisque dans la sommation interpellative adressée par la société des Entreprises de Thumeries à la société Allopneus le 13 décembre 2011, il est rappelé que 'à ce jour, vous n'occupez plus les lieux depuis début Janvier 2011'.

Par ailleurs, il convient de relever d'une part, que dans la sommation interpellative précitée, aucun horaire n'était proposé pour la visite des locaux le 19 décembre 2011 et d'autre part que la société Allopneus a répondu en indiquant être à disposition du bailleur pour lui faire remettre les clés à l'endroit et à l'heure qui lui conviendraient. Dans un courrier adressé à la société des Entrepôts de Thumeries le 21 janvier 2012, maître [V], huissier de justice lui a rappelé que la société Allopneus, à réception de la sommation interpellative, avait pris contact avec lui pour l'informer qu'un rendez-vous était possible le 19 décembre 2011 vers 14 heures, sur le site de Thumeries, sous réserve de l'accord du bailleur. Il y a donc lieu de constater que la société des Entrepôts de Thumeries n'a pas mis la société Allopneus en mesure de se présenter le 19 décembre 2011 puisqu'alors qu'aucun horaire ne figurait sur la sommation interpellative, elle ne justifie pas lui en avoir fait parvenir un. Ainsi, la société des Entrepôts de Thumeries ne peut pas reprocher à la société Allopneus de ne pas s'être rendue sur le site le 19 décembre 2011, en l'absence d'horaire fixé, étant précisé qu'elle ne démontre pas s'être elle-même déplacée sur les lieux ce jour-là.

Enfin, si les pièces permettent d'établir que seule la société Allopneus avait mandaté maître [V], huissier de justice, aux fins de dresser le procès-verbal de constat du 7 janvier 2011, le courrier transmis par ce dernier à la société des Entrepôts de Thumeries le 21 janvier 2012 et la sommation interpellative adressée sur papier à entête de la SCP [V]-[V] le 13 décembre 2011 démontrent qu'à compter du mois de décembre 2011, la SCP [V]-[V] a été mandatée par la société des Entrepôts de Thumeries pour échanger avec la société Allopneus. Dans ce cadre et dans la poursuite des échanges consécutifs à la sommation interpellative, la société Allopneus justifie avoir contacté la SCP [V]-[V] le 19 décembre 2011 en fin de journée.

Ainsi, il est établi que le preneur a fait connaître à la société des Entrepôts de Thumeries son accord pour se rendre à un rendez-vous dont elle avait fixé la date, lui précisant, dans la sommation interpellative, souhaiter lui remettre les clés, que la société Allopneus a réitéré à plusieurs reprises, auprès de l'huissier mandaté par le bailleur, sa volonté de connaître l'horaire fixé pour le rendez-vous du 19 décembre 2011 ainsi que son souhait de remettre les clés, qu'en l'absence de réponse quant à l'horaire fixé pour la rencontre, elle a de nouveau fait savoir à l'huissier qu'elle renouvelait sa proposition de remettre les clés au propriétaire de l'entrepôt en dépêchant un salarié à une date et un horaire à convenir, qu'elle a précisé attendre un retour sur cette proposition. Dès lors, en ne faisant pas parvenir de réponse à la société Allopneus, la société des Entrepôts de Thumeries s'est opposée à la remise des clés par cette dernière.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de fixer au 19 décembre 2011 la date de la restitution des locaux loués par la société Allopneus. Ainsi, cette dernière doit une indemnité d'occupation à la société des Entrepôts de Thumeries du 16 septembre 2010 au 19 décembre 2011 pour les locaux objets du bail dérogatoire (bâtiments 1 et 2) et du 1er octobre 2010 au 19 décembre 2011 pour les locaux objets du contrat de bail commercial (bâtiment 3).

