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28/11/2019 | FRANCE | N°18/02169

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 28 novembre 2019, 18/02169


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 28/11/2019





****





N° de MINUTE :19/

N° RG 18/02169 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RPQS



Jugement (N° 2016J150) rendu le 10 mars 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque





APPELANTS



M. [O] [I]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 1], de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

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M. [M] [I]

né le [Date naissance 1] 1950, de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



représentés par Me François Deleforge, de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Doua...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 28/11/2019

****

N° de MINUTE :19/

N° RG 18/02169 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RPQS

Jugement (N° 2016J150) rendu le 10 mars 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTS

M. [O] [I]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 1], de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

M. [M] [I]

né le [Date naissance 1] 1950, de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentés par Me François Deleforge, de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistés de Me Sébastien Harel, avocat au barreau de Rennes

INTIMÉE

SAS SCF prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Jérôme Wallaert, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par

Me Paul-Louis Minier, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l'audience publique du 26 septembre 2019 après rapport oral de l'affaire par Agnès Fallenot

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 juillet 2019

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Cubit France Technologies (ci-après nommée la société Cubit) a pour objet la fabrication et la commercialisation d'équipements électroniques, ainsi que de tickets, cartes, cartons et autres supports contenant des informations sous forme magnétique ou autres.

Au début de l'année 2013, son capital social était réparti comme suit :

- société civile Palemfi :12 321 actions ;

- Monsieur [O] [I] :1 417 actions ;

- Madame [X] [U] épouse [I] :1 action ;

- Madame [K] [R] épouse [I] :1 action ;

- Monsieur [Z] [P] :2 180 actions ;

Total : 15 920 actions.

La société Palemfi avait pour seuls associés M. [O] [I] à hauteur de 50 parts, et M. [M] [I], son frère, à hauteur de 50 parts.

En 2013, M. [O] [I] a souhaité céder le contrôle de la société Cubit. Il a été mis en relation avec M. [S] [J], président de la société SCF.

Le 30 avril 2014, après discussions et un audit des comptes, un compromis de cession sous conditions suspensives portant sur les titres de la société Cubit et de la société Palemfi a été signé. Ce compromis intégrait une garantie d'actif et de passif.

15 septembre 2014, la cession définitive a été conclue pour un prix fixé à la somme forfaitaire et définitive de 1 500 000 euros.

Comme prévu dans le compromis et les actes subséquents, M. [O] [I] a accompagné M. [J] dans le cadre d'un contrat de travail, dont il était convenu qu'il prendrait fin au plus tard le 31 décembre 2015.

Par courrier du 28 janvier 2015, M. [J] a demandé la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif, en se prévalant de créances irrecouvrables détenues par la société Cubit sur la société de droit espagnol Card Ticket.

Puis par un courrier daté du 7 janvier 2016, M. [J] a transmis aux consorts [I] une proposition de rectification établie par l'administration fiscale en date du

18 décembre 2015.

Les consorts [I] ont refusé leur garantie sur ces deux fondements.

En conséquence, par actes d'huissier des 1er et 14 décembre 2016, la société SCF a assigné Messieurs [O] et [M] [I] devant le tribunal de commerce de Dunkerque pour demander :

' A titre principal : la résolution de la cession des titres des sociétés Cubit et Palemfi pour dol et la condamnation de Messieurs [M] et [O] [I] à lui payer une somme de 200 000 euros au titre des frais inutilement exposés pour l'acquisition de ces titres,

' A titre subsidiaire, la condamnation de Messieurs [O] et [M] [I] à lui payer :

o la somme de 72 955 euros au titre du redressement fiscal de la société Cubit ;

o la somme de 274 464,80 euros au titre des créances non-recouvrées par la société Cubit à l'encontre de la société Card Ticket ;

o la somme de 359 996 euros au titre « des créances de la dépréciation des titres de la société Card Ticket » ;

o les intérêts moratoires correspondant au taux d'intérêt légal majoré de 3 points à compter du 28 février 2015 conformément aux dispositions de l'article 5 de la convention d'actif et de passif.

Les consorts [I] se sont opposés aux demandes formées par la société SCF en faisant valoir qu'aucun dol n'avait été commis et que les conditions de mise en jeu de la garantie d'actif et de passif n'étaient pas remplies.

Par jugement rendu le 10 mars 2018, le tribunal de commerce de Dunkerque a statué en ces termes :

Rejette la demande de nullité de cession de titres présentée par la société S.C.F. mais condamne Messieurs [O] et [M] [I] à payer conjointement à la société S.C.F. la somme de Cinq Cent Mille Euros (500.000 euros) au titre de leur convention de garantie du 15/09/2015, majorée des intérêts au taux légal augmenté de trois points de pourcentage à compter du 28/02/2015, et celle de Trois Mille Euros (3.000 €) pour indemnité procédurale;

Rejette la demande de la société S.C.F. tendant à dommages-intérêts supplémentaires, celle relative à l'article 10 du tarif des Huissiers de Justice et celle tendant à exécution provisoire;

Condamne conjointement Messieurs [O] et [M] [I] aux dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 99,31 euros TTC (= tarifs 05-2016 n°18, n°22, n°19, n°20 x3).

