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27/02/2020 | FRANCE | N°17/06224

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 27 février 2020, 17/06224


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 27/02/2020



N° de MINUTE : 20/231

N° RG 17/06224 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RDWY

Jugement (N° 16/02179) rendu le 05 octobre 2017

par le tribunal de grande instance de Douai

APPELANTE



Société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]



Représentée par Me Valérie Biernacki, avocat au barreau de Douai



INTIMÉ



Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 4] - de nationalité française

[Adresse 3]



Représenté par Me Christelle Mathieu, avocat au barreau de Valenciennes

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 27/02/2020

N° de MINUTE : 20/231

N° RG 17/06224 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RDWY

Jugement (N° 16/02179) rendu le 05 octobre 2017

par le tribunal de grande instance de Douai

APPELANTE

Société Banque Populaire du Sud prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie Biernacki, avocat au barreau de Douai

INTIMÉ

Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 4] - de nationalité française

[Adresse 3]

Représenté par Me Christelle Mathieu, avocat au barreau de Valenciennes

DÉBATS à l'audience publique du 18 décembre 2019 tenue par Maria Bimba Amaral magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Betty Moradi

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Hélène Billieres, conseiller

Maria Bimba Amaral, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 février 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Betty Moradi, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 21 novembre 2019

FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte notarié du 4 juin 2012 établi par Maître [W] [Y], notaire associé à [Localité 2], la Banque Populaire du Sud a consenti M. [K] [J] un prêt d'équipement aux fins de financer l'acquisition d'un fonds de commerce de pizza, restaurant, préparation de plats cuisinés à [Localité 1], pour un montant de 87 500 euros remboursable par 84 mensualités, du 29 juin 2012 au 29 mai 2019, d'un montant de 1 226,65 euros, au taux nominal de 4 %.

Le prêt a été consenti avec les garanties suivantes :

-une assurance décès perte totale irréversible d'autonomie incapacité de travail sur la tête de l'emprunteur ;

-la caution personnelle et solidaire prise par acte séparé par le prêteur de M. [W] [J], pour le montant du prêt augmenté de tous les intérêts, commissions, frais et accessoires évaluées forfaitairement à 30 % du prêt ;

-l'autofinancement de 14 500 euros sur les deniers personnels de l'emprunteur, le déblocage des fonds étant subordonné à la justification préalable de cet autofinancement ;

-le conditionnement du déblocage des fonds aux remboursements préalables des prêts souscrits au Crédit Agricole ;

-le nantissement du fonds de commerce à hauteur de 50 % du montant du prêt.

Par acte du 26 mai 2012 signé à [Localité 3], M. [W] [J], s'est porté caution personnelle et solidaire auprès de la Banque Populaire du Sud du prêt consenti à M. [K] [J] à hauteur de 113 750 euros de toutes sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires comprenant l'indemnité de remboursement anticipé et pour une durée de 108 mois.

Le 23 juillet 2014, M. [K] [J] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire.

Par courrier recommandé du 25 août 2014, la Banque Populaire du Sud a déclaré ses créances dont la somme de 82 308, 22 euros au titre du prêt. Le greffe du tribunal de commerce de Perpignan lui a notifié la recevabilité de la déclaration de créance.

Par courrier recommandé du 25 août 2014 avec avis de réception signé le 30 du même mois, la Banque Populaire du Sud a avisé M. [W] [J] de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de M. [K] [J] et de ce qu'elle pourrait être amenée à le solliciter en qualité de caution.

Le 14 janvier 2015, la procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire.

Le 27 juillet 2016, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Par courrier recommandé du 28 juillet 2016 avec avis de réception signé le 2 août 2016, la Banque Populaire du Sud a mis en demeure M. [W] [J] de régler, en qualité de caution et compte tenu de la liquidation judiciaire, la somme de 78 664,17 euros dès réception du courrier et lui a notifié la déchéance du terme du prêt.

Par courrier des 9 septembre et 26 septembre 2016, M. [W] [J] a sollicité de la Banque Populaire du Sud la copie de l'acte de prêt et de l'acte de cautionnement qui aurait été adressée par courrier simple du 3 octobre 2016.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2016, la Banque Populaire du Sud a assigné en paiement M. [W] [J] devant le tribunal de grande instance de Douai.

