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10/10/2019 | FRANCE | N°18/03214

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 10 octobre 2019, 18/03214


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 10/10/2019



****



N° de MINUTE : 19/

N° RG 18/03214 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RTLS



Jugement (N° 2014J5704) rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque



APPELANTS



M. [R] [N] (présent à l'audience)

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 9], de nationalité française

demeurant [Adresse 6]

[Localité 7]


>SARL TFP Holding agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 7]



SELARL WRA prise en la pers...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 10/10/2019

****

N° de MINUTE : 19/

N° RG 18/03214 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RTLS

Jugement (N° 2014J5704) rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTS

M. [R] [N] (présent à l'audience)

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 9], de nationalité française

demeurant [Adresse 6]

[Localité 7]

SARL TFP Holding agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 7]

SELARL WRA prise en la personne de Me [G] [S] et Me [Y] [Z] agissant en qualité de liquidateur de la SAS société d'Exploitation des Etablissements [N] désigné à cette fonction par jugement du 16 décembre 2014 rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque

demeurant [Adresse 4]

[Localité 7]

représentés par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai

assistés par Me Jean Rosenberg, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

SA Société Générale agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Anne Molina, conseiller

Nadia Cordier, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel

DÉBATS à l'audience publique du 16 mai 2019 tenue en double rapporteur par Véronique Renard et Anne Molina, après accord des parties. Mme Véronique Renard, Présidente, entendue en son rapport oral. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2019 après prorogation du délibéré initialement prévu le

19 septembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 avril 2019

****

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque qui a :

- déclaré hors de cause la SELARL AJJIS en qualité, d'une part d'administrateur judiciaire de la SARL TFP Holding, et d'autre part d'administrateur judiciaire de la Société d'Exploitation des Etablissements [N], ainsi que maître [G] [S] en qualité, d'une part de mandataire judiciaire de ladite SARL, et d'autre part de mandataire judiciaire de ladite SAS, fonctions respectives ayant pris fin durant l'instance,

- déclaré l'instance régulièrement reprise du fait de l'intervention volontaire de la SELARL WRA en qualité de liquidateur judiciaire de ladite SAS,

- rejeté la demande tendant à voir écarter le rapport de monsieur [H] et toutes pièces à l'origine de ce document,

- condamné la SA Société Générale à payer conjointement à la SARL TFP Holding et M. [N] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de

15.000 euros pour indemnité procédurale,

- débouté M. [N], la SARL TFP Holding et la SELARL WRA ès qualités de toutes leurs demandes tendant à plus amples dommages et intérêts,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné la SA Société Générale aux dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 135,72 euros,

Vu l'appel interjeté le 5 juin 2018 par M. [N], la SARL TFP Holding et la SELARL WRA ès qualités de mandataire judiciaire de la Société d'Exploitation des Etablissements [N],

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

11 avril 2019 par M. [N], la SELARL WRA ès qualités de liquidateur de la SAS Société d'Exploitation des Etablissements [N] et la TFP Holding qui demandent à la cour de :

- constater que le rapport amiable établi le 6 avril 2016 par M. [L] [H], ainsi que la requête et l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 20 novembre 2015 ont été régulièrement versés aux présents débats et soumis à discussion contradictoire,

- juger que ces pièces constituent des moyens de preuve licites, qui doivent être examinés par le juge suivant la doctrine de la Cour de cassation (Cass. Chambre mixte 28/09/2012),

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque qui a rejeté la demande de la Société Générale tendant à voir écarter le rapport de M. [H] et toutes pièces à l'origine de ce document,

- confirmer la mise hors de cause de la SELARL AJJIS en qualité, d'une part, d'administrateur judiciaire de la SARL TFP Holding et, d'autre part, d'administrateur judiciaire de la SAS Société d'Exploitation des Etablissements [N], ainsi que maître [G] [S] en qualité, d'une part, de mandataire judiciaire de ladite SARL et, d'autre part, de mandataire judiciaire de ladite SAS, fonctions respectives ayant pris fin durant l'instance,

- confirmer que l'instance a été régulièrement reprise du fait de l'intervention volontaire de la SELARL WRA en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [N],