Par déclaration du 11 avril 2018, les consorts [I] ont relevé appel de cette décision 'en ce qu'elle condamne Messieurs [O] et [M] [I] à payer conjointement à la société S.C.F. la somme de Cinq Cent Mille Euros (500.000 euros) au titre de leur convention de garantie du 15/09/2015, majorée des intérêts au taux légal augmenté de trois points de pourcentage à compter du 28/02/2015, et celle de Trois Mille Euros (3.000 €) pour indemnité procédurale; Condamne conjointement Messieurs [O] et [M] [I] aux dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 99,31 € TTC (= tarifs 05-2016 n°16, n°22, n°19, n°20 x3).'

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 11 janvier 2019, les consorts [I] demandent à la cour de :

'Vu l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause

Vu l'article 1315 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause

A titre principal

' Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque du 10 mars 2018 en ce qu'il a condamné Messieurs [I] à payer conjointement à la société SCF:

o la somme de 274 464,80 euros au titre de l'irrécouvrabilité des créances détenues par la société SCF à l'égard de la société Card Ticket ;

o la somme de 179 999 euros au titre la dépréciation de la totalité de la valeur des titres de la société Card Ticket dans les comptes de la société Cubit ;

o la somme de 72 955 euros au titre du redressement fiscal de la société Cubit, plafonnées à la somme de 500 000 euros, en application de la convention de garantie du 15/09/2015 et majorée des intérêts au taux légal augmenté de trois points de pourcentage à compter du 28/02/2015, et celle de 3 000 euros pour indemnité procédurale

' Déclarer la société SCF irrecevable en sa demande de condamnation à la somme de 274 464,80 euros au titre de l'irrécouvrabilité des créances détenues par la société SCF à l'égard de la société Card Ticket, et, subsidiairement, l'en débouter faute de preuve du montant des créances non recouvrées au 31 décembre 2015

' Débouter la société SCF de toutes ses autres demandes

A titre subsidiaire

Réformer la décision déférée en ce qu'elle a retenu un montant de 527 418,80 euros au titre de la convention de garantie du 15/09/2014 et dire que la condamnation ne peut excéder la somme globale de 384 252,82 euros, qui s'analysera en une réduction de prix conformément aux stipulations de la convention de garantie.

En toute hypothèse

' Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de la société SCF en condamnation de Messieurs [I] pour dol,

' Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de la société SCF en condamnation de Messieurs [I] au paiement de dommages et intérêts supplémentaires,

' Condamner la société SCF à payer à Monsieur [O] [I] et à Monsieur [M] [I] la somme de 7 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' Condamner la société SCF aux entiers dépens.'

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [I] font valoir, sur la demande d'annulation de la cession, que le dol allégué par la société SCF relève en réalité de la garantie d'actif et de passif, qui vise à prémunir l'acquéreur contre une diminution d'actif ayant une origine antérieure à la cession. S'il a été jugé que l'existence d'une garantie de passif n'est pas, en soi, un obstacle à l'existence d'un dol, le contenu d'une garantie de passif peut écarter le grief de dol lorsqu'il en ressort que la situation prétendument ignorée était en réalité connue.

La société SCF ne se prévaut en réalité que de la situation de la société Card Ticket, sans justifier que celle-ci était totalement et irrémédiablement obérée avant la cession. En effet, entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2014, la société Card Ticket a procédé à des paiements au profit de la société Cubit pour un montant de 271 868,57 euros. Il n'est pas démontré qu'elle fasse l'objet d'une procédure collective, mais seulement qu'elle a sollicité l'instauration d'une procédure de prévention de ses difficultés, postérieurement à l'acte de cession. En outre, cette société présente un projet de restructuration afin d'assainir sa situation, continuer son activité et payer ses dettes, par la séparation de son activité en deux sociétés distinctes. Enfin, la société SCF ne prouve pas avoir été trompée sur la nature la garantie dont la société Cubit disposait pour recouvrer ses créances sur la société Card Ticket.

Les consorts [I] nient avoir retenu volontairement des informations dont ils avaient connaissance. Ils arguent que le montant des créances litigieuses était connu de M. [J], soulignant que la garantie d'actif et de passif mentionne expressément l'existence d'arriérés de règlement de cette société et la poursuite des livraisons. Ils ajoutent que la société SCF ne justifie pas de ce que la situation de la société Card Ticket a été déterminante du consentement de M. [J] quant à la cession des parts de la société Cubit, laquelle continue normalement ses activités.

Ils soutiennent au surplus qu'il ne peut être tenu compte de la proposition de rectification fiscale initialement faite par l'administration sur le prix d'acquisition d'une machine par la société Cubit à la société Card Ticket alors qu'elle a été abandonnée. Quant à la remise en cause des provisions qui avaient pour objet de constater le risque pesant sur le remboursement des créances détenues par la société Cubit sur la société Card Ticket, elle démontre que selon l'administration fiscale elle-même, ces créances étaient recouvrables puisque le risque n'a pas été jugé suffisant pour les justifier.

Concernant la garantie d'actif et de passif, les consorts [I] reprochent aux premiers juges de s'être fondés sur des motifs erronés pour les condamner à payer la somme de 500 000 euros à la société SCF.

