La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2020 | FRANCE | N°19/01164

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 06 février 2020, 19/01164


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 06/02/2020



****



SUR RENVOI DE CASSATION



N° de MINUTE :

N° RG 19/01164 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SFZ2



Jugement (N° 11-14-0020)

rendu le 08 juillet 2015 par le tribunal d'instance de Laon

Arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt de la Cour de Cassation rendu le 20 décembre 2018







DEMANDE

UR À LA DÉCLARATION DE SAISINE



Monsieur [G] [S]

né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 16]



représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras
...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 06/02/2020

****

SUR RENVOI DE CASSATION

N° de MINUTE :

N° RG 19/01164 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SFZ2

Jugement (N° 11-14-0020)

rendu le 08 juillet 2015 par le tribunal d'instance de Laon

Arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt de la Cour de Cassation rendu le 20 décembre 2018

DEMANDEUR À LA DÉCLARATION DE SAISINE

Monsieur [G] [S]

né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 16]

représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras

DÉFENDEUR À LA DÉCLARATION DE SAISINE

Monsieur [T] [S]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 16]

représenté par Me Diana Tir, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Damien Delavenne, avocat au barreau de Laon

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Bolteau-Serre, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l'audience publique du 25 novembre 2019.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 février 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 octobre 2019

****

Vu le jugement rendu le 8 juillet 2015 par le tribunal d'instance de Laon,

Vu l'arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens,

Vu l'arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la Cour de cassation,

Vu la déclaration de saisine régularisée par M. [G] [S] le 21 février 2019,

Vu les conclusions déposées par M. [G] [S] le 19 avril 2019,

Vu les conclusions déposées par M. [T] [S] le 12 juin 2019.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte de partage du 19 mars 1996. MM. [G] et [T] [S] sont propriétaires de parcelles situées sur le territoire des communes de [Localité 16], nées de la division d'une propriété appartenant à leurs parents.

M. [G] [S] est ainsi propriétaire des parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 5] et [Cadastre 7] et M. [T] [S] propriétaire des parcelles contiguës cadastrées [Cadastre 10] et [Cadastre 14], [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

Les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 14] sont contiguës et reçoivent chacune un immeuble à usage d'habitation appartenant respectivement à M. [G] [S] et à M. [T] [S].

Considérant que son frère empiétait sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], l'empêchant d'accéder à d'autres parcelles lui appartenant, M. [T] [S] a mandaté un géomètre expert afin de constater l'empiétement et de procéder à la délimitation des terrains conformément aux titres de propriété.

M. [G] [S] a contesté cette délimitation.

M. [T] [S] a saisi le tribunal d'instance de Laon par acte en date du 20 décembre 2013, aux fins de voir désigner un géomètre pour procéder à la délimitation et au bornage de leurs parcelles voisines.

Le 1er septembre 2014, le tribunal d'instance a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [F] [K] géomètre-expert.

Le 29 décembre 2014, l'expert a déposé son rapport.

Par jugement rendu le 8 juillet 2015, le tribunal d'instance de Laon a dit que :

- M. [G] [S] ne pouvait se prévaloir de la prescription acquisitive concernant la surface de 171 m² située sur la partie haute de la parcelle cadastrée [Cadastre 12] située à [Localité 16],

- la ligne séparative entre les propriétés de M. [T] [S] et de M. [G] [S] est constituée par la ligne reliant les points n° 26 et 35 matérialisés par l'expert sur le plan de bornage ;

- les propriétés des parties sont définies par les points suivants :

M. [T] [S] : 26-35-36-54-55-56-25,

M. [G] [S] : 26-35-34-29-28-27.

Il a désigné M. [F] [K], géomètre expert, et lui a donné pour mission de:

procéder à l'implantation de la borne n°35 au point déterminé par le plan de bornage,

de supprimer la borne A

de rédiger le procès verbal de bornage des opérations effectuées qui devra être déposé au tribunal d'instance de Laon,

Il a ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques, auquel seront annexés le rapport d'expertise et le document d'arpentage.

