La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2020 | FRANCE | N°18/04638

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 13 février 2020, 18/04638


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 13/02/2020





****



N° de MINUTE : 20/

N° RG 18/04638 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RY4Z



Jugement (N° 2017017006) rendu le 10 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole





APPELANTE



Société de Mise en Coffrage d'Armatures (SMECA) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité aud

it siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Gwendoline Muselet, avocat a...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/02/2020

****

N° de MINUTE : 20/

N° RG 18/04638 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RY4Z

Jugement (N° 2017017006) rendu le 10 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Société de Mise en Coffrage d'Armatures (SMECA) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

ayant pour conseil Me Negrevergne, avocat au barreau de Meaux

INTIMÉES

SNC Athis Mons Noyer Renard Lot N prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai

représentée par Me Laurent Heyte, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Aurélien Cuvillier, avocat au barreau de Lille

Maître [F] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société de Préfabrication et de Menuiserie (Sopremen)

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

assignation et signification des conclusions le 20 novembre 2018 à personne morale

signification des conclusions le 11 avril 2019 à personne morale

signfication des conclusions le 03 juin 2019 à personne morale

N'ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 12 novembre 2019 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les observations, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 février 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 octobre 2019

****

FAITS ET PROCEDURE

La société de préfabrication de menuiserie (Sopremen) intervient en qualité d'entreprise générale dans le cadre de chantiers confiés par la SNC Athis Mons Noyer Renard Lot N, maître d'ouvrage pour la construction de 101 logements sis [Adresse 4].

Pour la réalisation de cet ouvrage, la société Sopremen a conclu un contrat de sous-traitance avec la société de mise en coffrage d'armatures (SMECA), qui a pour activité la pose de l'armature de ferraillage dans le cadre de la construction d'immeubles, conformément à la loi du 31 décembre 1975.

Ledit contrat portait sur la fourniture et les poses d'armatures pour un prix ferme de 225.000,00 euros.

En qualité de maître d'ouvrage, la société Athis Mons Noyer Renard Lot N a agréé cette sous-traitance par une lettre d'agrément datée du 12 juillet 2013 et retournée à l'entreprise principale le 31 juillet 2013.

Par courrier du 30 juin 2014, la société SMECA a informé la société SNC Athis Mons Noyer Renard Lot N qu'en réalité le marché s'élèvera à la somme de

330 000,00 euros HT.

La société SMECA a émis 12 situations de travaux entre le 20 septembre 2013 et le 7août 2014, et un avoir sur la dernière situation du 29 décembre 2014, pour un montant total net de 302.874,52 euros HT.

Elle a été réglée par l'entrepreneur principal, la société Sopremen, pour un montant total de 271.820,78 euros.

Par courriers du 1er août et du 27 août 2014, la société SMECA a informé la société Athis Mons Noyer Renard Lot N du paiement partiel, de l'absence de réception d'avenant à son contrat de sous-traitance et de l'absence de caution de paiement de la part de Sopremen.

Par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 16 mars 2015, la société Sopremen a été placée en redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire le 6 juillet 2015.

Par courrier adressé le 19 mai 2015 à la société Athis Mons Noyer Renard Lot N, la société de mise en coffrage d'armatures, dans le cadre de son action directe au sens de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous traitance, a demandé le règlement du solde dû par la société Sopremen sur les travaux effectués, soit la somme de 37.264,48 euros TTC.

Par assignation du 3 mars 2016, la société SMECA a assigné la société Athis Mons Noyer Renard Lot N et a attrait la SCP [F] [E], ès qualités de liquidateur de la société Sopremen par acte du 22 mai 2017.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 10 juillet 2018, le tribunal de commerce de Lille a :

- dit recevable et bien fondée la demande en intervention forcée formulée par la société de mise en coffrage d'armatures (SMECA) à l'encontre de la SCP [F] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Préfabrication et de menuiserie ( SOPREMEN),

- prononcé la jonction entre les affaires n° 2017010006 et n° 2018000048 de son rôle,