Par jugement contradictoire du 5 octobre 2017, cette juridiction a :

-dit que l'engagement de caution de M. [W] [J] auprès de la Banque Populaire du Sud était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

- dit que son patrimoine au moment où il est appelé en qualité de caution ne lui permettait pas de faire face à son obligation ;

- dit que la Banque Populaire du Sud ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. [W] [J] ;

- débouté la Banque Populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la Banque Populaire du Sud aux dépens dont distraction au bénéfice de Maître Mathieu conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la Banque Populaire du Sud à payer à M. [W] [J] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 23 octobre 2017, la Banque Populaire du Sud a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :

- dit que l'engagement de caution de M. [W] [J] auprès de la Banque Populaire du Sud était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;

- dit que son patrimoine au moment où il était appelé en qualité de caution ne lui permet pas de faire face à son obligation ;

- dit que la Banque Populaire du Sud ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. [W] [J] ;

- débouté la Banque Populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la Banque Populaire du Sud aux dépens dont distraction au bénéfice de Maître Mathieu conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la Banque Populaire du Sud à payer à M. [W] [J] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 20 novembre 2019, la Banque Populaire du Sud demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, au visa de l'article 1134 du code civil, de :

- constater l'absence de disproportion entre l'engagement de caution de M. [W] [J] et ses biens et revenus tant au moment de la souscription du cautionnement qu'au moment où la caution a été appelée ;

- en toute hypothèse, constater qu'il ne peut y avoir lieu à nullité du cautionnement, ni inopposabilité de ce dernier ;

- dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

- débouter M. [W] [J] de toutes ses demandes ;

- condamner M. [W] [J] [W] à lui payer les sommes de :

.79 153,01 euros outre les intérêts contractuels de 4 % du 5 octobre 2016, date du dernier décompte jusqu'à parfait règlement dans la limite de son cautionnement soit 113 750 euros ;

.2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure

civile ;

outre les dépens de première instance et d'appel.

Elle expose que l'acte notarié prévoyait que le prêt était accordé sous réserve de la signature d'un acte de cautionnement sous seing privé ; M. [W] [J] ne conteste pas avoir signé l'acte de cautionnement ni sa signature ; dans cet acte, il reprend de manière manuscrite son engagement ; avant la signature de l'acte de cautionnement, le 9 avril 2012, M. [W] [J] a rempli la fiche de renseignements patrimoniaux ; l'acte de cautionnement a été régularisé après réception de ce document dès lors que les éléments mentionnés permettaient à M. [W] [J] de cautionner son fils ; M. [W] [J] a été reçu à l'agence de la Banque Populaire de Somain pour signature de l'acte ; au surplus, le contrat de cautionnement est un contrat d'adhésion que M. [W] [J] a complété de manière manuscrite par les mentions imposées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 devenu L. 331-1 du code de la consommation et sur lequel il a apposé sa signature marquant ainsi son acceptation de l'obligation souscrite.

Elle fait valoir que retenant un disponible de 1 757,39 euros, le premier juge a déterminé un taux d'endettement de 41,51 % ; or, dans les charges mensuelles au titre des prêts il est retenu une somme de 10 940 euros ou 911,66 euros mensuelle qui incluait le prêt immobilier, ce dernier ne se rajoutant pas comme indiqué par erreur le premier juge, de telle sorte que le disponible est 25 116 euros et le taux d'endettement de 30,30 % ; par ailleurs, le premier juge a omis d'ajouter aux revenus mensuels le capital dont pouvait disposer M. [W] [J] au moment de la souscription du contrat ; en effet, il déclare la propriété d'un immeuble, qui est valorisé au moment de la signature de l'acte en 2012 à la somme de 120 000 à 125 000 euros avec un capital restant dû au titre du prêt de 23 393 euros soit une surface nette de 100 000 euros ; l'acte de cautionnement n'est donc pas disproportionné ; M. [W] [J] ne peut pas se prévaloir aujourd'hui de charges différentes, qui seraient contraires à la déclaration sur l'honneur qu'il a lui-même effectuée.