Il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, dit qu'il sera fait masse des dépens incluant les frais de bornage d'expertise et d'arpentage et que ceux-ci seront partagés par moitié entre les parties.

Sur appel de M. [G] [S], la cour d'appel d'Amiens, par arrêt du 15 septembre 2017, a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf à réparer l'erreur matérielle affectant le dispositif.

M. [G] [S] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 15 septembre 2017.

Par arrêt rendu le 20 décembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens le 15 septembre 2017au motif suivant: pour dire que M. [G] [S] ne pouvait se prévaloir de la prescription acquisitive, l'arrêt retient qu'il ne saurait prétendre avoir possédé pendant trente ans au moins à titre de propriétaire dans la mesure où il savait que la parcelle litigieuse appartenait à son père. Selon la Cour de cassation en statuant ainsi alors que la mauvaise foi du possesseur ne rend pas équivoque sa possession, la cour d'appel a violé les articles 2258 et 2261 du code civil. La Cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d'appel de céans.

M. [G] [S] a saisi la cour d'appel de Douai par déclaration en date du 21 février 2019.

Aux termes de ses conclusions déposées le 19 avril 2019, M. [G] [S] demande à la cour d'appel, au visa des articles 2229 et 2172 du code civil de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en ses moyens, fins et conclusions ;

- dire et juger qu'il est propriétaire d'une surface de 171 m² à prélever sur la parcelle [Cadastre 15], propriété de M. [T] [S], ladite surface étant constituée de l'espace matérialisé par les points 25, 56, 26 et A apparaissant sur le plan constituant l'annexe 4 du rapport de M. [K] du 29 décembre 2014 ;

- mandater M. [K] aux fins de :

- procéder à la division cadastrale de la parcelle [Cadastre 6] pour définir de manière définitive la partie de la parcelle propriété de M. [G] [S],

- publier ladite division cadastrale au cadastre ;

- apposer les bornes délimitant la partie de l'ancienne parcelle [Cadastre 6] sur laquelle la propriété de M. [G] [S] a été reconnue, conformément au plan de division cadastrale régularisé aux points 56 et A permettant de délimiter les propriétés de M. [G] [S] des propriétés de M. [T] [S] et notamment du solde de la parcelle [Cadastre 15] dont il demeure propriétaire ;

- condamner M. [T] [S] à payer à M. [G] [S] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [S] aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de M. [F] [K] dont distraction au profit de la société Meillier Thuilliez.

Il soutient notamment que :

- pour des raisons de convenance, MM. [G] et [T] [S] ont procédé à un échange entre leurs lots respectifs afin de permettre à M. [G] [S] d'assurer la continuité entre les parcelles [Cadastre 13], recevant son immeuble d'habitation et D [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 11] ; suite à cet échange, M. [G] [S] a pris possession d'une surface de 171 m² sur la parcelle [Cadastre 6] située entre les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 5]; il y a installé un espace vert, puis une piscine, puis des box à chevaux ; aux yeux des tiers, la partie litigieuse de la parcelle [Cadastre 15] dont il avait la jouissance exclusive lui appartenait ; il se comporte comme le propriétaire de cette parcelle ; sa possession s'est exercée durant plus de 30 ans de manière paisible et non équivoque et n'a jamais été contestée.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 12 juin 2019, M. [T] [S] demande à la cour, au visa de l'article 2261 du code civil, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Laon le 8 juillet 2015, condamner M. [G] [S] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir notamment que :

- les attestations fournies par M. [G] [S] sont imprécises quant à la date d'occupation de la parcelle ;

- quand bien même M. [G] [S] aurait occupé la parcelle litigieuse depuis 1977, celle-ci appartenait alors à son père ; l'acte authentique de partage est intervenu en 1996 et en a attribué la propriété à M. [T] [S] ; il est par conséquent impossible d'affirmer que M. [G] [S] a occupé la parcelle [Cadastre 6] à titre de propriétaire, par conséquent l'argument de l'usucapion ne peut être retenu ;