En considération des factures versées par la société des Entrepôts de Thumeries, cette indemnité d'occupation sera fixée au montant du loyer contractuellement dû, soit :

- pour le bâtiment 3 :

39 950,97 (4ème trimestre 2010) + 39 950,97 (1er trimestre 2011) + 39 950,97 (2ème trimestre 2011)

+ 39 950,97 (3ème trimestre 2011) + (40 844,05 / 92 x 80) (4ème trimestre 2011 jusqu'au 19 décembre 2011) = 194 920,45 euros

- pour les bâtiments 1 et 2 :

[(1 711,48 + 19 643,33) x3] (octobre à décembre 2010) + [(1 711,48 + 19 856,78) x 11] (janvier à novembre 2011) + [(1 711,48 + 19 856,78) / 31 x 19] (19 jours de décembre 2011) = 314 534,55 euros.

La société Allopneus sera condamnée à payer à la société des Entrepôts de Thumeries les sommes de 194 920,45 euros et de 314 534,55 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, ainsi que sollicité par l'appelant, au titre des indemnités d'occupation.

Sur les demandes en paiement des taxes foncières :

La société des entrepôts de Thumeries soutient que :

- la résiliation des baux originels a pour conséquence de rendre recevables les demandes d'indemnités d'occupation des lieux, la société Allopneus s'est maintenue tant dans les lieux objet du bail commercial que dans les lieux objets du bail dérogatoire, elle en doit, outre l'indemnité d'occupation et les charges, les taxes foncières relatives aux immeubles occupés.

Il résulte des factures versées par la société des Entrepôts de Thumeries (pièces 22 à 43) que chaque échéance comptait un acompte au titre des taxes foncières pour l'année 2011. Ainsi, la somme ci-dessus retenue au titre des indemnités d'occupation comprend des acomptes pour un montant total de 48 091,96 euros HT. Il résulte de la facture en pièce 44 que la taxe foncière pour l'année 2011 s'est élevée à la somme de

59 308,28 euros HT.

Dans la mesure où la cour a retenu une date de restitution des lieux au 19 décembre 2011, il convient d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de condamner la société Allopneus à payer à la société des Entrepôts de Thumeries une somme de

13 414,72 euros (59 308,28 - 48 091,96 x 19,60% TVA) au titre des charges foncières pour l'année 2011. La société des Entrepôts de Thumeries sera déboutée du surplus de sa demande au titre des taxes foncières.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre des dommages affectant les

lieux :

La société des Entrepôts de Thumeries soutient que :

- du fait de l'absence de libération des lieux, la société Allopneus est dans l'obligation de réparer les dégradations survenues sur les immeubles litigieux.

La société Allopneus fait valoir :

- les locaux pris à bail étaient dans un état dégradé dès l'origine, elle a été contrainte d'effectuer des travaux dès son entrée dans les lieux, le procès-verbal de constat d'état des lieux qu'elle a fait réaliser le 7 janvier 2011 atteste que les locaux ont été restitués dans un bon état d'usage, si des actes de vandalisme ou autres intrusions malveillantes se sont déroulés après son départ, il ne tenait qu'à la société des Entrepôts de Thumeries de le déclarer à son assureur.

Selon l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

En l'espèce, la société Allopneus produit un constat d'huissier établi le 7 janvier 2011 dont il ressort que les locaux connaissaient un certain nombre de dégradations :

- entrepôt 1 : châssis vitrés très abîmés dont la base est doublée de plaques de bardage, points lumineux dont certains ne fonctionnent pas, état des RIA (un mât supportant un RIA est tordu, une réfection de fortune a été effectuée sur un autre,

- entrepôt 2 : rideau métallique roulant à actionnement électrique qui n'est pas en été de fonctionnement, tuyau d'arrivée du RIA du fond cassé, quelques parpaings de brique troués situés au droit du n°23 séparant le volume 2 du volume 3,

- entrepôt 3 : embrasure de la porte abîmée, cloison d'une cellule de bureau abîmée, deux ponts suspendus coulissants hors de fonctionnement, jours importants au niveau de la toiture, canalisations concernant le système de RIA dont le coude de base a été ôté, en pignon présence de neuf ponts dont trois sont hors de fonctionnement, concernant les portes sectionnelles d'accès aux ponts extérieurs, la troisième porte présente une joue gauche d'embrasure abîmée et colmatée par la fixation d'une plaque métallique de couleur jaune tandis que la sixième porte est déformée et le muret, en sa joue gauche d'embrasure est abîmée, la porte ne s'ouvre plus, la huitième porte présente un panneau inférieur légèrement tordu mais est en bon état de fonctionnement, la porte de l'extrémité gauche présente un montant droit d'embrasure à la maçonnerie abîmée en base, sur la gauche de l'ancien accès comblé en parpaings il existe une porte en bois ancienne dépourvue de quincaillerie, elle reste en position fermée, deux parpaings troués au milieu de la rangée AG4.