Ils soulignent que les stipulations contractuelles excluent la mise en oeuvre de la garantie pour les créances non recouvrées à la date du 31 décembre 2015, et que le compromis, non contredit par la garantie d'actif et de passif, avait prévu l'obligation pour la société SCF de 'fournir au plus tard le 30 juin 2015 aux cédants, un état des créances antérieures au 31 décembre 2013 non recouvrées par la société afin que les cédants puissent engager toute procédure de recouvrement', à peine de déchéance de la garantie.

Or la société SCF n'a jamais communiqué aux consorts [I] un état des créances antérieures au 31 décembre 2013 non recouvrées par la société Cubit, alors que la seule particularité relative aux créances sur la société Card Ticket concerne la période garantie, étendue jusqu'au 31 juillet 2014. En revanche, aucune dérogation n'a été apportée à la règle obligeant à fournir l'état des créances impayées au 30 juin 2015 à peine de déchéance de la garantie.

Le défaut de respect d'une clause imposant une information préalable du garant constitue une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause et qui a pour conséquence l'irrecevabilité de l'action en garantie.

L'argument selon lequel l'article 3 de la garantie précise que le non-respect des délais ne pourra entraîner la déchéance de la garantie que s'il en résulte un préjudice pour les garants est inopérant. En effet, ces créances ne relèvent pas de ce mécanisme, les parties ayant, à leur sujet, prévu un mécanisme automatique.

Concernant la dépréciation des actifs de la société Cubit, à raison de la perte de valeur des titres de la société Card Ticket dans les comptes sociaux, les consorts [I] observent que les comptes de références pour la mise en oeuvre de la garantie sont ceux établis au 31 décembre 2013. Il ne saurait leur être reproché de n'avoir pas reflété dans les comptes une situation qui n'existait pas encore, à savoir la mise en oeuvre d'une procédure amiable au bénéfice de la société Card Ticket.

Concernant le redressement fiscal, les consorts [I] affirment que la garantie n'est applicable qu'à hauteur du montant des pénalités de retard, à l'exclusion du montant des droits rappelés, comme stipulé à l'article 2.4 d) qui exclut la mise en oeuvre de la garantie dans le cas d'un simple déplacement dans le temps de la charge correspondante.

Ils rappellent que le redressement opéré par l'administration fiscale a porté sur les provisions pour créances douteuses qui visaient à prendre en compte le risque d'irrécouvrabilité de certaines des créances détenues par la société Cubit sur les sociétés Sabar et Card Ticket. L'administration fiscale a considéré que ces provisions n'étaient pas justifiées et qu'il convenait de les réintégrer au résultat pour calculer l'imposition.

Le seul décalage tient aux pénalités de 7.710 euros. Or la convention de garantie d'actif et de passif prévoit en son article 2.6. une franchise d'un montant de 50.000 euros en-dessous de laquelle elle ne peut être déclenchée. Dès lors, la garantie ne peut être valablement invoquée par la société SCF pour obtenir le paiement de cette somme, de sorte qu'elle doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, les consorts [I] plaident que le tribunal aurait dû prendre en compte les économies d'impôt liées aux dépréciations des titres et à l'irrécouvrabilité des créances sur la société Card Ticket, ainsi que le prévoit la garantie. Ils précisent encore que le montant définitif du redressement s'est finalement élevé non à

72.955 euros comme retenu par les premiers juges mais à 67.944 euros.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 11 octobre 2018, la société SCF demande à la cour de :

'A titre principal, infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Dunkerque du

10 mars 2018 en ce qu'il a :

- Rejeté la demande de nullité de cession de titres présentée par la société S.C.F.

Et statuant à nouveau,

- Constater l'existence d'un dol commis par Messieurs [O] et [M] [I] à l'occasion de la vente des titres de la société C.F.T. ;

- En conséquence, déclarer nulle la cession des titres consentie par Messieurs [O] et [M] [I] à la société S.C.F. par acte du 15 septembre 2014 ;

- Ordonner en conséquence, à Messieurs [O] et [M] [I] la restitution du prix de vente à la société S.C.F. ;

- Condamner Messieurs [O] et [M] [I] à payer à la société S.C.F. la somme de 200.000,00 euros au titre du préjudice subi et des frais inutilement exposés par cette dernière à l'occasion de cette acquisition annulée ;

A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour n'infirmait pas le premier jugement déboutant l'intimé de sa demande de nullité pour dol, confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Dunkerque du 10 mars 2018 en particulier en ce qu'il a :

- Condamné Messieurs [O] et [M] [I] à payer conjointement à la société S.C.F la somme de Cinq Cent Mille Euros (500.000,00 euros) au titre de leur convention de garantie du 15/09/2014, majorée des intérêts au taux légal augmenté de trois points de pourcentage à compter du 28/02/2015, et celle de Trois Mille Euros (3.000,00 euros) pour indemnité procédurale ;

- Condamné conjointement Messieurs [O] et [M] [I] aux dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 99,31 euros TTC ;

En tout état de cause,

Condamner Messieurs [O] et [M] [I] à payer solidairement à la société S.C.F la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Messieurs [O] et [M] [I] aux entiers frais et dépens.'

