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19/09/2019 | FRANCE | N°17/01772

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 19 septembre 2019, 17/01772


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 8 SECTION 1



ARRÊT DU 19/09/2019



****





N° de MINUTE : 19/922

N° RG 17/01772 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QRN4



Jugement rendu le 21 octobre 2014 par le tribunal de grande Instance de Lille

Arrêt rendu le 9 juillet 2015 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° 59 FD) rendu le 11 janvier 2017 par le cour de cassation de Paris





DEMANDEURS A LA DÉCLARATION DE SAISIN

E



Monsieur [A] [J]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 2]



Madame [E] [H]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentés par Me Elisabeth Chevan...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 19/09/2019

****

N° de MINUTE : 19/922

N° RG 17/01772 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QRN4

Jugement rendu le 21 octobre 2014 par le tribunal de grande Instance de Lille

Arrêt rendu le 9 juillet 2015 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° 59 FD) rendu le 11 janvier 2017 par le cour de cassation de Paris

DEMANDEURS A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Monsieur [A] [J]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 2]

Madame [E] [H]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentés par Me Elisabeth Chevanne, avocat au barreau de Lille et Me Richard Jonemann, avocat au barreau deParis

DÉFENDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINE

Société Crédit Agricole prise en la personne de Monsieur [C] [Z], chef du service juridique

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Colliere, président de chambre

Emilie Pecqueur, conseiller

Maria Bimba Amaral, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

DÉBATS à l'audience publique du 12 Juin 2019 après rapport oral de l'affaire par Sylvie Collière

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Colliere, président, et Betty Moradi, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 juin 2019

****

EXPOSE DU LITIGE

La Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel Nord-de-France a consenti à M. [A] [J] et à Mme [E] [H] épouse [J], pour l'acquisition de deux appartements à [Localité 3] et l'exécution de travaux, deux prêts immobiliers, formalisés par actes authentiques les 17 et 23 octobre 2008, à un taux effectif global (TEG) de 5,8581 % l'an pour le premier et de 5,7823 % l'an pour le second.

Le 18 juin 2013, les emprunteurs, soutenant que les TEG mentionnés étaient erronés, ont assigné la banque devant le tribunal de grande instance de Lille en déchéance des intérêts conventionnels et, subsidiairement, en nullité de leur stipulation et en substitution du taux d'intérêt légal.

Par jugement du 21 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Lille a déclaré leurs demandes recevables, les a déboutés de toutes leurs demandes et condamnés aux dépens et a dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure.

Sur appel des époux [J], la cour d'appel de Douai, par arrêt en date du 9 juillet 2015 a confirmé le jugement déféré en ses dispositions disant recevables les demandes des époux [J], déboutant ces derniers de leur demande de déchéance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France du droit aux intérêts et disant n'y avoir lieu à indemnité de procédure, infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau :

- prononcé la nullité des stipulations d'intérêts mentionnées dans les contrats de prêt immobiliers n° 99144143015 et 99144142795 respectivement conclus en la forme authentique les 17 et 23 octobre 2008 entre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France et les époux [J] ;

- dit en conséquence que le taux légal se substituerait au taux conventionnel pour chacun de ces prêts et ce dès la date de conclusion de ces contrats ;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, pour les intérêts échus et déjà réglés, à restituer à M. et Mme [J] la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et faculté de les capitaliser conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, pour les intérêts à échoir, à émettre pour chacun des deux prêts et à communiquer dans les meilleurs délais aux époux [J] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux légal en cours, ce tableau devant être actualisé en fonction des variations annuelles de ce taux ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte ;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France aux entiers dépens de première instance ;

Y ajoutant,

- débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France de sa demande reconventionnelle aux fins de dommages et intérêts ;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France à verser en cause d'appel à Monsieur et Madame [A] [D] une indemnité de procédure de 1 500 euros, la banque débitrice de cette somme étant elle-même déboutée de sa propre prétention indemnitaire à cette fin ;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France aux entiers dépens d'appel.

Sur pourvoi de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, la Cour de cassation, par arrêt du 11 janvier 2017, a statué dans les termes suivants :

'Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des stipulations d'intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers, de leur substituer le taux légal, et de la condamner à restituer aux emprunteurs la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable et, pour les intérêts à échoir, à communiquer aux emprunteurs un nouveau tableau d'amortissement, alors, selon le moyen, que sont intégrés dans le calcul du TEG mentionné à l'acte de prêt les frais notariés liés à l'octroi de ce prêt, peu important la dénomination sous laquelle ils sont désignés par cet acte ; qu'en affirmant que les honoraires du notaire liés à l'octroi des prêts et fixés par les factures invoquées à 336,93 euros et 363,34 euros hors taxe n'étaient pas inclus dans les sommes de 831,72 et 824,68 euros mentionnées aux actes authentiques des 17 et 23 octobre 2008, sous la rubrique « frais de prise de garantie » pris en compte pour le calcul du TEG, sans rechercher si, sans ces honoraires, ces « frais de prise de garantie » n'auraient pu s'élever à de telles sommes, comme il résultait des factures indiquant des coûts de formalités ne concernant que partiellement la prise de garantie, inférieurs à ces sommes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, en leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 applicable à la cause, ensemble l'article 1907 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant fait ressortir que les honoraires du notaire, acquittés par les emprunteurs, étaient tarifés et déterminables lors de la signature des actes authentiques des 17 et 23 octobre 2008, au sein desquels ils ne figuraient pas, que les factures adressées par le notaire aux emprunteurs les mentionnaient, de sorte que la banque avait ainsi été en mesure de les chiffrer et de les faire apparaître dans les documents contractuels, la cour d'appel, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur la seconde branche du moyen :

Vu les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, devenus L. 314-1, L. 314-2 et R. 314-2, alinéa 3, du même code, en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1907 du code civil ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que le TEG des deux prêts litigieux n'intègre pas les frais d'officier ministériel, de sorte que la stipulation d'intérêts mentionnée dans chaque contrat doit être considérée comme erronée et tenue pour nulle dès la date de signature de chaque prêt ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les emprunteurs établissaient que le TEG mentionné présentait un écart supérieur ou égal à la décimale avec le TEG réel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.'

Par déclaration en date du 15 mars 2017 adressée par la voie électronique, les époux [J] ont saisi la cour d'appel de Douai.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 9 janvier 2019, ils demandent à la cour au visa des articles L. 312-7, L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 II du code de la consommation, 6, 1907 et 1154 du code civil, d'infirmer le jugement déféré et en conséquence de :

- dire que les seuls TEG qui devaient être exprimés dans les actes authentiques de prêt des 17 et 23 octobre 2008 sont ceux tenant compte des périodes d'anticipation,

- constater que les actes authentiques de prêt des 17 et 23 octobre 2008 ne font pas état, pour ces TEG tenant compte des périodes d'anticipation, des taux de période alors même pourtant que ces indications étaient une condition requise à titre de validité des stipulations d'intérêts,

- juger que l'absence d'indication, dans les actes authentiques de prêt des 17 et 23 octobre 2008, des taux des période des TEG tenant compte des périodes d'anticipation entraîne en conséquence la nullité des stipulations d'intérêts conventionnels,

- prononcer la nullité des stipulations d'intérêts conventionnels et compte tenu de la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel :

* pour les intérêts échus et réglés des deux prêts de :

condamner le Crédit Agricole à procéder, à un recalcul des intérêts sur le capital emprunté après substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel,

condamner le Crédit Agricole à répéter, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt, les sommes correspondant à la différence entre les intérêts perçus et les intérêts tels que déterminés après que le recalcul ait été effectué,

* pour les intérêts à échoir des deux prêts, de condamner le Crédit Agricole :

sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard après un délai de 7 jours suivant l'arrêt à produire un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux d'intérêt légal en vigueur au moment de l'arrêt,

à produire chaque semestre, dans un délai de 7 jours suivant la publication du décret fixant le taux d'intérêt légal pour chaque semestre, et sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, un tableau d'amortissement tenant compte du nouveau taux d'intérêt légal,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France de toutes ses demandes.

Ils font observer en substance que :

- la question de l'intensité de l'erreur affectant les TEG (supérieure ou non à une décimale) est en tout état de cause, sans incidence sur la résolution du litige ;

- le TEG doit être exprimé en tenant compte de la période d'anticipation maximale prévue au contrat ;

- l'absence d'indication du taux de période dans un acte authentique de prêt doit être sanctionnée par la nullité des stipulations d'intérêts ; en l'espèce, les actes authentiques font mention de deux TEG (un TEG sans prise en compte de la période d'anticipation et un TEG tenant compte de la période d'anticipation) ; or, les TEG tenant compte de la période d'anticipation, qui seuls auraient dû être mentionnés, ne font pas état des taux de période.

Aux termes de ses dernières écritures du 15 mai 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France demande à la cour de :

- au titre de la demande de déchéance du droit aux intérêts, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [J] de cette demande ;

- au titre de la demande d'annulation de la stipulation de la clause d'intérêts, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [J] de cette demande ;

- en toutes hypothèses, condamner les époux [J] à lui verser les sommes de :

* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive;

* 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable de M. [I] ;

ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Mespelaere en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- l'action en nullité de stipulation d'intérêts doit être déclarée irrecevable, faute de fondement juridique ; en tout état de cause, l'action des époux [J] doit être déclarée irrecevable pour défaut du droit d'agir car ils ont confirmé ou ratifié la nullité de l'acte dont ils se prévalent ;

