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27/02/2020 | FRANCE | N°18/03733

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 27 février 2020, 18/03733


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 27/02/2020





****



N° de MINUTE : 20/

N° RG 18/03733 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RVHU



Décision (N° 2015J1725) rendu le 05 février 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque



APPELANTES



SAS Zegers-TPS-SCMB

ayant son siège social [Adresse 3]



SA MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet

ayant son siège social [

Adresse 1]

[Localité 4]



Société Civile MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la Société Covea Fleet

ayant son siège social [Adresse 1]



représentées et assistées par Me Thomas Mol...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/02/2020

****

N° de MINUTE : 20/

N° RG 18/03733 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RVHU

Décision (N° 2015J1725) rendu le 05 février 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTES

SAS Zegers-TPS-SCMB

ayant son siège social [Adresse 3]

SA MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

Société Civile MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la Société Covea Fleet

ayant son siège social [Adresse 1]

représentées et assistées par Me Thomas Molins, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

SA Helvetia Assurances pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

SAS Transports Delcroix de Douai prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

représentées et assistées par Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 19 novembre 2019 tenue par Laurent Bedouet magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 février 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 30 janvier 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 novembre 2019

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Transports Delcroix de Douai (Transports Delcroix), s'est vu confier par la société Distridyn, la prise en charge et l'acheminement de carburants à destination du supermarché Cora de Coudekerque Branche.

La société Transports Delcroix a, pour se faire, affrêté la société Zegers-TPS-SCMB (Zegers), qui a pris en charge le carburant.

Une lettre de voiture a été établie le 9 septembre 2014 pour les quantités suivantes :

-gazole : 30 000 litres,

-essence sans plomb 95 : 4000 litres,

-essence sans plomb 98 : 2000 litres.

Le chauffeur des transports Zegers a livré les carburants chez Cora le 9 septembre 2014.

Le lendemain, Cora a fait savoir à la société Distridyn et à la société Transports Delcroix qu'une erreur avait provoqué un mélange de carburant dans ses cuves.

Une expertise contradictoire a été diligentée.

Il a été finalement procédé au repompage de l'ensemble du stockage qui a été détruit à Foos sur mer, après récupération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

La société Helvetia Assurances SA a versé en sa qualité d'assureur de la société Delcroix, une somme de 23 517,20 euros via son courtier Assurances Coste Fermon.

Par actes d'huissier du 9 septembre 2015, la société Transports Delcroix Douai, et la SA Helvetia Assurances ont assigné la société Zegers et la société Covea Fleet, assureur de cette dernière, devant le tribunal de commerce de Dunkerque, aux fins d'obtenir le remboursement des sommes payées à la société Helvetia, outre 1922,40 euros à titre de frais d'expertise et 800,00 euros au titre de la franchise restée à charge de l'assurée.

Par jugement contradictoire du 5 février 2018, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

- rejeté comme mal fondées toutes les fins de non-recevoir présentées par les défenderesses;

- condamné solidairement entre elles, la société ZEGERS-TPS-SCMB et la société COVEA FLEET à payer les sommes de Vingt Trois Mille Cinq Cent Dix Sept Euros Vingt Centimes (23.517,20 euros) et Mille Neuf Cent Vingt Deux Euros Quarante Centimes (1.922,40 euros) à la société HELVETIA ASSURANCES, celle de Huit Cents (800 euros) à la société TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI, toutes majorées des intérêts se capitalisant par année au taux légal à compter de l'assignation du 06 septembre 2015, et celle de Deux Mille Cinq Cents Euros (2500 euros) conjointement aux deux demanderesses,

- Vu la nature et l'ancienneté du litige, prononcé l'exécution provisoire du jugement;

- condamné solidairement entre elles la société ZEGERS-TPS-SCMB et la société COVEA FLEET aux dépens, dont frais de greffe-liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 112,32 euros TTC (= tarifs n°114, n°115 x2, n°118, n°116 x3).