La société SCF reproche aux consorts [I] de lui avoir caché, dans le cadre de la conclusion du contrat d'acquisition des actions de la société Cubit et des parts sociales de la société Palemfi, l'état financier de la société Card Ticket, filiale espagnole de la société Cubit, qui fait désormais l'objet d'une procédure collective.

Elle affirme que le dol commis porte non pas sur l'existence d'un risque mais sur le fait que le risque n'existait même plus, puisque les créances, au moment de la cession passée le 15 septembre 2014, étaient déjà irrécouvrables, ce qui était connu des vendeurs.

Ceux-ci l'ont bercée d'illusions en lui laissant croire que ces créances seraient recouvrables et qu'une partie d'entre elles était garantie par une hypothèque consentie par les consorts [W] sur un immeuble leur appartenant, alors qu'il s'agissait d'un cautionnement.

Le vice du consentement est donc parfaitement démontré. L'existence d'une garantie spécifique dans la convention de garantie d'actif et de passif sur les créances à l'encontre de la société Card Ticket ne change rien au dol commis par les vendeurs.

Concernant le redressement fiscal, la société SCF souligne que l'administration a contesté le passage de provisions pour dettes de la société Card Ticket relatives à l'année 2012, au cours de laquelle la société Cubit a reçu des paiements et pris une participation dans ladite société. En revanche, l'annonce faite en 2013 de la réduction de l'activité de cette société aurait dû conduire les cédants à passer une provision sur cet exercice.

La société Card Ticket fait l'objet d'une procédure collective en Espagne après une saisie par le fisc espagnol et il est désormais certain qu'elle sera liquidée. Aucune restructuration n'est prévue, contrairement à ce qu'affirment les appelants : le fonds de commerce de la société Card Ticket a été vampirisé par la société TK Cards, créée par les consorts [W]. Cela implique la perte totale de l'actif détenu par la société Cubit.

La connaissance de ces éléments aurait conduit la société SCF soit renoncer à la vente, soit à en renégocier les termes, soit à aménager la garantie différemment en rehaussant le plafond ou en excluant ces créances non recouvrables du plafond.

Cela justifie la demande de résolution et de remboursement des frais de conseil engagés par la société SCF dans le cadre de l'opération d'acquisition pour un montant de 200.000 euros.

A titre subsidiaire, si la Cour n'infirmait pas la décision des premiers juges sur la demande principale en nullité de la cession, la société SCF maintient ses demandes au titre de la garantie d'actif et de passif et sollicite la confirmation du jugement déféré à ce titre.

Elle fait valoir qu'elle a droit à l'indemnisation de :

- la somme de 72.955 euros au titre du redressement fiscal en application de l'article 2.4 de la garantie d'actif et de passif ;

- la somme de 274.464,80 euros (324.464,80 euros - 50.000 euros de franchise) au titre des créances non encaissées sur la société Card Ticket en application de l'article 2.6 de la garantie d'actif et de passif, dans la mesure où :

- l'article II.8.1 du compromis de cession invoqué par les appelants ne peut s'appliquer car cette disposition non reprise dans l'article 2.4 (g) de la garantie d'actif et de passif indique que les parties ont implicitement abandonné une telle exigence ;

- l'article II.8.1 du compromis de cession ne peut trouver application pour les dettes de la société Card Ticket, lesquelles bénéficie d'un traitement différencié, au demeurant incompatible avec la disposition du compromis qui concerne des créances antérieures au 31 décembre 2013 alors que la garantie des cédants s'applique aux dettes de la société Card Ticket ayant une origine antérieure au 31 juillet 2014 ;

- l'article 3 de la garantie d'actif et de passif précise que le non respect des délais ne peut entraîner la déchéance des droits du bénéficiaire que s'il en résulte un préjudice pour les garants, ce qui n'est pas le cas ;

- l'état complet a été transmis au garant en 2015 dans le cadre des échanges entre les parties, cette communication n'étant enfermée dans aucun délai ;

- la somme de la somme de 359.996 euros correspondant à la dépréciation des titres de la société Card Ticket entrant dans l'actif de la société Cubit, en application de l'article 2.1 a) de la garantie d'actif et de passif, puisque sa valeur est en réalité nulle.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 juillet 2019.

SUR CE

I - Sur les pièces non traduites

Aux termes de l'article 2 alinéa 1er de la constitution du 4 octobre 1958, la langue de la République est le français.

Cette obligation d'utiliser la langue française s'impose au juge ainsi qu'aux parties, tant pour leurs écritures que pour les actes et documents qu'elles présentent au juge.

Si l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française.

           

Il appartient donc au juge du fond d'apprécier, y compris d'office et sans avoir à inviter au préalable les parties à fournir une traduction, s'il convient ou non d'écarter un document rédigé en langue étrangère.

En l'espèce, les pièces n°21-5 et 23 produites par les consorts [I] et les pièces n°4-2, 4-3 4-4, les pages 2 à 5 de la pièce n°4-5 et la pièce n°4-6 produites par la société SCF, sont rédigées en langue espagnole et non traduites.

                                                                                                                     

Il convient en conséquence d'écarter d'office ces pièces des débats.

II - Sur la demande d'annulation pour dol de la cession des parts de la société Cubit à la société SCF

Aux termes des articles 1116 et 1117 anciens du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. La convention contractée par dol n'est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision.