- les époux [J] ne rapportent pas la preuve d'un écart entre le TEG réel et le TEG affiché dépassant le seuil de la décimale, prescrit par l'article R. 313-1 du code de la consommation ; ils ne démontrent pas concrètement en quoi le calcul serait erroné, en se contentant de façon gratuite d'indiquer que les offres de prêt ne prendraient pas en compte les frais de notaire liés à la forme authentique ; ils ne tirent aucune conséquence de la décision de la cour de cassation;

- subsidiairement :

* il n'est pas démontré par les époux [J] que les honoraires du notaire liés à l'octroi des prêts n'étaient pas inclus dans les sommes mentionnées aux actes authentiques des 17 et 23 octobre 2008 sous la rubrique 'frais de prise de garantie' ; elle démontre en tout état de cause que, la circonstance que les frais de notaire ne soient pas pris en compte n'a aucun impact sur la décimale prescrite à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

* le TEG en fonction de la périodicité mensuelle est indiqué sur chaque acte ; un taux de période déterminé à l'avance tenant compte de la période d'anticipation n'a pas de sens car les dates auxquelles les déblocages partiels, qui provoqueront le point de départ du cours des intérêts intercalaires ne sont pas connues au moment de l'acceptation de l'offre de prêt ;

* les époux [J] ne rapportent pas la preuve d'un quelconque préjudice de perte de chance ;

* en matière de prêt immobilier comme en l'espèce, l'irrégularité d'un TEG est sanctionnée par la déchéance partielle ou totale des droits aux intérêts à la discrétion du juge, ainsi que le prévoit l'article L. 312-33 du code de la consommation ; ce pouvoir doit s'exercer dans le respect du principe posé par l'article 38 paragraphe 1 de la Directive du 4 février 2014 rappelé par la CJUE, selon lequel une sanction doit revêtir un caractère proportionné.

MOTIFS

La Caisse soutient en premier lieu que la demande en nullité de la stipulation d'intérêts formée par les époux [J] serait irrecevable pour un double motif. Or :

- d'une part, aucune demande tendant à voir déclarer la demande des époux [J] irrecevable ne figure pas dans le dispositif des conclusions de la banque de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile aux termes duquel 'la cour ne statue que les prétentions énoncées au dispositif', la cour ne statuera pas sur la recevabilité de la demande des emprunteurs ;

- d'autre part et en tout état de cause, l'arrêt du 9 juillet 2015 a, par des dispositions désormais définitives, déjà statué sur la recevabilité de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts au vu d'autres fins de non recevoir soulevées par la Caisse et il appartenait à cette dernière, avant qu'il ne soit statué sur sa demande d'irrecevabilité, d'exposer l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à fonder celle-ci.

Sur la demande en nullité de la stipulation d'intérêts :

Dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt cassé du 9 juillet 2015, les époux [J] soutenaient à l'appui de leur demande en nullité des stipulations d'intérêts mentionnées dans les actes des 17 et 23 octobre 2008, de manière concomitante, que le TEG mentionné dans ces actes ne prenait pas en compte les honoraires de l'officier ministériel, que les TEG litigieux avaient été calculés sur la base d'une année de 360 jours et que les actes authentiques faisaient état de TEG tenant compte de périodes d'anticipation sans indiquer le taux de période, ce qui contrevenait aux dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation.

L'arrêt cassé n'a statué que sur le premier moyen soulevé par les époux [J], à savoir l'absence de prise en compte des frais du notaire dans le calcul du TEG.

Il en résulte que rien ne s'oppose à ce que les emprunteurs ne fondent plus leur demande en nullité dans le cadre de la présente instance, que sur l'absence du taux de période s'agissant des TEG tenant compte des périodes d'anticipation.

L'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, applicable au litige, dispose que : 'sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 de ce code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.'

Les dispositions de la seconde phrase de l'alinéa 1er qui imposent la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur sont applicables quelle que soit l'opération de crédit.

En l'espèce, l'acte du 17 octobre 2008 mentionne notamment :

- un prêt d'un montant de 82 671,52 euros d'une durée de 300 mois hors anticipation au taux d'intérêt annuel fixe de 5,2700 % ;

- une durée maximum d'anticipation de 24 mois ;

- un taux effectif global de 5,8581 % ;

- un taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle de 0.4882 % ;

- un taux effectif global tenant compte de l'anticipation maximum de 5,7517 %.

L'acte du 23 octobre 2008 mentionne notamment :

- un prêt d'un montant de 92 273,80 euros d'une durée de 300 mois hors anticipation au taux d'intérêt annuel fixe de 5,2700 % ;

- une durée maximum d'anticipation de 24 mois ;

- un taux effectif global de 5,7823 % ;

- un taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle de 0,4819 % ;

- un taux effectif global tenant compte de l'anticipation maximum de 5,6888 %.