Par déclaration du 28 juin 2018, la SAS Zegers-TPS-SCMB et la SA MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2019, la SAS Zegers-TPS-SCMB, la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Fleet, et la société MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet, demandent à la cour de :

Vu l'article 31 du code de procédure civile

Vu les articles L.133-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article L.133-3 du code de commerce,

Vu le contrat type pour le transport public routier en citernes,

Vu les articles 1147, 1315 du code civil,

- infirmer la décision en toutes ses dispositions,

Et ce faisant,

A titre principal,

- déclarer les TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI et HELVETIA ASSURANCES SA irrecevables en leurs demandes pour

défaut d'intérêt à agir,

et forclusion de leur action,

- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- débouter TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI et HELVETIA ASSURANCES de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- en cas de préjudice établi, limiter l'éventuelle condamnation à la somme de

12 344,80 euros,

En tout état de cause,

- les condamner solidairement à régler à ZEGERS ' TPS ' SCMB, MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner les mêmes, sous la même solidarité au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas MOLINS, avocat au Barreau de Lille.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2019, la société des Transport Delcroix de Douai et la Compagnie Helvetia Assurances SA demandent à la cour de :

- confirmer en tous points la décision entreprise,

- constater que les compagnies MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ne justifient pas en l'état de leur qualité à agir,

Vu, ensemble, les articles L 133-1 et suivants du Code de Commerce et le contrat type des transports routiers en citerne issu du décret n° 2000-527 du 16 juin 2000 modifié,

- débouter la société ZEGERS TPS SCMB et son ou ses assureurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- dire et juger les sociétés TRANSPORTS DELCROIX DE DOUAI et HELVETIA ASSURANCES SA recevables et bien fondées en leurs demandes,

- confirmer en tous points la décision entreprise,

- condamner à hauteur d'appel tout succombant à l'égard des concluantes au versement d'une somme de 5 000 euros au profit de chacune d'elles, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Helvetia Assurances SA pour défaut d'intérêt à agir

Les appelantes soutiennent que dès lors que la preuve que la société Helvetia a effectivement réglé à son assuré les sommes dont elle réclame le remboursement dans la présente instance n'est pas rapportée, son action est irrecevable.

Les pièces versées aux débats par la société des Transports Delcroix de Douai et la Compagnie Helvetia Assurances SA (pièces 4/1 à 19/2 et 22) établissent toutefois :

-que la société Coste Fermon est bien le courtier investi d'une délégation de gestion de sinistre ayant reçu de la compagnie Helvetia Assurances les fonds nécessaires à l'indemnisation du sinistre qu'elle a reversés à la société Transports Delcroix,

-que les 20 novembre 2014 et 5 juin 2015, la société Coste Fremon Assurances a effectivement émis en faveur de la société des Transports Delcroix deux chèques d'un montant respectif de 15 000,00 et 8 517,20 euros,

-que la société Transports Delcroix a bien reçu la somme de 23 517,20 euros de la société Helvetia (quittance subrogative du 17 juin 2015),

-que la société Distribyn, a perçu de la société des transports Delcroix, à qui elle avait confié le transport d'hydrocarbures, objet du présent litige, la somme de 48 631,06 euros, dont il n'est pas contesté qu'après apurement des comptes et que Distridyn a émis un avoir en sa faveur, (postérieurement à l'additif au rapport initial de M [U], expert), le solde perçu s'élève à 23 517,20 euros outre la franchise de 800,00 euros.

Il est ainsi justifié de ce que la société Transports Delcroix a indemnisé la société Distridyn au titre du préjudice subi lors de la livraison des hydrocarbures et de ce qu'elle a perçu de sa compagnie d'assurance la somme de 23 517,20 euros qui a été versée, via son courtier en assurances, la société Coste Fermon.

Il s'ensuit que la fin de non recevoir tirée d'un prétendu défaut d'intérêt à agir d'Helvetia Assurances doit être rejetée.

Son action est donc recevable de ce chef.

Sur la qualité à agir des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles

Les intimées demandent, dans le corps de leurs écritures, aux compagnies d'assurances sus nommées, appelantes avec la société Zegers, de justifier de leur qualité à agir, et dans le dispositif des dites écritures de 'constater en l'état qu'elle ne justifient pas de leur qualité à agir'.

Cette prétention peut s'analyser comme une fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.

Toutefois le dispositif des écritures des intimées ne demande pas à la cour de dire que l'action des dites compagnies est irrecevable.

La cour n'est donc valablement saisie d'aucune fin de non recevoir de ce chef.

Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Helvetia Assurances SA et de la société des Transports Delcroix pour cause de forclusion

Les parties s'accordent pour considérer que les dispositions de l'article L 133-3 du code de commerce sont susceptibles de recevoir application dans la relation contractuelle affréteur/affrété, parties au présent litige avec leurs compagnies d'assurances respectives.

Ce texte dispose que 'la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si, dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée, sa protestation motivée'.

Les appelantes font observer qu'il n'y a eu aucune réserve sur la lettre de voiture, ni acte extra judiciaire ni expertise judiciaire ni lettre recommandée avec accusé de réception.

Elles contestent que la lettre recommandée en date du 10 septembre 2014, invoquée par la société Delcroix, adressée par cette dernière à la société Zegers, ait pu faire obstacle à la forclusion de l'article précité dès lors que les sociétés des transports Delcroix et Helvetia Assurances ne rapportent pas la preuve de la notification de la lettre de réserve, ce qui s'apparente, selon elles, à une absence de notification -la date d'envoi n'étant pas prouvée- qui a pour conséquence l'irrecevabilité de leurs demandes conformément au texte précité.

La lettre du 10 septembre 2014, versée aux débats, adressée par la société des Transports Delcroix à la société Zegers Transport est ainsi rédigée:

'Pli recommandé n°1A09946266103

Objet : Courrier de mise en cause suite mélange

Monsieur,

Nous avons été informés ce jour par le responsable du magasin CORA COUDEKERQUE d'un mélange de cuve survenu lors de la livraison du 9 septembre 2014 effectuée pour notre compte par l'un de vos conducteurs.

Votre responsabilité est engagée dans ce sinistre.

Nous tenons à vous informer dès à présent que nous vous répercuterons toutes incidences financières découlant de ce litige.

Nous vous invitons à effectuer une déclaration auprès de vos assurances.

Nous ne manquerons pas de revenir vers vous dans les plus brefs délais afin de vous informer des suites données à cette affaire.

Nous vous prions de bien vouloir agréer l'expression de nos cordiales salutations.

(...)'

Il est justifié de l'envoi de ce courrier par recommandé avec accusé de réception mais il n'est pas contesté que l'ancienneté de la lettre ne permet pas de vérifier, sur le site internet de La Poste, de l'effectivité de la réception ou de la présentation de la dite lettre.

Toutefois Mme [H], salariée de la société des Transports Delcroix atteste, le

27 décembre 2018, (pièce 23 et 24) avoir rédigé la dite lettre et l'avoir remise aux services postaux pour expédition le 10 septembre 2014.

Par ailleurs, et ainsi que le font observer les intimées, la société Zegers ne conteste pas avoir reçu dans les délais la dite lettre.

C'est donc de manière inopérante que les appelantes entendent opposer à la société des Transports Delcroix et à la compagnie Helvetia Assurances SA la forclusion visée à l'article précité alors par ailleurs, que contrairement à ce qu'elles soutiennent la protestation émise dans la dite lettre est motivée par l'existence d'un mélange de cuve survenu lors de la livraison du 9 septembre 2014, ce qui répond aux exigences de l'article précité.

Il s'ensuit que l'action des intimées est bien recevable.

Sur le bien fondé de la demande

Les appelantes font valoir que les opérations de dépotage du 9 septembre n'ont donné lieu à aucune réserve sur la lettre de voyage et ajoutent qu'à la date de livraison aucune avarie n'a été constatée, de sorte que le transporteur doit bénéficier de la présomption de livraison conforme.

Elles indiquent que c'est postérieurement à une autre livraison, intervenue le

10 septembre 2014 qu'un mélange de carburants a été constaté de sorte que la preuve de l'imputabilité de la pollution survenue dans les cuves le 9 septembre 2014 est impossible à rapporter.

Elles ajoutent encore que le réceptionnaire n'a émis aucune réserve lorsqu'il a vérifié les branchements des flexibles.

Elles soutiennent que le mélange préexistait aux opérations de déchargement du

9 septembre 2014 dès lors que les cuves R5 et R6 contenant du sans plomb étaient contaminées par du gasoil avant les premières opérations de déchargement du

9 septembre 2014.

Elles font observer que les relevés opérés postérieurement à la livraison sont imprécis et non contradictoires et ajoutent que les cuves de la station essence communiquaient entre elles et que les fiches de suivi de nettoyage des cuves n'ont jamais été communiquées alors que le défaut de nettoyage des cuve provoque des dépôts de carburant.