- les conditions posées par l'article 2261 du code civil ne sont pas réunies ; M. [G] [S] aurait pu opposer la prescription prévue à l'article 2261 du code civil s'il avait joui d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire s'il avait justifié d'une telle possession entre 1996 et 2026 ; M. [T] [S] a acquis la propriété de la parcelle litigieuse suivant un partage transactionnel opéré en 1996 ; M. [G] [S] échoue à établir sa possession ;

-il n'existe aucune preuve de l'échange dont M. [G] [S] se prévaut ; en procédant à cet échange, M. [T] [S] aurait enclavé son terrain, le seul autre accès étant une servitude de passage impraticable ; cet échange n'est pas repris dans l'acte de partage de 1996 ; la mise en place d'une clôture n'est pas de nature à prouver l'existence d'un échange.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription acquisitive

L'article 2272 1er alinéa dispose que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ;

Aux termes de l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;

M. [G] [S] affirme occuper le haut de la parcelle cadastrée [Cadastre 6] en vertu d'un échange conclu en 1977 avec son frère M. [T] [S] mais ne rapporte pas la preuve d'un acte matérialisant cet échange ;

Même à supposer l'existence d'une possession au sens de l'article 2261 précité, celle-ci d'une durée de 21 ans seulement, a été définitivement interrompue par l'acte de partage transactionnel notarié en date du 19 mars 1996 intervenu entre M. [P] [S] veuf de [O] [J] et leurs dix enfants issus de leur union ;

Aux termes de cet acte, la parcelle litigieuse cadastrée section [Cadastre 6] 'Le Château' est attribuée à M. [T] [S] qui en est devenu seul propriétaire, de sorte que même si une tentative d'échange est intervenue en 1994 comme l'affirme M. [G] [S], force est de constater que les parties n'y ont pas donné suite comme le démontre l'acte de partage transactionnel de 1996 ;

Enfin, M. [G] [S] ne peut se prévaloir d'une acquisition de la propriété de la parcelle [Cadastre 6] par possession trentenaire depuis 1996 ; la preuve d'un échange entre les parties postérieurement à cette date n'est pas établie ;

Le jugement entrepris qui a écarté l'acquisition par usucapion de la partie de la parcelle cadastrée [Cadastre 6] au bénéfice de M. [G] [S] sera confirmé sauf à rectifier le dispositif dudit jugement lequel mentionne la parcelle cadastrée [Cadastre 12] au lieu de [Cadastre 6] ;

sur le bornage

Il convient de confirmer par motifs adoptés le jugement entrepris, M. [G] [S] dans les motifs de ses écritures, ne critiquant pas à titre subsidiaire la décision de ce chef ;

sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé sur ces chefs sauf en ce que les frais d'expertise judiciaire ont été partagés par moitié entre les parties,

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

M. [G] [S] sera condamné à payer à M. [T] [S] la somme de 2 000 euros à ce titre ;

M. [G] [S] sera également condamné à la totalité des frais de l'expertise judiciaire et aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à la disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 8 juillet 2015 par le tribunal d'instance de Laon

- sauf à réparer l'erreur matérielle affectant son dispositif en ce sens qu'il y a lieu de lire :

'Dit que M. [G] [S] ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive concernant la surface de 171 m² située sur la partie haute de la parcelle cadastrée [Cadastre 15] sise à [Localité 16],

au lieu de:

'Dit que M. [G] [S] ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive concernant la surface de 171 m² située sur la partie haute de la parcelle cadastrée [Cadastre 12] sise à [Localité 16],

- et sauf en ce que les frais d'expertise judiciaire ont été partagés par moitié entre les parties,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [G] [S] à payer à M. [T] [S] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] [S] au paiement de la totalité des frais d'expertise judiciaire et aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

Delphine Verhaeghe.Catherine Bolteau-Serre.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 19/01164
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°19/01164 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;19.01164 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award