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07/11/2019 | FRANCE | N°17/03462

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 07 novembre 2019, 17/03462


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 07/11/2019

N° de MINUTE : 19/1176

N° RG 17/03462 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QXOU

Jugement rendu le 09 décembre 2008 par le TGI de Senlis

Arrêt rendu le 30/11/2010 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt rendu le 09 Février 2012 par le cour de cassation de paris



APPELANTS (DEMANDEURS au recours)



Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 1] (Algérie) - de nationalité



[Adresse 1]



Monsieur [Y] [X]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 2]



Madame [U] [X]

née le [Date ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 07/11/2019

N° de MINUTE : 19/1176

N° RG 17/03462 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QXOU

Jugement rendu le 09 décembre 2008 par le TGI de Senlis

Arrêt rendu le 30/11/2010 par la cour d'appel d'Amiens

Arrêt rendu le 09 Février 2012 par le cour de cassation de paris

APPELANTS (DEMANDEURS au recours)

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 1] 1931 à [Localité 1] (Algérie) - de nationalité

[Adresse 1]

Monsieur [Y] [X]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 2]

Madame [U] [X]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 3] - de nationalité française

[Adresse 2]

Monsieur [N] [X]

né le [Date naissance 4] 1933 à [Localité 3] - de nationalité française

[Adresse 1]

Madame [O] [X] [R]

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 3]

Madame [R] [X] [S]

née le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 3] - de nationalité française

[Adresse 4]

Représentés par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai substitué par Me Pereira, avocat

INTIMÉE (DEFENDERESSE au recours)

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de l'Oise société coopérative de crédit agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilies es qualité au dit siège,

[Adresse 5]

Représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai constitué aux lieu et place de Me Brigitte Vandendaele, avocat au barreau de Douai et Me Gérard Blanc, avocat au barreau de Senlis

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Hélène Billieres, conseiller

Maria Bimba Amaral, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 04 Septembre 2019

après rapport oral de l'affaire par Sylvie Collière

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président, et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 juillet 2019

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 27 mai 1987, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Oise a consenti à M. [D] [X] et Mme [P] [B] épouse [X], un prêt de 370 000 francs remboursable en 240 mensualités, garanti par le cautionnement de M. [N] [X]. L'acte mentionnait que les risques décès et invalidité permanente et absolue et invalidité temporaire étaient garantis à 100 % sur la tête de l'emprunteur et de son conjoint par l'assurance de groupe souscrite par la caisse.

[P] [B] est décédée le [Date décès 1] 2004 des suites d'une maladie diagnostiquée en 1996, qui l'empêchait de travailler depuis 1997.

Par acte du 1er juin 2007, son ex-mari, M. [D] [X] et leurs enfants, M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] et Mme [R] [X] (les consorts [X]) ont assigné la caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie venant aux droits de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Oise afin d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme principale de 62 991,62 euros correspondant au montant des échéances payées depuis le mois de mars 1997.

Par jugement du 9 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Senlis a :

- déclaré [D] [X] irrecevable à agir pour défaut de qualité ;

- déclaré recevable l'action d'[Y], [U], [N], [O] et [R] [X] à l'encontre de la caisse ;

- débouté [Y], [U], [N], [O] et [R] [X] de leurs demandes dirigées contre la caisse ;

- condamné solidairement [Y], [U], [N], [O] et [R] [X] à payer à la caisse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur appel des consorts [X], la cour d'appel d'Amiens, par arrêt en date du 30 novembre 2010 :

- a infirmé le jugement du 9 décembre 2008, sauf en ses dispositions sur la charge des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a confirmé de ces seuls chefs ;

Statuant à nouveau,

- a dit que M. [D] [X], M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] et Mme [R] [X] ont qualité et intérêt à agir dans le cadre de l'instance ;

- a constaté la prescription de leur action en responsabilité au regard des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

- en conséquence, les a déclaré forclos en leur demande de dommages et

intérêts ;

- les a déboutés de leur demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

- les a condamnés in solidum à payer à la caisse la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en appel ;

- les a condamnés in solidum aux dépens.

Sur pourvoi des consorts [X], la Cour de cassation, par arrêt du 9 février 2012, a statué dans les termes suivants :

'Vu l'article 4 du code de procédure civile,

(...)