Pour le surplus,

- réformer le jugement de première instance qui a après avoir formellement retenu le rapport de M. [H], ne l'a nullement intégré dans son raisonnement, ni n'en a discuté la pertinence et les constatations techniques sur le plan économique et financier,

- juger que la Société Générale n'a pas exécuté de bonne foi le protocole d'accord du 23/03/2011 et a rompu abusivement son concours le 1/01/2013,

- juger que les différents manquements de la Société Générale ont engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de TFP Holding et de M. [N] et sa responsabilité délictuelle à l'égard de la Société d'Exploitation des Etablissements [N],

- condamner la Société Générale à réparer l'intégralité des préjudices causés par ses fautes,

- la condamner en conséquence à régler les dommages et intérêts suivants :

- à monsieur [N] :

- 190.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas être actionné par le CIC en tant qu'avaliste,

- 167.000 euros au titre de la perte de ses rémunérations,

- 200.000 euros au titre du préjudice moral

- à la société TFP Holding :

- 620.000 euros pour le manque à gagner sur la réalisation des actifs immobiliers,

- 12.477 HT au titre des frais de la procédure collective,

- 13.186 euros pour les frais du licenciement d'un salarié

- à la Société d'Exploitation des Etablissements [N] représentée par la SELARL WRA :

- 1.250.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

- 2.258.000 euros de perte de valeur du fonds de commerce,

- 400.000 euros au titre du manque à gagner sur la cession de la VAD,

- du fait de l'érosion monétaire, assortir la totalité des condamnations d'un taux d'actualisation financière de 5% entre 2013 et 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation introductive d'instance,

- rejeter l'intégralité des moyens et prétentions reconventionnels de la Société Générale,

- condamner la Société Générale au paiement d'une somme de 20.000 euros au profit de chacun des appelants au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance et d'appel qui pourront être recouvrés par leur avocat.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

13 septembre 2018 par la Société Générale qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a retenu aucune faute tant au visa de l'article L313-12 du Code monétaire et financier qu'au regard du protocole,

- le réformer en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et mis à sa charge frais irrépétibles et dépens et dire n'y avoir lieu à de telles condamnations,

- ordonner le retrait des débats du rapport de M. [H] obtenu en fraude des droits de la défense ainsi que de toutes les pièces à l'origine de celui-ci,

- constater que la Société Générale n'a commis ni inexécution contractuelle ni faute dans l'absence de renouvellement du billet à ordre tiré par la société TFP Holding et à échéance du 31/12/2012 et encore moins dans le préavis donné au respect de l'article L313-12 du Code monétaire et financier,

- juger en outre et en tout état de cause que cet événement n'a aucun lien causal avec les jugements ultérieurs d'ouverture de sauvegarde et de redressement judiciaire en relation avec des impasses de trésorerie préalables, avérées et sans solution de trésorerie,

- en conséquence, déclarer les appelants agissant ès qualités ou personnellement tout autant irrecevables que mal fondés,

- les débouter de toutes leurs demandes,

- reconventionnellement, les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 50.000 euros pour procédure abusive,

- les condamner en tous les dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de

20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture du 24 avril 2019,

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société TFP Holding détient par le biais de participation en capital la quasi-totalité de sept sociétés, certaines à vocation immobilière, d'autres à vocation commerciale, telle la société des Etablissements [N] qui exploite un fonds de commerce de librairie, papeterie, fournitures scolaires et de bureau.

Elle est titulaire dans les livres de Société Générale d'un compte courant qui est alimenté par des virements opérés par les sociétés d'exploitation et par un crédit de trésorerie à court terme renouvelable mensuellement et matérialisé par l'émission d'un billet à ordre de 200.000 euros.

Suite à des difficultés de trésorerie et à une baisse du chiffre d'affaires des sociétés qu'elle détient, la société TFP Holding a bénéficié d'une procédure de mandat ad hoc puis de conciliation selon ordonnance rendue le 29 novembre 2010 par le président du tribunal de commerce de Dunkerque désignant en qualité de conciliateur la SELARL AJJIS représentée par Maître [X] [E].