Le dol, ainsi défini, suppose la réunion de plusieurs conditions cumulatives :

- une erreur déterminante du consentement du co-contractant qui s'en prévaut,

- des manoeuvres positives ou négatives,

- une intention de tromper.

Il appartient en conséquence à la société SCF, qui demande l'annulation de la cession des actions de la société Cubit, de prouver l'existence de manoeuvres dolosives de la part des consorts [I], ainsi que l'intention dolosive des cédants et le fait qu'elle n'aurait pas contracté si elle n'avait pas été trompée.

Celle-ci reproche aux vendeurs de ne pas lui avoir révélé le caractère irrécouvrable des créances détenues par la société Cubit sur sa filiale espagnole, la société Card Ticket, soit par une information spécifique délivrée avant la vente, soit par l'inscription d'une provision représentant le risque réel portant sur le recouvrement dans les comptes de la société Cubit. Selon elle, ceux-ci lui ont également fait croire qu'une partie des créances était garantie par une hypothèque consentie par les détenteurs du capital de la société Card Ticket, les consorts [W], sur un immeuble leur appartenant, alors qu'il s'agissait d'un cautionnement.

La cour ne peut cependant que constater qu'il n'est versé aux débats aucune pièce de nature à attester de ces allégations, puisqu'il n'est produit aucun justificatif en langue française de la procédure collective qui serait engagée à l'égard de la société Card Ticket, permettant d'en comprendre la nature et les conséquences juridiques.

Par ailleurs, il est établi que la société SCF avait connaissance tant de la participation de la société Cubit dans la société Card Ticket que des risques existant sur le recouvrement des créances de la société Cubit sur la société Card Ticket puisque la garantie d'actif et de passif indique :

'1) Étendue de la garantie d 'actif /passif / déclaration des Cédants :

(...)

les Cédants certifient et garantissent solidairement au cessionnaire

- qu'en dehors de ce qui est déclaré aux présentes, la société CFT, comme la société PALEMFI, n'exerce pas de fonction de mandataire social d'une ou plusieurs sociétés tierces et ne détient aucune participation dans une autre société, association ou organisme à l'exception des sociétés CF TICKET Gmbh et CARD TICKET SA,

(...)

Le Cédant certifie et garantit également au cessionnaire que depuis le 1er janvier 2014 jusqu'à ce jour, il n'y a eu en dehors de ce qui est déclaré aux présentes:

(...)

-aucun engagement ou obligation encouru par la société CFT, comme par la société PALEMFI. dépassant le cadre de la gestion courante ou conclu à des conditions anormales, exceptées les livraisons à la société CARD TICKET SA jusqu'au 31 juillet 2014, en dépit de ses arriérés de règlement.

(...)

Dans ces conditions, les parties conviennent que les bilans des sociétés CFT et PALEMFI au 31 décembre 2013 constituent la base sur laquelle repose la garantie en cas d'insuffisance d'actif et/ou de révélation d'un passif inconnu ainsi que les créances CARD TICKET jusqu'au 31 juillet 2014.'

En outre, il doit être rappelé que si l'administration fiscale a considéré que la provision passée dans les comptes des exercices 2011 et 2012 de la société Cubit, concernant sa créance envers la société Card Ticket, était infondée, c'est en retenant que :

- au 31 décembre 2011, la créance totale détenue par la société Cubit envers la société Card Ticket était de 472.323,14 euros ;

- de nombreuses factures avaient continué à être comptabilisées tout au long de l'exercice 2012 pour un montant total de 273.490,98 euros ;

- des acomptes réguliers pour un montant total de 139.500 euros avaient été encaissés, sans que ces encaissements puissent être affectés à une facture précise, faute de lettrage, ces règlements étant dès lors réputés venir apurer en priorité les créances les plus anciennes jusqu'aux plus récentes ;

- une partie de la créance avait été apurée en mars 2012 par la souscription au capital de la société Card Ticket pour un montant de 179.998 euros, cette prise de participation témoignant de l'intérêt porté à cette société et de la confiance qu'avait la société Cubit dans l'avenir et les perspectives de développement de sa débitrice ;

- le procès-verbal de l'assemblée générale autorisant cette prise de participation précisait d'ailleurs : « compte tenu de la complémentarité des activités de sociétés CUBIT FRANCE TECHNOLOGIES et CARD TICKET SA, cette opération apparaît comme une opportunité étant précisé qu'au 31 octobre 2011, une situation comptable de la société TICKET CARD SA a été établie, faisant apparaître des capitaux propres positifs à hauteur de 469.035 € ;

- au 31 décembre 2012, la créance totale détenue par la société Cubit envers la société Card Ticket était de 419.425,19 €, soit 277.102,07 € en compte client n°411 et 142.323,12 € en compte client douteux n°416 ;

- en justification de cette provision, la société avait fourni un document passé devant notaire, daté du 16 mars 2012, établi en espagnol, aux termes duquel les associés de la société Card Ticket reconnaissaient que la société espagnole devait, au titre de ses opérations courantes, à la société Cubit une somme supérieure à 100.439,36 euros ; d'après ce document, ces derniers se constituaient personnellement cautions solidaires à hauteur de cette somme de 100.439,36 euros, représentative d'une liste précise de factures répertoriées dans l'acte ; dans ce document figurait les références d'un appartement situé à Barcelone, qui servait de garantie jusqu'à paiement complet des factures référencées ;

- aucune écriture constatant les effets de cet acte n'avait été comptabilisée au titre de l'exercice 2012 ; l'écriture correspondante n'avait été enregistrée en comptabilité qu'en juin 2014, soit juste avant le changement d'associés au sein de la société Cubit.