Elles ajoutent enfin que la société des Transports Delcroix n'a jamais réclamé les échantillons de marchandise avant empotage dans le camion citerne, les relevés de niveau de cuve des 4 semaines précédentes réalisées en station service Cora, le dernier étalonnage du radar de mesure des creux des cuves, le plan avec position des compartiments et cuves, et les réclamations émises par les clients de la station service.

Un rapport d'expertise, versé aux débats, a été effectué par M [U], du cabinet d'expert en assurance Citexpert.com, requis par le cabinet d'assurance Coste Fermon, pour le compte de la société des Transports Delcroix après s'être rendu le 11 septembre 2014 au magasin Cora de Coudekerque et effectué les opérations d'expertise en présence d'un expert intervenant pour le compte des assureurs de Zegers, du responsable des approvisionnements et de l'agent de sécurité de Cora ainsi qu'un représentant de la société des transports Delcroix.

Est également versé aux débats le rapport effectué par l'expert de Covea Fleet, assureur de la société Zegers, à partir des constatations effectuées lors de la réunion d'expertise du 11 septembre 2014 et d'une réunion ultérieure, du 18 septembre 2014, en présence du représentant de la société des Transports Delcroix.

Il résulte du rapport de M [U], établi à partir de la lettre de voiture et des relevés des enregistreurs de volume datés du 9 septembre 2014 et figurant en annexe 5 et 6 de son rapport, que la cuve de Sans plomb 95 (R6) présentait un volume livré de 5609 litres au lieu de 4 000 litres initialement prévus tandis que la cuve de Gasoil (R2) présentait un volume de 27 804 litres au lieu de 30 000 litres soit un déficit de 2196 litres.

Il ajoute, qu'à partir des prises d'échantillons et d'analyses effectuées, par le laboratoire Intertek à la demande de Distridyn, et par la société SGS Redgwood, à la demande de l'expert, il a été noté dans la cuve R5 une pollution de fond de cuve entre 5 et 7%.

Il note, au vu des quantités prévues sur la lettre de voiture, des relevés de stocks (par mesure électronique des creux), des volumes de carburant qui figuraient dans les cuves avant livraison et des volumes de carburant présents dans les cuves du véhicule, que

4 000 litres de sans plomb 95 ont été versés dans la cuve de gasoil et 6 000 litres de gasoil ont été versés dans la cuve de sans plomb.

Il convient d'observer, que les relevés d'enregistreur de volume auxquels il est fait référence, sont ceux du 9 septembre 2014, de sorte que c'est vainement que les appelantes soutiennent que le mélange de carburant a été constaté, postérieurement à une nouvelle livraison de carburants effectuée par la société Zegers le 10 septembre 2014.

L'expert indique encore que la dite livraison du 10 septembre, portant sur 6 000 litres de carburant Sans plomb 95 dans la cuve prévue à cet effet, y a créé du remous, empêché le Gasoil versé la veille de décanter et ainsi permis aux véhicules servis en sans plomb de ne pas tomber en panne.

Aucun élément de l'expertise ne permet d'affirmer, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, que le mélange des carburants préexistait à la livraison du 9 septembre 2014.

L'expert indique par ailleurs dans son rapport, photos à l'appui, que le chauffeur du camion citerne a raccordé ses flexibles sur les installations du destinataire (Cora) qui comportent des 'raccords pompiers' pour le gasoil et 'des raccords à visser' pour le Sans plomb, de sorte qu'il ne pouvait se méprendre sur leurs branchements sur les cuves du destinataire.

Il précise que pour ce qui concerne l'autre extrémité des flexibles, la citerne est équipée de raccords pompiers sur chaque bouche des compartiments, selon les repères mis en place par le chauffeur à l'entrepôt, où ce dernier réalise l'empotage des compartiments de la citerne.

Il fait observer :

- que les chauffeurs ont pour habitude de vider plusieurs compartiments de la citerne en même temps lors des livraisons, afin de gagner du temps,

-que s'agissant de la livraison litigieuse, les opérations de dépotage menées par le chauffeur des Transports Zegers l'ont été de manière extrêmement rapide, en 20 minutes.

La société des Transports Delcroix de Douai déduit de l'ensemble de ses indications que l'erreur commise par la société Zegers provient d'une erreur de branchement des tuyaux, inversés au dépotage sur les raccords de la citerne du camion.