La société Allopneus communique également des factures de travaux ou d'entretien qu'elle a fait réaliser entre 2007 et 2009. En revanche, le dossier de commercialisation qui lui avait été remis avant son arrivée (pièce 13) ne permet pas d'établir que les dégradations constatées par l'huissier étaient préexistantes à l'entrée dans les lieux du preneur.

La société des Entrepôts de Thumeries verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi par la SCP [V]-[V] le 27 décembre 2011, soit dans un délai proche de la restitution des locaux, qui a relevé les dégradations suivantes :

- au bout de la rue de l'entrepôt sur la droite de l'entrée principale il existe un dormant présentant quatre parties vitrées dépolies armées dont deux présentent des traces d'impacts et ont été brisées, la partie basse du dormant est couverte d'une plaque de bardage métallique, à l'angle de la façade avant et de la joue droite de l'avancée du bâtiment la descente d'eaux fluviales en zinc laisse apparaître environ 4 mètres à l'air libre, trois éléments vitrés présentent des bardages métalliques en partie basse, l'un ne présente aucune partie vitrée, deux ne présentent qu'un seul carreau non cassé sur les six espaces d'origine vitrés,

- une cellule préfabriquée Portakabin présente un aspect complètement sinistré,

- dans l'accès principal avant bâtiment un boîtier électrique est détérioré,

- sur la gauche de l'entrée se trouve un quai de déchargement détérioré,

- sur la façade avant se trouve un édicule renfermant un transformateur électrique, au-dessus de la porte le bandeau en pavés de verre présente un aspect abîmé et de nombreux carreaux sont éclatés, les spots en partie haute de la façade avant des bâtiments sont endommagés ou ne présentent plus de plaques de verre,

- en façade arrière, une porte sectionnelle présente une sous porte d'accès dont le bardage a été arraché, l'ensemble est abîmé,

- en remontant la façade arrière, plusieurs éléments de clôture ont disparu laissant l'accès libre au terrain et au bâtiment sur 15 mètres environ,

- la présence de caisses en bois non récupérées par le preneur,

- à l'entrée principale du site, le portail normalement à commande électrique automatisée est à moitié ouvert laissant libre accès à l'intégralité du terrain ainsi qu'aux quais de chargement et aux bâtiments en général.

La société des Entrepôts de Thumeries communique également un procès-verbal de constat établi le 27 février 2012 par la SCP [V]-[V], huissiers de justice à Lille sur le site des entrepôts du bailleur à [Adresse 3]. Toutefois, en considération du délai écoulé entre la date de libération des lieux fixée au 19 décembre 2011 et ce constat, celui-ci ne peut être considéré comme probant pour établir l'existence de dégradations imputables au preneur.

La société des Entrepôts de Thumeries produit encore un 'devis descriptif estimatif' établi le 30 avril 2012 par la société Cathelain située à [Adresse 4]) mentionnant un coût de 672 588,10 euros pour la réalisation de 'travaux divers'. L'ensemble des travaux mentionnés dans ce devis ne sont pas justifiés par les dégradations constatées dans les procès-verbaux des 7 janvier et 27 décembre 2011. Ainsi notamment, le devis comporte la 'dépose des organes électriques encore présents' et la 'pose d'un nouveau TD, d'un éclairage général, raccordement des utilités et mise en place de prises de service' pour chacun des trois bâtiments. Or, si dans les procès-verbaux établis le 7 janvier et le 27 décembre 2011, il a été mentionné que certaines ampoules ne fonctionnaient pas ou qu'un boîtier électrique était détérioré, ces procès-verbaux n'établissent pas que les matériels électriques sont dans un état tel que leur remplacement total serait nécessaire.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il est établi que le défaut d'entretien des locaux pendant l'occupation des lieux puis entre le départ de la société Allopneus le 7 janvier 2011 et la restitution des lieux le 19 décembre 2011 a entraîné des dégradations des biens loués et a engendré un préjudice pour la société des Entrepôts de Thumeries. Sans qu'une expertise soit nécessaire, la cour dispose de suffisamment d'éléments pour fixer le montant des dommages et intérêts à allouer à la société des Entrepôts de Thumeries en réparation de son préjudice du fait des dégradations des locaux à la somme de 85 000 euros.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise mais infirmé quant au montant des dommages et intérêts retenu.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