La cour souligne également qu'aux termes de l'avis rendu par l'administration fiscale le 18 décembre 2015, M. [J] lui avait indiqué avoir lui-même exigé cette retranscription. Contrairement à ce qu'indique la cessionnaire, il existait donc bien une garantie sur un immeuble, ce qu'elle ne peut ignorer pour avoir engagé des démarches auprès d'un cabinet d'avocat franco-espagnol afin de faire exécuter ce titre, ce dont témoigne le mail du 19 mars 2015 qu'elle produit elle-même aux débats.

Par ailleurs, il n'est pas démontré que la création de la société TKCard Teknologies SL est à l'origine des difficultés rencontrées par la société Card Ticket pour régler ses dettes, étant observé que M. [C] [W] a informé M. [O] [I] de son projet de restructuration des activités de la société Card Ticket en toute transparence par mail du 9 octobre 2013.

Il est donc suffisamment établi que c'est en pleine connaissance de cause quant à la réalité de la situation de la société Credit Card, dont il n'est pas prouvé qu'elle était alors totalement obérée et que les cédants en avaient connaissance, que la société SCF a signé le protocole d'accord de cession des titres de la société Cubit.

Aucune manoeuvre dolosive des cédants n'étant démontrée, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société SCF de sa demande d'annulation de la cession des actions de la société Cubit, et de sa demande subséquente de remboursement des frais exposés pour l'acquisition de ces titres.

III - Sur la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

1 ) Sur la recevabilité de la demande

Les parties ont convenu que 'le présent acte de Garantie d'Actif / Passif , l'acte de cession signé ce jour et le compromis en date du 30 Avril 2014 forment un tout indivisible. Les dispositions fixées par le compromis s'appliquent entre les parties quand bien même elles ne seraient pas rappelées expressément aux présentes. Le présent acte participant, en effet, à la réitération de la cession convenue dans ledit compromis.

Dès lors, tous les engagements pris, toutes les déclarations faites et toutes les informations contenues dans ledit compromis demeurent valables et engagent pleinement et dans les mêmes termes les parties sans qu'il soit nécessaire ici de les rappeler exceptées les modifications convenues aux présentes qui prévalent sur les dispositions contraires du compromis du 30 avril 2014.'

Or il ressort des termes du compromis de cession que :

'II.8.1 Étendue de la garantie d 'actif / passif /déclaration des Cédants :

Les Cédants garantissent au cessionnaire l'exactitude des déclarations figurant au présent acte ainsi que la comptabilité et la réalité de l'actif et du passif de la société CFT et de la société PALEMFI, tels qu'ils lui ont été présentés et tels qu'ils résulteront des comptes à arrêter au 31 décembre 2013.

En conséquence, les Cédants certifient et garantissent au cessionnaire :

(...)

- que les créances commerciales ou autres créances de la société CFT et de la société PALEMFI qui apparaîtront dans les comptes au 31 décembre 2013 seront valables et juridiquement recouvrables et seront encaissables à concurrence des montants figurant dans les livres, après déduction des provisions éventuellement applicables, et ce, dans les délais normaux et habituels d'encaissement.

Seront considérées comme irrécouvrables et donc prises en compte dans la garantie pour leurs valeurs nettes à la date des comptes de référence, les créances envers les clients existantes et insuffisamment ou non provisionnées à cette date, qui ne seront pas payées le 31 décembre 2015.

Le Cessionnaire s'engage à fournir au plus tard le 30 juin 2015 aux cédants, un état des créances antérieures au 31 décembre 2013 non recouvrées par les sociétés afin que les Cédants puissent engager toute procédure de recouvrement.

A défaut de communication de cet état les Cédants ne pourront être actionnés en garantie sur ce plan.'

Par ailleurs, il ressort des termes de la garantie d'actif et de passif, que :

'2) Etendue et limites des garanties

2.1 Faits et opérations garantis

a) Les cédants s'engagent à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait

(...)

en raison du non encaissement avant le 31/12/2015 des créances sur la société CARD TICKET ayant une origine antérieure au 31/7/2014.'

Ainsi, la garantie d'actif et de passif prévoit que les cédants s'engagent à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait en raison du non encaissement avant le

31 décembre 2015 des créances sur la société Card Ticket ayant une origine antérieure au 31 juillet 2014.

Il s'en déduit que l'article II.8.1 du compromis de cession, qui prévoit que seul un état des créances antérieures au 31 décembre 2013 non recouvrées le 31 décembre 2015 doit être transmis aux cédants au plus tard le 30 juin 2015, ne peut concerner les créances de la société Cubit sur la société Crédit Card, s'agissant de créances antérieures au

31 juillet 2014.