- débouté la société de mise en coffrage d'armatures (SMECA) de sa demande de nullité du contrat de sous-traitance conclu le 15 juillet 2013 avec Sopremen et rejeté en conséquence sa demande de désignation d'un expert,

- dit recevable la société de mise en coffrage d'armatures ( SMECA) en son action directe à l'encontre de la société Athis Mons Noyer Renard lot N ( Athis Mons),

- débouté la société de mise en coffrage d'armatures ( SMECA) de sa demande de condamnation de la société Athis Mons Noyer Renard lot N ( Athis Mons) à lui payer la somme de 327.264, 48 euros majorée des intérêts légaux,

- débouté la société de mise en coffrage d'armatures ( SMECA) de sa demande de condamnation de la société Athis Mons Noyer Renard Lot N ( Athis Mons) pour résistance abusive,

- condamné la société de mise en coffrage d'armatures (SMECA) à payer à la société Athis Mons Noyer Renard Lot N ( Athis Mons) la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société de mise en coffrage d'armatures (SMECA) aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration d'appel en date du 9 août 2018, la société de mise en coffrage d'armatures a interjeté appel de la décision, reprenant l'ensemble des chefs la concernant dans son acte d'appel.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 5 avril 2019, la Société de mise en coffrage d'armatures ( SMECA) demande à la cour, au visa des articles 1147 (ancien), 1184 (ancien) du code civil, de la loi du 31 décembre 1975, des articles 145 et 331 du Code de procédure civile, de :

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société SMECA

- confirmer la recevabilité de l'intervention forcée faite à l'encontre de la SCP [F] [E], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société de préfabrication et menuiserie Sopremen,

- dire et Juger recevables et bien fondées les demandes de la société SMECA,

- en conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lille, et statuant à nouveau

- à titre principal

- prononcer la nullité du contrat de sous-traitance,

- désigner tel expert qu'il plaira au tribunal de céans de désigner, avec la mission de :

- se rendre sur place, à [Adresse 4],

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- visiter les lieux,

- examiner les travaux réalisés par la société SMECA et en évaluer la consistance et la valeur monétaire,

-fournir tous éléments de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer le montant des travaux effectués par la société SMECA au bénéfice de la Snc Athis Mons Noyer Renard Lot N et le montant éventuellement restant dû par cette dernière,

- dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au Secrétariat Greffe de ce tribunal dans les six mois de sa saisine,

- dire qu'il en sera référé en cas de difficultés, Fixer la provision à valoir sur les frais et honoraires d'expertise qui devra être consignée au Tribunal de Commerce de Meaux, avant telle date qu'il plaira à Madame ou Monsieur le Président du tribunal de céans, de fixer,

- réserver les dépens,

- à titre subsidiaire

- condamner la société Athis Mons Noyer Renard Lot N à payer à la société SMECA la somme principale de 37 264,48 euros TTC majorée des intérêts légaux à compter du 19 mai 2015 et ce jusqu'à complet paiement,

- condamner la société SNC Athis Mons Noyer Renard Lot N à payer à la société SMECA la somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive,

- condamner la société Athis Mons Noyer Renard Lot N à payer à la société SMECA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur la nullité du contrat de sous-traitance, elle fait valoir que :

- contrairement aux dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, elle n'a bénéficié d'aucune caution ou délégation de paiement de la part de Sopremen, ayant pourtant relancé à ce titre et à plusieurs reprises la société Athis Mons Noyer Renard Lot N,

- l'argument selon lequel elle aurait été payée par la société Sopremen, au delà de ce que prévoyait le contrat de sous-traitance ayant fait l'objet de l'agrément est inopérant,

- la motivation du tribunal estimant que la société Athis Mons était en droit de penser que la société Sopremen avait fourni sa caution et que la société SMECA lui aurait adressé la copie de la lettre du 17 juillet 2013 est fausse et inopérante,

- le maître d'ouvrage doit vérifier la réalité de la sous-traitance et de la caution, et non se contenter de vérifications rapides,

- la société Athis Mons est consciente de sa défaillance en la matière, ayant procédé à la déclaration de sa créance dans le cadre de la procédure collective de la société Sopremen.