Elle souligne qu'au jour de l'assignation, si M. [W] [J] ne travaille plus, il déclare un revenu de l'ordre de 2 800 euros net ce qui correspond à la somme déclarée au moment de l'acte de cautionnement ; il a toujours la propriété de l'immeuble avec une valeur nette désormais supérieure puisque l'emprunt se terminait en juin 2019 ; il est d'ailleurs inopérant que cet immeuble soit grevé d'une hypothèque d'un montant de 50 000 euros en principal puisqu'il ne reste dû en décembre 2017 qu'un capital de l'ordre de 6 000 euros ; quant aux charges de M. [J], il est fait état d'un prêt d'un montant de 7 622,45 euros remboursable par mensualités de 55,93 euros et d'un prêt avec une mensualité de 572,20 euros soit un total de charges de 628,13 euros, outre l'emprunt immobilier ; les charges sont identiques mais le capital immobilier disponible est d'une valeur supérieure eu égard au capital remboursé.

Elle fait valoir que le premier juge, qui n'était saisi que d'une demande de nullité du cautionnement ne pouvait considérer qu'elle ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. [J], la disproportion n'étant sanctionnée que par l'octroi de dommages-intérêts.

Elle explique être en droit de réclamer le solde des sommes restant dues au titre de l'emprunt selon décompte au 4 octobre 2016, faute d'irrecouvrabilité attestée par le liquidateur judiciaire.

Elle soutient que M. [W] [J] a été informé annuellement par courriers des 7 février 2013 et 28 février 2014, le redressement judiciaire prononcé le 23 juillet 2014 mettant fin à l'information annuelle.

Elle souligne que M. [W] [J] a été avisé de la défaillance de son fils par courrier du 25 août 2014, l'avisant de la procédure de redressement judiciaire qui doit être considérée comme le premier incident de paiement.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 24 janvier 2018, M. [W] [J] demande à la cour, au visa des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation, 1134 et 1147 du code civil, de :

- à titre principal : confirmer le jugement déféré et en conséquence, débouter la Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire :

.dire mal fondées les demandes de la Banque Populaire du Sud et la débouter ;

.prononcer la déchéance du droit aux intérêts et du droit aux indemnités contractuelles ;

- en toutes hypothèses : condamner la Banque Populaire du Sud :

.à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

.aux frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Mathieu, membre de la SCP Minet Mathieu.

Il rappelle qu'en application de l'article L. 332-1 du code de la consommation, lorsque le cautionnement est souscrit par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, il n'est valable que si, lors de la conclusion, il n'est pas disproportionné par rapport aux patrimoine et ressource de la caution ; dans le cas contraire, la caution est libérée sauf si elle est en mesure de faire face à son obligation lors de la poursuite par le créancier, la charge de la preuve incombant dans ce cas au créancier ; l'appréciation de la disproportion relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et doit se faire sans prise en compte des autres garanties ; il doit être tenu compte de l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture de ce cautionnement ; la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution ; l'exigence légale de respect du principe de proportion n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, de sorte que la caution est donc déchargée et le juge ne dispose pas de pouvoir d'appréciation ; la sanction de la disproportion réside dans 1'impossibilité pour la banque de se prévaloir du cautionnement.

Il fait valoir qu'il ne s'est jamais rendu dans une agence de la Banque Populaire du Sud, ayant reçu par voie postale l'acte de cautionnement à remplir et à renvoyer à la banque, sans qu'aucun courrier ne soit joint ; il n'a pas bénéficié davantage d'un entretien téléphonique avec un conseiller de la banque, lequel aurait pu l'interroger sur sa capacité à sengager en qualité de caution en fonction de ses ressources et aurait pu également l'inciter à souscrire une assurance en cas d'incapacité ou de décès tout comme l'emprunteur ; en s'abstenant de le recevoir et de se renseigner sur sa situation financière et sa capacité à engager son patrimoine et ses revenus, le prêteur a manifestement failli à son obligation de mise en garde.

Il rappelle qu'à l'époque de son engagement, il était ouvrier qualifié pour le compte de la société Heineken, veuf depuis le 7 août 2002 et ne s'était jamais engagé en qualité de caution d'un crédit bancaire.