Les consorts [I] sont donc mal fondés à exciper de l'irrecevabilité des demandes présentées par la société SCF sur le fondement des créances irrécouvrables détenues sur la société Card Ticket, au motif que cette dernière ne lui aurait pas transmis l'état des créances avant le 30 juin 2015.

La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

2 ) Sur le fond

a - Sur les sommes demandées au titre du recouvrement fiscal

La garantie d'actif et de passif prévoit :

'Les cédants s'engagent à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait soit en raison d'inexactitude ou d'omission dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux présentes, (...) en cas de redressements ou rappels d'impôts au titre d'exercice postérieurs aux comptes de référence et fondés sur des erreurs comptables antérieures à la date de ces comptes.

(...)

c) Les redressements fiscaux pris en compte au titre de la garantie seront les redressements subsistants après application du droit à compensation et de la déduction en cascade, instituée par l'article 77 du Livre des Procédures Fiscales.

Si, à la suite d'un changement de la législation fiscale ou de la doctrine administrative, la société est en droit d'obtenir la restitution d'un impôt quelconque supporté par elle dans la période antérieure à la date des comptes de référence, ce profit sera sans incidence sur la garantie consentie par les cédants.

d) Les redressements fiscaux ayant pour effet de rehausser les bénéfices mais constituant un simple déplacement dans le temps de la charge correspondante, par exemple la réintégration d'amortissements, ne seront retenus que pour le coût des majorations et pénalités en résultant à l'exclusion, par conséquent du principal.

e) Les redressements en matière de TVA sont garantis pour leur montant global sans prise en compte de l'éventuelle faculté laissée à la société de récupérer ou répercuter sur des tiers la taxe redressée.

Toutefois, il sera tenu compte de leur déductibilité des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés selon les stipulations générales prévues ci-dessus.

En l'espèce, il ressort du bordereau de situation fiscale en date du 21 novembre 2017 que la société Cubit s'est vue appliquer un redressement de 72.955,00 euros, correspondant aux éléments suivants :

- impôt sur les sociétés du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 :

- droit : 60.234,00 euros ;

- pénalités : 7.710,00 euros ;

- TVA du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 :

- droit : 4.490,00 euros ;

- pénalités : 521,00 euros.

Conformément aux stipulations de la garantie d'actif et de passif précédemment rappelées, seul le montant des pénalités concernant l'impôt sur les sociétés peut être pris en compte, le paiement des droits dus ne consistant qu'en un simple déplacement dans le temps de la charge correspondante, suite au rehaussement du bénéfice résultant de la réintégration de provisions pour créances douteuses. Le préjudice subi de ce chef s'élève donc à 7.710,00 euros.

Concernant la TVA, il convient de retenir la somme due dans sa globalité, tout en tenant compte de la déductibilité du redressement dans les résultats soumis à l'impôt sur les sociétés, qui représente 5.011 euros (4.490,00 euros + 521,00 euros) x 33,33%

= 1.670,17 euros. Le préjudice subi s'élève donc de ce chef à 3.340,83 euros

(5.011,00 euros - 1.610,17 euros).

b - Sur les sommes demandées au titre des créances irrécouvrables de la société Card Ticket

La garantie d'actif et de passif prévoit :

'Les cédants s'engagent à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait (...) en raison du non encaissement avant le 31/12/2015 des créances sur la société CARD TICKET ayant une origine antérieure au 31/7/2014.

(...)

f) Il sera tenu compte de toute déductibilité fiscale liée à l'impôt sur les sociétés et à ses contributions additionnelles qui résulterait de la charge incombant, le cas échéant, à la société du fait des augmentations du passif ou insuffisances d'actif constatées quelle que soit la nature de cette charge, sauf si elle a pour effet d'aggraver le déficit fiscal de la société ou d'en faire naître un, après prise en compte du résultat de l'exercice où elle est comptabilisée ou déduite fiscalement. Sous cette réserve, toute charge occasionnant une économie d'impôt effective sera retenue après déduction de l'impôt économisé, calculé au taux en vigueur au cours de l'exercice au titre duquel elle sera déduite fiscalement.'

g) Seront considérées comme irrécouvrables et donc prises en compte dans la garantie pour leurs valeurs nettes à la date des comptes de référence, les créances envers les clients existantes et insuffisamment ou non provisionnées à cette date, qui ne seront pas payées le 31 décembre 2015.

Les recouvrements ultérieurs seront considérés comme des accroissements d'actif, qui se compenseront avec les augmentations de passif, selon les clauses qui suivent et, à défaut, ne donneront lieu à aucune contrepartie au profit des cédants.'

L'attestation du commissaire aux comptes de la société Cubit 'relative aux informations concernant les comptes liés avec la SA Card Ticket" est libellée en ces termes :

'Comptes 'clients' SA CARD TICKET au 31/07/2014

411 CARD (solde au 31/07/2014 - règlements postérieurs) 98.320,95 euros

411 CARH (hypothèque)100.535,36 euros

411 CARI125.608,51 euros

Solde au 31/07/2014 moins les règlements reçus et concernant les factures antérieures au 31 juillet 2014"

Il en ressort que les règlements reçus postérieurement au 31 juillet 2014 ont été pris en compte, ce que confirment les extraits du Grand Livre des comptes produits en annexe de cette attestation.