Si l'expert diligenté par cette dernière société indique dans son rapport en page 21, que d'après la déclaration circonstanciée du chauffeur des transports Zegers, aucune anomalie n'a été rencontrée lors du dépotage du lot de carburants, et qu'en l'état l'origine de la pollution ne peut être déterminée avec certitude, la cour constate qu'il n'en demeure pas moins, au vu des pièces du débat et notamment du rapport d'expertise de M [U], non remis en cause sur ce point par l'expert des transports Zegers, qu'il est établi que c'est juste après livraison du 9 septembre 2014, effectuée par la société Zegers, que le mélange des carburants a été constaté.

Il s'ensuit, ainsi que de tout ce qui précède, que la responsabilité de cette dernière est engagée.

Sur la réparation

Dans son rapport, l'expert a noté la nécessité de procéder au repompage de l'ensemble du stockage du carburant livré dès lors que le Gasoil s'est trouvé réparti à tous les niveaux de la cuve.

Il a ainsi été repompé un volume de 33 405 litres.

Il note également qu'il a été convenu que la solution économique la plus judicieuse était la destruction à [Localité 5] du produit mélangé pour récupération de la TICPE.

L'expert a, dans l'additif à son rapport, chiffré ainsi le préjudice :

-5 factures d'essences présentées par la société Distridyn à la société Transports Delcroix pour un montant correspondant à la valeur du carburant perdu : 39 812,88 euros

-frais générés (repompage, transport à [Localité 5] aller et retour) 5 800,00 euros

-à déduire : avoir de Distridyn à la société des transports Delcroix suite à la récupération de la TIPCE

-21 295,68 euros

TOTAL 24 317,20 euros

Les appelantes soutiennent vainement, au vu des conclusions de l'expert (page 5) que la preuve de la pollution du sans plomb 95 n'est pas rapportée.

Elles demandent à la cour de réduire d'un tiers le montant de l'indemnisation compte tenu des stipulations de l'article 23 du contrat-type pour le transport routier en citerne.

Il résulte des stipulations de l'article 23 du dit contrat-type (décret 2000-527), relatif à l'indemnisation pour pertes, avaries, pollution de la marchandise, déclaration de valeur que 'le transporteur est tenu de verser une indemnité pour la réparation de tous les dommages justifiés dont il est légalement tenu pour responsable, résultant de la perte, de l'avarie ou de la pollution de la marchandise, la pollution ne constituant qu'une forme d'avarie.

Cette indemnité ne peut excéder:

-en ce qui concerne la perte ou les dommages affectant la marchandise transportée elle même, la somme de 3 euros par kilo ou son équivalent en litre de marchandises manquantes, avariées ou polluées sans toutefois excéder 55 000 euros par envoi. Le donneur d'ordre a la faculté de faire une déclaration de valeur qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité ci dessus,

-en ce qui concerne tous les autres dommages, pour lesquels le transporteur s'engage à souscrire une police d'assurance de responsabilité auprès d'une compagnie d'assurances notoirement solvable, un montant de 300 000 euros.'

Les appelantes ne démontrent pas en l'espèce en quoi l'application de cette stipulation doit conduire à une réduction du tiers du montant de l'indemnisation, ainsi qu'elles le prétendent.

Il est établi par la quittance subrogative versée aux débats que la société des Transports Delcroix a reçu de la compagnie Helvetia, par l'entremise du courtier d'assurances Coste Fremon, la somme de 23 517,20 euros à titre d'indemnité du chef du sinistre objet du présent litige.

La société des Transports Delcroix de Douai a dû supporter la franchise de 800,00 euros stipulée contractuellement.

Les frais d'expertise dont le montant n'est pas contesté doivent être laissés à la charge des appelantes.

Il convient en conséquence, à ces motifs, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Le sens de l'arrêt conduit la cour à condamner les appelantes à payer solidairement la somme de 2 500,00 euros à chacune des sociétés intimées aux titre des frais irrépétibles d'appel.

Elles seront condamnées pareillement aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement les appelantes à payer à chacune des sociétés intimées, la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure

civile ;

Les condamne pareillement aux dépens d'appel.

Le greffierLe président

V. RoelofsL. Bedouet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 18/03733
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°18/03733 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;18.03733 ?
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