Attendu que pour déclarer (l') action prescrite, l'arrêt attaqué retient qu'elle a été engagée plus de dix ans après la date de la souscription de l'emprunt, à compter de laquelle la prescription édictée par l'article L. 110-4 du code de commerce a commencé à courir dès lors que les consorts [X] invoquent un défaut d'information et de conseil de l'établissement de crédit à l'occasion de l'adhésion de M. [D] [X] à l'assurance de groupe ;

Qu'en statuant ainsi alors que, suivant leurs conclusions d'appel, les consorts [X] recherchaient la responsabilité contractuelle de la caisse en lui reprochant de ne pas avoir fait adhérer Mme [B] à l'assurance de groupe bien que le contrat de prêt ait prévu cette adhésion et prétendaient que ce manquement n'avait été révélé que par une lettre de la caisse du 12 janvier 1999 informant Mme [B] qu'elle n'était pas assurée, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du

moyen :

CASSE ET ANNULE, en ses dispositions autres que celle déclarant que M. [D] [X], M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] et Mme [R] [X] ont qualité et intérêt à agir, l'arrêt rendu le 30 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai (...).'

Par déclaration en date du 19 juin 2012, les consorts [X] ont saisi la cour d'appel de Douai.

Par ordonnance du 11 janvier 2013, le magistrat de la mise en état a ordonné la radiation de la cause.

L'affaire a été réinscrite au rôle le 12 janvier 2015.

Par arrêt du 19 janvier 2016, la cour a ordonné le retrait du rôle.

L'affaire a été remise au rôle le 2 juin 2017.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 18 avril 2018, les consorts [X] demandent à la cour, au visa des articles 1101, 1147 et 1134 du code civil de :

- constater que la cassation partielle prononcée le 9 février 2012 a laissé intactes les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 30 novembre 2010 ayant dit qu'ils avaient intérêt à agir et que ces dispositions sont définitives ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] et Mme [R] [X] de leurs demandes dirigées contre la caisse ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- constater que la prescription n'est pas acquise .

- dire qu'ils sont recevables à agir ;

-condamner la caisse à leur payer la somme de 78 690 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamner la caisse à leur régler la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

En toute hypothèse,

- condamner la caisse à leur régler la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la caisse aux dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Boulaire.

Sur la prescription, ils font observer que :

- au vu des mentions de l'acte notarié, postérieur aux bulletins individuels de demande d'adhésion à l'assurance allégués par la caisse, les époux [X]-[B] étaient légitimes à penser qu'ils étaient tous deux assurés et ce n'est que par une lettre de la caisse du 12 février 1999 que Mme [B] qui avait préalablement saisi l'assureur sans que ce dernier ne lui réponde, a appris de la banque qu'elle n'était pas assurée ;

- c'est donc à cette date que la prescription décennale a commencé à courir de sorte que l'action ne peut être regardée comme prescrite.

Sur les fautes commises par le Crédit Agricole, ils font valoir que :

- la banque est fautive de s'être abstenue de recueillir, contrairement à ce qui était prévu, la signature des deux co-emprunteurs concernant la police d'assurance de groupe qui était censée les couvrir à 100 % chacun ; il résulte des termes clairs et précis du contrat de prêt que l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe était une condition nécessaire pour l'ouverture du crédit ; l'acte stipule en effet que l'emprunteur et son conjoint étaient garantis à 100 % chacun ; ainsi, c'est manifestement par une erreur constitutive d'une faute imputable à la banque que Mme [B] n'a pas été amenée à signer une police d'assurance conforme aux stipulations de l'acte notarié de sorte que lorsqu'elle a fait valoir sa situation auprès de la compagnie d'assurance qui était censée la couvrir, elle s'est opposée à un refus de garantie ; d'ailleurs le Crédit Agricole a perçu les échéances comprenant l'assurance décès invalidité sur la tête des deux co-emprunteurs et non sur celle de la caution qui n'a jamais été invitée à régler quelque somme que ce soit à ce titre ;

- en tout état de cause, la caisse a manqué à son devoir de mettre en garde les emprunteurs et de les éclairer sur l'adéquation des risques couverts à leur situation personnelle, étant précisé que M. [D] était chef magasinier et Mme [B] assistante maternelle ; c'est à la caisse qu'il incombe d'établir qu'elle a satisfait au devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti ; la banque ne doit pas limiter son information aux risques faisant l'objet d'une assurance obligatoire mais doit étendre celle-ci aux assurances facultatives ; or, elle ne produit pas les éléments permettant de prouver qu'elle a satisfait à son obligation d'information et de conseil ; le revenu mensuel de Mme [B] soit 1 833 francs représentait 20 % de l'ensemble des revenus du couple, soit une part substantielle dont la perte était de nature à bouleverser l'équilibre financier de la famille .