Une première réunion avec les créanciers de la société a eu lieu le 23 mars 2011 en vue de l'élaboration et de la signature d'un protocole d'accord conclu le même jour entre les sociétés TFP Holding et la Société d'Exploitation des Etablissements [N] d'une part, et les principaux créanciers du groupe [N] dont la société Majuscule, société coopérative de commerçants détaillants dont le groupe [N] était adhérent, le CIC Nord Ouest et la Société Générale, d'autre part.

Une deuxième réunion a eu lieu le 22 novembre 2012.

Le 30 novembre 2012, TFP Holding a émis un billet à ordre d'un montant de

200.000 euros au profit de la Société Générale, à échéance du 31 décembre 2012, avalisé par M. [R] [N], en exécution de l'article 7 du protocole d'accord.

Par courrier du 2 janvier 2013 adressé tant à la société TFP qu'à M. [N], la Société Générale décidait de ne plus accepter le renouvellement du billet à ordre de

200.000 euros qui arrivait à échéance au 31 décembre 2012 et sur lequel elle disposait de l'aval de M. [N].

Une troisième réunion a eu lieu le 7 janvier 2013.

Par jugement du 26 février 2013 le tribunal de commerce de Dunkerque a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société TFP Holding et désigné Maître [X] [E] en qualité d'administrateur, avec pour mission d'assister la société débitrice pour tous les actes de gestion.

Par jugement du 5 mars 2013 une même décision était rendue en faveur de la société des Etablissements [N].

Par jugements successifs le tribunal de commerce de Dunkerque a autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 14 janvier 2014.

Par jugement du 2 septembre 2014, le tribunal de commerce de Dunkerque a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire ordonnant la prolongation exceptionnelle de la période d'observation jusqu'au 16 décembre 2014.

Par jugement du 14 avril 2015, le tribunal de commerce de Dunkerque a arrêté le plan de redressement de la société TFP Holding et désigné Maître [E] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 9 février 2016 l'exécution du plan de redressement a été constatée avec paiement de l'intégralité du passif.

Parallèlement, la Société Générale a fait assigner le 22 février 2013, M. [R] [N] devant le tribunal de Commerce de Dunkerque pour obtenir paiement de la somme de 200.000 euros correspondant au montant de son aval donné sur le billet à ordre du

30 novembre 2012 à échéance au 31 décembre 2012, et a déclaré sa créance auprès de Maître [G] [S], mandataire judiciaire de TFP Holding pour un montant de 200.000 euros en qualité de créancier chirographaire.

Par acte d'huissier du 13 octobre 2014, M. [R] [N], la Société d'Exploitation des Etablissements [N] SAS, la société TFP Holding SARL, la SELARL AJJIS en qualité d'administrateur judiciaire de ladite société, la SELARL AJJIS en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS, Maître [G] [S] en qualité de mandataire judiciaire de ladite SARL et le même en qualité de mandataire judiciaire de ladite SAS, ont fait assigner la Société Générale en responsabilité pour obtenir paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 522.500 euros à M. [N], 1.940.363,18 euros à la société TFP Holding et 5.029.188,16 euros à la Société d'Exploitation des Etablissements [N], chacune à titre de dommages et intérêts, ainsi que de celle de 20.000 euros à chacun pour frais exposés.

La Société d'Exploitation des Etablissements [N] a quant à elle fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire rendu le 16 décembre 2014.

Le 19 novembre 2015 le juge-commissaire saisi à la requête de Maître [S] agissant en qualité de liquidateur de la Société d'Exploitation des Etablissements [N], a rendu une ordonnance au visa de l'article L 621-9 du Code de commerce, désignant

M. [L] [H], expert-comptable, afin d'établir un rapport quant aux préjudices subis et aux conséquences financières de la dénonciation par la Société Générale de son concours bancaire à hauteur de 200.000 euros le 2 janvier 2013.

Le rapport de l'expert est daté du 6 avril 2016.

Le 13 juin 2016, le tribunal de commerce de Dunkerque a été saisi d'une opposition formée par la Société Générale à l'encontre de l'ordonnance du 19 novembre 2015.

Par jugement du 17 octobre 2016, le tribunal de commerce de Dunkerque a déclaré irrecevable cette opposition et appel a été interjeté par la banque devant la cour d'appel de Douai.

Par ordonnance du 7 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable cet appel.