La société des Entrepôts de Thumeries soutient avoir subi un préjudice lié au désagrément induit par la nécessité d'ester en justice.

La société Allopneus fait valoir qu'elle a subi des actions particulièrement dilatoires, voire abusives et que cet abus de droit résulte de la mauvaise foi de la société des Entrepôts de Thumeries et de sa volonté de multiplier les procédures.

Sur la demande présentée par la société des Entrepôts de Thumeries au titre de la résistance abusive :

Selon l'article1382 ancien du code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

En l'espèce, la société des Entrepôts de Thumeries ne justifie pas de son préjudice qu'elle ne caractérise pas. En outre, la seule circonstance qu'elle a dû saisir la justice ne caractérise pas une résistance abusive alors qu'il a été fait droit aux demandes de la société Allopneus pour partie.

Par conséquent, la société des Entrepôts de Thumeries sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la demande présentée par la société Allopneus au titre de la procédure abusive :

Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par la juridiction.

En l'espèce, l'appréciation pour partie inexacte de ses droits par la société des Entrepôts de Thumeries n'a pas dégénéré en abus, étant précisé que ses demandes ont été d'ailleurs partiellement accueillies. Il y a lieu de débouter la société Allopneus de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles.

La société Allopneus, partie perdante à titre principal sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.

La société Allopneus sera condamnée à payer à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tandis qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Allopneus, anciennement dénommée la société Pneus France Nord, à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 47 378,40 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 17 janvier 2011 pour le bâtiment 3, avec intérêts au taux légal à compter du

6 février 2013,

- condamné la société Allopneus, anciennement dénommée la société Pneus France Nord, à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 75 892, 18 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 17 janvier 2011 pour les bâtiments 1 et 2, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2013,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande relative au paiement de la taxe foncière 2011,

- dit que la société Allopneus est redevable vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries d'une somme de 65 000 euros au titre des travaux de remise en état,

- dit que la société Allopneus, est créancière vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries d'une somme de 65 000 euros au titre du dépôt de garantie,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Allopneus à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 194 920,45 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 19 décembre 2011 pour le bâtiment 3, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Allopneus à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 314 534,55 euros à titre d'indemnité d'occupation due sur la période comprise entre le 16 septembre 2010 et le 19 décembre 2011 pour les bâtiments 1 et 2, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Allopneus à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 13 414,72 euros au titre de la régularisation du paiement de la taxe foncière 2011 ;

Condamne la société Allopneus à verser à la société des Entrepôts de Thumeries la somme de 85 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les dégradations affectant les lieux loués ;

Déboute la société des Entrepôts de Thumeries du surplus de ses demandes au titre des taxes foncières ;

Rappelle que dans son arrêt du 16 avril 2015, la cour a dit que la société Allopneus, anciennement dénommée Pneus France Nord, est créancière vis à vis de la société des Entrepôts de Thumeries de la somme de 65 000 euros au titre du dépôt de garantie ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute la société des Entrepôts de Thumeries de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Déboute la société Allopneus de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Allopneus à payer à la société des Entrepôts de Thumeries une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Allopneus de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Allopneus aux dépens en cause d'appel.

Le greffierLa présidente

Stéphanie HurtrelVéronique Renard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 17/00855
Date de la décision : 28/05/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°17/00855 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-28;17.00855 ?
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