Il soutient que son engagement en qualité de caution était manifestement disproportionné eu égard à sa situation ; ses revenus étaient de 2 742,75 euros en moyenne selon son avis d'imposition sur le revenu 2011 et ses charges fixes d'un total de 1 299,66 euros hors charges courantes qui peuvent être évaluées à 300 euros par mois pour une personne seule ; son revenu résiduel était donc, à la signature de l'engagement de caution de 1 124,34 euros soit un taux d' endettement de plus de 40 %.

Il explique qu'à ce jour, il a été licencié pour inaptitude à son poste de travail à la suite d'un accident de travail ; il perçoit des allocations chômage pour un montant mensuel de 1 855,50 euros nets et ses charges s'élèvent à un total de 1 463,24 euros hors charges courantes ; en tenant compte des charges courantes de l'ordre de 300 euros par mois pour une personne seule, son revenu résiduel est de 1068 euros ; il vit seul depuis le décès de son épouse.

Il souligne que les sommes réclamées ne font pas état du nantissement ; en qualité de créancier privilégié, la banque a nécessairement bénéficié des produits de la liquidation judiciaire et de la vente du matériel et autres du fonds de commerce exploité.

Il soutient qu'il n'a jamais reçu de lettre d'information annuelle conformément l'article L. 341-6 du code de la consommation ; les lettres des 27 février 2013 et 28 février 2014 ne lui ont jamais été envoyées ; la Banque Populaire du Sud ne l'a jamais informé d'un quelconque incident de paiement du débiteur principal par application des dispositions de l'article L. 341-1 du même code.

MOTIFS

Sur le caractère disproportionné ou non du cautionnement

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation devenu L. 332-1 et L. 343-4, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement.

La proportionnalité de l'engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est ainsi évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, uniquement en cas de disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.

L'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

La disproportion doit être évaluée en fonction non seulement des revenus de la caution mais de tous les éléments de son patrimoine, même lorsque ce dernier inclut un bien immobilier affecté à sa résidence principale.

En l'espèce, la Banque Populaire du Sud verse aux débats une fiche de renseignements signée le 9 avril 2012 par M. [W] [J]. Il en ressort que ce dernier, veuf avec un enfant de 19 ans à charge, déclarait, en qualité de salarié de l'entreprise Heineken depuis le 3 juillet 1973, un salaire annuel net de 35 000 euros, des prestations familiales d'un montant annuel de 1 056 euros, des prêts à hauteur de 10 940 euros par an. La fiche de renseignements indique en conséquence un net disponible de 25 116 euros sur l'année (soit 2 093 euros par mois) et un taux d'endettement de 30,3 %. Il y est précisé que M. [W] [J] est propriétaire de son logement [Adresse 2], d'une valeur de 120 à 125 000 euros, pour lequel il rembourse un prêt auprès du CIC depuis avril 1999, qui se termine en juin 2019, dont le «loyer» est de 335,61 euros pour un capital restant dû de 23 393 euros, de sorte que la valeur nette du patrimoine était de

100 000 euros.

Pour estimer le cautionnement disproportionné, le premier juge a retenu qu'au titre des charges, il convenait d'additionner à la somme indiquée au titre des prêts à hauteur de 10 940 euros annuels (911,67 euros mensuels) l'échéance mensuelle du prêt immobilier CIC pour 335,61 euros, de sorte que le disponible était non de 2 093 euros mais de 1757,39 euros et le taux d'endettement de 41,51 %.

La Banque Populaire du Nord soutient que le prêt immobilier était déjà inclus dans le montant des prêts indiqués pour 10 940 euros ou 911,67 euros mensuel, ce que ne conteste pas M. [W] [J] qui expose dans ses conclusions avoir eu en 2012 la charge financière de trois prêts : deux prêts CIC: un entraînant un remboursement mensuel d'un montant de 408,62 euros, l'autre de 55, 93 euros et un prêt à la Banque Scalbert Dupont de 366,92 euros, soit un total de 831,47 euros inférieur au montant déclaré dans la fiche de renseignements. C'est donc à tort que le premier juge a rajouté la charge de crédit immobilier au montant des prêts indiqués. Le taux d'endettement était ainsi correctement calculé à hauteur de 30,3 %.