Dans le cadre de la présente procédure, par jugement du 28 mai 2018, le tribunal a essentiellement rejeté la demande tendant à voir écarter le rapport de M. [H] et

toutes pièces à l'origine de ce document et a condamné la Société Générale à payer conjointement à la SARL TFP Holding et à M. [R] [N] la somme de

10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et celle de 15.000 euros pour indemnité de procédure.

Sur les mises hors de cause de la SELARL AJJIS en qualité, d'une part d'administrateur judiciaire de la SARL TFP Holding, et d'autre part d'administrateur judiciaire de la Société d'Exploitation des Etablissements [N], ainsi que Maître [G] [S] en qualité, d'une part de mandataire judiciaire de ladite SARL, et d'autre part de mandataire judiciaire de ladite SAS

Ces mises hors de cause des administrateurs et mandataires judiciaires respectifs du fait de la cessation respectives de leurs fonctions durant l'instance n'étant contestées ni par les appelants ni par l'intimée, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la demande de rejet des débats du rapport de M. [H]

Pour solliciter le rejet des débats du rapport de M. [H], la banque soutient que celui-ci a été obtenu en fraude de ses droits, de façon non contradictoire et déloyale alors qu'une procédure était en cours, qu'une procédure de référé était possible et que sa responsabilité est présumée.

Aux termes de l'article L621-9 du Code du commerce sur le fondement duquel a été rendue l'ordonnance du 19 novembre 2015 à la requête de Maître [S] agissant en qualité de liquidateur de la Société d'Exploitation des Etablissements [N] :

'Le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.

Lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L. 621-4 de désigner un ou plusieurs experts. Les conditions de la rémunération de ce technicien sont fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Le président du tribunal est compétent pour remplacer le juge-commissaire empêché ou ayant cessé ses fonctions. L'ordonnance par laquelle il est pourvu au remplacement est une mesure d'administration judiciaire'.

Selon l'article R621-23 du même code, 'Avant de désigner un technicien en application de l'article L. 621-9, le juge-commissaire recueille les observations du débiteur. Toutefois, lorsqu'il apparaît fondé de ne pas appeler de partie adverse, le juge-commissaire statue non contradictoirement. (...)'

Il résulte de ces dispositions que le juge-commissaire peut, s'il l'estime nécessaire, désigner un technicien en vue d'une mission qu'il détermine. Cette compétence est exclusive de celle du tribunal et le recours au technicien est exclusif de la désignation par le juge des référés d'un expert sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, la désignation d'un technicien peut être utilisée au préalable à une action en responsabilité et peut intervenir à tout moment, même après la délivrance d'une assignation. Il suffit pour le juge-commissaire, qui n'est pas tenu de statuer contradictoirement, de recueillir les observations du débiteur.

Enfin, il n'est pas nécessaire que le rapport du technicien soit établi de façon contradictoire, il suffit qu'il soit versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.

En l'espèce, l'estimant nécessaire sur le fondement invoqué, le juge-commissaire a désigné un technicien en vue d'une mission qu'il a déterminée et le rapport de ce dernier a été communiqué dans le cadre de la procédure.

Il n'y a donc aucun mode de preuve illicite obtenu en fraude des droits de la Société Générale et la demande de retrait des débats du rapport de M. [H] doit être rejetée, celui-ci étant soumis à la contradiction des parties et au pouvoir d'appréciation de la cour.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les fautes de la Société Générale

Les appelants font grief aux premiers juges d'avoir considéré qu'ils ne démontraient aucune faute de la banque qui soit propre à valoir réparation alors que selon eux la banque a agi en violation de l'article 7 du protocole du 23 mars 2011 renvoyant aux dispositions de l'article L313-12 du Code monétaire et Financier, des articles 15, 16 et 17 dudit protocole et des articles L611-8 et L611-10 du Code de commerce ainsi que des droits de l'avaliste.

La Société Générale sollicite quant à elle la confirmation de la décision en ce qu'elle indique qu'aucune faute de la banque, propre à valoir réparation, n'était démontrée.

Selon l'article 7 du protocole du 23 mars 2011 signé dans le cadre de la procédure de conciliation ouverte par ordonnance du 29 novembre 2010 à l'égard des sociétés du groupe [N] :

Les intérêts relatifs à ces concours seront honorés normalement durant cette période.