Elle soutient en cas d'annulation du contrat, la nécessité de désigner un expert judiciaire en vu de déterminer le juste coût des travaux effectués et afin que la cour puisse se prononcer sur la responsabilité de la société Athis Mons Noyer Renard Lot N ainsi que sur les conséquences financières en découlant.

Elle estime que cette expertise n'empêche pas qu'il soit statué sur l'action directe, et précise que :

- il n'est pas contestable qu'elle est intervenue en qualité de sous-traitant déclaré,

- le marché a été incontestablement exécuté,

- l'article 12 a vocation à s'appliquer, la liquidation judiciaire de l'entrepreneur principal ne permettant pas le paiement,

- aucune irrecevabilité de son action directe ne peut lui être opposée, ayant sollicité à maintes reprises le règlement de ses factures, par lettres recommandées, signées par la société Athis Mons,

- la déclaration au passif de l'entrepreneur principal vaut mise en demeure à l'égard de cet entrepreneur principal.

Elle souligne que les parties avaient contractuellement envisagé des travaux supplémentaires, comme le démontrent les échanges avec la société Sopremen avant toute conclusion du contrat, et la société Athis avait été informée très rapidement de l'existence de travaux supplémentaires. La société Smeca n'a eu de cesse de relancer la société Athis Mons pour obtenir confirmation de son agrément au titre desdits travaux.

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 29 mai 2019, la société Athbis Mons Noyer Renard Lot N demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 10 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- débouter la société Smeca de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SMECA au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SMECA au paiement des entiers frais et dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- l'agrément donné à la sous-traitance l'a été au vu du contrat de sous-traitance prévoyant expressément que l'entrepreneur principal fournissait au sous-traitant une caution bancaire,

- la société SMECA a ainsi déclaré expressément sur le contrat recevoir une caution bancaire, le contrat respectant donc parfaitement les dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975,

- la société SMECA avait été présentée à l'agrément du maître de l'ouvrage et a été agréée au vu d'un document contractuel signé par l'entrepreneur principal et le sous-traitant indiquant lui même que celui-ci bénéficiait de la garantie sous forme de caution bancaire, ce qui ne pouvait conduire à mettre à la charge du maître d'ouvrage une véritable obligation de se renseigner et de vérifier la réalité des informations communiquées,

- la société SMECA reconnaît avoir été payée par la société Sopremen pour un montant supérieur d'ailleurs au contrat de sous-traitance ayant fait l'objet de l'agrément,

- elle n'était nullement informée que le montant des travaux était estimatif, s'agissant d'échanges uniquement entre le sous-traitant et l'entrepreneur principal,

- le courrier est d'ailleurs en totale contradiction avec le contrat signé qui prévoyait expressément un prix global et forfaitaire.

Si la cour retenait que le contrat de sous-traitance de la société SMECA était nul en raison d'une absence de cautionnement, elle estime que :

- la nullité empêche la société SMECA de recouvrer les sommes qui lui seraient dues au titre du contrat de sous-traitance,

- la société SMECA serait tenue de restituer les sommes reçues en vertu de ce contrat de sous-traitance au liquidateur de la société Sopremen,

- une expertise judiciaire n'aurait aucun intérêt à son égard, la société SMECA étant intervenue sans lien contractuel sur le chantier avec le maître de l'ouvrage.

Sur l'action directe à son encontre, elle soutient que :

- les conditions de l'article 12 ne sont pas réunies,

- la société SMECA a été réglée sur la base du contrat de sous-traitance pour un montant supérieur à celui prévu par ce dernier, et ayant fait l'objet de l'agrément,

- la prétendue augmentation du marché ne lui est pas opposable, en l'absence d'avenant et à raison d'un prix global et forfaitaire ferme, et en l'absence d'agrément,

- les éléments produits ne démontrent ni l'acceptation de la société Sopremen ni celle de la société Athis Mons qui n'a jamais été destinataire de la correspondance du

17 juillet 2013,

- la société SMECA ne démontre pas que les sommes qu'elle réclame ne lui auraient pas été réglées.