Dans la mesure où les prêts litigieux comportaient une période d'anticipation de 24 mois au maximum, les intérêts intercalaires se rapportant à cette période d'anticipation maximum entraient dans la détermination des taux effectifs globaux des prêts qui s'élevaient en conséquence à 5,7517 % et à 5,6888 %.

Il en résulte que les taux de période du TEG qui devaient être mentionnés dans les contrats de prêt étaient les taux de période des TEG tenant compte de la période d'anticipation.

Or, force est de constater qu'en l'espèce, aucun des deux contrats ne mentionne ce taux, le taux de période mentionné étant celui du TEG hors anticipation.

La Caisse ne prétend pas ni a fortiori n'établit qu'elle aurait communiqué aux emprunteurs le taux de période du TEG tenant compte de la durée d'anticipation maximum dans un autre document relatif aux prêts.

Faute de communication des taux de période relatifs aux prêts, il n'a pas été satisfait aux exigences des articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation et de l'article 1907 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. La mention dans l'écrit constatant un prêt d'argent du TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt et l'inexactitude de cette mention équivaut à une absence de mention. Ainsi, la sanction est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu.

Contrairement en effet, à ce que soutient la Caisse, la sanction applicable n'est pas la déchéance du droit aux intérêts puisque d'une part, ce sont les contrats de prêt qui sont en l'espèce mis en cause et non les offres de prêt et d'autre part, et en tout état de cause, la communication du taux de période ne figure pas parmi les mentions exigées par l'article L. 312-8 du code de la consommation dont l'absence est sanctionnée, conformément à l'article L. 312-33 par la déchéance du droit aux intérêts, ces deux articles étant à prendre dans leur rédaction applicable au litige.

La substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel, sanction qui est fondée sur l'absence de consentement des emprunteurs au coût global du prêt n'a pas vocation à réparer un quelconque préjudice.

Enfin, dans la mesure où l'absence de mention du taux de période équivaut à une absence de mention du TEG, la disposition de l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, qui prévoit que le TEG est calculé avec une précision d'au moins une décimale, est sans application en l'espèce.

Dès lors, les époux [J] sont, partant, bien fondés à obtenir, par infirmation du jugement, la nullité de la stipulation d'intérêt des deux prêts.

En conséquence, il y a lieu pour chacun de ces deux contrats, à compter de sa date de signature, de substituer au taux d'intérêt conventionnel le taux légal applicable, la banque étant tenue, pour les intérêts échus et déjà réglés, de restituer aux époux [J] la différence entre les intérêts conventionnels et ceux légaux, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Pour les intérêts à échoir, la banque sera tenue d'émettre et de communiquer aux emprunteurs dans les meilleurs délais un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux légal en cours, tableau qui devra être actualisé en fonction de la variation semestrielle du taux légal, aucune astreinte n'étant à cet égard justifiée.

Sur les dommages et intérêts sollicités par la banque pour appel abusif :

L'issue de la présente instance conduit à écarter tout abus de l'appel interjeté du jugement du tribunal de grande instance de Lille, le Crédit Agricole étant ainsi débouté de sa demande indemnitaire reconventionnelle.

Sur les frais non compris dans les dépens :

Si l'équité ne justifiait pas qu'il soit arrêté en première instance une quelconque indemnité de procédure en faveur de l'une ou l'autre des parties, le jugement déféré étant en cela confirmé, il y a lieu de fixer en cause d'appel au profit des époux [J] une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens de 1 500 euros, la banque débitrice de cette somme étant elle-même déboutée de sa propre demande indemnitaire à cette fin et de celle tendant au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt de cassation du 11 janvier 2017 ;

Statuant dans la limite de la saisine ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions disant n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des stipulations d'intérêts mentionnées dans les contrats de prêt immobiliers n° 99144143015 et 99144142795 respectivement conclus en la forme authentique les 17 et 23 octobre 2008 entre la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, M. [A] [J] et à Mme [E] [H] épouse [J] ;

Dit en conséquence que le taux légal se substitue au taux conventionnel pour chacun de ces prêts et ce dès la date de conclusion de ces contrats ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, pour les intérêts échus et déjà réglés, à restituer à M. [A] [J] et à Mme [E] [H] épouse [J] la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France, pour les intérêts à échoir, à émettre pour chacun des deux prêts et à communiquer dans les meilleurs délais à M. [A] [J] et à Mme [E] [H] épouse [J] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux légal en cours, ce tableau devant être actualisé en fonction des variations annuelles de ce taux ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France de sa demande indemnitaire pour appel abusif ;

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France de sa demande en paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France à verser en cause d'appel à M. [A] [J] et à Mme [E] [H] épouse [J] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France aux dépens d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Le GreffierLe Président

Betty MoradiSylvie Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 17/01772
Date de la décision : 19/09/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°17/01772 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-19;17.01772 ?
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