A compter du 1er janvier 2013, les crédits de trésorerie redeviendront des concours à durée indéterminée qui pourront faire à tout moment l'objet d'une dénonciation selon les termes de l'article L313-12 du Code monétaire et Financier.$gt;$gt;

Aux termes de l'article L313-12 du Code monétaire et Financier dans sa version alors applicable :

'Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

L'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.

Le non respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit'.

Il résulte des stipulations de l'article 7 du protocole précité que les concours bancaires à court terme devaient être maintenus jusqu'au 31 décembre 2012 par la Société Générale, et le billet à ordre renouvelé jusque cette date, et qu'au-delà de ce terme, les crédits de trésorerie redevenaient des concours à durée indéterminée pouvant être dénoncés par la banque avec un préavis écrit de 60 jours visé à l'article L312-12 du Code monétaire et financier.

En vertu de ces stipulations spéciales et contrairement à ce que soutiennent les appelants, la banque n'était donc pas tenue de maintenir son concours jusqu'au terme du protocole fixé au 28 février 2013.

En l'espèce, un billet à ordre a été émis par la société TFP Holding au profit de la Société Générale de [Localité 7] le 30 novembre 2012 à échéance du 31 décembre 2012.

Par lettre recommandée du 2 janvier 2013 réceptionnée le 3 janvier 2013 par la société TFP Holding , la Société Générale indiquait :

Nous faisons suite au protocole d'accord signé le 23/0312011 et vous rappelons vous avoir consenti un crédit de trésorerie de 200.000,00 euros.

Le billet de trésorerie de 200.000,00 euros ne sera pas renouvelé après l'échéance du 31/12/2012, et devient exigible.

Nous vous remercions de bien vouloir nous faire connaître les modalités d'apurement de ce concours.

Nous vous remercions, en conséquence, de bien vouloir prendre toutes dispositions, à compter de cette date, pour ne plus utiliser cette ligne de crédit, votre compte

n° [XXXXXXXXXX01] devant désormais fonctionner en position créditrice.

Conformément à l'article L 313-12 du code monétaire et financier, nous vous informons que le compte n° [XXXXXXXXXX01] sera clôturé à l'issue d'un préavis de 60 jours, soit le 2 mars 2013.

Nous vous informons que vous avez la possibilité de saisir de votre dossier le Médiateur du Crédit aux entreprises soit par fil au n° Azur [XXXXXXXX03] ou par courriel sur le site Internet: http://wwwmediateurducredit.fr .

Si vous souhaitez avoir recours à cette procédure, nous vous invitons à déposer un dossier sans délai auprès du Médiateur du Crédit.

Nous restons à votre disposition pour vous rencontrer$gt;$gt;.

Par lettre recommandée avec accusé de réception également du 2 janvier 2013, réceptionnée le 3 janvier suivant, la banque indiquait à M. [R] [N] que le billet à ordre émis en date du 30/11/2012 pour un montant de 200.000 euros, tiré par la société TFP Holding était arrivé à échéance le 31/12/2012, et lui demandait de lui faire connaître sous huitaine ses propositions de règlement en qualité d'avaliste de ce billet de trésorerie de 200.000 euros.

S'il n'existait aucun différend devant être réglé préalablement à l'amiable au sens de l'article 16 du même protocole, la banque ne pouvait cependant ni se prévaloir de l'exigibilité immédiate du concours ni exiger que le compte fonctionne en position créditrice avant l'expiration du délai de préavis de 60 jours.

D'ailleurs, par courrier du 18 janvier 2013 la banque apportait 'une rectification en ce qui concerne le courrier de dénonciation de la société Générale au titre du billet de trésorerie de 200K€' et indiquait que 'ce billet est devenu exigible le 1er janvier 2013. Il a été placé sur un compte d'impayés. La dénonciation ne vise que le compte bancaire avec préavis de 60 jours qui viendra à échéance le 2 mars 2013'.

Enfin par courriel du 30 janvier 2013 elle indiquait que ' Le crédit de trésorerie est venu à échéance le 31. 12. 2012, il n'a pas été renouvelé (contrairement à ce que semble avancer votre message) et a été placé aux impayés (et non pas au débit du compte).