Elle précise que sa déclaration de la créance à la procédure collective ne saurait lui être opposée, dès lors que cette démarche n'a été faite que par précaution et avec des réserves expresses, indiquées dans sa déclaration de créance.

* * *

La déclaration d'appel a été signifiée par acte du 29 octobre 2018 à la SCP [F] [E], ès qualités de liquidateur de la société Sopremen, qui a reçu également signification des conclusions.

La société Sopremen n'est ni présente, ni représentée. Elle n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2019.

MOTIVATION

Aucune critique n'étant élevée à l'encontre des chefs du jugement relatifs à l'exécution provisoire et à l'intervention forcée du liquidateur, ces derniers sont confirmés.

Sur la nullité du contrat de sous-traitance

En vertu des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, à peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

En l'espèce, un contrat de sous-traitance pour un montant ferme non révisable de 225 000,00 euros a été conclu le 15 juillet 2013 entre la société SMECA et la société Sopremen, contrat qui acte le choix des parties, non pour la délégation de paiement mais pour un cautionnement 'par l'entrepreneur principal, qui fournit au sous-traitant une caution bancaire', le sous-traitant ayant été accepté et agréé par le maître de l'ouvrage Athis Mons Noyer Renard Lot N.

Il découle du texte précité que l'engagement de caution, personnelle et solidaire garantissant le paiement de toutes les sommes dues, faute de délégation du maître de l'ouvrage, doit être remis au sous traitant dès la conclusion du contrat de sous-traitance, ou à tout le moins avant sa prise d'effet.

S'agissant d'une nullité d'ordre public, le sous-traitant, qui n'a pas à établir de grief, ne peut renoncer au bénéfice de cette garantie et peut l'invoquer alors même qu'il aurait été réglé de l'intégralité de ce qui lui était dû au titre du sous-traité, rendant inopérant le moyen de la société Athis Mons Noyer Renard qui souligne que la société SMECA a obtenu des versements pour un montant de 271.820,78 euros, soit un montant supérieur à celui prévu par le sous-traité.

Au vu de ces éléments il ne saurait pas plus être argué du fait que ledit contrat portait mention de la déclaration d'une remise d'un tel cautionnement, d'autant que l'article 14-1 de cette même loi édicte à la charge du maître de l'ouvrage, en présence sur le chantier d'un sous-traitant agréé et accepté, d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution lorsque le sous-traitant ne bénéficie pas de la délégation de paiement.

Dès lors sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la valeur de la mention apposée sur ledit sous-traité et sur l'existence par le sous-traitant d'une information donnée au maître d'ouvrage quant à l'absence de cette caution et à quelle date, éléments qui seraient éventuellement importants dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle à l'encontre du maître d'ouvrage mais non d'une action en nullité, force est de constater qu'il n'est aucunement justifié d'une caution pour le montant du marché conclu.

Au contraire, la lecture attentive même des situations adressées par la société SMECA à la société Sopremen, établit l'absence d'une telle garantie, les situations mentionnant à chaque fois 'caution remise n° 72879 du 12 juillet 2013 pour

18.500,00 euros'.

Dès lors les exigences imposées par le texte précité n'étant pas remplies, au jour de la conclusion du sous-traité et de sa prise d'effet, quand bien même le sous-traitant aurait tardé à dénoncer cette situation et aurait perçu le montant des sommes prévues au contrat, le prononcé de la nullité du sous-traité conclu entre la Sopremen et la société SMECA s'impose.

La décision des premiers juges est donc infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité.

Sur les restitutions réciproques

Dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution et lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer doit s'acquitter d'une restitution en équivalent.