Sur leur préjudice, ils soutiennent que :

- la faute de la banque leur a causé un préjudice certain ;

- Mme [B] a été placée en invalidité totale et permanente depuis mars 1997 et depuis cette date les emprunteurs auraient dû bénéficier des garanties mentionnées dans le contrat de prêt étant précisé que Mme [B] a bien effectué une demande de prise en charge ; au lieu de cela, les échéances du prêt ont été réglées jusqu'en septembre 2007 ;

- le préjudice moral est également indéniable.

Aux termes de ses dernières écritures du 5 septembre 2017, la caisse demande à la cour de :

- dire que l'action est prescrite en application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce et infirmer en conséquence le jugement de ce chef ;

- sinon, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts

[X] ;

- condamner solidairement les consorts [X] à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur la prescription, elle soutient que :

- seul est en débat le point de départ de la prescription décennale ;

- le contrat n'a pas prévu l'adhésion de Mme [B] ; l'acte notarié mentionnant que 'le risque décès et invalidité ... est garanti à 100 % sur la tête de l'emprunteur ... et 100 % sur la tête de son conjoint' est affecté d'une erreur purement matérielle ; les deux bulletins de demande d'admission à l'assurance mentionnent comme candidats [D] [X] et son fils, [N] [X],

caution ;

- les époux [X]-[B] étaient en possession, dès la souscription du contrat, de l'ensemble des pièces contractuelles et notamment des bulletins de demande d'adhésion à l'assurance qui montrent clairement que Mme [B] n'était pas assurée ;

- les extraits du compte de M. [X] mettent en évidence que l'amortissement de l'emprunt et le paiement de la prime d'assurance ont été payés exclusivement par M. [X] ;

- dans ces conditions, Mme [B] savait qu'elle n'était pas assurée ;

- le manquement allégué ne portant que sur le défaut d'information et de conseil au moment de l'adhésion à l'assurance n'ouvrait l'action en responsabilité que pendant dix ans à compter du moment de l'adhésion ;

- l'action est conséquence prescrite.

Sur le fond, elle fait valoir que :

- il ressort des informations recueillies lors de l'étude du financement que le couple percevait mensuellement environ 9 160 francs, dont 1 833 francs de revenus provenant de l'activité, à temps partiel semble-t-il, de garde d'enfants exercée par Mme [B], alors que leur fils [N], lad jockey, indiquait avoir un salaire de 5 958 francs par mois ;

- les faits étant anciens, elle n'a pas été en mesure de retrouver les pièces de son dossier, mais, c'est à l'évidence, parce que la charge de l'emprunt pesait, pour la plus grande part, sur M. [D] [X] et en cas de défaillance sur son fils [N], qu'il a été convenu des modalités d'assurance qui sont aujourd'hui critiquées à tort ; en effet, compte tenu de la modicité de ses revenus, l'adhésion à une assurance garantissant son décès ou son invalidité ne présentait pas d'intérêt pour Mme [B] ;

- il n'apparaît pas qu'elle ait été fautive, les appelants ne faisant d'ailleurs pas la preuve qui leur incombe en application de l'article 1315 du code civil, qu'elle leur aurait donné un conseil inapproprié ;

- sur le préjudice : s'agissant du conjoint co-emprunteur, l'assurance était facultative, comme cela est indiqué sur la notice annexée au contrat de prêt et la quotité de garantie aurait pu, au surplus, être envisagée à hauteur seulement de 50 %, au regard des revenus de Mme [B], très nettement inférieurs à ceux de son époux, ouvrant ainsi la prise en charge à concurrence de moitié du capital restant à régler, une fois les conditions prévues au bulletin individuel de demande d'admission réunies ; sur ce dernier point, les appelants ne démontrent pas que Mme [B] lui a remis au plus tard six mois à compter de la date de survenance de l'invalidité dont il est fait état un certificat médical l'attestant et précisant qu'elle était dans l'incapacité d'exercer la moindre activité lucrative ainsi que la date à laquelle cette invalidité a revêtu le caractère permanent et absolu et la nature de la maladie à l'origine de cette invalidité ; il n'est ainsi pas établi que le 25 mars 1997, date à laquelle Mme [B] a présenté une demande de prise en charge, elle avait satisfait aux formalités exigées par l'assurance et précisément énumérées au dos du bulletin individuel de demande d'admission ; en outre, les consorts [X] chiffrent leur réclamation sans tenir compte du montant de la prime d'assurance dont Mme [X] aurait dû s'acquitter si elle avait adhéré au contrat d'assurance groupe ; enfin, les garanties au titre de l'invalidité cessent quand l'assuré a atteint 65 ans, soit en l'espèce à la date du 4 février 2001.