Le montant des créances irrécouvrables détenues par la société Cubit sur la société Card Ticket s'élève donc bien à la somme de 324.464,82 euros.

Il convient cependant de prendre en compte les économies d'impôt qui en résultent, soit la somme de 108.144,13 euros (324.464,82 x 33,33 %).

Le préjudice subi du fait du non-encaissement de ces créances s'élève donc à

216.320,69 euros (324.464,82 euros - 108.144,13 euros).

c- Sur les sommes demandées au titre de la dépréciation des titres de la société Card Ticket

La garantie d'actif et de passif prévoit :

'les parties conviennent que les bilans des sociétés CFT et PALEMFI au 31 décembre 2013 constituent la base sur laquelle repose la garantie en cas d'insuffisance d'actif et/ou de révélation d'un passif inconnu ainsi que les créances CARD TICKET jusqu'au 31 juillet 2014.

2 Etendue et limites des garanties

2.1 Faits et opérations garantis

a) Les cédants s'engagent à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait soit en raison d'inexactitude ou d'omission dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux présentes,

soit en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire excédant celui figurant dans les comptes de référence dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à la date des comptes de référence quelle qu'en soit la cause.

soit en cas de constatation de toute surestimation des actifs de la société, tels qu'ils sont comptabilisés dans les comptes de référence, dès lors que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à la date des comptes de référence, quelle qu'en soit la cause'

En l'espèce, il a déjà été rappelé que la société SCF ne justifie pas de la situation exacte de la société Card Ticket, et notamment de la cessation totale de son activité.

Elle ne rapporte donc pas la preuve d'une dépréciation des actifs figurant dans son capital tels que comptabilisés dans les comptes de référence et que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à la date des comptes de référence.

d - Sur l'application de la franchise et du plafond de la garantie

La garantie d'actif et de passif prévoit :

'2.6 Franchise - Plafond

Les sommes calculées selon les stipulations des paragraphes précédents seront mises à la charge des cédants pour autant qu'elles soient globalement supérieures à

50 000 euros (cinquante mille euros) .

Enfin, le cumul des sommes calculées selon les stipulations des paragraphes précédents ne pourra excéder le montant de 500.000 euros (cinq cent mille euros) qui constitue le plafond de l'engagement de garantie des cédants au titre de ces stipulations.

(...)

5 Modalité et garantie de paiement des sommes dues au titre des garanties

Les cédants s'obligent expressément à payer au cessionnaire toutes sommes mises à leur charge en application des garanties consenties aux termes des présentes.

(...)

Toute somme due par les cédants en exécution des garanties consenties aux termes des présentes portera des intérêts au taux légal alors en vigueur majoré de 3 points si elle n'est pas payée 30 jours après que le cessionnaire aura notifié aux cédants qu'elle est devenue exigible en application des stipulations du présent contrat.'

Au regard de ces dispositions, la somme totale devant être mise à la charge des cédants s'élève à 227.371,52 euros (7.710,00 euros + 3.340,83 euros + 216.320,69 euros) - 50.000,00 euros = 177.371,52 euros, qui s'analysera en une réduction de prix conformément aux stipulations de la convention de garantie selon lesquelles 'toute somme reversée par les cédants au cessionnaire au titre des garanties consenties aux présentes aura pour effet de réduire égalitairement le prix de chacune des actions'.

Les intérêts au taux légal majoré de trois points seront calculés à compter du 28 janvier 2015 sur la somme de 216.320,69 euros et à compter du 10 mars 2018 sur la somme de 11.050,83 euros.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

IV - Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'issue du litige justifie de laisser à chaque partie la charge de ses dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les consorts [I] aux dépens de première instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné les consorts [I] à payer à la société SCF la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il ne sera pas fait droit aux demandes des parties sur ce fondement à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte des débats les pièces n°21-5 et 23 produites par les appelants et les pièces n°4-2, 4-3 4-4, les pages 2 à 5 de la pièce n°4-5 et la pièce n°4-6 produites par l'intimée ;

Et statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu'il a :

- Rejeté la demande de nullité de cession de titres présentée par la société S.C.F.,

- Condamné Messieurs [O] et [M] [I] à payer conjointement à la société S.C.F. la somme de Trois Mille Euros (3.000 €) pour indemnité procédurale,

-Condamné conjointement Messieurs [O] et [M] [I] aux dépens, dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 99,31 euros TTC (= tarifs 05-2016 n°18, n°22, n°19, n°20 x3) ;

L'infirme pour le surplus, et y ajoutant,

Déboute la société S.C.F. de sa demande en remboursement du prix des actions et des frais engagés pour leur acquisition ;

Déclare recevable la demande en paiement présentée par la société S.C.F. au titre de la garantie d'actif et de passif conclue entre les parties le 15 septembre 2014 ;

Condamne Messieurs [O] et [M] [I] à payer à la société S.C.F. la somme de 177.371,52 euros, avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du

28 janvier 2015 sur la somme de 216.320,69 euros et à compter du 10 mars 2018 sur la somme de 11.050,83 euros ;

Dit que cette somme s'analyse en une réduction de prix ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.

Le greffierLe président

V. RoelofsL. Bedouet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 18/02169
Date de la décision : 28/11/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°18/02169 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-28;18.02169 ?
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