Toutefois, et au préalable, il convient de noter que dans un paragraphe intitulé sur les conséquences de la nullité du sous-traité, la société SMECA entremêle, d'une part, les notions de nullité et de responsabilité de la société Athis Mons, d'autre part, les concepts de détermination de la valeur exacte des travaux effectués par rapport au montant convenu contractuellement et de montant des sommes dues par la société Athis Mons Noyer Renard, oubliant que le contrat annulé la lie non au maître d'ouvrage mais à la société Sopremen et que les restitutions s'imposent entre cocontractants, à savoir la société Sopremen et elle-même, et non la société Athis Mons Noyer Renard et elle-même.

En effet, l'annulation du sous-traité entraîne l'anéantissement rétroactif de la convention qui sera réputée ne jamais avoir existé, de sorte que le sous-traitant est fondé à réclamer à l'entrepreneur principal le paiement du coût réel de ses prestations, indépendamment du prix contractuellement prévu, ou de la valeur de l'ouvrage, l'annulation du contrat conclu entre la société Sopremen et la société SMECA n' ayant pas pour effet de créer un lien juridique nouveau et direct avec le maître de l'ouvrage, la société Athis Mons Noyer Renard, contrairement à ce que sous-entend la société SMECA dans ses développements.

La valeur équivalente des prestations afin d'indemniser le sous-traitant est souverainement appréciée en tenant compte du coût de la prestation réalisée et des sommes réellement déboursées par le sous-traitant, mais non du prix convenu au contrat ni de la valeur réelle de l'ouvrage.

La société SMECA, qui se borne à solliciter une expertise, se contente de produire ses facturations au titre des différentes situations, sans donner aucun élément de nature technique et financière permettant de déterminer les prestations initialement projetées, les prestations effectuées en supplément, celles réellement réalisées, les sommes réellements déboursées et les coûts effectifs supportés.

Faute de démontrer que les facturations qu'elle a elle-même émises au titre des 12 situations de travaux ne correspondent pas aux prestations réellement réalisées et à leur coût, la cour, qui n'a pas à ordonner une expertise pour suppléer la carence de la partie, conformément aux dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, dispose de suffisamment d'éléments pour établir que la valeur équivalente des prestations effectuées au titre de la convention annulée doit être fixée à la somme de

302.874,52 euros.

Aucune restitution en valeur, en présence d'une société qui a été placée en liquidation judiciaire, ne pouvant intervenir, la société SMECA ne peut voir que sa créance fixée au passif de la société à la somme de 302.847,52 euros, alors que la SMECA doit restituer les sommes perçues au titre de la convention de sous-traitance, soit la somme de 271.820,78 euros.

Sur l'action directe

Au préalable, l'objet du litige, conformément aux dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, est déterminé à partir des écritures des parties lesquelles doivent nécessairement être interprétées lorsqu'elles sont contradictoires ou imprécises.

La société SMECA fait valoir que "la nullité de l'acte de sous traitance n'empêche pas l'action directe du sous traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage", avant d'introduire un paragraphe intitulé : "sur la responsabilité et l'action directe qui en résulte", et de conclure longuement (4 pages), après avoir repris l'article 12 de la loi précitée et après avoir évoqué les termes du marché, les travaux supplémentaires et les impayés de situation, sur "la recevabilité de l'action directe" , quand bien même y est évoqué incidemment l'article 14-1 de cette même loi et la jurisprudence afférente, terminant d'ailleurs sa démonstration par : " l'action directe de la demanderesse sera déclarée recevable et fondée. La réparation du préjudice subi par la société SMECA consistera à condamner la société Athis à la somme principale de 37 264, 48 euros ".

Dans ces conditions, les écritures de la société SMECA, qui font essentiellement référence à l'action directe, et de manière beaucoup plus accessoires aux notions de responsabilité et de nullité, doivent être interprêtées, en ce qui concerne la relation de cette dernière avec le maître d'ouvrage, comme se fondant en réalité exclusivement sur l'action directe de la loi du 31 décembre 1975.

En vertu des dispositions de l'article 13 de la loi sur la sous-traitance, l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire. Les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article précédent.