M. [W] [J] indique que son salaire était inférieur à celui indiqué, comme étant de 2 742,75 euros par mois selon l'avis d'imposition 2011 sur les revenus 2010 ou de 2 724,80 euros selon le cumul net imposable figurant sur la fiche de salaire de mai 2012. Outre que le cumul net imposable figurant sur la fiche de décembre 2011 est identique au montant indiqué dans la fiche de renseignements, même en retenant les salaires mentionnés par M. [W] [J], il en résulterait que le taux d'endettement de la caution serait alors de 32,41 %, soit un taux toujours inférieur au tiers habituellement recommandé.

M. [W] [J] reproche à la Banque Populaire du Sud de ne pas avoir pris en compte ses charges fixes (assurances voiture et habitation, impôt sur le revenu, taxes foncière et d'habitation, mutuelle) ainsi qu'un forfait pour ses charges courantes. Néanmoins il est d'usage que le taux d'endettement soit calculé conformément à la méthode appliquée par l'établissement prêteur, d'autant que figurait dans la fiche une rubrique « divers » qui n'a pas été renseignée par la caution.

Si en prenant en compte les mensualités du prêt cautionné d'un montant de 1 226,65 euros, le taux d'endettement de M. [W] [J] s'élevait alors à 71,17 % selon les revenus indiqués dans la fiche ou à 76 % selon les pièces justificatives versées aux débats, il convient de prendre en compte, comme l'indique à juste titre la Banque Populaire du Sud, le patrimoine net de M. [W] [J] déclaré pour 100 000 euros.

Dès lors, c'est à tort que le premier juge a considéré que l'engagement de M. [W] [J] en qualité de caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner la situation de la caution au moment où elle a été appelée, en octobre 2016, ni, en l'absence de disposition légale imposant que l'acte de cautionnement soit signé en agence, d'examiner l'argumentation de la caution sur ce point, ou de statuer sur un manquement au devoir de mise en garde de la banque en l'absence de demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la Banque Populaire du Sud ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu par M. [W] [J] et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Selon l'article L. 341-6 du code de la consommation devenu L. 333-2 et L. 343-6, « Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. »

Le respect de l'obligation d'information de la caution s'impose jusqu'à l'extinction de la dette cautionnée et ne cesse ni avec le prononcé de la liquidation judiciaire ni avec l'introduction d'une instance en paiement.

La seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de l'envoi de l'information.

En l'espèce, la Banque Populaire du Sud, outre qu'elle se contente de verser deux courriers simples d'information en date des 27 février 2013 et 28 février 2014, ne justifie pas de l'information durant la procédure collective ni durant la procédure judiciaire. En effet, ni les courriers des 25 août 2014 et 28 juillet 2016 adressés à M. [W] [J], ni l'assignation introductive de la première instance et les écritures postérieures de la banque ne sont conformes aux exigences de l'article L. 341-6 du code de la consommation en ce qu'ils ne contiennent aucune information sur le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente.

Dès lors, la Banque Populaire du Sud a failli à son obligation d'informer la caution dès le 31 mars 2013.

Aux termes des pièces produites, et notamment du contrat de prêt, du tableau d'amortissement, des décomptes de créance, de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, la créance de la Banque Populaire du Sud à l'égard de M. [W] [J], caution, s'établit en conséquence comme suit , à l'exclusion de l'indemnité contractuelle de 10 % sur les mensualités impayées pour 368 euros et sur le capital restant dû pour 6 298,05 euros au vu des dispositions précitées :

-échéances impayées : 3 679,95 euros ;

-capital restant dû : 62 980,47 euros ;

-moins les intérêts contractuels échus impayés inclus dans les échéances

impayées : 649,42 euros ;

soit une somme résiduelle de 66 011 euros.

M. [W] [J] doit, en conséquence, être condamné à payer à la Banque Populaire du Nord la somme de 66 011 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2016, date de réception de la mise en demeure, dans la limite de son cautionnement soit la somme de 113 750 euros.

La sanction prononcée sur le fondement des dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation rend inutile l'examen du moyen fondé sur les dispositions de l'article L. 341-1 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce.

Sur les demandes accessoires

Succombant, M. [W] [J] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne M. [W] [J] à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de 66 011 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2016, dans la limite de

113 750 euros ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ;

Condamne M. [W] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,Le président,

B. MoradiS. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 17/06224
Date de la décision : 27/02/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°17/06224 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-27;17.06224 ?
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