MOTIFS

Il sera rappelé d'emblée que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 30 novembre 2010 disant que les consorts [X] ont qualité et intérêt à agir, ont autorité de la chose jugée.

Les consorts [X] entendent engager la responsabilité de la banque en invoquant que :

- elle est fautive pour s'être abstenue de recueillir, contrairement à ce qui était prévu, la signature des deux co-emprunteurs concernant la police d'assurance de groupe qui était censée les couvrir à 100 % chacun ;

- elle a manqué à son devoir de mettre en garde et d'éclairer les emprunteurs sur l'adéquation des risques couverts à leur situation personnelle.

Sur la prescription

La prescription applicable est la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce.

Elle court s'agissant d'une action en responsabilité à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Il en résulte que, quelle que soit la faute invoquée, la prescription a couru en l'espèce à compter du 12 janvier 1999, date du courrier par lequel la banque a indiqué à Mme [P] [B] qu'elle n'était pas assurée puisque c'est à cette date que le dommage s'est réalisé.

L'assignation devant le tribunal de grande instance de Senlis ayant été délivré à la caisse le 1er juin 2007, les demandes des consorts [X] sont recevables de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur le fond

- Sur le premier manquement invoqué par les consorts [X]

Il résulte de l'acte authentique de vente et de prêt paraphé et signé par les époux [X] emprunteurs et par leur fils, [N] [X] intervenu à l'acte pour s'engager en qualité de caution solidaire auprès du Crédit Agricole que :

- 'le prêteur ayant adhéré pour une année à une assurance de groupe destinée à couvrir ses emprunteurs à court, moyen et long terme contre les risques de décès et d'invalidité, l'emprunteur devra, dès l'acceptation de l'offre, régler, en sus des intérêts, les primes qui lui seront réclamées par le prêteur au taux en vigueur chaque année.

-L'assurance sera acquise à l'emprunteur à compter de l'acceptation dans les conditions prévues au bulletin individuel de demande d'admission.

-Une notice précisant les modalités de cette assurance est jointe à la présente offre et une autre à été remise à l'emprunteur.' (page 14)

- s'agissant de l' 'étendue de la garantie du contrat assurance-groupe E' :

.'le risque décès et invalidité permanente et absolue est garanti à 100 % sur la tête de l'emprunteur, soit 0,216 % sur la tête de l'emprunteur, et 100 % sur la tête de son conjoint, soit 0,216 %.

.Le risque invalidité temporaire est garanti à 100 % sur la tête de l'emprunteur, soit 0,204 % et 100 % sur la tête de son conjoint, soit 0,204 %.

.Prime totale prélevée mensuellement 0,840 % l'an sur le montant initial du prêt, soit Deux cinquante neuf francs (259 F) (prime constante pendant toute la durée du prêt.' (page 15)

Il était annexé divers documents portant à 44 pages le nombre de pages de l'acte notarié ainsi que mentionné à la page 22 de ce dernier, et en particulier les deux notices individuelles d'assurance Soravie mentionnant pour l'une en qualité de candidat à l'assurance principale obligatoire à 100 %, [D] [X] né le [Date naissance 1] 1931, magasinier et pour l'autre en qualité de candidat à l'assurance complémentaire facultative, [N] [X] né le [Date naissance 4] 1963, jockey. Sur ces deux documents était d'ailleurs mentionné le numéro de compte 'DAV' (dépôt à vue) 43255500162 correspondant au numéro de compte de M. [D] [X] sur lequel ont été, par la suite, prélevées les primes d'assurance, ainsi qu'il ressort d'un relevé de compte produit par les consorts [X].

Sur ces notices, les époux [X] et leur fils [N] ont apposé leurs initiales, soit [D] [X] pour [D] [X], [P] [X] pour [P] [X] et M. [X] pour [N] [X].

Chacun de ces documents faisait partie d'une liasse dont le premier feuillet rempli et signé respectivement par [D] [X] et [N] [X] le 9 avril 2007 était le bulletin individuel de demande d'admission dans le contrat E.

Il en résulte d'abord que seuls [D] et [N] [X] bénéficiaient de l'assurance de groupe souscrite par le Crédit Agricole de sorte que l'acte notarié de prêt comportait une erreur en mentionnant que l'assurance bénéficiait à l'emprunteur et à son conjoint et ensuite que, malgré cette erreur, Mme [P] [X] qui avait revêtu de ses initiales les notices d'assurance concernant son mari et son fils n'avait pu se croire assurée.

Ainsi, la caisse n'a commis aucune faute en ne faisant pas signer à Mme [X] une police d'assurance.