Selon l'article 12 de la loi de 1975, le sous-traitant doit mettre en demeure l'entrepreneur principal de payer, et adresser au maître de l'ouvrage une copie de sa mise en demeure. Un mois après, le sous-traitant doit être payé par le maître de l'ouvrage. Le sous-traitant peut exercer cette action en adressant simplement des lettres recommandées avec accusé de réception.

Toutefois, l'action directe ne peut s'exercer que dans le périmètre des prestations effectivement acceptées et contractualisées entre l'ensemble des parties, soit à la fois l'entrepreneur principal, le maître de l'ouvrage et le sous-traitant.

Or, les prestations envisagées initialement par les parties et ayant donné lieu à la conclusion d'un contrat de sous-traitance entre la société SMECA et la société Sopremen ont été initialement valorisées à un montant de 225.000,00 euros.

La société SMECA ne saurait tirer argument de ses échanges avec la société Sopremen faisant état d'un marché réévaluable, alors même que par les seules pièces contractuelles, marquant l'intention commune de l'entrepreneur principale et du sous-traitant, adressées au maître d'ouvrage, elle a convenu d'un prix ferme, définitif et non révisable de 225.000,00 euros pour les prestations initialement projetées.

Contrairement à ce qu'affirme la société SMECA, et conformément à ce que les premiers juges ont retenu, il n'est aucunement justifié d'un avenant conclu entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, ni d'une demande d'avenant à l'égard tant de l'entrepreneur principal que du maître d'ouvrage.

Il n'est pas plus démontré l'accord sur la réalisation de travaux complémentaires tant du maître d'ouvrage que de l'entrepreneur principal, travaux d'ailleurs qui ne sont pas en définitive prouvés.

Au contraire,avant août 2014, soit la fin des prestations, il n'est pas démontré que le maître d'ouvrage ait été informé de modifications concernant les travaux effectués, des coûts ni d'ailleurs des difficultés de paiement de la société Sopremen.

Ainsi, au vu des prestations convenues initialement et du montant des sommes versées par l'entrepreneur principal pour un montant de 271.820,78 euros, il apparaît que le sous-traitant a été réglé de l'intégralité des prestations soumises au marché initial, agréé et accepté par le maître de l'ouvrage, qui n'a donc pas d'obligation vis-à-vis du sous-traitant si l'entrepreneur principal a déjà été réglé des prestations exécutées.

En conséquence, l'action directe ne peut donc s'exercer et doit de ce fait être rejetée, la décision des premiers juges étant sur ce point confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Aux termes des dispositions de l'article 1153 alinéa 4 ancien du code civil, le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

N'alléguant aucun fait au soutien de cette demande pour résistance abusive et la société Athis Mons Noyer Renard étant légitime à s'opposer au paiement des sommes réclamées au vu du rejet des demandes par la présente décision, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté la société SMECA de sa demande dommages et intérêts de ce chef.

La décision déféré est donc confirmée de ce chef.

Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société SMECA succombant principalement en ses demandes, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société SMECA à payer à la société Athis Mons Noyer Renard Lot N la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du

10 juillet 2018 en ce qu'il a débouté la société SMECA de sa demande de nullité du contrat de sous-traitance conclu le 15 juillet 2013 avec Sopremen ;

Statuant à nouveau,

PRONONCE la nullité du contrat de sous-traitance conclu le 15 juillet 2013 entre la société SMECA et la société Sopremen ;

En conséquence,

ORDONNE les restitutions réciproques ;

CONDAMNE la société SMECA à payer à la société Sopremen la somme de

271.820,78 euros ;

FIXE la créance de la société SMECA au passif de la procédure collective de la société Sopremen à la somme de 302.847,52 euros ;

RAPPELLE que la créance de la société SMECA étant une créance postérieure, doit faire l'objet d'une déclaration de créance au titre de l'intégralité des créances dues et de la compensation éventuelle pour créance connexe, dans le délai de deux mois de leur exigibilité ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société SMECA à payer à la société Athis Mons Noyer Renard Lot N la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président

V. RoelofsL. Bedouet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 18/04638
Date de la décision : 13/02/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°18/04638 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-13;18.04638 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award