Notre banque a donc fait connaître cette position dès le début de l'année 2013, et s'agissant du compte bancaire un préavis de 60 jours a été lancé.

Il faut donc distinguer le sort du billet de celui du compte bancaire, seul ce dernier est placé sous l'exigence du préavis L313-12 du CMF'.

La clause d'exigibilité anticipée prévue à l'article 17 du protocole n'a donc pas vocation à s'appliquer, pas plus que la possibilité de médiation conventionnelle prévue au protocole en cas de différends qui viendraient à naître quant à la validité, l'interprétation, l'exécution ou le défaut d'exécution du protocole.

Par ailleurs, il est constant que le donneur d'aval est tenu comme la caution solidaire. La banque pouvait donc actionner M. [R] [N] en sa qualité d'avaliste dès lors que l'effet n'était pas honoré à son échéance même si elle ne pouvait poursuivre le débiteur principal.

Enfin la Société Générale n'a engagé aucune action en justice ni aucune poursuite individuelle contre la société débitrice.

Cependant, il a été dit qu'elle a rompu le crédit sans respecter le préavis de 2 mois et ce en violation de l'article 7 du protocole du 23 mars 2011 signé dans le cadre de la procédure de conciliation. Elle a donc commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Pour autant, les appelants doivent prouver les préjudices qu'ils invoquent ainsi que le lien de causalité entre ceux-ci et la faute de la banque.

Or, indépendamment du fait de savoir si la situation de la société TFP Holding et de sa filiale était irrémédiablement compromise au 2 janvier 2013, ce qui dispensait la Société Générale de respecter le délai de préavis légal, il y a lieu de constater que ne figure sur les relevés du compte courant de la société aucun rejet de paiement, qu'au contraire tous les paiements ont continué à être honorés et que le crédit n'a pas été interrompu pendant la durée du préavis, que le crédit de trésorerie a été placé sur un compte d'impayés et que, dans le cadre de la procédure collective, la banque a déclaré une créance de

200.000 euros correspondant au montant de son concours. Ces éléments ne sont pas démentis par M. [H] dans son rapport du 6 avril 2016.

Les appelants ne peuvent donc utilement soutenir que la faute de la banque consistant à n'avoir pas respecté un préavis de deux mois est à l'origine de la procédure collective dont ont fait l'objet la société TFP Holding et la société des Etablissements [N], la date d'exigibilité en janvier ou en mars 2013 d'une somme de 200.000 euros étant sans influence sur un exercice difficile et des résultats médiocres en 2012 selon

M. [H] qui indique également dans son rapport que 'les effets dominos évoqués trouvent leur origine notamment dans la production d'un prévisionnel de trésorerie qui s'est avéré a priori plus pessimiste par rapport à ce qui s'est déroulé et a été constaté en réalité' et que 'dans un premier temps ces dénonciations (celles de la Société Générale et du CIC) n'ont pas eu d'impact direct sur la trésorerie immédiate du groupe', mettant alors uniquement en avant l'ouverture des procédures de sauvegarde qui ont entraîné une rupture du crédit fournisseur et une réduction drastique de la part de la coopérative Majuscule.

C'est donc par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que les appelants n'ont subi aucun préjudice du fait de la faute de la Société Générale, en ce compris une perte de chance, sauf à tenir compte cependant du caractère précipité de la dénonciation du concours le 2 janvier 2013 par rapport à sa transformation la veille seulement en concours à durée indéterminée, sans nouvelle réunion qui aurait permis une ultime vérification de l'avancement des réalisations d'actifs envisagées, lesquelles au demeurant n'ont pas été réalisées.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que seule la société TFP Holding et M. [N] pouvaient prétendre à réparation à ce titre et leur a accordé en réparation la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts, laquelle somme est de nature à réparer leur entier préjudice.

Sur les autres demandes

La société Générale qui succombe ne peut voir prospérer sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Elle sera en revanche condamnée aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Enfin il n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque.

Déboute la Société Générale de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne la Société Générale aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffierLa présidente

Stéphanie HurtrelVéronique Renard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 18/03214
Date de la décision : 10/10/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°18/03214 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-10;18.03214 ?
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