- Sur le second manquement invoqué par les consorts [X]

Le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. Il est également tenu de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance.

C'est à la banque tenue de cette obligation particulière d'information d'apporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

En l'espèce, la caisse reconnaît qu'elle n'a pas été en mesure de retrouver les pièces de son dossier et indique qu'il ressort de l'étude de financement produite que Mme [X], garde d'enfants agréée, avait un salaire mensuel de 1 833 francs, largement inférieur à ceux de son époux, magasinier et de son fils, lad, qui étaient respectivement de 7 327 francs et de 5 958 francs et qu' 'à l'évidence, c'est parce que la charge de l'emprunt pesait, pour la plus grande part, sur M. [D] [X] et en cas de défaillance sur son fils [N], qu'il a été convenu des modalités d'assurances ... critiquées.'

Toutefois, ces éléments sont insuffisants à rapporter la preuve que la caisse a éclairé Mme [X] et également son époux coemprunteur sur les risques d'un défaut d'assurance de sorte que le manquement de la banque est caractérisé.

Les consorts [X] soutiennent que leur préjudice matériel correspond aux échéances du prêt qui ont dû être réglées compte tenu du refus de garantie opposé, à hauteur de 610 euros chacune, de mars 1997, époque à laquelle Mme [B] a été placée en invalidité totale et permanente, jusqu'au terme du prêt en septembre 2007, soit une somme de 78 690 euros.

Or, d'une part ce montant est erroné puisqu'il ressort de l'extrait du tableau d'amortissement produit par les consorts [X] que la date de réalisation du prêt étant le 20 mai 1987, la dernière échéance était celle de mai 2007, soit un montant d'échéances réglées de 74 420 euros, assurances comprises, entre le 25 mars 1997, date à laquelle Mme [X], âgée de moins de 65 ans, qui souffrait, ainsi qu'un certificat médical du 28 janvier 1997 le mentionne, 'd'une affection neurologique responsable d'un handicap croissant et d'une invalidité physique et intellectuelle l'empêchant d'exercer toute activité professionnelle', a demandé la prise en charge par l'assureur et le 20 mai 2007 ; d'autre part et surtout, le préjudice entraîné par le manquement de la caisse ne correspond pas au montant des échéances ainsi réglées mais consiste en une perte de chance pour Mme [X] d'avoir pu adhérer au contrat d'assurance et de voir la compagnie d'assurance prendre en charge le capital restant dû en raison de son état d'invalidité permanente et absolue.

Or, force est de constater qu'il n'est pas démontré que Mme [X], dûment éclairée par la banque, aurait, compte tenu d'une part de la faiblesse de ses revenus mensuels, soit environ 25 % de ceux de son mari co-emprunteur et 31 % de ceux de son fils, caution, et d'autre part des adhésions de ces derniers à l'assurance de groupe proposée par le prêteur, fait elle-même le choix d'adhérer à cette assurance en supportant les primes d'assurance en découlant. Il en résulte que les consorts [X] ne justifient pas d'un préjudice direct et certain alors que la perte de chance pour Mme [X] d'adhérer au contrat d'assurance de groupe était nulle. Il convient donc de les débouter de leur demande indemnitaire au titre du préjudice matériel.

Le préjudice moral allégué n'est pas davantage établi. En particulier, M. [D] [X] ne peut soutenir que la faute de la caisse est la cause de la situation de surendettement dans laquelle il s'est trouvée, alors qu'au contraire par jugement du 16 octobre 1997, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a déclaré irrecevable sa demande tendant à l'élaboration d'un plan de surendettement au motif qu'il n'était pas surendetté.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté [Y], [U], [N], [O] et [R] [X] de leurs demandes indemnitaires, sauf à préciser que les demandes de M. [D] [X] sont également rejetées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens, sauf à étendre les condamnations prononcées de ces chefs à M. [D] [X].

Il convient de condamner les consorts [X] aux dépens d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé. Il y a lieu enfin de les condamner à régler à la caisse la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de cassation du 9 décembre 2012 ;

Statuant dans la limite de la saisine,

Confirme le jugement déféré, sauf à préciser que les demandes de M. [D] [X] sont également rejetées et que les condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens lui sont étendues ;

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [X], M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] [R] et Mme [R] [X] [S] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [X], M. [Y] [X], Mme [U] [X], M. [N] [X], Mme [O] [X] [R] et Mme [R] [X] [S] aux dépens d'appel qui comprendront ceux de l'arrêt cassé.

Le greffier,Le président,

I. CapiezS. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 17/03462
Date de la décision : 07/11/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°17/03462 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-07;17.03462 ?
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